Année 33
— Jésus revient à Béthanie.
— Festin chez Lazare.
— Départ de Béthanie.
— Arrivée à Bethphagé au pied du mont des Oliviers.
— Entrée triomphale de Jésus à Jérusalem.
— Jésus chasse, pour la seconde fois, les marchands du Temple.
—Ses dernières prédications dans le temple.
— Noirs projets de ses ennemis.
— Des gentils de Bethsaïda demandent à voir Jésus.
— Glorification de Jésus.
— Projet de trahison arrêté entre les ennemis de Jésus et Judas Iscariote.
— Célébration de la Pâques le jeudi soir.
— Institution de la Pâques de la Nouvelle Alliance.
— Discussion entre les Apôtres touchant la primauté.
— Jésus condamne toute primauté par son exemple, en lavant les pieds des Apôtres, et par ses paroles contre toute domination.
— Pierre, trop confiant en lui-même, humilié.
— Son reniement prédit.
— Jésus fait connaître à ses Apôtres celui qui doit le trahir.
— Derniers adieux de Jésus à ses Apôtres.
— Sa dernière prière pour eux.
— Tristesse mortelle dans le jardin de Gethsémani. — Trahison de Judas.
— Jésus chez Anne. — Triple reniement de Pierre. — Jésus chez Caïphe.
— Il est condamné à mort.
— Insultes qu’il a supportées.
— Jésus paraît le matin devant le sanhédrin.
— Il est condamné à mort.
— Il est conduit à Ponce-Pilate.
— Jésus chez Hérode.
— On le ramène chez Pilate.
— On lui préfère Barabbas.
— Vains efforts de Pilate pour le sauver.
— Jésus flagellé et méprisé dans le prétoire.
— Il est conduit au Calvaire et crucifié entre deux criminels.
— Jésus sur la croix.
— Sa mort.
— Sa sépulture.
— Sa résurrection.
— Apparitions de Jésus en Judée.
— Les Apôtres en Galilée.
— Apparitions en Galilée.
— Retour des Apôtres à Jérusalem.
— Ascension de Jésus au ciel.
La Pâques s’approchait1 ; un grand nombre de Juifs se rendaient d’avance à Jérusalem, afin de se purifier avant la fête. Ils cherchaient Jésus, s’entretenaient de lui dans le temple, et disaient : « Pensez-vous qu’il ne viendra pas pour la fête? » Les pontifes et les pharisiens avaient ordonné à tous ceux qui connaîtraient sa retraite de la leur faire connaître, afin qu’ils pussent se saisir de lui.
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1 Jean, XI; 55-56.
Six jours avant la Pâques1, Jésus revint à Béthanie, où il avait ressuscité Lazare. On donna un festin en son honneur. Marthe servait et Lazare était à table, au milieu des conviés. Marie s’approcha de Jésus, lui versa sur les pieds une livre d’un parfum très-précieux, et les essuya avec ses cheveux. La maison entière en fut embaumée.
Déjà, chez Simon-le-Lépreux, Marie avait donné à Jésus cette marque de son respect et de son amour2. Un des Apôtres, Judas Iscariote, le trouva mauvais. Cet homme qui devait trahir son Maître regretta qu’on eût ainsi perdu une somme de trois cents deniers, « Il eût mieux valu, disait-il, donner cet argent aux pauvres ; » ce n’est pas qu’il se souciât d’eux, mais il était porteur des aumônes que l’on donnait à Jésus, et il les volait. Jésus, qui connaissait les sentiments de son faux disciple, ne fit paraître aucune émotion : il excusa Marie : « Laissez-la faire, dit-il, ce parfum sera celui de ma sépulture ; vous aurez toujours des pauvres parmi vous, et moi, vous ne m’aurez pas toujours. »
On apprit à Jérusalem que Jésus était à Béthanie. On y accourut en foule, non-seulement pour Jésus, mais pour voir Lazare ressuscité. Les chefs des prêtres3 conçurent alors le dessein de tuer Lazare avec Jésus, parce que le miracle de sa résurrection avait donné la foi à un grand nombre de Juifs.
Le lendemain, c’est-à-dire cinq jours avant Pâques, Jésus prit le chemin de Jérusalem. Lorsqu’il fut arrivé entre Béthanie et Bethphagé4, village situé au pied du mont des Oliviers, il dit à deux de ses disciples : « Allez au village qui est près d’ici ; en y entrant, vous trouverez un ânon sur lequel personne ne s’est encore assis ; déliez-le et amenez-le. Si quelqu’un vous dit : « Pourquoi le déliez-vous? » vous répondrez : « Le Maître en
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1 Jean, c. XII; 1-12.
2 Jean, c. XI; 2.
3 Les chefs des prêtres dont il est souvent fait mention dans l’Evangile, et particulièrement à l’époque de la passion, étaient les chefs des vingt-quatre familles sacerdotales qui remplissaient, à tour de rôle, les fonctions prescrites par la loi dans le temple.
4 Luc, XIX; 29-45. – Jean, XII; 12-18.
a besoin. » Les envoyés partirent et trouvèrent l’ânon comme il leur avait été dit. Lorsqu’ils le délièrent, ceux à qui il appartenait leur dirent : « Pourquoi déliez-vous cet ânon ? » Ils répondirent : « Parce que le Maître en a besoin. » Ils l’amenèrent à Jésus qui monta dessus pour gravir la montagne1. Quelques-uns avaient mis leurs vêtements sur l’ânon, d’autres les jetaient sur le chemin. Lorsque Jésus fut arrivé sur le penchant de la montagne, du côté de Jérusalem, une foule de disciples avertis de son arrivée coururent à sa rencontre. Tous parlaient avec enthousiasme des miracles dont ils avaient été témoins. Parmi eux, plusieurs avaient assisté à la résurrection de Lazare ; d’autres venaient d’apprendre ce miracle. Tous accouraient avec des branches de palmier à la main ; arrivés près de lui, ils faisaient retentir l’air de ces cris de triomphe : « Hosanna ! Béni soit le roi d’Israël qui vient au nom du Seigneur ! Paix dans le ciel ! Gloire dans les hauteurs célestes ! »
Jésus voulait entrer à Jérusalem comme le roi de paix, dont le prophète avait écrit2 : « Ne crains point, fille de Sion ! Voici que ton roi arrive, assis sur un ânon. » Alors, les disciples ne comprenaient pas cette entrée à Jérusalem, mais, après la glorification de Jésus, ils se rappelèrent la prophétie qui l’avait annoncée.
Des pharisiens s’étaient mêlés aux disciples et étaient jaloux de leurs acclamations. Ils dirent à Jésus : ce Maître, impose donc silence à tes disciples. — S’ils se taisaient, leur répondit-il, les pierres crieraient à leur place. » Lorsqu’il toucha à la ville, il jeta les yeux sur elle, et dit en versant des larmes : « Toi aussi, si tu avais connu en ce jour ce qui t’aurait procuré la paix ! mais tout cela est caché à tes yeux pour le moment ; des jours viendront où tes ennemis t’environneront de tranchées et te serreront de toutes parts ; ils
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1 Saint Mathieu remarque (XXI; 7) qu’il y avait une ânesse avec l’ânon. Des critiques ont cru spirituel de dire que Jésus n’avait pu monter sur les deux à la fois. Il est triste de lire de telles pauvretés dans des ouvrages dont les auteurs veulent être pris au sérieux.
2 Zach., IX; 9.
te jetteront à terre, toi et tes enfants qui seront dans tes murs; ils ne laisseront pas de toi une pierre sur une autre, et cela, parce que tu n’as pas connu le temps où tu as été, visitée. »
Etant entré dans le temple1 il en chassa ceux qui y vendaient et y achetaient, en leur disant : « Ma maison est une maison de prière, et vous en faites une caverne de voleurs. »
A la Pâques qu’il avait célébrée au début de sa vie évangélique, Jésus avait déjà chassé les marchands du temple. A la dernière Pâques, il voulut de nouveau condamner les profanations de la maison de Dieu. Chaque jour, il s’y rendait. Les chefs des prêtres, les scribes et les princes du peuple cherchaient les moyens de le perdre, mais ils ne savaient à quoi s’arrêter, car tout le monde était comme suspendu à ses lèvres lorsqu’il parlait.
Arrivé à Jérusalem cinq jours avant Pâques, Jésus enseigna dans le temple pendant trois jours.
Un de ces jours2 qu’il évangélisait, les chefs des prêtres, des scribes et des anciens vinrent lui dire : « Dis-nous de quel droit tu agis ainsi? qui t’a donné un tel pouvoir? » Jésus leur répondit : « Je vous demanderai aussi une chose, répondez-moi : Est-ce au nom de Dieu que Jeanbaptisa.it, ou bien sa mission était-elle humaine? » Ils se dirent en eux-mêmes : si nous répondons qu’il venait de Dieu, il nous demandera pourquoi nous n’y avons pas cru ; si nous disons que sa mission était humaine, le peuple nous lapidera. Ils répondirent donc qu’ils ne savaient pas. « Eh bien, répondit Jésus, je ne vous dirai pas de quel droit j’agis. » S’adressant alors au peuple, il exposa cette parabole : « Un homme planta une vigne et la loua à des vignerons, il fut absent pendant longtemps. Un jour il envoya aux vignerons un serviteur afin qu’ils lui donnassent le revenu de la vigne ; ceux-ci, après l’avoir frappé, le renvoyèrent sans rien lui donner ; il envoya un autre
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1 Luc, XIX; 45-48.
2 Luc, XX; 1-38.
serviteur ; les vignerons, après l’avoir battu et accablé d’injures, le renvoyèrent sans rien lui donner. Il en envoya un troisième ; les vignerons le chassèrent après l’avoir couvert de blessures. Le maître de la vigne dit alors : « Que ferai-je? je leur enverrai mon fils bien- aimé ; peut-être qu’en le voyant, ils le respecteront ». Les vignerons l’ayant aperçu dirent entre eux : « Voici « l’héritier, tuons-le, et l’héritage nous appartiendra. » L’ayant conduit hors de la vigne, ils le tuèrent. Que fera maintenant le maître de la vigne ? il viendra, tuera les vignerons et louera sa vigne à d’autres ! — Jamais ! s’écrièrent les Juifs orgueilleux qui s’imaginaient que Dieu avait contracté avec eux une alliance éternelle et qu’il dédaignait les autres peuples. — Cependant, leur dit Jésus, en fixant les yeux sur eux, que signifie cette parole de l’Ecriture : « La pierre que les constructeurs ont rejetée, est devenue la principale de l’angle ; celui qui tombera sur cette pierre, s’y brisera ; celui sur lequel elle tombera, sera écrasé? » Ces allusions aux crimes du peuple juif contre les prophètes ; au crime qu’ils allaient bientôt commettre contre le Fils de Dieu ; et à leur condamnation, ne faisaient qu’irriter les ennemis de Jésus ; ils auraient bien voulu le saisir, mais ils avaient peur du peuple. Ils conçurent alors le projet de lui arracher quelque parole compromettante qu’ils rapporteraient au gouverneur romain, afin de le faire arrêter par lui. Ils lui envoyèrent des espions qui vinrent lui dire avec hypocrisie : « Maître, nous savons que tu parles et enseignes avec rectitude ; que tu ne considères point la qualité des personnes, et que tu enseignes la voie de Dieu en vérité; dis-nous donc s’ils nous est, ou non, permis de payer le tribut à César? » Jésus, qui connaissait leur ruse, leur dit : « Pourquoi me tendez-vous un piège ? montrez- moi la pièce de monnaie ? de qui est cette image et cette inscription ? — De César, répondirent-ils. — Puisque cette monnaie est de César, rendez-lui ce qui est à lui ; et rendez aussi à Dieu ce qui appartient à Dieu. » Ils ne purent qu’admirer cette réponse et se taire.
Des sadducéens arrivèrent à leur tour. Ces sectaires
niaient la résurrection. Ils se crurent habiles en supposant que sept frères avaient épousé successivement la même femme conformément à la loi mosaïque, qui ordonnait au frère d’épouser la veuve de son frère mort sans enfants. « Après la résurrection, dirent les sadducéens, auquel des sept appartiendra la femme ? » Jésus leur répondit qu’elle n’appartiendrait à aucun d’entre eux, pour cette raison : qu’après la résurrection, les élus seraient comme les anges de Dieu qui n’ont pas de femmes. Puis il leur proposa à son tour une question : « Vous niez la résurrection ? Cependant Moïse a appelé Dieu le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob. Or, Dieu n’est pas le Dieu des morts, mais des vivants. — C’est très-bien répondu, dit un des scribes qui se trouvait là. » Jésus leur proposa une autre question : « Comment dit-on que le Christ est fils de David, lorsque David lui-même, au livre des Psaumes, l’appelle son Seigneur ? »
La réponse, c’est que, fils de David selon la chair, le Christ était son Seigneur comme Fils de Dieu. Mais les scribes et les sadducéens se gardèrent bien de répondre ainsi. C’est pourquoi, s’adressant à ses disciples de manière à être entendu de la foule, Jésus leur dit : « Gardez-vous bien des scribes qui veulent marcher en grand costume, qui aiment les salutations sur la place publique, les premières chaires dans les synagogues, et les premières places dans les festins ! qui dévorent les biens des veuves et qui feignent de prier longtemps. Ils seront frappés d’une condamnation plus grave que les autres. »
Jetant les yeux vers la salle du Trésor1, il vit des riches qui mettaient leurs aumônes dans les troncs, et une veuve très-pauvre qui y mettait deux petites monnaies de cuivre. « Cette veuve, dit-il, a mis plus que les autres, car elle a pris sur son nécessaire, et les autres ont mis de leur superflu. »
Quelqu’un vantant les belles pierres employées dans les constructions du temple et les présents dont il
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1 Luc, c. XXI; 1-37.
était enrichi : « Un jour viendra, dit-il, où tout cela sera détruit, à tel point qu’il n’en restera pas pierre sur pierre. » On lui dit alors : « Maître, quand cela arrivera-t-il, et à quel signe pourra-t-on le connaître ? » Il répondit en s’adressant à ses disciples : « Veillez à n’être pas séduits, car plusieurs viendront prétendant être moi ; ce sera un signe que le temps approchera ; ne les suivez pas. Quand vous entendrez parler de combats, de séditions, ne vous effrayez pas ; il faut que ces choses arrivent d’abord, mais ce ne sera pas la fin. Les nations et les royaumes s’élèveront les uns contre les autres, des tremblements de terre en certains lieux, des pestes, des famines, des signes effrayants dans le ciel, de grands prodiges auront lieu. Avant que ces choses n’arrivent, on vous saisira, on vous livrera aux synagogues, on vous mettra en prison, on vous traînera à cause de moi, devant les rois et les présidents ; cela vous servira à me rendre témoignage. Retenez bien que vous n’aurez pas à préméditer vos réponses, car je vous donnerai une éloquence et une sagesse auxquelles vos ennemis ne pourront pas résister. Vous serez livrés par des parents, des frères, des alliés, des amis, et plusieurs d’entre vous seront mis à mort ; tous vous haïront à cause de mon nom. Un cheveu de votre tête ne périra pas dans le désastre et vous devrez vivre sans inquiétude. Lorsque vous verrez Jérusalem entourée par une armée, sachez que sa désolation est proche. Alors, que ceux qui seront en Judée s’enfuient vers les montagnes ; que tous ceux qui seront dans le centre du pays, le quittent ; et que ceux qui seront en d’autres pays, n’y viennent pas ; car ces jours seront ceux de la vengeance, afin que tout ce qui est écrit soit accompli. Malheur aux femmes qui enfanteront ou nourriront pendant ces jours ! un malheur immense pèsera sur cette terre, et la colère tombera sur le peuple. Les uns périront sous le tranchant du glaive, d’autres seront emmenés captifs chez toutes les nations ; Jérusalem sera foulée aux pieds par les gentils, jusqu’à ce que les nations aient atteint le terme de leurs destinées.
Quand ce dernier temps sera arrivé, on verra des signes dans le soleil, dans la lune et dans les étoiles ; les peuples seront épouvantés du bruit que feront la mer et les flots courroucés ; les hommes sécheront de peur dans l’attente de ce qui devra arriver au monde. Les puissances des cieux seront ébranlées. Alors on verra le Fils de l’homme porté sur un nuage, venant avec une grande puissance et une grande majesté. Lorsque ces choses commenceront, levez la tête et regardez en haut, car votre rédemption sera proche. »
L’Ancienne Alliance devait être ensevelie sous les ruines de Jérusalem ; la Nouvelle Alliance sera immortelle et ne périra pas avec le monde.
La race humaine ne disparaîtra pas de la terre, que cette prophétie ne soit accomplie ; le ciel et la terre passeront, la parole du Fils de Dieu ne passera pas ; elle est vérité.
Pendant le jour, Jésus évangélisait dans le temple ; pendant la nuit, il se retirait, soit à Béthanie, soit sur la montagne des Oliviers1. La foule accourait de grand matin pour l’entendre.
Les pharisiens se disaient entre eux2 : « Vous voyez que nous n’avançons arien, et que tout le monde court après lui. » Il y avait dans le temple quelques gentils de Bethsaïda convertis au judaïsme, et qui étaient venus à la fête pour adorer Dieu. Ils s’approchèrent de Philippe qui était de la même ville et qu’ils connaissaient : « Maître, lui dirent-ils, nous voulons voir Jésus. » Philippe s’approcha et le dit à André, et tous deux le dirent à Jésus. Jésus reçut ces hommes qui devaient être les prémices de la moisson qu’il ferait dans le monde entier, en dehors du peuple d’Israël, « Voici l’heure de la glorification du Fils de l’homme, dit-il mais, en vérité, en vérité, je vous le dis, si le grain de froment jeté en terre ne meurt pas, il ne produit rien ; s’il meurt, il fructifie. Celui qui aime sa vie la perdra ; celui qui hait sa vie en ce monde la conserve pour
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1 Marc, XI; 11, 12, 19. — Luc, XXI; 37.
2 Jean, XII; 19-35.
l’éternité. Que celui qui me sert me suive! A cette condition, il me servira où je suis, et mon Père l’honorera. Pour le moment, mon âme est dans le trouble ; dirai-je : « Père, sauve-moi de cette heure? » Mais c’est pour cette heure que je suis venu en ce monde. Il vaut mieux dire : « Père ! fais éclater ton nom ! » Aussitôt une voix venant du ciel fit entendre ces mots : « Je l’ai fait et le ferai éclater. »
A cette voix, la foule s’écria : « C’est un coup de tonnerre. » D’autres disaient : « Un ange lui a parlé. » « Ce n’est pas pour moi, disait Jésus, que cette voix s’est fait entendre, mais pour vous. C’est aujourd’hui le jugement du monde ; le prince de ce monde va être chassé dehors ; lorsque je serai suspendu au-dessus de la terre, j’attirerai tout à moi. »
Il faisait allusion au supplice qu’il allait bientôt souffrir. Plusieurs, dans la foule, le comprirent et lui dirent : « La loi nous apprend que le Christ vivra toujours ; comment dis-tu qu’il faut que le Fils de l’homme soit pendu ? Quel est ce Fils de l’homme ? »
Ils auraient pu le savoir ; Jésus s’était expliqué assez clairement; il leur répondit : « Vous avez encore pour un peu de temps la lumière parmi vous ; marchez pendant qu’il fait encore jour, afin que la nuit ne vous surprenne pas. Celui qui marche dans les ténèbres ne sait où il va; tandis que vous avez la lumière, croyez à la lumière, afin que vous soyez enfants de la lumière. »
Après avoir dit ces paroles, Jésus se retira et se mit à l’abri de leurs poursuites1.
C’est en vain que Jésus disait à ses ennemis de profiter de la lumière. Ils ne voulaient pas le reconnaître, malgré les nombreux miracles qui attestaient sa mission2. Isaïe avait prédit ainsi leur aveuglement : « Seigneur, qui a cru à ton enseignement ? » Le même Isaïe avait dit : « II a aveuglé leurs yeux et endurci leur cœur, de peur qu’ils ne voient avec leurs yeux, et
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1 Jean, XII; 30.
2 Jean, XII; 37-50.
qu’ils ne comprennent avec leur cœur ; qu’ils se convertissent, et que je les guérisse1. »
Isaïe parlait ainsi, lorsque, ayant vu la gloire du Christ, il parlait de lui. Cependant, plusieurs d’entre les chefs des prêtres croyaient, mais ils n’osaient professer leur foi par crainte des pharisiens, et de peur d’être chassés de la synagogue ; ils préféraient la gloire humaine à celle de Dieu. Jésus toutefois leur avait bien dit : « Ma doctrine est celle de Dieu, je suis la lumière du monde, celui qui me voit, voit mon Père ; celui qui m’écoute, écoute mon Père ; celui qui me méprise, méprise mon Père, et un jugement sévère l’attend à la fin du monde. »
Le jour des Azymes, appelé Pâques, approchait2. Les chefs des prêtres et les scribes s’étaient réunis, deux jours avant cette fête, pour aviser aux moyens de se défaire de Jésus, lorsque Judas Iscariote vint leur proposer de le livrer ; cette proposition les remplit de joie ; le prix de la trahison fut convenu et arrêté à trente deniers ; à dater de ce moment Judas combina les moyens de le livrer à l’insu de la foule.
Le jour qui précédait la fête de Pâques3, Jésus sachant que son heure était arrivée de passer de cette terre à son Père, voulut donner un dernier témoignage d’amour à ses amis de ce monde.
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1 Is., LIII; 1. -VI; 19.
2 Luc, XXII; 1-6. — Math., XXVI ; 2-3. — Marc, XIV; 1.
3 Jean, XIII; I. Saint Jean dit que la Cène eut lieu la veille de la Pâques; les trois autres Evangélistes disent que ce fut le premier jour des Azymes où l’on devait immoler la Pâques. (Math., XXVI; 17. — Marc, XIV; 12. — Luc, XXII; 7.) Des critiques ont vu là une contradiction ; elle n’existe pas. L’an 33 de l’ère chrétienne, époque de la mort de Jésus-Christ, la Pâques tombait un vendredi. La Pâques commençait ainsi le jeudi après six heures, selon la coutume hébraïque de compter les heures du soir au soir. Une loi qui existe encore chez les Juifs talmudistes, c’est que, chaque fois qu’une des grandes fêtes juives tombe un vendredi qui est le jour de parascève ou préparation au sabbat, on la remet au lendemain. La Pâques légale commençait donc, l’an 33, le jeudi soir, et les Juifs ne durent la célébrer que le vendredi soir. C’est ce qui eut lieu en effet, puisqu’ils eurent soin que Jésus fût crucifié avant la fête, c’est-à-dire le vendredi avant six heures du soir.
C’est ainsi que le jeudi soir était véritablement le premier jour des Azymes, et en même temps la veille de la Pâques.
Jésus-Christ ne se soumettait point aux règles pharisaïques sur le sabbat. Il dut, par conséquent, célébrer la Pâques au jour légal, c’est-à-dire le jeudi après six heures.
Il dit à Pierre et à Jean1 : « Allez et préparez ce qui est nécessaire pour manger la Pâques. » Ceux-ci lui dirent : « Où veux-tu que nous la préparions ? » Il leur dit : « Voici qu’en entrant dans la ville2, vous rencontrerez un homme portant une cruche d’eau, vous le suivrez jusqu’à la maison où il entrera, et vous direz au maître de cette maison : « Le Maître te fait dire : où est la salle où je puisse manger la Pâques avec mes disciples? » Il vous montrera une grande salle toute meublée, vous y préparerez la Pâques. » Tout arriva comme il avait été dit. Pierre et Jean préparèrent la Pâques. L’heure étant arrivée, Jésus se mit à table avec les douze Apôtres. Il leur dit : « J’ai vivement désiré manger cette Pâques avec vous avant de souffrir ; car je vous le dis, je ne la mangerai plus à l’avenir, jusqu’à ce qu’elle soit accomplie dans le royaume de Dieu. »
C’est pourquoi il institua cette Pâques du royaume de Dieu, qui devait accomplir la Pâques figurative de l’Ancienne Alliance. Prenant une coupe, il la bénit et dit : « Recevez et partagez entre vous, car je vous dis que je ne boirai plus du fruit de la vigne jusqu’à l’avènement du royaume de Dieu. »
Puis il prit du pain, le bénit, le rompit et le donna à ses Apôtres en disant : « Ceci est mon corps qui est donné pour vous. Faites ceci en mémoire de moi. » De même, à la fin du souper, il prit une coupe et dit : « Cette coupe est la Nouvelle Alliance établie dans mon sang, qui sera répandu pour vous3. »
La Cène pascale étant terminée4, Jésus se leva, ôta sa robe et se ceignit d’un linge ; puis il versa de l’eau
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1 Luc, XXII; 8-20.
2 II donnait cet ordre en dehors de la ville, en venant sans doute de Béthanie, où il se retirait quelquefois, comme nous l’avons remarqué d’après saint Marc.
3 Saint Mathieu rapporte ainsi les paroles de l’institution de l’Eucharistie : « Pendant le souper, Jésus prit du pain, le bénit, le rompit, le donna à ses disciples et dit : « Recevez et mangez, ceci est mon corps. » Puis, prenant la coupe, il rendit grâces et la leur donna en disant : « Buvez-en tous, car « ceci est mon sang de la Nouvelle Alliance qui, pour plusieurs, sera répandu pour la rémission des péchés. »
Ces paroles ont le même sens que celles rapportées par saint Luc et les compétent.
4 Jean, XIII; 2-16.
dans un bassin et se mit à laver les pieds de ses Apôtres et à les essuyer avec le linge dont il était ceint. Lorsqu’il fut venu à Simon-Pierre, cet Apôtre lui dit : « Toi, Maître, me laver les pieds ! » Jésus lui dit : « Ce que je fais, tu ne le comprends pas maintenant ; tu le comprendras plus tard. » Pierre répondit : « Jamais tu ne me laveras les pieds. —Si je ne te lave pas, dit Jésus, tu n’auras point de part avec moi. — Maître, dit alors Pierre, lave-moi non-seulement les pieds, mais les mains et la tête. » Jésus lui répondit : « Celui qui est propre a besoin seulement qu’on lui lave les pieds ; alors il est propre tout entier. » Puis s’adressant à tous ses disciples : « Vous êtes purs, leur dit-il, mais non pas tous. »
Après leur avoir lavé les pieds à tous, il reprit sa robe, se remit à table pour le souper et leur dit : « Comprenez- vous ce que je viens de faire ? vous m’appelez Maître et Seigneur ; et c’est justice, car je le suis. Si donc je vous ai lavé les pieds, moi le Seigneur et le Maître, vous devez vous les laver mutuellement. Je vous ai donné l’exemple afin que vous agissiez l’un à l’égard de l’autre comme j’ai agi envers vous. En vérité, je vous le dis : le serviteur n’est pas plus grand que son Maître, et l’Apôtre n’est pas plus grand que Celui qui l’a envoyé. »
Jésus donna cet exemple à ses Apôtres, parce que, pendant le souper, il s’était élevé entre eux une discussion dans laquelle il s’agissait de décider quel était le plus grand entre eux1. Jésus leur fit comprendre, par son exemple, qu’ils étaient tous les serviteurs les uns des autres et qu’aucun d’entre eux n’était plus grand que les autres. « Les rois des nations, ajouta-t-il, les dominent, et ceux qui ont pouvoir sur elles sont appelés leurs bienfaiteurs. Il n’en sera pas ainsi de vous ; que celui qui est plus grand parmi vous, agisse comme s’il était inférieur ; et que celui qui gouverne agisse comme s’il était serviteur. Quel est le plus grand, celui qui est à table ou celui qui sert?
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1 Luc, XXII; 24-30.
N’est-ce pas celui qui est à table ? Moi, j’ai été au milieu de vous comme votre serviteur. Tous, vous êtes restés avec moi dans mes épreuves ; c’est pourquoi je vous prépare un royaume comme mon Père m’en a préparé un; un royaume où vous boirez et mangerez à ma table et où vous serez assis sur douze trônes, pour juger les douze tribus d’Israël1. »
Jésus, après avoir donné à ses Apôtres ses instructions sur l’humilité qu’ils devaient pratiquer les uns à l’égard des autres, ajouta2 :
« Si vous comprenez bien ces choses, vous serez heureux en les pratiquant. Cette dernière parole n’est pas pour vous tous, je sais qui j’ai choisi ; mais il faut que cette parole de l’Ecriture soit accomplie : « Celui qui mange le pain avec moi, lèvera son talon contre moi3. Je vous le dis d’avance, afin qu’après l’événement, vous croyiez que je suis Celui que j’ai dit. En vérité, en vérité, je vous le dis : celui qui reçoit celui que j’enverrai, me recevra ; et celui qui me reçoit, reçoit Celui qui m’a envoyé. »
Tout à coup, Jésus s’arrêta au moment où il allait s’entretenir avec ses Apôtres comme avec ses amis ; il songea de nouveau qu’un traître était là qui l’écoutait ; il se troubla et dit avec serment :
« En vérité, en vérité, je vous le dis, un de vous me trahira. »
Les disciples se regardaient les uns les autres, ne sachant de qui il voulait parler. Un des disciples était alors penché sur le sein de Jésus qui l’aimait d’une manière particulière. Simon-Pierre fit signe à ce disciple et lui dit à voix basse : « De qui veut-il parler? » Celui qui était penché sur le sein de Jésus, lui dit : « Maître, qui est celui-là? » Jésus lui répondit :
—
1 Les Apôtres sont donc égaux ; ils sont tous au même titre juges du nouvel Israël ; aucun n’est assis sur un trône plus élevé. Si, dans l’Eglise, un successeur des Apôtres se prétend plus élevé que les autres, il s’insurge contre l’enseignement du Fils de Dieu. Toute domination qui ressemble à celle des rois est exclue de l’Eglise ; un pasteur qui veut être roi s’élève contre Jésus- Christ lui-même.
2 Jean, XIII; 17-30.
3 Psalm., XL; 10.
« C’est celui auquel je vais présenter du pain trempé. » Et lorsqu’il eut trempé du pain, il le donna à Judas, fils de Simon, de la ville d’Iscariote. Avec la bouchée de pain, Satan entra dans cet homme. Jésus lui dit : « Fais de suite ce que tu dois faire. » Aucun de ceux qui étaient à table, ne comprit pourquoi il lui parlait ainsi. Comme Judas avait l’argent, quelques-uns pensaient que Jésus avait voulu lui dire : « Achète ce qu’il faut pour le jour de la fête. » D’autres pensaient qu’il lui disait de donner quelque chose aux pauvres. Aussitôt après avoir reçu la bouchée de pain, Judas sortit1.
Avant de quitter la salle, il entendit les Apôtres qui s’informaient auprès de Jésus quel était le traître. Jésus leur répondit que c’était celui qui avait approché sa main du plat, en même temps que lui et qui en avait reçu du pain trempé. « Le Fils de l’homme s’en va, ajouta-t-il, comme il a été écrit de lui, mais malheur à cet homme par lequel le Fils de l’homme sera trahi, il eût été préférable pour cet homme de n’être pas né. » Le traître entendit ces paroles ; il osa se rapprocher de la table et demander à Jésus : « Est-ce moi qui suis cet homme ? » — Oui, répondit Jésus2.
Lorsque le traître fut sorti, Jésus continua son entretien avec ses disciples.
« Maintenant, dit-il3, le Père et moi nous allons être glorifiés ensemble. Mes chers enfants, je n’ai plus que peu de temps à être avec vous. Vous me chercherez en vain pour le moment ; en vous quittant je vous donne une loi nouvelle : celle de vous aimer entre vous, comme je vous ai aimés ; on vous reconnaîtra pour mes disciples à ce signe : si vous vous aimez les uns les autres. —Maître, où vas-tu? dit Simon-Pierre. — Où je vais, répondit Jésus, tu ne peux pas me suivre ; tu m’y suivras plus tard. — Pourquoi, répliqua Pierre,
—
1 Ce récit complète et éclaire celui de saint Luc, qui est fort abrégé et très-vague. Luc, XXII; 21-22.
2 Math., XXVI; 21-23.
3 Jean, XIII; 31-38.
ne puis-je pas te suivre maintenant ? je suis prêt à mourir pour toi. »
Jésus lui donnant son vrai nom de Simon, pour lui faire entendre qu’il se rendrait bientôt indigne du surnom de Pierre, lui dit : « Simon, voici que Satan a demandé à vous cribler comme du blé1 ; mais j’ai prié pour toi, afin que tu ne perdes pas la foi. Lorsque tu seras revenu de ton erreur, affermis tes frères qu’elle aura ébranlés. » Simon ne comprit pas la leçon que Jésus voulait lui donner ; confiant en lui-même, il dit : « Maître, je suis prêt à aller avec toi, en prison et à la mort. » Jésus l’appela alors de nouveau Pierre, comme par ironie : « Pierre, je te le dis, le coq ne chantera pas aujourd’hui, avant que tu ne m’aies renié trois fois. »
S’adressant de nouveau à tous les Apôtres, Jésus leur dit2 : « Que votre cœur ne se trouble pas, vous avez foi en Dieu, ayez aussi foi en moi. Je m’en vais chez mon Père pour vous y préparer une demeure ; je reviendrai à vous et je vous emmènerai. Vous savez maintenant où je vais et par quel chemin vous y viendrez. » Thomas n’avait pas compris. « Maître, dit-il, nous ne savons où tu vas ; comment pouvons-nous connaître le chemin pour aller te trouver? — Je suis moi-même, répondit Jésus, la voie, la vérité et la vie. Personne ne vient à mon Père que par moi ; si vous me connaissiez, vous connaîtriez aussi mon Père. — Maître, dit Philippe, montre-nous ton Père, et notre bonheur sera complet. — Je suis depuis si longtemps avec vous, répondit Jésus, et vous ne me connaissez pas encore ? Philippe, qui me voit, voit mon Père ; comment dis-tu donc : « Montre-nous ton Père? » Ne croyez-vous pas que je suis dans le Père et que le Père est en moi? » Les Apôtres reconnaissaient bien Jésus pour le Christ Fils de Dieu, mais avant que le Saint-Esprit fût venu faire briller la lumière divine dans leur intelligence, ils ne voyaient pas dans toute la splendeur de ses développements le dogme de la divinité du Christ. Jésus
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1 Luc, XXII; 31-34.
2 Jean, XIV; 1-30.
leur promit cet esprit qui, en les éclairant, serait leur Paraclet ou consolateur, au milieu des épreuves qu’ils auraient à supporter en continuant son œuvre. « Cet Esprit de vérité, leur dit-il, vous le connaîtrez, il sera en vous et y demeurera. » Quand cette promesse fut accomplie, ce fut l’Esprit de vérité qui parla par la bouche des Apôtres. « Ce jour-là, ajoute Jésus, vous connaîtrez que je suis dans mon Père, que vous êtes en moi et moi en vous. » L’apôtre Judas (non pas l’Iscariote) dit à Jésus : « Maître, pourquoi dois-tu te manifester à nous et non pas au monde ? » Jésus lui répondit : « Parce qu’il n’y a que celui qui m’aime qui garde ma parole ; et que mon Père et moi nous ne viendrons qu’en lui, et non pas en celui qui ne m’aime pas. Les paroles que je vous ai adressées sont celles de mon Père. Le Paraclet, Esprit de vérité que mon Père vous enverra en mon nom, vous enseignera tout et vous expliquera tout ce que je vous ai dit. Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix, non pas comme le monde la donne ; que votre cœur ne se trouble point et ne s’effraye point Retenez bien ce que je vous ai dit : Je m’en vais et je reviens à vous ; au lieu d’avoir de la peine vous devriez vous réjouir de ce que je vais à mon Père qui est plus grand que moi. Je vous ai prévenu de ce qui allait arriver, afin qu’après l’événement vous ayez foi. Je n’ai plus le temps de vous en dire beaucoup. Voici le prince de ce monde qui arrive, il ne peut rien contre moi, mais il faut que le monde sache que j’aime mon Père et que j’exécute ses ordres. Levez-vous, sortons d’ici. »
Il se dirigea du côté du torrent de Cédron1 et pendant le chemin, il adressa à ses disciples2 ses dernières exhortations :
« Vous devez m’être unis comme les rameaux de la vigne le sont au tronc ; vous devez être aussi unis entre vous et vous aimer les uns les autres. Le monde
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1 Saint Jean mentionne (XVIII; I) qu’il traversa ce torrent après les paroles rapportées dans les chapitres XV, XVI et XVII.
2 Jean, XV.
vous haïra, mais rappelez-vous qu’il m’a haï avant vous. Le serviteur n’est pas au-dessus du maître ; le monde vous haïra parce qu’il m’a haï ; il m’a haï parce qu’il n’a pas voulu croire que j’étais l’envoyé de Dieu. Mais, lorsque viendra le Paraclet que je vous enverrai de la part de mon Père, l’Esprit de vérité qui procède du Père, il rendra témoignage de moi ; et vous me rendrez témoignage aussi, parce que vous avez été avec moi dès le commencement.
« Je veux vous prévenir de ce qui arrivera, afin que vous n’en soyez pas scandalisés1 : on vous chassera des synagogues, et l’heure vient où quiconque vous tuera croira prouver son dévouement à Dieu. Ils en agiront ainsi parce qu’ils n’ont connu ni mon Père ni moi. Je vous avertis de ces choses afin que, lorsqu’elles arriveront, vous vous souveniez que je vous les ai prédites. Je ne vous ai point parlé ainsi dès le commencement parce que j’étais avec vous ; mais je dois maintenant vous quitter. Pourquoi, au lieu de me demander : « Où « vas-tu? » la tristesse s’est-elle emparée de vous ? Je vous le dis en vérité : il vous est avantageux que je m’en aille. Si je ne m’en allais pas, le Paraclet ne viendrait pas en vous ; si je m’en vais, je vous l’enverrai. Lorsqu’il sera venu, il demandera compte au monde du péché, de la justice, du jugement : du péché qu’il a commis en ne croyant pas en moi ; de la justice que j’ai accomplie avant d’aller à mon Père et de vous quitter; du jugement inique qu’il a rendu contre moi sous l’inspiration de son prince, de Satan, qui est déjà jugé et dont le monde partagera le châtiment. J’aurais encore beaucoup de choses à vous dire, mais vous ne pourriez les supporter pour le moment. Lorsque l’Esprit de vérité sera venu, il vous enseignera toute vérité. Il ne parlera pas de lui-même, mais il dira tout ce qu’il aura entendu, et vous annoncera ce qui devra arriver. Il me glorifiera, parce qu’il prendra du mien et vous l’annoncera. Encore un peu de temps, et vous ne me verrez plus ; mais encore
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1 Jean, XVII.
un peu de temps, et vous me verrez, car je vais à mon Père. »
Jésus n’allait pas dans un oubli éternel, car en Dieu est la vie. Ses disciples ne comprenaient pas ses dernières paroles. Comme ils étaient en chemin, ils croyaient pouvoir se demander entre eux, sans que Jésus s’en aperçût : « Que veut-il dire par ces paroles : « Un peu de temps et vous ne me verrez plus ; encore « un peu de temps et vous me verrez? Qu’est-ce que ce peu de temps? » Jésus savait ce qu’ils disaient entre eux. « Vous vous demandez, leur répondit-il, ce que j’ai voulu vous dire par ce mot un peu de temps? » Et il leur expliqua qu’aux jours de tristesse dans lesquels ils allaient entrer succéderaient des jours de bonheur dans le sein du Père. Qu’il les quittait, mais pour revenir les chercher et les récompenser de leurs travaux. Les Apôtres comprirent enfin, et Maintenant, dirent-ils, tu parles clairement et non en parabole ; nous savons que tu connais tout et que l’on n’a pas besoin de t’interroger directement ; c’est pourquoi nous croyons que tu es sorti de Dieu. — Vous le croyez? dit Jésus; et pourtant, tout à l’heure, vous vous disperserez et vous me laisserez seul; non pas seul, le Père est avec moi. Je vous excuse et ne vous en veux pas. Le monde vous persécutera ; mais ayez confiance, j’ai vaincu le monde. »
Après avoir ainsi parlé, Jésus éleva les yeux au ciel et adressa à son Père cette suprême prière1 :
« Père, voici l’heure, glorifie ton Fils afin que ton Fils te glorifie à son tour ! Tu lui as donné le pouvoir sur l’humanité afin qu’il lui donne ce qu’il a reçu de toi : la vie éternelle. La vie éternelle, c’est que l’on te connaisse, toi seul vrai Dieu et Jésus le Christ que tu as envoyé. Je t’ai glorifié sur la terre ; j’ai accompli l’œuvre que tu m’as confiée. Maintenant, toi Père, fais- moi briller de cette splendeur que j’ai eue en toi avant que le monde fût créé ! J’ai manifesté ton nom aux hommes. Ceux que tu as choisis de ce monde pour me
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1 Jean, XVII.
les donner étaient à toi, ils ont gardé ta parole ; ils savent maintenant que tout ce que tu m’as donné vient de toi, car l’enseignement que tu m’as confié, je leur ai transmis ; ils ont appris et connu que je suis sorti de toi, et ils ont cru que tu m’as envoyé. Je prie pour eux. Je ne prie pas pour le monde, mais pour ceux que tu m’as donnés, parce qu’ils sont à toi ; car tout ce qui est à moi est à toi, et ce qui est à toi est à moi. J’ai été glorifié en eux. Dès maintenant, je n’appartiens plus au monde, et eux y restent ; je viens à toi. Père saint ! conserve fidèles à ton nom ceux que tu m’as donnés, afin qu’ils soient un comme nous ! Lorsque j’étais avec eux, je les conservais fidèles à ton nom ; j’ai veillé sur ceux que tu m’as donné et personne d’entre eux n’a péri, si ce n’est le fils de perdition, au sujet duquel l’Ecriture a été accomplie. Maintenant que je vais à toi, je leur dis ces paroles afin qu’ils ressentent en eux-mêmes la joie que j’éprouve, et que leur procurera ta parole que je leur ai donnée. Le monde les a haïs, parce qu’ils ne sont pas du monde ; et moi, non plus, je ne suis pas du monde. Je ne te demande pas que tu les retires de cette terre, mais que tu les préserves du Méchant. Puisqu’ils ne sont pas plus du monde que moi- même, sanctifie-les dans la vérité, car ta parole est vérité.
« Comme tu m’as envoyé dans le monde, je les y envoie ; pour eux, je me suis sanctifié, afin qu’ils soient aussi sanctifiés dans la vérité. Je ne prie pas seulement pour eux, mais pour tous ceux qui, au moyen de leur prédication, croiront en moi, afin que tous soient un, comme toi, Père, tu es en moi et moi en toi ; afin qu’en nous ils soient un et que le monde croie que tu m’as envoyé. Je leur ai donné la splendeur que j’ai reçue de toi afin qu’ils soient un, comme nous, nous sommes un, que je sois en eux comme toi en moi, qu’ils soient consommés en unité, et que le monde connaisse que tu m’as envoyé et que tu les as aimés comme tu m’as aimé moi-même.
« Père, je veux que ceux que tu m’as donnés soient
où je suis avec moi, afin qu’ils voient la splendeur que tu m’as donnée, parce que tu m’as aimé avant l’établissement du monde !
« Père juste ! le monde ne t’a pas connu ; moi, je t’ai connu, et ceux-ci ont appris que tu m’as envoyé ; je leur ai fait connaître ton nom et je le leur ferai connaître encore, afin que l’amour dont tu m’as aimé soit, ainsi que moi-même, en eux ! »
Jésus traversa alors le torrent de Cédron1, et entra, avec ses disciples, dans un jardin où il avait l’habitude de se rendre avec ses disciples. Ce jardin était situé sur le versant de la montagne des Oliviers2.
Avant d’y entrer, Jésus dit à ses Apôtres : « Quand je vous ai envoyés sans sac, sans bourse, sans chaussures, quelque chose vous a-t-il manqué ? — Rien ne nous a manqué, répondirent-ils. — Maintenant, ajouta Jésus, que celui qui a un sac le prenne, qu’il en fasse autant de sa bourse ; que celui qui n’a pas de glaive, vende sa tunique pour en acheter un. Car je vous le dis : il faut que cette parole de l’Ecriture s’accomplisse :
« Il a été mis au rang des scélérats3. » Tout ce qui me concerne dans les prophéties touche à sa fin. Les Apôtres dirent : « Maître, il y a ici deux glaives. — C’est assez, répondit-il. » Il entra alors, selon sa coutume, dans le jardin du mont des Oliviers, situé dans la villa de Gethsémani4; il laissa ses disciples à l’entrée et s’éloigna avec Simon-Pierre et les deux fils de Zébédée, Jacques et Jean. Il fut accablé, d’une tristesse extrême, l’humanité se révélait en lui et il dit à ses confidents : « Mon âme est atteinte d’une tristesse mortelle, tenez-vous ici et veillez avec moi ». S’avançant à la distance d’un jet de pierre, ils se prosterna la face contre terre et pria ainsi : « Mon Père, si c’est possible, éloigne ce calice de moi ! cependant, qu’il soit fait, non comme je le veux, mais comme tu le veux ! » Il vint à ses disciples et, les trouvant endormis, il dit à
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1 Jean, XVIII.
2 Luc, XXII; 35-39.
3 Isaï., LIII; 12
4 Math., XXVI; 36-46. – Luc, XXII; 40-46. — Marc, XIV; 32-42.
Pierre : « Vous n’avez donc pas pu veiller une heure avec moi? Veillez et priez afin que vous ne soyez pas exposés à la tentation ; l’esprit est actif, mais la chair est sans activité. » Il alla prier pour la seconde fois : « Mon Père, disait-il, si je suis obligé de boire ce calice, que ta volonté soit faite ! » Il revint à ses disciples et les trouva encore endormis, car leurs yeux étaient appesantis ; il les laissa et alla, pour la troisième fois, faire la même prière. Son angoisse était extrême, une sueur de sang sortit de son corps et un ange descendit du ciel pour l’encourager. Il revint à ses disciples; les trouvant encore endormis, il leur dit : « Dormez maintenant et reposez-vous, puisque voici l’heure où le Fils de l’homme va être livré entre les mains des pécheurs. »
Les trois Apôtres rougirent sans doute de leur insouciance. Jésus ne voulut pas leur donner une leçon plus sévère et il leur dit aussitôt : « Allons, levez- vous, voici le traître qui approche. »
Gomme il parlait encore, Judas arriva avec une cohorte de soldats romains ayant à leur tête un tribun, et avec des esclaves que lui avaient fournis les pontifes et les pharisiens ils portaient des armes, des lanternes et des flambeaux2. Jésus s’avança au-devant d’eux et leur dit : « Qui cherchez-vous ? » Ils répondirent : « Jésus de Nazareth, — C’est moi, » dit Jésus. A ce mot, ils vacillèrent et tombèrent à terre. Lorsqu’ils se furent relevés, Jésus leur demanda une seconde fois : « Qui cherchez-vous? — Jésus de Nazareth, répondirent-ils. — Je vous l’ai dit, c’est moi, reprit Jésus. Si c’est moi que vous cherchez, permettez que ceux-ci s’en aillent. »
Au même instant3, Judas s’approchant de Jésus, lui dit : « Maître, salut ! » et il l’embrassa. Le traître avait
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1 Jean, XVIII; 3-9.
2 Le repas pascal n’avait eu lieu qu’après six heures. Le temps que durèrent et le repas et l’entretien de Jésus avec ses Apôtres; celui qu’il fallut pour se rendre à Gethsémani, et celui que dura la prière doivent être évalués à plusieurs heures. On peut penser aussi, d’après le sommeil qui accablait les Apôtres, que Judas se présenta devant Jésus à une heure avancée de la nuit.
3 Math., XXVI; 49-36. – Luc, XXII, 47-33. — Jean, XVIII; 10-12.
dit à sa troupe : « Celui que j’embrasserai, ce sera lui; saisissez-le et conduisez-le avec, précaution. » Jésus lui dit : « Mon ami, dans quel but es-tu venu? Judas, tu trahis le Fils de l’homme par un baiser ! » La troupe, au signal donné par le traître, se jeta sur Jésus. Pierre, tirant son glaive. « Maître, dit-il, ne faut-il pas frapper? » et en même temps il frappait un serviteur du grand prêtre, nommé Malchus, et lui coupait l’oreille.
Les Apôtres avaient porté le glaive jusqu’alors, selon une coutume suivie en Judée. Jésus les y avait autorisés ; mais s’il laissa Pierre s’en servir pour le défendre, ce fut pour l’avertir qu’à l’avenir le glaive devait rester dans le fourreau, et que les pasteurs de son Eglise ne devraient plus en faire usage.
C’est pourquoi il dit à Pierre : « Remets ton glaive dans le fourreau ; car tous ceux qui se serviront de l’épée, périront par l’épée. Penses-tu que je ne puisse pas prier mon Père, qui m’enverrait, aussitôt plus de douze légions d’anges ? mais comment s’accompliraient les prophéties qui ont annoncé ce qui arrive? » Il guérit Malchus et s’adressant à la troupe : « Vous êtes venus avec des épées et des bâtons, pour me prendre comme si j’étais un voleur. Cependant j’étais assis chaque jour dans le temple où j’enseignais, et vous ne m’avez pas saisi. Tout cela a eu lieu pour l’accomplissement des prophéties. » Après ces paroles, la troupe saisit Jésus et le garrotta. Les disciples l’abandonnèrent et s’enfuirent. Un jeune homme seulement voulait l’accompagner1. On le saisit par son manteau ; mais lui, laissant ce manteau entre les mains de ceux qui voulaient le saisir, s’enfuit.
Jésus fut d’abord amené chez Anne, beau-père de Caïphe, le grand prêtre de cette année2. Simon-Pierre et Jean suivaient Jésus de loin3. Ce dernier était connu
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1 Marc, XlV; 51-52. On a fait bien des conjectures sur le jeune homme dont parle saint Marc, mais aucune n’est fondée.
2 Anne et Caïphe partageaient, le souverain pontificat et l’exerçaient, à tour de rôle, pendant une année. (Luc, III; 2. — Jean, XI; 51. XVIII ; 13.)
3 Jean, XVIII; 13-27. — Math., XXVI; 60-75. — Luc, XXII; 55-62. Anne et Caïphe habitaient le même palais. Le reniement de saint Pierre eut lieu pendant que Jésus comparaissait devant ces deux pontifes. Saint Jean,
du pontife et il put entrer dans son palais, après Jésus. Pierre se tenait en dehors auprès de la porte. Jean dit un mot à la portière qui laissa entrer Pierre. Cette portière lui dit en ouvrant : « N’es-tu pas des disciples de cet homme ? — Je n’en suis pas, » répondit Pierre. Les domestiques et employés se tenaient auprès du feu, car il faisait froid. Pierre se chauffait avec eux, tandis que le Pontife interrogeait Jésus sur ses disciples et sur sa doctrine. Jésus répondit à Anne : « J’ai parlé ouvertement au monde ; j’ai toujours enseigné dans la synagogue et dans le temple, où tous les Juifs s’assemblent, je n’ai rien dit en secret. Pourquoi m’interroges-tu? interroge ceux qui ont entendu ce que j’ai dit; ils savent ce que j’ai enseigné. » Lorsqu’il eut ainsi parlé, un des gens de la maison d’Anne lui donna un soufflet, en disant : « C’est ainsi que tu réponds au pontife ? » Jésus lui dit : « Si j’ai mal parlé, montre ce qu’il y a de mal dans mes paroles; si j’ai bien parlé, pourquoi me frappes-tu ? »
Anne fit lier Jésus et l’envoya à Caïphe qui était pontife en fonctions.
Pierre était toujours auprès du feu et se chauffait. Une servante dit à ceux qui se chauffaient avec lui : « Celui-là était avec Jésus de Nazareth. » Ceux-ci lui dirent : « N’es-tu pas de ses disciples? » Il le nia et fit serment qu’il n’en était pas.
Un des serviteurs du pontife, ami de Malchus, lui dit : « Ne t’ai-je pas vu dans le jardin avec lui? » Les autres ajoutaient : « Ton langage même le prouve. » Pierre le nia encore et attesta avec serment qu’il ne connaissait pas cet homme.
Aussitôt le coq chanta et Jésus regarda Pierre qui se souvint alors de cette parole : « Avant que le coq chante, tu me renieras trois fois. » Pierre sortit et pleura amèrement.
Les chefs des prêtres et tous les membres du sanhédrin, scribes et anciens, s’assemblèrent chez
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qui était témoin oculaire, a parfaitement distingué les deux interrogatoires qui eurent lieu devant Anne et devant Caïphe.
Caïphe1 ; ils s’y constituèrent en tribunal et demandèrent des témoins qui vinssent déposer contre Jésus, afin de pouvoir le condamner à mort. Plusieurs se présentèrent, mais leurs dépositions n’avaient aucune valeur. Les deux derniers dirent : « Nous l’avons entendu prononcer ces paroles : « Je puis détruire le temple de Dieu et le rebâtir, en trois jours. » Jésus avait laissé tous les témoins dire ce qu’ils voulaient, sans ouvrir la bouche. Le chef des prêtres se leva après avoir entendu les derniers, et dit à Jésus : « Tu ne réponds pas aux témoignages qui sont donnés contre toi? » Jésus garda le silence ; il savait que ses juges eux-mêmes ne trouvaient pas dans ces témoignages de quoi l’accuser. Alors le grand-prêtre s’écria : « Je t’adjure par le Dieu vivant, de nous dire si tu es le Christ Fils du Dieu vivant ! — Comme tu l’as dit, répondit Jésus, et j’ajoute que vous verrez le Fils de l’homme assis à la droite de la puissance de Dieu, et venant sur les nuées du ciel. »
C’était leur dire : Vous me jugez maintenant, prêtres et docteurs ; mais Celui que vous allez condamner vous jugera un jour dans toute la majesté de sa gloire.
Caïphe feignit d’être au désespoir d’entendre de telles paroles : « Il a blasphémé, » dit cet hypocrite en déchirant sa robe en signe de désolation. « Qu’avons-nous encore besoin de témoins? vous avez entendu son blasphème ; que vous en semble ? » Toute l’assemblée répondit : « Il est digne de mort! »
Ainsi, d’après la loi et les prophètes, l’Envoyé, le Christ, l’Emmanuel de Dieu devait venir ; et parce que Jésus, qui avait prouvé sa mission divine, disait : « Je le suis, » on le condamnait à mort !
Cet aveuglement judaïque avait été prédit par les prophètes. Mais les Juifs ne voulaient pas comprendre les Ecritures, et n’y voulaient trouver que ce qui pouvait flatter leur orgueil national et leurs préjugés religieux.
Dès que la sentence de mort fut prononcée, la vile
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1 Luc, XXII; 54, 63-65. — Math., XXVI; 59-68.
troupe des serviteurs des prêtres entoura Jésus; on lui cracha au visage, on l’accabla de coups, plusieurs lui donnaient des soufflets sur la figure en disant : « Christ, prophétise-nous qui t’a frappé? » Ils prononçaient encore beaucoup d’autres blasphèmes.
Dès le matin, lorsque le jour fut venu1, les anciens du peuple, les chefs des prêtres et les scribes firent conduire Jésus dans la salle du conseil et lui dirent : « Si tu es le Christ, dis-le-nous? — Si je vous le dis, répondit Jésus, vous ne le croyez pas. Si, à mon tour, je vous interroge, vous ne me répondrez pas et vous ne me mettrez pas en liberté. Il faut que le Fils de l’homme ne sorte d’ici que pour s’asseoir à la droite de la puissance de Dieu. » Tous lui demandèrent : « Tu es donc le Fils de Dieu? — Vous le dites, je le suis, répondit Jésus. — Nous n’avons pas besoin d’un autre témoignage, dirent les juges, nous l’avons entendu de sa propre bouche. »
Alors ils le firent garrotter et le conduisirent à Ponce-Pilate2, gouverneur romain de la ville. Judas ne pensait pas que sa trahison aurait pour effet la condamnation de Jésus à mort. En entendant la sentence, il rapporta aux chefs des prêtres et aux anciens, les trente deniers d’argent qu’il en avait reçus : « J’ai péché, leur dit-il, en vous livrant le sang d’un juste. —Que nous importe ? répondirent-ils, c’est ton affaire. » Judas jeta l’argent dans le temple et alla se pendre3. Les Juifs n’entrèrent pas dans le prétoire, de
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1 Luc, XXII; 66-71. – Math., XXVII; 1-2.
2 Jean, XVIII; 28-40. — Luc, XXIII; 1-25. — Math., XXVII; 2-26.
3 « Il ne nous est pas permis, dirent-ils, de mettre cet argent dans le trésor, car c’est le prix du sang. » Après en avoir délibéré, ils en achetèrent le champ d’un potier pour la sépulture des étrangers. On appela depuis ce champ Haceldama, c’est-à-dire le champ du sang, nom qu’il a conservé jusqu’à ce jour. Ainsi fut accomplie une prophétie (Zach., XI; 12) qui disait:
« Ils ont reçu les trente deniers d’argent, prix auquel il a été estimé par les enfants d’Israël, et ils l’ont donné pour le champ du poitier, comme me l’a dit le Seigneur.»
Il est bien évident que la délibération et l’achat dont il est parlé n’eurent lieu qu’après la mort de Jésus-Christ. Saint Mathieu ayant écrit son Evangile quelques années après la mort de Jésus-Christ, a pu mentionner dans son récit ce qui arriva a propos du champ acheté avec les trente deniers de Judas.
peur de se souiller, car le soir ils devaient manger la Pâques1. Ils craignaient la souillure légale qu’ils auraient contractée en entrant chez un païen, et ils condamnaient un innocenta mort! Pilate sortit de son prétoire et demanda aux représentants du sanhédrin : « Quelle accusation élevez-vous contre cet homme ? » Ils répondirent : « S’il n’était pas maudit, nous ne te le livrerions pas. Nous l’avons surpris soulevant notre nation, défendant de payer le tribut à César, et se disant Christ roi. » Pilate leur dit : « Chargez-vous de sa cause, et jugez-le selon votre loi. » Ils répondirent : « Il ne nous est pas permis de mettre quelqu’un à mort. »
Ainsi s’accomplissait la parole de Jésus : « Qu’il serait livré aux gentils. » Pilate rentra dans son prétoire, y fit entrer Jésus et lui dit : « Es-tu le roi des Juifs? » Jésus lui répondit : « Dis-tu cela de toi-même, ou d’autres ont-ils parlé ainsi de moi ? — Est-ce que je suis Juif, moi? dit Pilate, ai-je à m’occuper de ces choses? ta nation et les prêtres t’ont livré à moi ; qu’as-tu fait? » Jésus répondit : « Mon royaume n’est pas de ce monde ; s’il en était, mes soldats auraient empêché que je ne fusse livré aux Juifs; mais, maintenant, mon royaume n’est pas d’ici. — Tu es donc roi? dit Pilate. Comme tu le dis, je suis roi, répondit Jésus, je le suis par naissance ; mais mon royaume c’est la vérité à laquelle je suis venu rendre témoignage en ce monde. Quiconque est de la vérité écoute ma voix. — Qu’est-ce que la vérité? reprit Pilate. »
C’est la question que l’on rencontre encore sur les lèvres des hommes qui se croient plus sages que le vulgaire. Cependant quelle est la raison de l’intelligence sinon le vrai ? l’homme n’a-t-il d’autre but que d’errer en ce monde en attendant un anéantissement éternel ou une transformation hypothétique? Jésus est venu pour ouvrir à l’homme dos horizons, plus dignes de lui et plus dignes du Créateur. Il est
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1 Cette remarque de saint Jean (XVIII; 28) prouve que Jésus avait mangé la Pâques avant les Juifs.
venu fonder le royaume de la vérité, et c’est à ce point de vue qu’il se disait roi.
Quant aux accusations élevées contre lui par les chefs des prêtres et, les anciens, Jésus n’y répondit pas. « N’as-tu pas entendu quelles graves accusations ils soulèvent contre toi? » dit Pilate. Jésus garda encore le silence, et Pilate en était très-étonné. Il sortit de nouveau pour parler aux Juifs et il leur dit : « Je ne trouve pas cet homme coupable. » Ils crièrent de nouveau : « Il ameute le peuple, depuis la Galilée jusqu’ici. » Pilate entendant parler de la Galilée, demanda si Jésus était Galiléen : et ayant appris qu’il était sujet d’Hérode, l’envoya à ce roi qui était alors à Jérusalem.
Hérode désirait depuis longtemps voir Jésus. Il fut ravi de l’occasion qui se présentait, et comme il avait beaucoup entendu parler de ses prodiges, il espérait que Jésus en ferait en sa présence. Il lui adressa donc de nombreuses questions. Jésus ne répondit un seul mot, ni aux questions du roi, ni aux accusations dont le chargeaient les chefs des prêtres et les scribes. Hérode se moqua de lui, et, après l’avoir fait revêtir d’une robe blanche, en signe de dérision, il le renvoya à Pilate.
Le roi et le gouverneur romain, ennemis jusqu’alors, devinrent amis à cette occasion.
Pilate, s’adressant aux chefs des prêtres, aux magistrats et au peuple, dit : « Vous m’avez dénoncé cet homme comme un perturbateur, et je ne l’ai point trouvé coupable ; Hérode n’a rien trouvé non plus en lui qui mérite la mort, je vais donc le corriger et le renvoyer. Selon une de vos coutumes, je dois vous remettre un coupable à l’occasion de la Pâques, voulez-vous que je vous remette le roi des Juifs qui se dit Christ, ou Barrabas ? »
Pilate n’avait pas pris au sérieux la royauté de Jésus ; le royaume de la vérité était pour lui une énigme ; Jésus lui semblait un roi peu dangereux, et qu’il pouvait permettre aux Juifs ; il voyait clairement que c’était par jalousie qu’ils le lui avaient livré.
Pilate étant rentré dans le prétoire, les chefs des prêtres et les anciens engagèrent le peuple à demander Barrabas. C’était un voleur qui avait été mis en prison, à cause d’une sédition qu’il avait excitée dans la ville, et d’un homicide.
Lorsque Pilate était rentré au prétoire, sa femme lui envoya dire : « Ne te mêle pas de l’affaire de cet homme juste, car j’ai bien souffert d’une vision que j’ai eue à son sujet. » Pilate étant sorti de nouveau, dit aux Juifs : « Lequel des deux voulez-vous que je vous remette? » Ils s’écrièrent : « Barrabas! — Que ferai-je, répondit Pilate, de Jésus qui est appelé Christ? — Qu’il soit crucifié, cria la foule. — Quel mal a-t-il fait ? » reprit Pilate. La foule criait encore plus fort : « Qu’il soit crucifié! crucifie-le! crucifie-le!»
Pilate voyant qu’il ne pouvait leur faire entendre raison ; et que le tumulte croissait, demanda de l’eau, se lava les mains devant le peuple et dit : « Je suis innocent du sang de ce juste ; c’est votre affaire. » Le peuple cria : « Que son sang retombe sur nous et sur nos enfants ! »
Leur vœu devait être accompli.
Avant d’abandonner Jésus aux Juifs, Pilate le livra à ses soldats1. Ceux-ci tressèrent une couronne d’épines et la lui placèrent sur l’a tête ; ils lui mirent sur les épaules un manteau rouge; puis venant devant lui, ils disaient : « Salut ! roi des Juifs, » et lui donnaient des soufflets. Pilate sortit dehors, faisant aussi sortir Jésus, qui parut devant le peuple avec la couronne d’épines et le manteau rouge. « Je vous l’amène, dit Pilate, afin que vous voyiez que je ne le trouve pas coupable : voilà l’homme! » s’écria-t-il en le leur montrant. En le voyant, les prêtres et leurs serviteurs crièrent de nouveau : « Crucifie-le ! crucifie-le ! — Prenez-le vous- mêmes pour le crucifier, disait Pilate, puisque je ne le trouve pas coupable ! — Nous avons une loi, criaient les Juifs, et, selon cette loi, il doit mourir, puisqu’il s’est dit Fils de Dieu. » En entendant ces mots, Pilate fut
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1 Jean, XIX; 1-16. – Luc,XXIII; 16. — Math., XXVII; 27-31.
saisi de crainte. Il fit rentrer Jésus dans le prétoire et lui dit : « D’où es-tu? » Jésus ne lui répondit pas. « Tu ne parles pas, dit Pilate ; ne sais-tu pas que j ai le pouvoir de te crucifier ou de te relâcher ? — Tu n’aurais pas ce pouvoir, lui répondit Jésus, s’il ne t’était pas donné d’en haut· c’est pourquoi en l’exerçant tu es moins coupable que celui qui m’a livré à toi. » Pilate fit de nouveaux efforts pour le sauver. Mais les Juifs criaient : « Si tu l’acquittes, tu n’es pas ami de César ; car celui qui se dit roi s’élève contre César. » A ces paroles, Pilate fit sortir Jésus dans un endroit du tribunal situé au dehors, et dans lequel les Juifs pouvaient entrer sans se souiller ; on appelait ce lieu Lithostrotos et en hébreu Gabbatha.
C’était le jour de la Préparation de la Pâques et il était bientôt la sixième heure1. En présentant Jésus aux Juifs, Pilate leur dit : « Voilà votre roi. » Au lieu d’exciter leur compassion ou leur mépris, comme il en avait l’intention, Pilate ne faisait qu’enflammer leur haine : « Ote-le ! ôte-le ! criaient-ils, crucifie-le ! — Je crucifierais votre roi, » disait ironiquement Pilate ; et les prêtres criaient : « Nous n’avons pas d’autre roi que César. »
Alors Pilate le leur abandonna pour qu’il fût crucifié.
Lorsqu’ils le conduisaient au lieu du supplice2, ils rencontrèrent un certain Simon, de Cyrène, qui venait de la campagne, et ils l’obligèrent à porter la croix derrière Jésus. Simon avait deux fils, Alexandre et Rufus qui furent des membres distingués de l’Eglise primitive.
Le condamné portait d’ordinaire l’instrument de son supplice ; Jésus, affaibli par les traitements cruels qu’il endurait depuis douze heures, n’avait plus la force de porter seul sa croix3. Une grande foule de peuple le suivait ; on y distinguait des femmes qui pleuraient et je
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1 C’est l’heure de midi, d’après l’usage actuel de compter les heures de la journée.
2 Luc, XXIII : 26-33. — Jean, XIX; 16-18. — Math., XXVII; 32-34. Marc, XV ; 21-23.
3 C’est ce qui a donné lieu à la légende des trois chutes que Jésus aurait faites sur le chemin du Calvaire. Aucun des Evangélistes n’en a fait mention.
taient des cris de douleur. Jésus se tournant vers elles, leur dit : « Filles de Jérusalem ! ne pleurez pas sur moi ; pleurez sur vous-mêmes et sur vos enfants ; car bientôt viendront des jours où l’on dira : heureuses les femmes stériles ! heureuses celles qui n’ont point enfanté et qui n’ont pas nourri ! alors on dira aux montagnes, tombez sur nous ! et aux collines, ensevelissez-nous. Si l’arbre vigoureux est traité comme vous voyez, comment traitera-t-on l’arbre desséché ? »
Jésus prédisait ainsi les malheurs qui tomberaient, peu de temps après sa mort, sur Jérusalem, et ce siège horrible pendant lequel des mères se nourriraient de la chair de leurs enfants. L’arbre desséché du judaïsme paya cher alors les traitements cruels qu’il fit subir à l’arbre vigoureux de la Nouvelle Alliance, planté, avec la croix du Sauveur, et qui a poussé, grâce au sang divin qui l’a fécondé, de si puissants rejetons.
Par un raffinement de cruauté, les Juifs conduisirent avec Jésus deux criminels condamnés à subir la mort par le crucifiement.
Lorsqu’on fut arrivé au lieu appelé Calvaire (en hébreu Golgotha), on lui offrit du vin mêlé de myrrhe, mais il refusa de le boire. Alors on l’attacha à la croix, puis on crucifia les deux voleurs, l’un à sa droite, l’autre à sa gauche.
Quatre soldats clouèrent Jésus à la croix. Pendant ce temps, il disait1 : « Père, pardonne-leur, ils ne savent ce qu’ils font. » Lorsqu’il fut crucifié, les soldats se partagèrent ses habits et les tirèrent au sort. Après en avoir fait quatre lots, un pour chaque soldat. Quant à la tunique qui était sans couture, ils en firent un lot à part qui fut aussi tiré au sort. Ainsi s’accomplit cette prophétie : « Ils se sont partagé mes vêtements, et ils ont tiré ma tunique au sort2. » Les quatre soldats s’assirent ensuite pour garder les suppliciés. La populace et les prêtres se moquaient de Jésus et disaient : « Il a guéri les autres ! qu’il se guérisse lui-
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1 Luc, XXIII; 34-46. — Jean. XIX: 19-30. — Math., XXVII : 33-50. — Marc, XV; 23-37.
2 Psalm.,XXI; 19.
même, s’il est le Christ élu de Dieu ! Va! toi qui peux détruire le temple de Dieu et le rebâtir en trois jours ; sauve-toi, descend de la croix, puisque tu es le Fils de Dieu! » « S’il est le roi d’Israël, qu’il descende de la croix et nous croyons en lui, disaient les scribes et les prêtres ; il a eu confiance en Dieu dont il se disait le Fils ; eh bien, que Dieu le sauve ! » Les soldats romains se moquaient aussi de lui; ils lui offraient du vinaigre à boire, et lui disaient : « Si tu es le roi des Juifs, sauve-toi ! »
On plaçait d’ordinaire à la partie la plus élevée de la croix du supplicié, une inscription indiquant son nom et le crime qu’il avait commis. Celle qui fut placée sur la croix de Jésus, fut écrite en grec, en latin et en hébreu et elle était ainsi conçue : JESUS DE NAZARETH, ROI DES JUIFS. Un grand nombre de Juifs vinrent lire cette inscription, car le Calvaire était très rapproché de la ville. Des prêtres allèrent dire à Pilate : « Il ne fallait pas écrire : Roi des Juifs, mais soi-disant roi des Juifs. » Pilate répondit : « J’ai écrit ce que j’ai écrit. » Il pensait avoir obéi à sa propre volonté, mais Dieu dirigeait sa main et il avait écrit la vérité. C’était bien leur roi que les Juifs avaient crucifié, roi de mansuétude auquel ils avaient préféré César. Le roi Jésus qu’ils ont rejeté, voulait les sauver ; César qu’ils ont choisi, les a détruits.
Un des criminels crucifiés avec Jésus se joignait à la populace pour l’insulter et le blasphémer : « Si tu es le Christ, lui disait-il, sauve-toi et nous avec toi. » L’autre était animé de sentiments contraires et disait au blasphémateur : « Et toi non plus, tu n’as donc aucune crainte de Dieu? Si nous sommes condamnés, nous l’avons mérité et nous recevons le juste prix de nos crimes ; mais celui-ci n’a pas fait de mal. » Puis s’adressant à Jésus : « Maître, lui dit-il, souviens-toi de moi, quand tu seras dans ton royaume. » Jésus lui répondit : « Je te le dis en vérité, aujourd’hui tu seras avec moi en Paradis1. »
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1 L’âme de Jésus, séparée de son corps, se trouva, au moment de la mort, avec celles des justes de l’Ancien Testament. Mais la Divinité resta unie à
Au pied de la croix de Jésus se tenaient sa mère ; la cousine de sa mère, Marie épouse de Cléopas ; Marie Magdeleine, et Jean, le disciple qu’il avait aimé d’une manière particulière. Jésus jetant les yeux sur sa mère et lui indiquant son disciple, lui dit : « Femme, voici ton fils ! » Puis il dit au disciple en lui désignant sa mère : « Voici ta mère ! » Dès ce moment le disciple prit en sa maison la Vierge Marie.
Jésus jeta un grand cri : « Eli ! Eli ! Lamma Sabacthani1.» C’était le dernier cri de l’humanité. « Il appelle Elie, disaient quelques spectateurs, voyons si ce prophète viendra le délivrer. »
Jésus vit alors que toutes les prophéties étaient accomplies, excepté celle qui avait annoncé la soif ardente qui le consumerait sur la croix. Pour qu’elle fut accomplie, il dit : « J’ai soif ! » Il y avait sur le lieu du supplice, un vase plein de vinaigre ; on mit au bout d’un roseau d’hysope, une éponge remplie de vinaigre, et on la lui plaça sur la bouche. Après en avoir bu, Jésus dit d’une voix forte : « Père, je remets mon âme entre tes mains ; tout est accompli ; » et inclinant la tête, il expira.
C’était alors la neuvième heure2.
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l’âme et au corps. En même temps, elle était au Paradis avec le criminel repentant, en unité d’essence avec le Père et le Saint-Esprit.
1 Ce qui signifie : « Mon Dieu, mon Dieu ! pourquoi m’as-tu abandonné ? »
2 On comptait, chez les Juifs, la journée de soir en soir. Le jour proprement dit commençait à six heures du matin ; de six heures à neuf heures était une première période que l’on désignait sous le nom de troisième heure, parce qu’elle se terminait à la troisième heure du jour. De neuf heures à midi, c’était la seconde période que l’on appelait : sixième heure, parce qu’elle se terminait à cette sixième heure ; de midi à trois heures, c’était la troisième période que l’on appelait neuvième heure, parce qu’elle se terminait à cette neuvième heure ; enfin de trois heures à six heures du soir, c’était la quatrième période qu’on appelait douzième heure, parce qu’elle se terminait à cette douzième et dernière heure de la journée. La nuit se divisait également en quatre veilles de trois heures chacune. Les critiques qui ont trouvé des contradictions dans les Evangélistes sur l’heure de la mort de Jésus-Christ, n’avaient pas tenu compte de cette manière de compter.
D’après saint Mathieu (XXVII; 45-36), des ténèbres couvrirent la terre de la sixième à la neuvième heure, c’est-à-dire de midi à trois heures; et vers la neuvième heure, c’est-à-dire à trois heures environ, Jésus expira. Il faut remarquer que saint Mathieu ne fixe pas l’heure d’une manière précise ; de sorte que, d’après lui, Jésus mourut entre midi et trois heures. Saint Marc (XV; 25), après avoir raconté ce qui précéda le crucifiement, dit : c’était la troisième heure, et on le crucifié. Il dit donc positivement que le crucifiement suivit la période de temps qui était appelée troisième heure, c’est-à-dire qu’il
Au moment où Jésus expira1, le voile qui séparait le sanctuaire du reste du temple se déchira en deux parties du haut en bas ; la terre trembla ; des morts ressuscitèrent, sortirent de leurs tombeaux, et, après la résurrection de Jésus, apparurent à plusieurs habitants de Jérusalem. Le centurion et les soldats qui étaient de garde auprès de Jésus, voyant le tremblement de terre et les choses extraordinaires qui arrivaient, disaient : « Cet homme était vraiment juste, c’était le Fils de Dieu. » Les amis de Jésus et les pieuses femmes qui l’avaient suivi depuis la Galilée se tenaient à l’écart, observant tout ce qui se passait. Parmi elles étaient Marie Magdeleine et Marie, mère de Jacques le Mineur et de Joseph, c’est-à-dire l’épouse de Cléopas ; elles n’avaient abandonné le pied de la croix, qu’après la mort de Jésus2. On remarquait aussi parmi elles, la mère des apôtres Jacques et Jean, et Salome. Il y en avait encore beaucoup d’autres, qui avaient servi Jésus pendant qu’il était en Galilée et qui étaient allées avec lui à Jérusalem.
Comme c’était le vendredi, jour de la Préparation
fut crucifié vers midi. Il ajoute ensuite (Ibid., 33) que les ténèbres couvrirent la terre de la sixième à la neuvième heure, c’est-à dire de midi à trois heures et que Jésus expira à la neuvième heure (Ibid., 37). Il s’accorde donc avec saint Mathieu. Saint Luc (XXIII ; 44) dit que Jésus-Christ fut élevé sur la croix à peu près à la sixième heure (midi) et qu’il y resta jusqu’à la neuvième (trois heures). II s’accorde donc avec les deux premiers Évangélistes. Saint Jean (XIX; 14) dit que Pilate livra Jésus aux Juifs à peu près à la sixième heure. Les interrogatoires et le jugement avaient donc duré depuis le matin (XVIII ; 28) jusqu’à midi. Les trois autres évangélistes disent la même chose. Saint Jean n’a pas donné l’heure de la mort, mais celle du crucifiement. Des critiques ont prétendu qu’il y avait contradiction entre saint Marc et saint Jean parce que le premier aurait dit que le crucifiement aurait eu lieu à la troisième heure, tandis que saint Jean fixe la sixième heure. Si ces critiques avaient comparé les versets 25, 33 et 37 du chapitre XV de saint Marc, ils auraient aperçu que la troisième heure dont parle saint Marc est la période de neuf heures à midi, et qu’il y place le procès qui précéda le crucifiement.; qu’il fixe l’heure de la mort à trois heures; et qu’il place par conséquent le crucifiement à midi comme saint Jean. Ces critiques n’ont voulu voir que le verset 25; puis l’interprétant de neuf heures du matin, ils se sont hâtés de le confronter avec le verset 14 du chapitre XIX de saint Jean, sans tenir compte du reste.
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1 Math,, XXVII; 51-56; — Luc, XXIII; 47-49; — Marc, XV; 38-41.
2 Saint Jean dit, comme nous l’avons rapporté, que Marie Magdeleine et Marie femme de Cléopas étaient aux pieds de la croix avant la mort de Jésus. Saint Mathieu et saint Marc les citent avec les autres saintes femmes qui observaient de loin, après la mort. Des critiques ont vu là une contradiction. Pour ne le pas voir, il suffit de ne pas confondre deux temps fort distincts.
du sabbat, et que le grand sabbat pascal commençait à six heures du soir de ce même jour, les Juifs1 prièrent Pilate de faire rompre les jambes des criminels pour les faire mourir plus vite, afin que les corps ne restassent pas sur la croix le jour du sabbat. Les soldats brisèrent les jambes des deux criminels crucifiés avec Jésus. Quand ils vinrent à lui, voyant qu’il était déjà mort, ils ne lui rompirent pas les jambes ; mais un soldat lui donna un coup de lance dans le côté et il en sortit du sang et de l’eau. Ainsi furent accomplies les prophéties qui disaient : « Vous ne lui briserez pas un os2…, ils jetèrent les yeux sur celui que l’on transperça3. »
La première prophétie se rapportait à l’Agneau pascal dont on ne devait pas briser les os. Le cérémonial prescrit pour l’agneau figuratif devait s’accomplir en la personne de Jésus, véritable Agneau pascal de la Nouvelle Alliance.
L’apôtre Jean4 fut témoin de ce que firent les soldats après la mort de Jésus, et c’est d’après son témoignage si digne de foi que nous l’avons rapporté.
Parmi les disciples de Jésus, il y avait un noble décurion, homme riche, bon et juste, nommé Joseph, et natif de la ville d’Arimathie ; il n’avait pris aucune part à ce que les autres Juifs avaient fait, et c’était un de ceux qui attendaient le royaume de Dieu. Cependant, il avait dissimulé jusqu’alors ses convictions par crainte des Juifs. Il alla le soir trouver Pilate pour lui demander l’autorisation d’enlever le corps de Jésus. Pilate, étonné qu’il fût déjà mort, manda le centurion chargé du service, et s’informa de lui si Jésus était bien mort. En ayant reçu l’assurance, il autorisa Joseph à enlever le corps. Nicodème, autre disciple caché, le même qui était venu trouver Jésus pendant la nuit, se joignit à Joseph et apporta cent livres d’une mixture de myrrhe
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1 Jean, XIX; 31, 42.
2 Exod., XII; 40 et Num., IX; 12.
3 Zach., XII; 10.
4 Jean, XIX; 33-42. — Lue, XXIII; 50-36. – Mar, XV; 43-57. — Math., XXVII; 57.
et d’aloès. Ayant reçu le corps de Jésus, ils l’enveloppèrent de linges mêlés d’aromates, et l’ensevelirent selon la coutume juive. Auprès du lieu où Jésus avait été crucifié, il y avait un jardin, et dans ce jardin un sépulcre neuf taillé dans le roc, dans lequel personne n’avait encore été mis. Ils déposèrent Jésus dans ce tombeau, ne pouvant l’emporter plus loin à cause de la Préparation de la Pâques, et parce que le sabbat allait succéder à la Préparation ; ils fermèrent le tombeau avec une pierre. Les pieuses femmes qui étaient venues de Galilée avec Jésus, et en particulier Marie Magdeleine et Marie, femme de Cléopas, observèrent le tombeau et la manière dont le corps y avait é té placé. A leur retour, elles se bâtèrent de préparer les aromates de la sépulture, et dès que l’heure du sabbat fut arrivée, elles observèrent la loi qui leur prescrivait un repos absolu.
Aussitôt après la Préparation, et lorsque le sabbat était déjà commencé1 ; les chefs des prêtres et les pharisiens s’adressèrent à Pilate : « Seigneur, lui dirent- ils, nous nous souvenons que le séducteur disait pendant sa vie : « Je ressusciterai après trois jours. Ordonne donc que le sépulcre soit gardé jusqu’au troisième jour, de peur que ses disciples ne viennent enlever son corps, et ne disent : « Il est ressuscité d’entre les morts, car cette seconde séduction serait pire que la première. Pilate leur dit : « Vous avez une garde ; allez et gardez-le comme vous voudrez. » Les Juifs, s’étant retirés, scellèrent la pierre qui fermait le tombeau et y mirent des gardes.
Le premier jour après le sabbat2, Marie Magdeleine vint au tombeau le matin, lorsqu’il faisait encore nuit3 ;
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1 Math., XXVII ; 62-66. Saint Mathieu indique ainsi le vendredi soir après
six heures. C’est alors que commençait le samedi ou sabbat.
2 Jean, XX; 1-18. Le Sabbat finissait le samedi au coucher du soleil. Alors commençait le premier jour après le sabbat, ou le dimanche, lequel se prolongeait jusqu’au coucher du soleil. Magdeleine pouvait donc venir le premier jour du Sabbat au matin et lorsqu’il faisait encore nuit.
3 Nous devons faire observer que plusieurs détails du chapitre XXVIII de l’Evangile selon saint Mathieu ne s’accordent pas avec les trois autres Evangiles. À ce propos, nous émettrons une opinion que nous soumettons, non- seulement à la sainte Eglise, mais encore à la science.
elle vit la pierre qui le recouvrait enlevée. Dès le soir du sabbat qui correspond au commencement du pre-
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En présence de la grande exégèse chrétienne, telle qu’elle apparaît dans les ouvrages des Pères et spécialement de ceux qui ont fait une étude plus approfondie des Livres saints, comme Origène, saint Jean Chrysostome, les bienheureux Jérôme, Augustin, etc , etc., il nous a semblé qu’il était permis de discuter l’authenticité d’un passage en particulier des Livres sacrés. On sait qu’un grand nombre de Pères n’ont admis, par exemple, ni l’histoire de la femme adultère, rapportée au chapitre VIII de saint Jean ; ni le récit de la sueur de sang, qui se trouve en saint Luc. Les Pères en ont agi ainsi, non pas avec les sentiments d’une critique audacieuse disposée à attaquer l’authenticité des monuments de la révélation chrétienne, mais par respect pour les Livres saints eux-mêmes dont le vrai texte ne doit, pas être confondu avec des gloses ou des additions qui auraient passé dans le texte. Il est permis, ce nous semble, d’imiter les Pères eu ce point, en s’inspirant de leur sagesse, de leur discrétion, de leur respect pour les Livres saints.
Nous pensons surtout que l’on peut se déclarer contre l’authenticité d’un texte, lorsqu’on peut s’appuyer, pour la nier, sur l’autorité d’un écrivain inspiré. Or, le dernier chapitre de l’Evangile selon saint Mathieu se trouve, dans quelques détails, en contradiction avec les trois autres Evangélistes ; il nous semble même que ces détails ont été réfutés par saint Jean.
Dans ce chapitre, on raconte : 1° que Maie Magdeleine et une autre Marie allèrent au tombeau pendant la nuit ; 2° qu’elles s’y trouvèrent en même temps que les gardes ; 3° que le tremblement de terre qui accompagna la résurrection de Jésus eut lieu en leur présence ; 4° que les deux saintes femmes allant annoncer aux Apôtres ce qui était arrivé, Jésus-Christ leur apparut pendant le chemin ; 5° quelles lui tinrent les pieds en l’adorant.
Saint Jean (XX), dans son récit, dit : l° que Marie Magdeleine alla seule au tombeau pendant la nuit ; 2° qu’en arrivant elle vit que la pierre était enlevée ; 3° qu’elle s’y trouva seule; 4° que Jésus lui apparut dans le Jardin; 5° que Jésus lui défendit de lui toucher les pieds.
Il nous semble qu’en présence de ces remarques, on ne peut se tromper sur les intentions de saint Jean. On se demande naturellement : est-ce saint Mathieu qui s’est trompé, ou le dernier chapitre de son Evangile a-t-il été modifié par une main étrangère ?
Nous ne saurions admettre qu’un écrivain inspiré puisse se tromper. Nous comprenons qu’il puisse être incomplet dans un détail, car Dieu, en inspirant ses oracles, a laissé à l’esprit de l’homme son action propre et l’a seulement garanti de l’erreur. Mais ici il ne s’agit pas d’un détail plus ou moins complet.
L’Evangile selon saint Mathieu a pu subir des modifications dans quelques- unes de ses parties : car il a été composé le premier ; et comme il fut écrit en syriaque, langue alors peu répandue même en Syrie depuis la conquête d’Alexandre le Grand, il fut à l’origine, comme la propriété exclusive d’un petit nombre de Juifs chrétiens.
Papias, disciple de saint Jean, eu parle de manière à faire croire qu’il avait subi des altérations. Voici ces paroles : « Mathieu écrivit à la vérité en langue hébraïque les oracles du Seigneur, mais chacun les interpréta comme il put.»
(Ap. Euseb., Hist. eccl., III; 39.)
On connaît plusieurs de ces altérations dans quelques-uns des Evangiles apocryphes qui ont été composés évidemment d’après celui de saint Mathieu. Mais ne peut-on pas croire que Papias avait en vue le XXVIIIe chapitre, en parlant- comme il l’a fait, puisque ce chapitre, dans quelques détails, était en désaccord avec l’Evangile de saint Jean dont Papias était disciple ?
Nous pensons que le dernier chapitre de l’Evangile selon saint Mathieu aura été modifié par un homme apostolique qui avait reçu, touchant les apparitions de Jésus aux saintes femmes, des renseignements un peu obscurs, et qui eut cependant assez d’autorité pour que son travail fût reçu dans
mier jour après le sabbat1 ; un grand tremblement de terre avait eu lieu, un ange du Seigneur était descendu du ciel, avait arraché la pierre qui couvrait le tombeau et s’était assis dessus. Sa figure jetait de l’éclat comme la foudre, et son vêtement était blanc comme la neige. Les gardes, effrayés, étaient tombés comme morts. Ils accoururent à la ville et annoncèrent aux chefs des prêtres ce qui était arrivé. Ceux-ci convoquèrent aussitôt les anciens, et il fut convenu qu’on donnerait une forte somme d’argent aux gardes, à condition qu’ils diraient : « Ses disciples sont venus la nuit pen-
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L’Eglise hébraïque. Ce chapitre contenant en même temps des renseignements précieux, et étant certainement de saint Mathieu (V. Justin., Dialog. cum Triph.) l’Eglise ne lit aucune difficulté de l’admettre tel qu’il fut traduit de l’hébreu, pensant que, quelques détails inexacts n’étaient pas une raison suffisante de le rejeter.
On peut en dire autant de quelques gloses qui passèrent, des marges dos manuscrits, dans le texte, et que l’on doit à des hommes des temps apostoliques. On peut les indiquer, comme l’ont fait quelques Pères de l’Eglise ; mais aucun critique sérieux ne peut y trouver une raison de contester l’authenticité des livres eux-mêmes.
L’impartialité nous fait un devoir d’exposer la solution que des théologiens ont donnée à la difficulté que nous venons d’indiquer. Saint Mathieu, disent-ils, a passé sous silence la visite faite par Magdeleine seule au tombeau et ne mentionne que la visite des saintes femmes. Il n’en nomme que deux, il est vrai ; mais saint Marc n’en mentionne que trois, les deux Marie citées par saint Mathieu et Salomé (XVI ; 1). Saint Luc mentionne les deux Marie, Joanna, et ajoute qu’il y en avait d’autres (XIV; 10). Les Evangélistes n’ont pas tenu à faire une liste exacte, et ils n’affirment pas que toutes les saintes femmes sont allées au tombeau en même temps ; mais seulement qu’elles s’y trouvèrent toutes ensemble. Saint Mathieu n’affirme pas positivement que les deux Marie se trouvèrent au tombeau au moment de la résurrection ; après avoir dit quelles y allèrent, il commence un récit antérieur à leur arrivée et il commence ce récit par ces mots : Et voici que, expressions qui donnent à entendre que le récit de la résurrection ne fait pas suite à la mention du départ des saintes femmes. Il est vrai que, dans la narration de saint Mathieu, on trouve des expressions qui, à première vue, donnent à entendre que les saintes femmes furent témoins de la résurrection, ce qui contredirait les autres Evangélistes ; mais on peut penser que le traducteur grec a admis dans son travail des hébraïsmes qui donnent de l’obscurité au récit, tel que nous l’avons aujourd’hui, il restera bien quelque divergence, entre le récit de saint Mathieu et ceux de saint Marc et de saint Luc, qui font entrer les saintes femmes dans le tombeau avant l’apparition angélique, tandis que, d’après saint Mathieu, l’ange était sur la pierre et introduisit les saintes femmes dans le tombeau ; mais ce détail est de minime importance. Enfin, Magdeleine avait pu raconter aux autres femmes ce qui lui était arrivé, de sorte que, Jésus-Christ leur étant apparu, elles purent lui toucher les pieds, parce que leurs sentiments, dans cet acte d’adoration, étaient plus élevés que le premier mouvement qui avait porté Magdeleine à lui vénérer les pieds, comme s’il eut encore été dans sa vie mortelle.
1 Math., XXVIII; 1-4; 11-13. Nous avons fait observer déjà que le sabbat finissait à six heures du soir. Alors commençait le premier jour après le sabbat, dans la soirée du samedi ou sabbat.
dant que nous dormions, et ont volé le corps. » « Si le gouverneur entend parler de cela, dirent les chefs des prêtres aux soldats, nous ferons en sorte qu’il ne vous inquiète pas à ce sujet. » Les soldats acceptèrent l’argent et parlèrent comme on le leur avait recommandé.
Marie Magdeleine ayant vu que la pierre était enlevée1 courut en avertir Simon Pierre et le disciple que Jésus aimait, c’est-à-dire Jean. Elle leur dit : « On a enlevé le Maître du tombeau et je ne sais où on l’a mis. » Pierre et Jean allèrent aussitôt au monument ; ils partirent ensemble, mais Jean courut plus vite et arriva le premier. Il se baissa pour voir dans l’intérieur du tombeau, il vit le linceul plié, mais il n’entra pas. Pierre arriva ensuite, entra dans le tombeau, il vit le linceul plié, et le suaire qui enveloppait la tête également pliée, mais placé dans un endroit à part. Jean entra ensuite, vit la même chose, et crut à ce que Magdeleine avait rapporté ; mais ni l’un ni l’autre ne croyaient à la résurrection, car ils ignoraient encore le véritable sens des Ecritures. Pierre et Jean s’en retournèrent chez eux ; Marie resta à pleurer ; auprès du tombeau. Tout en pleurant elle se baissa pour voir dans l’intérieur ; elle vit deux anges vêtus de blanc, l’un à l’endroit où avait reposé la tête, l’autre où avaient reposé les pieds. Ils lui dirent : « Femme, pourquoi pleures-tu ?» Elle leur répondit : « On a enlevé mon Maître, et je ne sais où on l’a mis. » Après avoir ainsi parlé, elle se retourna et vit Jésus près elle ; mais elle ne le reconnut pas. Jésus lui dit : « Femme, pourquoi pleures-tu? Qui cherches-tu? » Magdeleine pensa que c’était le jardinier. Elle lui dit : « Maître, si c’est toi qui l’as enlevé, dis-moi où tu l’as mis, et je l’emporterai. » Jésus lui dit : « Marie. » A ce mot, elle alla à lui en s’écriant : « Mon Maître, » et elle se jeta à ses pieds. « Ne me touche pas, lui dit Jésus, car je ne suis pas encore monté vers mon Père ; va à mes frères et dis-leur : « Je monte vers mon Père qui est « le vôtre, à mon Dieu qui est le vôtre. » Marie Mag-
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1 Jean, Ibid.
deleine alla dire aux disciples qu’elle avait vu le Seigneur, et leur rapporter ses paroles.
On pouvait toucher Jésus avant son ascension, puisque lui-même fit toucher ses mains, ses pieds et son côté à ses disciples pour les convaincre de sa résurrection ; mais Marie Magdeleine voulait l’adorer, et adressait son adoration trop directement à l’humanité qui doit être adorée, par un seul et même acte, avec l’essence divine. Les paroles de Jésus sont la condamnation de tout culte adressé à son humanité, ou à quelque partie de son humanité. Avant l’Ascension de Jésus et la communication du Saint-Esprit, Magdeleine, malgré la pureté de son amour, ne comprenait pas encore que l’humanité ne pouvait être adorée en Jésus- Christ que dans La Personne divine de l’Homme-Dieu. C’est pourquoi Jésus lui dit : « Ne me touche pas, car je ne suis pas encore monté vers mon Père. » Lorsqu’il y fut monté, il envoya l’Esprit de vérité qui dirigea les sentiments de Marie Magdeleine et de tous les disciples, et leur donna la connaissance intime des vérités qu’ils n’avaient pas comprises jusqu’alors.
Marie Magdeleine revint au tombeau où la trouvèrent les autres saintes femmes qui arrivèrent de très- bon matin1 apportant les aromates pour embaumer le corps du Maître2. Elles virent la pierre du tombeau soulevée, et, étant entrées dans le monument, elles n’y trouvèrent plus le corps du Seigneur Jésus. Pendant
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1 Luc, XXIV; 1-11. Saint Marc (XVI; 1) dit qu’elles vinrent au tombeau de très-bon matin, lorsque le soleil était déjà levé. Il ne contredit point saint Luc qui dit seulement de trés-bon matin.
On a vu là une contradiction avec saint Jean qui dit (XX; 1) que Magdeleine vint au tombeau lorsqu’il faisait nuit. Mais cette contradiction n’existe pas, puisque Marie Magdeleine vint d’abord seule. Saint Marc la nomme, il est vrai, parmi les femmes qui allèrent au tombeau le matin, mais il ne dit pas qu’elle n’y était pas déjà venue. Il le suppose même, puisqu’il mentionne (vers. 9) l’apparition de Jésus à elle seule. Le récit de saint Marc n’est donc pas aussi bien coordonné que celui qui résulte des deux textes de saint Jean et de saint Luc rapprochés l’un de l’autre, mais on peut l’y enclaver sans combinaisons arbitraires.
2 Pendant la route, elles se demandaient, selon saint Marc (XVI; 3), qui leur ôterait la pierre, laquelle était très-grande ; ce qui prouve que Magdeleine n’était pas avec elles, puisqu’elle savait déjà que la pierre était enlevée. Saint Marc la nomme parmi elles (XVI; 1), mais il suffit qu’elle se soit trouvée au tombeau avec les autres, pour que cette mention soit exacte.
qu’elles étaient là, dans la consternation, deux hommes1 parurent auprès d’elles revêtus de robes éclatantes. A cette vue, elles furent saisies de crainte et tombèrent le visage contre terre. Les anges leur dirent : « Pourquoi cherchez-vous un vivant parmi les morts? il n’est plus ici ; il est ressuscité. Rappelez-vous ce qu’il vous disait lorsqu’il était encore en Galilée : « Il faut que le Fils de l’Homme soit livré entre les mains des pécheurs, qu’il soit crucifié et qu’il ressuscite le troisième jour. » Elles se rappelèrent ces paroles2. De retour du tombeau, elles annoncèrent ce qui leur était arrivé aux onze Apôtres et à tous les autres disciples3.
Celles qui vinrent annoncer ces choses aux Apôtres étaient : Marie Magdeleine, Joanna, Marie, mère de Jacques, et les autres qui étaient avec elles. Les Apôtres pensèrent qu’elles avaient eu une vision, et ne les crurent pas.
Cependant Pierre courut4 de nouveau au tombeau ; il vit seulement les linges placés avec soin et s’en alla, s’étonnant en lui-même de ce qui arrivait. Ce fut sans doute alors que le Seigneur lui apparut5, et lui confirma la vérité du récit fait par Marie Magdeleine et les autres saintes femmes.
Le même jour6, c’est-à-dire le dimanche, deux disciples allèrent à Emmaüs, ville éloignée de Jérusalem de soixante stades. Pendant la route, ils s’entretenaient de ce qui était arrivé, lorsque Jésus les joignit et fit chemin avec eux. Leurs yeux étaient obscurcis de manière à ce qu’ils ne le reconnussent pas. Il leur dit :
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1 Saint Marc (XVI ; 3) n’en désigne qu’un ; mais cette différence n’a aucune importance.
2 Saint Marc (XVI; 7) ajoute : « Dites aux disciples et à Pierre qu’il vous précède en Galilée. Vous l’y verrez, comme il vous l’a dit. »
Puis saint Marc indique d’une manière générale les apparitions à Magdeleine, aux disciples d’Emmaüs et aux disciples assemblés (XVI; (1-14), apparitions qui eurent lieu avant le voyage en Galilée, dont il n’a pas donné les détails, lesquels se trouvent en saint Jean.
3 Saint Marc raconte que, dans leur frayeur, elles ne dirent rien à personne (XVI ; 8), il lie s’agit ici que de ceux qu’elles rencontrèrent sur leur route et auxquels elles ne parlèrent point, par crainte des ennemis de Jésus,
4 Luc, XXI V; 12.
5 Luc, XXIV; 34; I Epist. ad Corinth., XV; 3.
6 Luc, XXIV; 13; — 48.
« De quoi parlez-vous ainsi, et pourquoi êtes-vous tristes. » Un d’eux, Cléopas1, lui dit : « Vous êtes le seul étranger qui ne connaissiez pas ce qui a eu lieu ces jours derniers à Jérusalem. —Quoi donc ? reprit Jésus. » Ils répondirent : « Ce que l’on a fait à Jésus de Nazareth qui fut un prophète, puissant par sa doctrine et par ses actions, aux yeux de Dieu et du peuple ; et comment nos souverains pontifes et nos princes l’ont condamné à mort et crucifié. Nous espérions qu’il délivrerait Israël, et maintenant voici le troisième jour que cela est arrivé2. Quelques femmes d’entre nous qui sont ailées à son tombeau avant le jour nous ont effrayés en nous rapportant que, n’ayant pas trouvé son corps, elles ont vu des anges qui leur ont dit qu’il vivait ; quelques-uns d’entre nous sont allés au tombeau, trouvèrent que les choses étaient comme les femmes l’avaient rapporté, et ne trouvèrent pas le corps. »
Alors Jésus leur dit : « O insensés! comme vous croyez difficilement aux prophéties ! Le Christ n’a-t-il pas dû souffrir et entrer ainsi dans sa gloire ? » Et il leur interpréta toutes les prophéties, à commencer par celles de Moïse. Ils arrivèrent ainsi à la ville, où ils se rendaient. Jésus feignit d’aller plus loin; mais ils l’engagèrent à rester avec eux. « Reste avec nous, lui dirent-ils ; il se fait tard et le jour baisse. » Il les accompagna dans la maison où ils allaient, et se mit à table avec eux. Ayant pris du pain, il le bénit et le leur offrit. Aussitôt leurs yeux s’ouvrirent et ils le reconnurent ; mais il disparut aussitôt. « Notre cœur n’était-il pas enflammé, se dirent-ils, lorsqu’il nous parlait pendant la route et qu’il nous expliquait les Ecritures ? » Ils se levèrent à l’instant même et retournèrent à Jérusalem où ils trouvèrent assemblés les onze Apôtres et d’autres disciples qui leur dirent : « Le Maître est ressuscité et il a apparu à Simon. » Ils racontèrent à leur tour ce qui leur était arrivé pendant
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1 Cléopas était époux de Marie, sœur ou cousine de la mère de Jésus, et il était père de ceux qu’on a appelés frères de Jésus.
2 Jésus-Christ lut crucifié le vendredi : premier jour; il resta enseveli le samedi : second jour ; il est ressuscité le dimanche : troisième jour.
le chemin, et comment ils avaient reconnu Jésus à la fraction du pain.
Lorsqu’ils parlaient encore, Jésus apparut au milieu de l’assemblée et dit : « Paix à vous ! c’est moi, ne craignez point. » Jésus avait besoin de les rassurer, car ils furent troublés et effrayés comme à la vue d’un fantôme. « Pourquoi avez-vous peur, continua Jésus, et pourquoi toutes ces pensées qui vous traversent l’esprit ? Voyez, à mes mains et à mes pieds, que c’est bien moi. Touchez et regardez ; un Esprit n’a pas de la chair et des os comme vous voyez que j’en ai. » En parlant ainsi, il leur montrait ses mains et ses pieds. La joie et l’étonnement les retenaient dans une demi-incrédulité. « Avez-vous ici quelque chose à manger? » leur dit Jésus. Ils lui offrirent un morceau de poisson grillé et un rayon de miel. Après en avoir mangé, il leur offrit le reste et leur dit : « Je vous ai dit, lorsque j’étais encore avec vous, que tout ce qui avait été écrit de moi par Moïse et les prophètes et dans les psaumes, devait être accompli, » et il leur ouvrit l’intelligence pour qu’ils pussent comprendre les Ecritures. « Il était écrit, ajouta-t-il, que le Christ devait souffrir et ressusciter le troisième jour ; que son nom doit être prêché à toutes les nations pour les amener au repentir, afin que leurs péchés soient remis. Vous êtes témoins de ces choses. »
Cette apparition eut lieu le dimanche soir1. Les disciples étaient enfermés par crainte des Juifs. Après leur avoir expliqué les prophéties, Jésus leur dit de nouveau : « Paix à vous ! comme mon Père m’a envoyé, je vous envoie. » Après ces paroles, il souffla sur eux et leur dit : « Recevez le Saint-Esprit ; les péchés seront remis à ceux auxquels vous les remettrez ; ils seront retenus à ceux auxquels vous les retiendrez. »
L’Eglise a toujours vu, dans ces paroles, l’institution du mystère ou sacrement auquel on a donné le nom de Pénitence. Le nom de Jésus devant être prêché pour la rémission des péchés, Jésus donnait à ses Apôtres le pouvoir de les remettre ou de les retenir, selon
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1 Jean, XX; 19-23.
le repentir de ceux qui entreraient dans son royaume, c’est-à-dire son Eglise, et les Apôtres étaient établis juges de ce repentir.
Thomas n’était pas avec les autres Apôtres lorsque Jésus leur était apparu1. Ils lui dirent : « Nous avons vu le Maître. » Mais il répondit : « Si je ne vois pas dans ses mains la marque des clous, si je ne pose pas le doigt sur les cicatrices, si je ne mets pas la main sur son côté, je ne croirai pas. »
Huit jours après, les disciples étaient réunis au même lieu. Thomas était avec eux. Les portes étaient encore fermées. Jésus parut au milieu d’eux et leur dit : « Paix à vous ! » Puis il dit à Thomas : « Mets ton doigt là et vois mes mains ; approche ta main et mets-la sur mon côté ; ne sois plus incrédule mais croyant. » Thomas répondit : « Mon Maître et mon Dieu ! » Jésus lui dit : « Thomas, tu as cru parce que tu as vu ; heureux ceux qui n’ont pas vu et ont cru2. »
Les Apôtres, sur l’ordre de Jésus, se retirèrent en Galilée3. Jésus les y précéda et leur apparut sur les bords de la mer de Tibériade, dans les circonstances suivantes4 : Simon-Pierre, Thomas, Nathanaël, natif de Cana en Galilée, les deux fils de Zébédée, Jacques et Jean, et deux autres disciples étaient sur le bord de la mer. Simon-Pierre leur dit : « Je vais pêcher. » Ils lui répondirent : « Nous y allons avec toi ; » et ils montèrent tous ensemble sur un bateau. Ils ne prirent rien de toute la nuit. Le matin, Jésus se tenait sur le rivage, mais les disciples ne le reconnurent pas. « Enfants, leur dit Jésus, avez-vous quelque chose à manger ? — Non, répondirent-ils. — Alors, reprit Jésus, jetez le filet à droite du bateau, et vous en trouverez. » Ils le jetèrent, et ils ne pouvaient plus le tirer, tant il était plein de poissons. Jean dit alors à
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1 Jean, XX; 24-31.
2 D’autres disciples, comme Thomas, n’avaient cru, comme le remarque saint Marc, ni aux apparitions faites aux femmes, ni à celles dont avaient été favorisés Simon et les disciples d’Emmaüs; c’est pourquoi Jésus, la première fois qu’il leur apparut à tous ensemble, leur reprocha leur incrédulité. (Marc. XVI; 11-14.)
3 Malh., XXVIII; 10-16; — Marc, XVI; 7,
4 Jean, XXI; 1-23.
Pierre : « C’est le Maître ! » En entendant que c’était le Maître, Pierre prit sa tunique qu’il avait ôtée, et se jeta à la mer. Les autres disciples abordèrent au rivage qui n’était qu’à deux cents coudées, à force de rames, en traînant le filet. En descendant à terre, ils virent des charbons allumés, des poissons placés dessus et du pain. Jésus leur dit : « Apportez maintenant des poissons que vous avez pris. » Simon-Pierre se tenant sur le rivage attira le filet à terre. Le filet contenait cent cinquante-trois grands poissons, et cependant il ne se rompit point. Jésus dit aux disciples : « Venez et mangez. » Personne d’entre eux n’osa lui demander qui il était, car ils savaient que c’était le Maître, quoiqu’il ne se fût pas clairement révélé à eux. Jésus leur donna à chacun du pain et du poisson.
C’était la troisième fois que Jésus apparaissait ainsi à plusieurs de ses disciples assemblés.
Pendant le repas, le demi-voile qui le cachait d’abord disparut, et il demanda à Pierre une triple déclaration d’amour pour lui faire expier son triple reniement, et avant de le réintégrer parmi les pasteurs de son Eglise. « Simon, fils de Jean, lui dit-il, m’aimes-tu plus que ceux-ci ? » Il ne l’appelait plus Pierre, car il avait faibli dans sa foi. Simon n’osa pas, comme pendant la Cène, élever son amour au-dessus de celui des autres. Il répondit modestement : « Maître, tu sais que je t’aime. — Pais mes agneaux, » répondit Jésus, c’est- à-dire sois pasteur. Il lui demanda une seconde fois : « Simon, fils de Jean, m’aimes-tu? — Oui, Maître, répondit Simon, tu sais que je t’aime. — Pais mes brebis, » reprit Jésus. Il lui dit une troisième fois : « Simon, fils de Jean, m’aimes-tu? » Cette troisième interrogation : « M’aimes-tu? » rappela à Simon qu’il avait renié son Maître trois fois. Il répondit avec tristesse : « Maître, tu sais tout ; tu sais que je t’aime. —Pais mes brebis,» répondit Jésus, c’est- à-dire sois pasteur ; je te rends le titre que ton triple reniement t’avait fait perdre1.
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1 Les Pères de l’Eglise sont unanimes pour interpréter, comme nous l’avons
Jésus lui prédit ensuite le martyre qu’il souffrirait pour lui : « En vérité, en vérité, lui dit-il, quand tu étais jeune, tu mettais toi-même ta ceinture et tu allais où tu voulais. Quand tu seras vieux, un autre t’en mettra une et te conduira où tu ne voudrais pas aller. »
Pierre, chargé de liens, fut conduit au gibet où il donna sa vie pour son Maître bien-aimé. Après lui avoir parlé ainsi, Jésus ajouta : « Suis-moi, » pour l’appeler de nouveau à l’apostolat, car son reniement lui avait fait perdre son titre d’apôtre.
Pierre, voyant auprès de lui Jean, pour lequel Jésus avait toujours montré de la prédilection, dit à Jésus : « Et à celui-là, que lui arrivera-t-il? » Jésus répondit : « Si je veux qu’il reste jusqu’à ce que je vienne, que t’importe ? Pour toi, suis-moi. » Sois mon apôtre, telle doit être ton unique préoccupation.
Les paroles relatives à Jean donnèrent à penser aux autres disciples que cet apôtre ne mourrait point. Mais tel n’était pas le sens des paroles de Jésus qui voulait dire seulement à Pierre : « Quand je voudrais que celui-ci restât jusqu’à ce que je vienne, que t’importerait à toi ? »
C’est saint Jean lui-même qui prit soin d’expliquer ainsi les paroles du Maître1.
Jésus apparut encore à ses disciples sur une montagne de la Galilée qu’il leur avait indiquée2. Parmi ceux qui furent témoins de cette apparition, il y en avait qui hésitaient encore à croire à sa résurrection. Ceux qui croyaient l’adorèrent, et Jésus, s’approchant d’eux, leur dit : « Tout pouvoir m’a été donné au ciel et sur la terre. Allez donc et enseignez toutes les nations ; baptisez-les au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit ; apprenez-leur à pratiquer tous mes commandements. Voici que je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde. »
Jésus institua ainsi le baptême nouveau qui, au
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fait, ce passage de l’Evangile, et ne font aucune distinction entre les mots agneaux et brebis, qui signifient également le troupeau du Christ. On le verra plus tard dans les études que nous consacrerons aux ouvrages des Pères.
1 Jean, XXI ; 23-24.
2 Math., XXVIII ; 16-20.
nom de la Trinité, devait régénérer le monde et initier les peuples à la Nouvelle Alliance. Les Apôtres recevaient la mission de représenter le Christ dans le monde, mais il promettait en même temps d’être toujours présent dans son Eglise pour la diriger.
Peu de temps après cette apparition de Jésus, les Apôtres retournèrent à Jérusalem, et ils durent y demeurer jusqu’à la venue du Saint-Esprit1. Jésus leur avait promis ce Paraclet qui devait leur enseigner toute vérité et leur donner l’intelligence des instructions qu’ils avaient reçues. Pendant les quarante jours2 qu’il resta sur la terre, après sa résurrection ; il les entretint du royaume de Dieu, il leur dit entre autres choses : « Jean vous a baptisés dans l’eau, mais, dans quelques jours, vous serez baptisés dans le Saint-Esprit. » Ses Apôtres, préoccupés de leurs idées judaïques, lui demandaient : « Maître, est-ce alors que tu rétabliras le royaume d’Israël? — Il ne vous appartient pas, répondit Jésus, de connaître les temps dont le Père s’est réservé l’accomplissement. Sachez seulement que vous recevrez la vertu du Saint-Esprit qui viendra d’en haut sur vous, et que vous serez mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée, la Samarie et jusqu’à l’extrémité de la terre. »
Les Juifs, comme les Samaritains et les gentils devaient être convoqués à faire partie du royaume de Dieu ; il n’y avait plus d’exclusion pour personne.
Ce dernier entretien avait lieu auprès de Béthanie, sur le mont des Oliviers, où Jésus avait conduit ses Apôtres3. Ayant élevé les mains, il les bénit, et, tandis qu’il les bénissait, il s’éloignait d’eux, et s’élevait vers le ciel. Un nuage le cacha à leurs regards.
Pendant qu’ils le suivaient des yeux, deux hommes, vêtus de blanc, se présentèrent à eux et leur dirent : « Galiléens, pourquoi restez-vous ainsi les yeux fixés au ciel ? Ce Jésus qui vient de vous quitter en s’élevant
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1 Luc, XXIV; 49; — Act. apost., I; 4.
2 Act. apost·., I; 3-14.
3 Luc, XXXIV; 30-33. — Act. apost., I; 12.
en haut viendra de la même manière que vous l’avez vu monter. »
Alors les Apôtres, après avoir adoré leur Maître, revinrent à Jérusalem, remplis de joie, à cause des promesses qui leur avaient été faites, et ils étaient constamment dans le temple louant et bénissant Dieu1.
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1 La résurrection de Jésus-Christ a été, de tout temps, attaquée par tous les adversaires du christianisme. Ils ont proposé divers moyens pour enlever à ce fait sa réalité et son caractère surnaturel. Tous ces moyens se réduisent, en définitive, à des hypothèses, à des probabilités, à des possibilités. Si l’on emploie de telles raisons contre le fait de la résurrection de Jésus-Christ, pourquoi n’y a-t-on pas recours contre les autres faits historiques ? Au fond, toutes les hypothèses se réduisent à deux : la première, d’invention judaïque, est mentionnée par saint Mathieu ; elle consiste à dire que les Apôtres ont fait disparaître le corps de leur Maître malgré les précautions prises par les Juifs eux-mêmes pour rendre cette soustraction impossible. Ce moyen ne réussit pas ; il est trop ouvertement contredit par tous les faits qu’il faudrait nier en bloc pour le soutenir. Des critiques modernes l’ont compris, et, se croyant plus habiles que les Juifs, ont inventé la seconde hypothèse d’après laquelle les Juifs eux-mêmes auraient fait disparaître le corps de Jésus. Il suffira de leur demander comment les Juifs ne l’ont pas montré lorsqu’ils ont vu que la croyance à la résurrection de Jésus-Christ était, sur le témoignage des Apôtres, acceptée, non-seulement par une foule de Juifs, mais par les païens eux- mêmes. Pour soutenir l’une ou l’autre de ces deux hypothèses, il faut, avoir recours à mille et mille probabilités contradictoires beaucoup plus incroyables que la résurrection elle-même.