Considérations générales sur les trois premiers siècles de l’ère chrétienne formant la première période de l’histoire de l’Eglise
Après avoir exposé l’histoire des deux premiers siècles, et en commençant celle du troisième, il nous paraît utile de généraliser les données particulières que les documents nous ont fournies.
Nous apercevons d’abord un grand fait : L’établissement du christianisme dans toutes les parties du monde alors connu.
On ne possède pas de renseignements très-positifs sur l’œuvre d’évangélisation des douze apôtres. Cependant, d’après les résultats obtenus, on peut affirmer que chacun des douze patriarches de la Nouvelle Alliance fut comme un centre de prédication, d’où les rayons de la vérité resplendirent sur le monde entier.
L’évangélisation fut si active et si persévérante, à l’époque apostolique, qu’à la fin du II siècle, Tertullien pouvait dire aux chefs de l’empire romain : « Nous ne sommes que d’hier et nous remplissons tout, vos villes, vos îles, vos villes fortifiées, vos communes, vos assemblées, vos camps eux-mêmes, vos tribus, vos décuries, le palais, le sénat, le forum ; nous ne vous laissons que vos temples. »
Le même écrivain dit ailleurs : « L’Évangile a retenti dans le monde entier : Parthes, Mèdes, Elamytes, Mésopotamiens, Arméniens, Phrygiens ; habitants de la Cappadoce, du Pont, de l’Asie, de la Pamphilie ; Egyptiens, Africains, Romains, Gétules, Maures, Espagnols, Gaulois, Bretons, Sarmates, Daces, Germains, Scythes et beaucoup d’autres peuples ont embrassé l’Évangile… Le règne de Jésus-Christ est universel ; le Christ règne sur tous ces peuples. »
Quelle est la raison philosophique de ce grand fait ? A quoi attribuer un résultat aussi immense ?
Les diverses écoles philosophiques ont proposé leurs réponses à cette question. Elles peuvent être ainsi résumées
Le monde païen était fatigué du paganisme qui ne répondait plus aux aspirations sociales.
En voyant le paganisme se débattre pendant trois siècles contre l’influence chrétienne ; appeler à son aide les sarcasmes et les raisonnements d’une philosophie sceptique, l’intolérance, la calomnie, les supplices, les atrocités les plus révoltantes, le despotisme des empereurs, on ne peut admettre qu’il n’eût une grande influence dans la société.
Le peuple y tenait, parce que ses passions et son ignorance s’accommodaient parfaitement des superstitions qu’il lui enseignait. Les classes lettrées n’y croyaient pas ; mais, de la négation dissimulée et intéressée d’une religion commode, qui avait pour elle le temps et les lois, à l’affirmation d’une religion sévère et pure, il y a un abîme.
Comme nous l’avons dit ailleurs, le christianisme n’était pas une religion sans racines dans le monde. Les Pères des trois premiers siècles, et particulièrement Théophile d’Antioche, Justin, Athénagore, Tertullien, Origène, Clément d’Alexandrie, avaient soin de faire remarquer aux idolâtres que leur religion avait conservé plusieurs des doctrines primitives révélées par Dieu à l’humanité dès le commencement, conservées dans leur pureté par le mosaïsme, et développées par le christianisme ; mais ces vérités primitives avaient été tellement obscurcies dans les fausses religions, et surtout dans le polythéisme gréco-romain qui était devenu comme le résumé de toutes les erreurs humaines, que le christianisme était, pour les peuples, une religion absolument nouvelle, non-seulement parce que Jésus-Christ avait ajouté aux révélations patriarchale et mosaïque des vérités encore inconnues, mais encore parce que les doctrines, dont les cultes païens avaient conservé le souvenir, étaient étouffées sous une couche de préjugés et d’erreurs tellement épaisse qu’il était impossible au peuple d’en avoir une exacte connaissance.
Jésus-Christ ne donnait pas sa religion comme une doctrine qui n’avait aucune racine dans le passé. Il disait : « Un iota ne sera pas retranché de la loi jusqu’à ce qu’elle soit entièrement accomplie. » Il déclarait qu’il était venu pour accomplir la loi et les prophètes.
Saint Paul a exposé les phases diverses de la révélation, dans ce passage de l’épître aux Hébreux (ad Hœb. I) : “ Plusieurs fois, dit-il, et de plusieurs manières, Dieu a parlé à nos pères par les prophètes. Dans ces derniers jours, il nous a parlé par le Fils qu’il a établi héritier de toutes choses, par lequel il a fait même les siècles. »
Le Fils a été le centre de tout, non-seulement de l’humanité qui n’a pu être sauvée que par lui, mais de toutes les manifestations divines dans le monde.
Le christianisme est comme un foyer lumineux où la vérité divine, communiquée, à différentes époques, avec les développements que Dieu avait déterminés, s’est concentrée de manière à éclairer, d’une manière complète, toutes les générations qui se succéderont jusqu’à la fin du monde.
Il est comme un phare, placé sur une haute montagne.
Les générations qui l’ont précédé ont marché vers lui ; toute lumière qui éclaire les générations modernes en découle.
On ne peut isoler Jésus-Christ ni des siècles qui l’ont précédé, ni de ceux qui l’ont suivi. Il est le centre divin du monde ; les vieilles générations ont soupiré après sa venue ; les nouvelles ne peuvent vivre que par leur foi en lui.
Ce n’est point dans des éléments humains, ou dans un développement quelconque de l’humanité, que Jésus-Christ a puisé les vérités qu’il a enseignées, mais dans le sein de Dieu son Père, principe de ce qui est, et source de toute vérité. Il ne s’est point posé en philosophe, coordonnant les notions diverses issues des efforts successifs de l’intelligence humaine ; mais il n’a point rejeté les révélations premières, qu’il venait accomplir. Ce qui est venu de Dieu, à toutes les époques de l’histoire de l’humanité, a toujours été nécessairement vrai ; la vérité est immuable comme Dieu lui-même.
Il y a eu une révélation primitive faite aux patriarches ;
Cette révélation a été développée par Moïse et les prophètes sous l’inspiration de Dieu ;
Jésus-Christ n’a point aboli ces révélations dans ce qu’elles avaient d’essentiellement vrai ; il les a développées, accomplies et augmentées, de manière à donner au monde une religion qui répondît à tous les progrès possibles de l’humanité.
Au moment où Jésus-Christ parut dans le monde, quelques réminiscences des révélations patriarchale et prophétique s’étaient conservées partout. C’est un fait incontestable, et dont les Pères des premiers siècles ont habilement profité pour faire l’apologie du christianisme. Mais ces vérités étaient tellement obscurcies que le christianisme, en les exposant clairement, donnait réellement au monde un enseignement nouveau.
A côté des vérités trop méconnues, les erreurs avaient formé un état social, si corrompu que le christianisme avait à former un monde nouveau.
Quelques philosophes, partant des vérités générales dont tous les peuples avaient conservé quelque souvenir tout en les altérant, ont prétendu que le christianisme n’était que le développement régulier de doctrines antérieures que Jésus-Christ aurait empruntées aux différentes écoles de philosophie.
Nous avons déjà réfuté ce système dans les préliminaires de notre premier volume.
Quand on étudie sérieusement les religions de l’antiquité, on ne peut arriver à de telles conclusions.
Les révélations patriarchale et mosaïque se présentent comme la source de ces doctrines générales dont on aperçoit des traces dans les religions de tous les peuples ; et le christianisme est le développement divin et le perfectionnement des révélations primitives.
Sans doute, le christianisme pouvait apparaître dans le monde d’une manière spontanée et sans relation avec les doctrines antérieures de l’humanité. Mais tel ne fut pas le plan de Dieu qui ne laissa jamais le monde privé des vérités surnaturelles dont il avait besoin pour développer sa raison, et soutenir sa conscience dans la lutte contre le mal. Il a parlé plusieurs fois à l’humanité, et ce n’est certes pas parce que la révélation chrétienne a des relations avec les révélations primitives qu’il en a moins un caractère divin.
Au contraire, puisqu’il rentre par là même dans le plan général suivi par Dieu à l’égard de l’humanité.
Prétendre l’expliquer philosophiquement, au moyen de quelques rapports existant entre ses doctrines et les souvenirs des révélations primitives conservées par les peuples païens, c’est entreprendre une œuvre impossible. Ceux qui l’essayent oublient d’abord d’expliquer l’origine de ces doctrines, dont on aperçoit partout des traces, et qui ne peuvent avoir leur raison, ni dans la nature extérieure, ni dans la raison humaine. Ils oublient, en outre, que l’histoire de la révélation est claire et positive.
Il est plus philosophique de remonter directement aux premières révélations, pour expliquer le christianisme, que de le rattacher aux théories des écoles philosophiques par des liens qui ne pouvaient être que difficilement aperçus même par les philosophes.
La filiation divine et le développement divin du christianisme ont leur raison d’être dans la révélation de Dieu, c’est-à-dire dans les manifestations successives de son Verbe, par les patriarches, par Moïse et les prophètes, et enfin par ce Verbe lui-même revêtu de l’humanité.
Les circonstances au milieu desquelles le christianisme est apparu dans le monde, démontrent également sa divinité.
A quelle société s’adressèrent Jésus-Christ et les apôtres ?
A une société sceptique qui confondait la vérité et l’erreur dans un ensemble doctrinal qui ne pouvait satisfaire la raison ; à une société profondément immorale, où la notion de la distinction du bien et du mal s’était à peine conservée dans la pratique ; où la conscience était faussée par des principes immoraux auxquels on avait donné comme une consécration religieuse ; à une société qui avait identifié l’absolutisme le plus abrutissant avec l’autorité.
Quelle doctrine enseignaient-ils à cette société ?
Une doctrine si pure, si élevée, que le monde, jusqu’aujourd’hui, n’en a pas encore obtenu l’entière réalisation.
Cependant, les apôtres ont imposé cette doctrine au monde.
Par quels moyens ?
Par la prédication.
Peut-on apercevoir quelques rapports entre ce moyen et les résultats ?
Oui, si l’on ajoute à la prédication le miracle qui l’accompagnait, et qui révélait aux plus obstinés l’action divine.
Non, si l’on supprime le miracle.
Or le supprimer, c’est nier un ensemble de faits des mieux constatés et se condamner à ne rien comprendre au grand fait social de l’établissement du christianisme.
Rien, dans le polythéisme, ne pouvait conduire ses adeptes au christianisme. Un antagonisme profond existait entre les religions existantes et l’Évangile. La société païenne était profondément corrompue et l’Évangile est la pureté ; elle était sceptique et superstitieuse, et l’Évangile est basé sur la foi intime et la vérité.
La philosophie se montra encore plus hostile que l’ignorance au christianisme. Elle lui jeta à la face ses insultes, ses sarcasmes et provoqua la persécution.
Le système politique et social avait pour fondements : le despotisme de l’empereur, chef absolu et souverain pontife, dans l’État ; le privilège des classes riches et la distinction radicale entre le maître et l’esclave ; la souveraine domination de l’argent.
L’Évangile, au contraire, se résume : dans l’obéissance consciencieuse à l’autorité légale ; dans la fraternité entre tous les hommes, à quelque classe sociale qu’ils appartiennent ; dans un effort incessant pour se dégager de la vie matérielle et se rapprocher de Dieu.
Les apôtres et leurs successeurs se présentèrent au milieu du monde avec cette doctrine ; dénués de tout moyen extérieur pour l’imposer, leur action fut toute intime ; ils ne s’adressèrent qu’à la raison et à la conscience. Ils ne rêvèrent aucune transformation sociale et ne firent point appel à la révolte contre le régime existant. Ils ne se préoccupèrent ni des formes gouvernementales, ni des abus sociaux. Ils n’eurent qu’un but : perfectionner l’individu, et par là semer les germes de la vérité et de la charité dans tout le corps social. L’esclavage était la plaie du monde ; il était contraire à l’Évangile ; cependant, les apôtres chrétiens ne firent aucune loi contre l’esclavage. Seulement, ils apprirent à l’esclave qu’il était, aux yeux de Dieu, plus que son maître s’il avait plus de vertus que lui ; ils apprirent au maître que son esclave était son frère, et que Dieu l’estimait peut-être plus que lui. Ils ne s’élevèrent point contre la puissance de l’argent ; mais ils enseignèrent que l’argent n’était utile qu’autant que l’on faisait le bien par son moyen ; que l’on rendait, à ceux qui en étaient privés, l’exis
tence plus douce ; qu’il était le moyen de soutenir et de développer le travail. Ils ne légiféraient pas contre ceux qui abusaient de leur fortune, pour passer leur vie dans l’oisiveté ; mais ils faisaient du travail une loi générale à laquelle personne n’avait le droit de se soustraire.
La doctrine évangélique, semée dans les âmes, y fructifia si bien, malgré les persécutions et l’état de lutte où se trouva l’Eglise pendant trois siècles, qu’à l’avéne-ment du premier empereur chrétien, les lois païennes ne répondaient plus à l’état de l’esprit public.
Nous ne contestons pas qu’à dater de cette époque l’Eglise n’ait eu une existence extérieure plus prospère ; mais on se tromperait étrangement, si l’on pensait que, avant la conversion de Constantin, le christianisme n’avait pas pénétré profondément dans la conscience des différentes classes de la société, et surtout dans celle du peuple. L’Eglise était devenue une institution si puissante que l’effort suprême des nombreux tyrans coalisés contre elle, à la fin du III siècle, ne put l’ébranler.
On a prétendu que l’unité de l’empire romain avait été utile à l’établissement et à la propagation de l’Évangile.
Cette unité ne fut jamais qu’apparente. Il y avait bien pour tout l’empire un pouvoir central et souverain ; mais les peuples vaincus qui faisaient partie de ce corps politique, n’en avaient pas moins leurs mœurs, leurs coutumes, leur langage. Il n’y avait pas moins de différence entre le Lybien et le Romain, qu’entre ce dernier et le Scythe. L’unité n’apparaissait dans l’empire que par des décrets émanant du pouvoir central, et que faisaient exécuter les gouverneurs des provinces. Les décrets des empereurs étant plutôt hostiles que favorables à l’Evangile, il faut en conclure que l’unité de l’empire fut plutôt un obstacle qu’un moyen pour les travaux des apôtres et de leurs successeurs.
Dès le début de leur prédication, les apôtres sortirent des frontières de l’empire romain. Tandis que Pierre, l’apôtre des Juifs, après avoir parcouru les provinces de l’Asie-Mineure, allait jusqu’à Babylone, le plus grand centre judaïque alors existant, Jean évangélisait les Parthes, ennemis de l’empire romain ; André passait le Danube et pénétrait chez les Scythes ; Matthieu se rendait en Abyssinie et de là aux Indes.
Le grand apôtre de l’empire romain fut Paul ; et ce fut surtout parmi les Hellènes que son apostolat obtint des succès.
Les autres apôtres se trouvèrent en présence de peuples aussi divers par le caractère et le génie que par le langage.
Dans toutes les provinces de l’empire, se trouvaient juxtaposés trois éléments distincts : La population indigène appartenant à des races diverses ; l’élément hellène qui avait été l’élément vainqueur sous Alexandre et ses successeurs ; l’élément romain ou officiel qui formait l’administration depuis les conquêtes de Rome. Mais la langue de Rome, le latin, était fort peu répandu ; même à Rome le grec était presque exclusivement le langage de la classe lettrée ; mais au-dessus du grec et du latin régnaient, dans chaque province, les vieux idiomes nationaux avec leurs littératures propres. Le syrochaldaïque et ses dialectes dominait, de la Palestine aux bords de l’Euphrate, dans toutes les provinces de l’Asie centrale ; en Egypte, le copte était le langage de toute la province, excepté Alexandrie, la cité civilisée qui était devenue la capitale de l’hellénisme et de la philosophie grecque. En Occident, le latin et le grec n’étaient parlés que dans les villes principales. Les peuples ne se servaient que de leur vieux langage.
Les religions n’étaient pas moins diverses que les langues. La Grèce avait bien imposé aux Romains son polythéisme avec sa littérature ; mais le système religieux gréco-romain n’avait jamais supplanté les traditions des peuples divers juxtaposés dans la Babel de l’empire romain. Du reste, Rome, au lieu de s’attaquer aux religions, admettait tous les dieux dans son Panthéon ; elle en faisait la conquête et s’en emparait, aussi bien que des peuples.
On pouvait surtout remarquer dans l’empire deux grandes fractions dont le génie et le caractère se dessinent au-dessus de diversités nombreuses et particulières. L’une était l’Orient, l’autre l’Occident.
La première était composée de l’Egypte et des provinces limitrophes, la Lybie et l’Abyssinie ; de la Grèce proprement dite et de toute l’Asie centrale, depuis les bords de la Méditerranée jusqu’à l’Euphrate, et du Danube à l’Indus.
L’Occident comprenait l’Italie, l’Espagne, la Gaule, les provinces au Nord du Danube et l’Afrique romaine, dont Carthage était la capitale.
Pendant les trois premiers siècles, le christianisme se répandit surtout en Orient. L’Eglise y devint de bonne heure nombreuse, savante, zélée. Ce fut elle qui envoya les premiers apôtres dans les colonies grecques de l’Occident, surtout dans la Gaule et la Grande-Bretagne. Des chrétientés florissantes y furent fondées, mais seulement dans les villes principales, et elles ne prirent une véritable importance que dans le’ courant du III siècle.
Rome elle-même jetait fort peu d’éclat, à cette époque, quoique son Eglise fût nombreuse et riche ; Carthage l’éclipsa au III siècle.
Comment l’Eglise procéda-t-elle dans sa grande œuvre d’évangélisation au sein de peuples si différents par le génie, les mœurs, le langage ?
L’histoire nous l’a fait connaître : elle prêcha l’Évangile. Mais la charité et le miracle lui venaient en aide.
A ces moyens extérieurs, on doit ajouter la grâce intérieure qui disposait les cœurs à entendre la prédication, à comprendre le langage de la charité, à apercevoir dans le miracle la manifestation de la volonté divine.
Cette action intime de Dieu sur la société peut seule expliquer la transformation profonde qui s’y opéra.
L’action intime de Dieu sur les âmes se manifesta surtout chez les martyrs.
Pendant trois siècles, la lutte violente du paganisme contre le christianisme couvrit de sang presque toutes les provinces de l’Empire romain. Quelques empereurs se montrèrent tolérants, mais ils furent trop peu justes pour abolir les décrets de persécution générale publiés par leurs prédécesseurs. Même sous leurs règnes, les gouverneurs des provinces étaient autorisés, par des décrets non révoqués, à satisfaire leurs passions contre les chrétiens. De plus, à divers intervalles, des empereurs avaient soin de renouveler ces décrets ; ce qui donnait une nouvelle activité aux persécutions.
Alors même que les actes authentiques des martyrs ne nous révéleraient pas d’une manière aussi claire l’action de Dieu, les souffrances horribles que ces héros supportaient suffiraient bien pour attester qu’il y avait en eux quelque chose de surhumain.
On vit, à toutes les époques de l’histoire de l’humanité, des hommes admirables sacrifiant leur vie à la vérité ou à des opinions qu’ils croyaient vraies et utiles. Nous nous inclinons devant ces héros de la conviction, même sans partager leur manière de voir. Nous les respectons d’autant plus qu’ils ont été plus rares, et qu’ils ont fait exception dans l’humanité.
Mais nous nous inclinons avec plus de respect et de vénération devant les martyrs chrétiens, qui couraient à la mort comme au triomphe, et qui souriaient aux horribles tourments à l’aide desquels on voulait leur arracher une faiblesse indigne de leur foi. En voyant, non-seulement des jeunes gens et des hommes, dans la force de l’âge, mais des vieillards, des femmes délicates, des enfants, défier la fureur des bourreaux, les bêtes sauvages, les plus horribles supplices ; courir à la mort avec joie comme à la victoire ; endurer, sans faiblesse les tourments dont le simple récit fait frissonner, il faut avouer que tous les héros philosophes pâlissent devant le courage chrétien, et que l’humanité n’aurait jamais pu s’élever aussi haut, si la puissance divine ne l’avait soutenue et fortifiée.
Pendant trois siècles, le martyre fut un miracle permanent dans l’Eglise.
Platon a fait la théorie du vrai juste. Il le voit dans l’homme vertueux luttant contre le mal, persécuté jusqu’à la mort comme méchant, et mourant comme s’il était coupable. Le philosophe ne se doutait pas que sa théorie sublime serait un jour si largement pratiquée, et que naîtrait dans le monde une religion capable d’enfanter, dans toutes les classes de la société, des héros semblables à celui qu’il rêvait comme un phénomène de vertu. Sans compter Jésus-Christ, Dieu-homme, le juste par excellence, qu’il ne faut pas placer dans les rangs de l’humanité, les martyrs prouvèrent que le christianisme élevait l’homme au-dessus de sa nature, et savait former par milliers ces héros dont Platon n’entrevoyait la théorie que comme une sublime impossibilité.
Nous n’avons pu, dans le cours de nos récits, nommer tous les martyrs. Les noms de la plupart d’entre eux n’ont été inscrits que par Dieu sur le livre de vie. Il nous a été impossible d’entrer dans tous les détails des tourments supportés par ceux dont les actes sont parvenus jusqu’à nous. Nous en avons assez rapporté, cependant, d’après les témoignages de l’histoire, pour en donner une idée exacte, et démontrer l’action de Dieu dans l’établissement de son Eglise.
Tandis que des héros nombreux sacrifiaient leur vie pour la foi, des hommes éloquents plaidaient leur cause et répondaient victorieusement aux reproches élevés contre le christianisme.
Pendant les trois premiers siècles, l’apologie forme la branche la plus intéressante de la littérature ecclésiastique. De 1 ’Épître à Diognète aux Discussions d’Arnobe et aux Institutions de Lactance, l’Eglise produisit des œuvres apologétiques très-remarquables. Tandis que le paganisme ne produisait guère que des rhéteurs, des sophistes et de mauvais poètes, l’Eglise enfantait des savants, des philosophes et des littérateurs, comme Irenée, Hippolyte, Athénagore, Théophile d’Antioche, Justin, Clément d’Alexandrie, Origène, Tertullien, Cyprien, Lactance, Eusèbe de Cæsarée.
Nous pourrions en nommer un plus grand nombre. Nous avons fait connaître leurs œuvres, et nous sommes persuadé que l’homme impartial, qui les lira et saura les comparer avec celles de la philosophie et de la littérature païennes de la même époque, avouera qu’elles leur sont de beaucoup supérieures. La philosophie profonde de Clément d’Alexandrie et d’Origène ; l’éloquence de Tertullien ; le style de Cyprien et de Lactance ; l’érudition d’Eusèbe de Cæsarée, élèvent le génie chrétien si fort au-dessus du génie païen, qu’un homme instruit, même anti-chrétien, ne pourra le contester.
Ce n’était pas seulement dans les classes populaires que le christianisme faisait pénétrer ses doctrines de vérité, inspirait l’amour de la vertu, produisait l’héroïsme du bien. Il inspirait les classes nobles et lettrées, et élevait, même chez elles, le niveau social.
Ceux qui liront dans notre ouvrage les analyses des ouvrages des Pères des trois premiers siècles, seront convaincus de leur supériorité intellectuelle. En étudiant les ouvrages eux-mêmes, on en sera encore mieux persuadé. Ils ne dédaignaient ni la science, ni la littérature, ni la philosophie païennes, et ils donnent sur ces divers sujets des renseignements que l’on chercherait vainement ailleurs.
Nous n’avons jamais pu comprendre cette école étroite et peu intelligente qui croirait s’abaisser en étudiant les écrivains des premiers chrétiens, comme si cette étude n’était pas du plus haut intérêt, même au point de vue purement philosophique ou scientifique. Le scepticisme de l’école anti-chrétienne la prive des données les plus intéressantes, en même temps qu’il accuse en elle une étroitesse d’esprit vraiment étrange. Ce qu’il y a de plus étonnant, c’est que les hommes qui se privent volontairement de ces lumières se posent, sans humilité, comme des êtres exceptionnels, seuls capables de comprendre les choses. Lorsqu’on possède véritablement cette noble indépendance de l’esprit qu’ils réclament comme un attribut leur appartenant d’une manière exclusive, on ne s’affranchit ni de l’admiration que mérite là vertu, ni de la soumission que la vérité réclame à juste titre ; on est assez raisonnable pour ne pas se priver des documents philosophiques et scientifiques les plus certains, pour cette seule raison qu’ils émanent de sources chrétiennes. Certes, le christianisme occupe une assez belle place dans la philosophie de l’humanité, même en laissant de côté son caractère divin, pour qu’un homme doué d’intelligence ne dédaigne pas les données qu’il fournit pour la solution des problèmes religieux, philosophiques et sociaux.
Quel système philosophique est plus complet ?
Quelle philosophie a été exposée par des écrivains plus respectables et plus savants ?
Nous n’en connaissons pas.
Certes, nous ne rabaissons point les grands siècles du paganisme. Athènes et. Rome ont produit des écrivains qui feront toujours l’admiration légitime de l’humanité. Mais faut-il circonscrire son admiration dans les siècles de Périclès et d’Auguste ? Origène fut-il inférieur à Platon, parce que sa haute intelligence eut à son service un style d’une hellénisme moins pur ? Cypri en fut-il moins littéraire que Cicéron, parce que son latin n’avait pas absolument les mêmes formules ? Eusèbe fut-il moins savant que Varron, parce qu’il était un savant chrétien ?
Si un jour la littérature chrétienne était étudiée, comme elle mérite de l’être, et par des hommes véritablement sérieux, on lui accorderait sans contredit la place d’honneur.
Les analyses et les extraits que nous donnons dans cette histoire pourront aider à se former, de cette littérature, une idée plus équitable. Nous serions heureux, si nous pouvions inspirer un désir plus ardent de la connaître.
Dans toutes les Eglises, on a publié des travaux estimables sur les ouvrages des Pères ; il faut convenir cependant que ces ouvrages sont généralement peu connus, même des chrétiens instruits et des théologiens.
Leur ignorance est plus blâmable encore que celle des simples savants ; car, si ceux-ci dédaignent une source féconde de renseignements historiques et scientifiques, les chrétiens laissent de côté la source la plus pure du véritable esprit évangélique, les commentaires les plus exacts de la parole divine, les documents les plus intéressants de l’histoire de leurs pères dans la foi.
La littérature chrétienne, pendant les trois premiers siècles, prouve que le développement intellectuel avait été analogue au développement extérieur de l’Eglise. Le niveau moral s’était élevé en proportion. Le philosophe chrétien, personnifié dans des hommes comme Justin, Clément d’Alexandrie ou Origène, n’était pas ce raisonneur orgueilleux qui plaçait dans une dialectique prétentieuse, ou dans des théories sonores, la supériorité intellectuelle ; mais ce philosophe était un homme sérieux qui mettait le progrès dans la conception large de la vérité et dans son application aux actes de la vie. Pourvoir la différence des deux philosophies, que l’on place, par exemple, Plotin et Porphyre en face de Clément et d’Origène ; qui n’apercevra, du premier coup d’œil, l’immense supériorité de la philosophie chrétienne ? Elle n’était pas cette école vaporeuse dont l’influence morale et sociale était absolument nulle ; c’était une école pratique qui n’estimait la philosophie qu’autant qu’elle pouvait faire sentir son heureuse influence pour le progrès de l’individu dans la vérité, et de la société dans l’application du bien.
A peine le christianisme avait-il acquis quelque importance numérique, que l’on voit apparaître dans son sein les premiers anneaux de cette longue chaîne de savants et de philosophes qui feront l’éternel honneur de l’Eglise.
Nous avons nommé ces grands hommes ; nous avons étudié leurs œuvres ; nous avons cherché à en donner une idée juste, à inspirer à nos lecteurs le désir de les connaître d’une manière plus approfondie.
L’analyse consciencieuse de leurs ouvrages amis en évidence l’ensemble dos doctrines que l’Eglise professait universellement.
Le christianisme apparaît, dès son début, non pas comme une ébauche doctrinale, comme un système perfectible qui ne devrait qu’aux siècles postérieurs son complet épanouissement. Il se montre, au contraire, comme un fait clair et précis ; comme une institution parfaitement organisée ; comme une doctrine clairement connue.
C’est ainsi qu’il est exposé dans les écrits des apôtres et que l’ont compris leurs disciples immédiats.
Les apôtres donnent ce qu’ils prêchent comme un dépôt qu’ils ont reçu de Dieu pour le transmettre ; leurs premiers disciples s’en réfèrent à l’enseignement apostolique dans leurs prédications. Leurs successeurs en font autant dans toutes les Eglises.
C’est ainsi que s’établit cette règle : que cela seulement appartenait au dépôt de la doctrine révélée que les apôtres et leurs premiers disciples avaient prêché dans les Eglises qu’ils avaient fondées, et qui s’était conservé pur dans toutes ces Eglises.
Dès la fin du II siècle, Irénée indiquait cette règle comme le critérium de la vraie foi. Les écrivains postérieurs, comme Clément d’Alexandrie, Tertullien, Origène, l’imitaient ; eux-mêmes furent suivis par les écrivains catholiques postérieurs. La discussion philosophique n’était pas dédaignée pendant les trois premiers siècles, comme on le voit par les ouvrages de Théophile d’Antioche, de Justin, d’Athénagore. Mais, quand il s’agissait de déterminer la vraie doctrine chrétienne contre les hérétiques, on faisait appel à ceux par lesquels l’enseignement apostolique était venu jusqu’au moment de la discussion.
Les saintes Écritures, adressées à des Eglises particulières, n’étaient pas encore toutes connues ; les rapports entre les Sociétés chrétiennes des divers pays n’avaient pu être encore assez suivis pour que l’authenticité de tous les écrits apostoliques pût être constatée, et que l’on pût les réunir en un canon accepté par tous. Ce n’était donc pas exclusivement sur les Écritures que vivait l’Eglise et que sa doctrine était basée, mais sur un enseignement oral, donné partout le même et conservé partout dans son identité.
Ce grand fait mérite une attention particulière et répond à des systèmes soutenus aujourd’hui par quelques communautés-chrétiennes, touchant la nécessité de s’en tenir aux écrits apostoliques pour fixer les dogmes.
Ces systèmes sont absolument contraires à la méthode d’enseignement suivie pendant les trois premiers siècles.
D’après les écrits authentiques qui nous sont restés de cette vénérable époque, nous pouvons formuler ainsi la doctrine alors acceptée, comme ayant été enseignée par les apôtres :
Dieu, unique en essence, et triplé en personnes ; créateur de tous les êtres qui composent les mondes ;
Une personne divine, le Fils ou le Verbe, revêtu de l’humanité complète, c’est-à-dire d’un corps et d’une âme, sans perdre pour cela sa divinité, et ne formant qu’une personne divine, appelée Jésus-Christ ;
Ce Christ mourant pour racheter le monde déchu, et
le régénérer par le sacrifice de la croix ; vivant, enseignant, souffrant, mourant, ressuscitant, allant au ciel, pour le salut et la vie de l’humanité ;
L’Esprit de Dieu, vivifiant l’Eglise, c’est-à-dire la société fondée par le Christ ;
Cette Eglise, une et sans relation avec ce qui n’est, pas elle ; sainte dans sa doctrine ; catholique, c’est-à-dire destinée à une mission universelle et perpétuelle, et non pas à une mission restreinte et temporaire comme le Mosaïsme ; apostolique et. devant toujours rester basée sur les apôtres, comme surdes colonnes inébranlables : donnant la vie spirituelle, par des rites divins, jusqu’au jour de la résurrection et du jugement qui fixera la destinée immortelle de toute l’humanité.
Telle apparaît la doctrine apostolique dans tous les écrits qui nous sont restés des docteurs des trois premiers siècles.
Tel est le résumé de la doctrine de toute l’Eglise primitive formulée, d’après les apôtres, par tous les écrivains de l’Orient et de l’Occident, depuis Clément le Romain jusqu’au concile de Nicée qui promulgua le premier symbole universel.
Ce symbole officiel n’était ni une innovation, ni une nouvelle formule de la foi ; car il existait antérieurement, même quant aux expressions, dans plusieurs Eglises particulières ; on le trouve dans plusieurs écrivains des II et III siècles pies premiers conciles œcuméniques lui donnèrent seulement son caractère d’universalité ou de catholicité.
C’est bien en vain que des écrivains rationalistes ou demi-chrétiens ont voulu jeter des nuages sur ce fait primitif d’une doctrine complète et parfaitement déterminée, avant même l’adoption du canon des écrits apostoliques. Le fait se montre avec tant d’évidence qu’il défie toute discussion vraiment sérieuse.
Comme conséquence de la doctrine sur la déchéance et la rédemption, nous avons remarqué dans toutes les Eglises cet enseignement : que l’homme déchu avait besoin de la rédemption pour être réhabilité aux yeux de Dieu ; et du secours de Dieu, ou de la grâce, pour faire le bien.
En effet, l’homme créé libre avait reçu par sa chute une blessure par suite de laquelle il faisait, comme dit saint Paul, le mal qu’il n’aurait pas voulu faire, et ne faisait pas le bien qu’il aurait voulu. La blessure qu’il avait reçue était mortelle en ce sens qu’elle eût occasionné sa mort éternelle sans la rédemption et la grâce. Cependant cette blessure n’était pas la mort. Si l’homme ne pouvait guère exercer sa liberté que pour le mal, cependant le bien lui était encore possible, dans l’ordre naturel, comme dit saint Paul, dans son épître aux Romains. On ne pourrait donc dire d’une manière absolue que la liberté était morte, et que l’homme ne pouvait faire que le mal ; mais il est juste de dire, avec tous les Pères, que la blessure était mortelle, et que l’homme ne pouvait guère user de sa liberté que pour le mal. La raison et la liberté n’étaient pas plus anéanties que la nature ; mais la nature étant viciée, avait besoin de régénération ; ses deux plus nobles facultés, l’intelligence et la liberté étaient tellement blessées, que la vérité était obscurcie à ses yeux, et que le mal l’entraînait trop souvent.
Personne ne contestait que l’homme, après la déchéance, n’eût conservé la nature essentielle qu’il avait reçue de Dieu ; mais, dès qu’on admettait que cette nature était déchue, elle devait être régénérée. On convenait que la nature en elle-même existait, seulement dans un état de dégradation et d’aveuglement tels, que la révélation avait été nécessaire pour l’éclairer, et la rédemption pour la racheter, la régénérer, lui donner comme une nouvelle naissance, sous le rapport spirituel.
L’homme n’était pas assez aveuglé pour ne pas voir naturellement le bien ; il n’était pas assez dégradé, pour être dans l’impossibilité absolue de le pratiquer ; cependant, il avait besoin d’un secours surnaturel pour lui donner une nouvelle vie de lumière et d’amour du bien, et la force de le pratiquer. La nature n’était pas morte ; mais elle était frappée d’une blessure qui l’aurait conduite à la mort sans les secours surnaturels que Dieu lui envoya.
L’Eglise des trois premiers siècles fut fidèle à cet enseignement de saint Paul : “ Où il y a eu abondance de péché, il y a surabondance de grâce ; afin que, comme le péché avait régné en donnant la mort, de même la grâce régnât par la justice en donnant la vie éternelle par Notre Seigneur Jésus-Christ. » (Rom. v, 20 et 21.)
Avec le même saint Paul, on croyait que, par le baptême, l’homme pécheur est enseveli ; et qu’il ressuscite à la justice ou à une nouvelle vie spirituelle ; que le baptême est le passage de la mort à la vie.
La nature déchue existant toujours, il faut admettre que les principes contradictoires du bien et du mal doivent toujours exister. S’ils ne devaient pas toujours exister, ce serait, ou parce que la nature serait détruite par le principe mauvais qui ferait prédominer le mal, ou par la grâce qui ferait prédominer infailliblement le bien.
La nature devant exister jusqu’à la fin du monde, il s’ensuit que le duel entre le bien et le mal, qui existe depuis la déchéance, devra exister jusqu’à la vie future, où les conditions actuelles de la nature seront essentiellement modifiées, soit par la glorification, soit par la condamnation.
Le christianisme a donc pour but principal de régénérer la volonté et l’intelligence de l’homme par la foi et des doctrines positives. Ces doctrines, nous les voyons apparaître dans les écrits des apôtres et des hommes apostoliques ; nous les avons retrouvées dans tous les documents doctrinaux des trois premiers siècles et elles étaient exprimées dans les rites qui formaient le culte chrétien.
Le baptême était administré pour donner une vie nouvelle.
L‘onction était donnée dans le baptême, avec la prière et l’imposition des mains, pour confirmer ou affirmer le nouveau baptisé, par la communication de l’Esprit-Saint.
Le chrétien pécheur confessait ses péchés à Dieu, aux pasteurs de l’Eglise, en présence de ses frères, pour en faire pénitence et obtenir le pardon. Les pasteurs étaient les ministres de ce pardon.
A la cène, célébrée en mémoire de la dernière cène de Jésus-Christ et d’après ses ordres, les évêques ou prêtres consacraient le pain et le vin ; les fidèles assistaient avec respect à cette consécration qui était à leurs yeux le sacrifice du Calvaire renouvelé mystiquement et d’une manière non sanglante ; ils participaient au corps et au sang de Jésus-Christ par la communion, qui était pour eux un gage du pardon des péchés et de l’espérance de la vie éternelle.
La Cène était précédée de prières préparatoires, et suivie de prières d’actions de grâce. Cet ensemble de rites sacrés formait la liturgie ou la partie principale et essentielle du service divin.
L’Eglise avait un rit sacré pour le soulagement des malades ; Fonction en était une partie essentielle.
Le mariage entre chrétiens était l’objet d’une réglementation sévère, comme étant un lien sacré et mystérieux.
Enfin l’ordination des pasteurs de l’Eglise était accompagnée de rites apostoliques qui conféraient le sacerdoce de Jésus-Christ et le ministère, c’est-à-dire le droit de l’exercer. Les règlements ecclésiastiques démontrent quelle haute importance on attachait au choix et à la consécration de ceux qui devaient continuer l’apostolat.
C’est avec cet ensemble de doctrines et de rites sacrés que l’Eglise nous est apparue pendant la première période de son histoire.
Quant à l’Eglise elle-même, elle se montre dès le commencement en possession de la constitution que Jésus-Christ et les apôtres lui avaient donnée.
Considérée d’une manière générale, l’Eglise est la société des vrais chrétiens, c’est-à-dire de ceux qui professent extérieurement la vraie doctrine chrétienne. Dieu seul est juge des dispositions intérieures des fidèles ; aussi n’entendons-nous pas les saints par le terme de vrais chrétiens. L’Eglise est comparée dans l’Evangile à un champ où l’ivraie croît parmi le bon grain ; à un filet où sont pris indistinctement de bons et de mauvais poissons.
Il y a donc dans l’Eglise des bons et des méchants, des justes et des pécheurs. Mais, comme société extérieure, elle n’est composée que de ceux qui professent la vraie doctrine. Ceux-là, on les appela, dès l’origine, fidèles ou saints, parce qu’ils se distinguaient des hérétiques et des pécheurs par la profession du pur christianisme, de la vraie doctrine apostolique, et de la soumission à l’autorité légitime établie pour régir et gouverner l’Eglise.
A l’origine, l’Eglise apparaît fondée sur l’apostolat. Les douze apôtres sont les douze colonnes du temple mystique, et ces douze colonnes reposent sur la pierre fondamentale qui est Jésus-Christ. Les écrivains des trois premiers siècles affectionnent cette métaphore d’un temple désignant l’Eglise, et ils font des fidèles autant de pierres, formant l’édifice qui repose sur douze colonnes, appuyées elles-mêmes sur un roc inébranlable.
L’apostolat n’apparaît pas, dans l’histoire, comme une institution transitoire et qui devait disparaître avec les douze apôtres. Il formait le sacerdoce de la Nouvelle Alliance, et cette Alliance étant pour tous les lieux et pour tous les temps, le sacerdoce devait se perpétuer.
Aussi voit-on les apôtres conférer à d’autres, par l’imposition des mains et la prière, le ministère que Jésus-Christ, leur avait confié à eux-mêmes. Les nouveaux consacrés continuent l’apostolat, et remplacent les douze ; ils gouvernent l’Eglise de la même manière, et transfèrent à d’autres le ministère qu’ils avaient reçu des apôtres, et par le même moyen que les apôtres avaient employé.
L’Eglise ne fut pas un seul instant sans un sacerdoce qui n’était que l’apostolat transmis.
Ce sacerdoce existe à deux degrés. Jésus-Christ lui-même avait choisi douze apôtres et soixante-dix disciples, lesquels étaient, à l’égard des douze, dans un degré d’infériorité.
Le sacerdoce fut maintenu dans ces conditions par les successeurs des apôtres. Nous n’avons rencontre aucune époque où il en ait été autrement. Dès l’origine, nous avons vu dans les documents historiques des prêtres supérieurs, successeurs des douze apôtres et placés à la tête des Eglises, comme les anges des sept Eglises asiatiques auxquels écrivait, de Patmos, Jean l’Evangéliste ; comme Timothée et Tite, disciples de Paul, placés en Crète et à Ephèse, pour y organiser les Eglises et leur donner des pasteurs secondaires.
Les premiers pasteurs n’avaient pas un titre qui les distinguât des pasteurs secondaires ; ils n’étaient distingués que par l’étendue de leur autorité. Les uns et les autres étaient appelés indifféremment anciens (presbyteri) ou surveillants (episcopi). On a voulu, de la similitude des titres, conclure que l’autorité était la même chez les uns et chez les autres ; ceux qui l’ont prétendu n’ont pas tenu compte de faits innombrables qui attestent qu’il en était autrement.
Dès le II siècle, les mots, employés pour désigner les pasteurs, prirent chacun une signification déterminée : Episcopus (évêque) désigna le prêtre qui possédait le premier degré du sacerdoce ; Presbyter, celui qui possédait le second.
A ces deux degrés du sacerdoce, les apôtres ajoutèrent les diacres (serviteurs) pour aider les prêtres, dans leur ministère extérieur et dans leurs fonctions.
Ces trois ordres formèrent, dès l’origine, la hiérarchie sacrée dans l’Eglise.
Des écrivains ont affirmé que l’Eglise n’avait pas eu de sacerdoce, dès le commencement, mais seulement un ministère dont tous les membres étaient égaux ; que le régime primitif de l’Eglise fut démocratique.
Que de l’état démocratique, l’Eglise passa à l’état aristocratique par l’institution de l’épiscopat.
Enfin qu’elle passa à l’état monarchique par l’institution de la papauté.
Nous ne connaissons pas de système plus antihistorique.
Ceux qui l’ont soutenu seraient dans l’impossibilité de l’appuyer sur des faits et d’indiquer l’époque des transformations qu’ils ont imaginées. Il leur faudrait pourtant déterminer par des faits le siècle où l’épiscopat aurait été institué, et aurait fait passer l’Eglise de l’état démocratique à l’état aristocratique. Ce fait est trop important pour n’avoir pas laissé de traces dans l’histoire. On n’a cependant jamais pu en indiquer, tandis que nous avons eu occasion de citer de nombreux faits qui détruisent radicalement ce système.
Quant à la transition prétendue de l’Eglise à l’Etat monarchique, elle accuse chez ceux qui l’ont soutenue une étrange distraction. Ils ont pris une partie de l’Eglise pour le tout. Ce ne fut en effet qu’en Occident que s’établit le régime de la monarchie ecclésiastique ou papauté. L’Orient, c’est-à-dire la partie la plus ancienne et la plus éclairée de l’Eglise, ne l’accepta jamais, et il a maintenu jusqu’à nos jours la constitution primitive de l’Eglise, basée sur le sacerdoce à deux degrés.
Nous aurons occasion d’indiquer l’époque précise où l’Occident renonça à la constitution divine pour se soumettre au joug d’une monarchie spirituelle ; mais, dès à présent, nous pouvons indiquer, d’une manière générale, quelques-unes des causes qui ont conduit l’Occident à la monarchie ecclésiastique, et qui ont préservé l’Orient de cette institution antiévangélique.
L’Orient fut la source d’où le christianisme se répandit en Occident. L’Eglise de Rome fut la seule qui fut fondée par les apôtres en Occident. D’autres Eglises, en assez petit nombre, durent leur établissement à des hommes apostoliques qui tous vinrent d’Orient et se fixèrent principalement dans les colonies grecques et romaines de la Gaule méridionale. De là, les apôtres orientaux pénétrèrent dans quelques cités importantes de la Gaule septentrionale et de la Grande-Bretagne. Ce ne fut que vers le milieu du III siècle que Rome étendit son évangélisation au-delà de l’Italie centrale. Il est à remarquer que les Eglises s’établissaient seulement dans les villes ; les campagnes ne furent évangélisées que pendant les IV et V siècles par des apôtres sortant de ces Eglises et en dehors de l’action des Eglises d’Orient.
Toutes les Eglises occidentales, disséminées dans une immense étendue, se groupèrent naturellement autour de celle de Rome, la plus riche, la plus importante de l’Occident, la seule qui fût apostolique, et qui pût les mettre en relations avec les Eglises d’Orient, à cause du concours continu des fidèles que leurs affaires amenaient dans la capitale de l’Empire.
Par sa position topographique, l’Afrique romaine appartenait à la partie occidentale de l’Empire ; mais, dès le II siècle, il y avait là plus de vie chrétienne que dans le reste de l’Occident. La civilisation romaine s’y était développée largement depuis la conquête de Carthage, mais l’esprit d’opposition contre Rome s’y était perpétué. L’Eglise africaine était en relations fraternelles avec le seul centre apostolique de l’Occident ; mais elle se rattachait également à Alexandrie et par elle à l’Orient. Le vieil antagonisme punique avait survécu à l’humiliation de Carthage ; l’Eglise elle-même s’en ressentait, et se montrait moins disposée que les autres Eglises occidentales à subir l’influence de l’Eglise romaine. Tertullien se moquait des prétentions de ses évêques, et Cyprien, son disciple, soutenait des doctrines qui, plus tard, en auraient fait un hérétique aux yeux des évêques de Rome.
En Orient, l’état des Eglises n’était, point analogue à celui de l’Occident.
Il y avait là de nombreuses Eglises apostoliques aussi respectées les unes que les autres, et qui avaient été autant de centres d’évangélisation pour les pays d’alentour. Aucun de ces sièges ne pouvait donc devenir un centre, comme l’Eglise de Rome pour l’Occident. L’Eglise de Jérusalem, il est vrai, était regardée comme l’Eglise-mère ; mais elle n’était riche qu’en souvenirs, et son évêque n’avait d’importance que celle qui lui venait de Jacques, son prédécesseur, premier évêque de l’Eglise. Jérusalem n’était pas pour l’Orient le principat de la chaire apostolique, comme Rome l’était pour l’Occident. Antioche, Alexandrie, Ephèse, Smyrne, Corinthe, Thessalonique, Athènes et beaucoup d’autres Eglises, fondées par les apôtres, étaient vénérées en Orient au même titre que Jérusalem, et leurs traditions y avaient une égale autorité.
En Occident, au contraire, l’unique principat du siège apostolique, c’est-à-dire de l’épiscopat, était Rome ; et c’était dans leur union avec Rome que les autres Eglises trouvaient la plus sérieuse garantie de leur union avec le reste de la catholicité ou de la chrétienté universelle.
Les évêques de Rome se montrèrent, de bonne heure, très-tiers de cette importance exceptionnelle de leur siège. Pendant sept siècles, ils ne sortirent pas cependant des bornes d’une stricte orthodoxie. Mais, les circonstances politiques aidant, ils prétendirent que les opinions occidentales devaient être acceptées par l’Eglise entière ; que leur siège devait être considéré, d’une manière spéciale, comme le siège apostolique et le centre de la catholicité.
Une fois ces idées émises, nous les verrons se développer, à l’aide d’interprétations scripturaires et de documents dont on n’avait jamais entendu parler. On essaya de donner à la papauté une origine divine en interprétant des textes évangéliques d’une manière absolument fantaisiste : et pour lui trouver des racines historiques, on falsifia des monuments historiques et doctrinaux ou bien on les inventa. On plia les faits connus de manière à les faire entrer dans un cadre de convention ; si un concile d’Occident, pendant les trois premiers siècles, envoie ses décrets à l’évêque de Rome pour les notifier, par son moyen, aux autres Eglises, on en conclut que l’on soumettait ces décrets à son approbation et à sa promulgation : si on lui adresse d’Orient une lettre de communion, selon l’usage consacré pour tous les évêques, on en déduit que l’Orient reconnaissait qu’il fallait être en communion avec l’évêque de Rome pour appartenir à la catholicité.
Pour répondre à toutes ces prétendues preuves, demandées aux premiers siècles, en faveur d’une institution que nous verrons naître au huitième, nous n’avons eu besoin que d’exposer les faits et les textes dans toute leur simplicité, et tels que les documents authentiques nous les ont offerts.
Nous ne contestons pas qu’il n’y ait eu, chez certains évêques de Rome, avant le viii siècle, une tendance vers cette omnipotence universelle que l’on a appelée depuis papauté ; mais leur idée ne fut réalisée qu’au viii siècle et seulement en Occident.
On ne peut donc soutenir que l’Eglise, prise dans un sens général, ait passé de la constitution épiscopale à la monarchie. Cette assertion n’est vraie que pour les Eglises occidentales qui ont accepté le régime papal, et se sont éloignées de la constitution primitive, donnée à l’Eglise par Jésus-Christ, et appliquée par les apôtres.
L’Eglise, constituée sur un épiscopat dont tous les membres étaient unis de communion, formait une société dont l’existence se montre très-clairement définie, dont la vie et l’action se distinguent parfaitement de toutes les autres agglomérations chrétiennes, groupées, sous telle ou telle dénomination particulière. Ces agglomérations forment des sectes à l’égard de l’Eglise ; l’Eglise, elle, prend le titre de catholique ou d’universelle, parce que son caractère est de n’être limitée ni par le temps, ni par l’espace, et de former un tout homogène, vivant de la même vie à toutes les époques et dans tous les lieux où elle est constituée.
Cette homogénéité de la vie de l’Eglise est incontestable pendant les trois premiers siècles.
Les sectes apparaissent à côté d’elle sans se confondre ; elle répudie toute fusion et dégage avec soin sa cause de la leur.
On en rencontrera, dans nos récits, des preuves évidentes.
On sera surtout frappé de ce fait : c’est que l’intelligence humaine s’est beaucoup mieux développée au sein de l’orthodoxie que dans les sectes, ou l’hérésie.
Si nous possédions toutes les œuvres théologiques et philosophiques qui se sont produites au sein de l’Eglise, pendant la première période de son histoire, on pourrait plus facilement établir la thèse que nous venons de poser. Cependant, celles qui nous sont parvenues suffisent bien pour la rendre évidente.
Nous avons eu à analyser des œuvres de premier ordre ; nous plaçons dans cette classe : Les Livres à Autoloukos par Théophile d’Antioche ; les Apologies de Justin ; le docte ouvrage d’Irénée Contre les hérésies ; les Philosophumena d’Hippolyte de Porto ; l’Apologétique et les admirables traités de Tertullien ; le livre d’Origène Contre Celse et son livre Des principes ; les lettres et traités de Cyprien ; la Préparation et la Démonstration évangéliques d’Eusèbe de Cæsarée ; ainsi que l’Histoire ecclésiastique du même évêque.
A ces ouvrages, nous pourrions ajouter les grands travaux exégétiques d’Hippolyte et d’Origène dont on ne possède malheureusement que des fragments.
Nous avons analysé ou indiqué un nombre considérable d’autres ouvrages, qui, sans avoir la haute portée de ceux-ci, n’en sont pas moins dignes d’attention, soit sous le rapport de l’éloquence, soit sous le rapport de l’érudition.
Si nous ajoutons aux ouvrages qui nous sont parvenus ou en entier ou en fragments, tous ceux que l’on connaît seulement par des indications générales, on ne pourra se refuser d’admettre qu’un brillant mouvement intellectuel ne se soit opéré au sein de l’Eglise, pendant les trois premiers siècles.
L’Eglise primitive a le droit d’être fière de l’esprit philosophique de Théophile et de Justin ; de la science d’Irénée et d’Hippolyte ; de la mâle éloquence de Tertullien ; de l’élégance littéraire de Minutius Félix, de Cyprien et de Lactance ; de l’érudition de Clément d’Alexandrie et d’Eusèbe de Cæsarée. Elle peut se glorifier de son Ori-gène, un des plus étonnants génies qui aient honoré l’humanité.
Ce qui frappe tout d’abord dans les ouvrages des écrivains de la première période de l’histoire de l’Eglise, c’est la noble indépendance de leurs idées, dans ce qui n’appartenait pas au domaine de la révélation, et, en même temps, leur respect pour la foi reçue.
Cette foi était si clairement déterminée, qu’on la trouve parfaitement identique dans les écrivains du premier siècle, comme dans ceux des suivants ; en Orient comme en Occident.
Des théologiens modernes ont essayé de trouver des différences doctrinales entre eux ; de les classer en écoles différentes et même de donner pour chefs à ces écoles des apôtres qui auraient eux-mêmes enseigné des doctrines diverses. Nous avons examiné avec attention ces systèmes, et nous avons été persuadés qu’ils n’ont aucun fondement historique ; qu’ils n’ont été inventés que pour soutenir des théories favorables à des formes ecclésiastiques ou à des doctrines pour lesquelles on s’était déclaré a priori.
Toutes ces théories disparaissent devant le grand fait d’une doctrine enseignée partout la même par les apôtres. Ce fait devient éclatant, à mesure que des Eglises éloignées les unes des autres et sans relations antérieures, se trouvent, par les circonstances, amenées à professer leur foi. Cette doctrine apostolique, constatée partout, se retrouve dans les ouvrages des écrivains de l’Eglise, qui en font la base de leurs raisonnements, et qui, pour la constater, en appellent au témoignage uniforme de toutes les Eglises apostoliques.
C’est ce témoignage qu’ils invoquent contre les hérétiques, leurs adversaires, et c’est par lui qu’ils les confondent.
A côté du dépôt de la révélation, confié à l’Eglise, on aperçoit, dans les écrivains des trois premiers siècles, des explications, des raisonnements qui attestent qu’ils considéraient la doctrine révélée comme un objet d’études, et dans la connaissance de laquelle l’homme pouvait progresser. Mais le progrès, à leurs yeux, ne pouvait avoir lieu dans l’intelligence humaine qu’à la condition de respecter la vérité dans son essence. Autrement, il n’y aurait plus progrès, mais changement.
C’est en effet ce qui constitue la différence radicale qui existe entre les écrivains orthodoxes et les hérétiques.
Ces derniers, sous prétexte de progrès, s’attaquent à l’essence des doctrines révélées, les dénaturent, les changent, les transforment en erreurs pernicieuses.
Parmi les philosophes qui adhérèrent au christianisme, plusieurs essayèrent une conciliation entre la religion et. les systèmes philosophiques qu’ils avaient étudiés antérieurement. Ce fut surtout à Alexandrie, comme nous l’avons dit précédemment, que se développa cette tendance. Cette ville semblait résumer en elle la philosophie et la civilisation d’Athènes, de Rome et. de l’Asie. Les Juifs y avaient aussi’une école célèbre depuis les Septante, et Philon l’avait illustrée. Alexandrie, placée au centre du mouvement intellectuel du monde, était comme un foyer d’éclectisme. Philon et Aristobule y avaient imprégné le Mosaïsme d’une forte dose de philosophie grecque. Il n’est pas étonnant que des Juifs ou des Grecs semi-chrétiens aient tenté une fusion, soit avec le judaïsme, soit avec la philosophie ; mais, tandis que les Israélites essayaient de judaïser le christianisme, des philosophes se prononçaient contre le judaïsme d’une manière exagérée, et imaginaient les systèmes les plus extravagants pour faire concorder les doctrines révélées avec les théories de Pythagore ou de Platon.
Pour les hommes peu sérieux, tous les hérétiques étaient chrétiens, d’où ils concluaient que le christianisme était une Babel incohérente, où l’on dissimulait les théories immorales sous des systèmes contradictoires et ridicules. Mais nous avons remarqué que les écrivains catholiques, Justin et Tertullien en particulier, prenaient un soin extrême de distinguer l’Eglise catholique des sectes qui n’étaient pas elle et qui déshonoraient le nom chrétien.
Nous avons exposé les doctrines des sectes nombreuses et diverses qui rêvaient une fusion, soit avec le Mosaïsme, soit avec la philosophie. Nous avons recueilli les données qui pouvaient nous éclairer sur la valeur intellectuelle des hérétiques. De ces études, et en comparant leurs œuvres avec celles des docteurs de l’Eglise, on est en droit de conclure : que le mouvement intellectuel, dans les sectes, fut très-inférieur à celui qui se manifesta dans l’Eglise.
Les doctrines révélées, acceptées sur le témoignage des Eglises apostoliques, ont toujours été pour l’esprit humain une base solide sur laquelle il a pu édifier une philosophie claire et profonde. Elles n’ont pas été un joug imposé à l’intelligence, mais un foyer lumineux, où elle pouvait puiser des lumières sur toutes les questions. En dehors de ces doctrines, les sectaires, emportés dans un tourbillon de fausses idées, n’ont pu produire que des conceptions vaines et incohérentes.
Si, comme Valentin et Basilidis, ils voulaient réformer en entier le système chrétien, ils tombaient dans l’absurde, et construisaient, sur des idées générales de Pythagore et de Platon, des théories incompréhensibles et ridicules.
Si, comme Marcion ou Manès, ils cherchaient à simplifier le gnosticisme et à le réduire à la doctrine asiatique d’un double principe, bon et mauvais, ils étaient obligés d’admettre des conséquences qui, non-seulement, détruisaient radicalement le christianisme, mais insultaient au simple bon sens.
Si, comme Sabellius et Arius, ils s’attaquaient seulement à un point de la doctrine révélée, considéré isolément, ils voyaient toutes les vérités chrétiennes ébranlées ; car elles sont liées si étroitement les unes aux autres, qu’il est impossible de toucher à l’une d’entre elles que tout l’édifice ne soit ébranlé.
Un fait digne de remarque : C’est qu’aucun hérétique, pendant toute la période que nous avons parcourue, n’a pu faire pénétrer sa doctrine dans une seule Eglise. Dès qu’une nouvelle doctrine était enseignée, quelques individus se détachaient de l’Eglise à laquelle ils appartenaient auparavant, s’attachaient au dogmatiseur, et formaient une secte qui prenait un nom particulier, ou à laquelle on en donnait un sans hésitation.
Ce tait a une grande importance pour établir l’existence d’une doctrine clairement déterminée et parfaitement connue, dans toutes les Eglises, et qui était, entre elles toutes, un lien commun.
L’hérésie sert ainsi à prouver la foi. Les attaques contre cette foi, dans les différentes contrées, concourent à déterminer d’une manière incontestable toutes les doctrines qui formaient le symbole commun.
En comparant entre elles les différentes hérésies, on n’arrive qu’à un chaos étrange, à une Babel de contradictions. Tandis que, en comparant les doctrines admises comme de foi par toutes les Eglises particulières, on trouve partout une croyance identique, partout affirmée comme émanant de la source apostolique.
L’histoire des hérésies est ainsi d’une grande utilité pour la connaissance du dogme chrétien.
On peut, à l’aide des erreurs, reconstituer sans difficulté le symbole complet de l’Eglise primitive, tel qu’on le trouvera formulé par des écrivains toujours considérés comme ses organes autorisés.
La communauté de croyances fut, de bonde heure, la base des relations qui s’établirent entre les diverses Eglises.
La nature de ces relations est de la plus haute valeur pour déterminer le sens que l’on attribuait à la constitution divine de l’Eglise. Il est évident pour quiconque voudra, de bonne foi et sans parti pris, étudier ces relations, qu’elles ont été basées sur la fraternité entre les Eglises, et qu’aucune de ces Eglises n’avait de prétention à une supériorité sur les autres. On aperçoit bien, pendant la première période, quelques Eglises plus respectées et comme centrales pour telle province en particulier ; les évêques de ces Eglises jouissaient de quelques prérogatives que la loi n’avait pas encore clairement déterminées, et qui avaient leur raison dans l’évangélisation dont ces Eglises avaient été autant de centres. Mais si l’évêque d’une Eglise secondaire devait recevoir l’ordination de l’évêque de l’Eglise supérieure d’où la sienne avait reçu la foi, il jouissait des mêmes droits épiscopaux que celui qui l’avait ordonné, et il était surtout son égal dès qu’il s’agissait des affaires générales de l’Eglise.
Chaque Eglise épiscopale jouissant des mêmes droits que les autres, son témoignage concourait au témoignage universel ou catholique, et son évêque faisait partie intégrante de l’autorité à laquelle le gouvernement de l’Eglise était confié.
De cette croyance découlait nécessairement la doctrine du concile, ou de l’assemblée épiscopale chargée d’attester la foi contre l’hérésie, et d’édicter les lois que les circonstances rendaient nécessaires.
Le concile est un fait primitif dans l’Eglise et découle nécessairement de cette doctrine catholique : que l’Eglise étant basée sur un épiscopat représentant le collège apostolique, son autorité est nécessairement collective, c’est-à-dire conciliaire. Il est donc oiseux de se demander si le concile est d’institution divine ou humaine, comme l’ont fait des théologiens modernes. Dès qu’il est l’application delà constitution donnée par Jésus-Christ à son Eglise, il est d’origine divine, ou la mise en action d’un enseignement divin. Il n’est donc pas étonnant que les apôtres se soient réunis à Jérusalem avec des hommes apostoliques, en présence des fidèles, pour décider la question des observances judaïques. C’était l’attestation la plus claire qu’ils ne faisaient pas résider l’autorité dans un homme, fût-il apôtre et inspiré de Dieu.
Eusèbe de Cæsarée a mentionné d’une manière générale, plusieurs conciles qui eurent lieu en Asie contre Montanus, dans le courant du II siècle. A la même époque, selon le docte Eusèbe, les évêques se réunirent souvent en concile pour examiner la question paschale. Ces conciles eurent lieu en Palæstine, à Rome, à Ephèse, dans le Pont, dans les Gaules, en Mésopotamie, en Grèce. Ils étaient présidés, soit par l’évêque de la ville la plus importante, soit par le plus ancien. L’initiative de la convocation appartenait à celui qui voulait attirer l’attention sur une question qu’il considérait comme importante. Celui-ci ne procédait pas par autorité, mais seulement en forme de supplique. C’est ainsi que l’évêque de Rome, Victor, pria les évêques des diverses Eglises de se réunir, afin d’établir l’uniformité dans la célébration de la Pâque.
Les conciles adoptèrent des décisions différentes, selon les anciennes traditions suivies dans les Eglises, et Victor, qui ne voulait pas respecter ces traditions diverses, fut blâmé par les plus grands évêques, et particulièrement par saint Irénée.
Dans le courant du III siècle, les conciles furent plus nombreux que pendant le deuxième. On connaît surtout ceux d’Afrique. Le plus ancien est celui qui fut assemblé par Agrippinus, évêque de Carthage, et qui décida qu’il fallait rebaptiser les hérétiques. Il eut lieu dans la première moitié du IIIe siècle. A la même époque, ou à peu près, eut lieu à Icône un concile qui rendit une décision analogue à celui de Carthage ; un concile de Synnade, vers le même temps, enseigna une doctrine identique. Les conciles d’Afrique, présidés par saint Cyprien, vers le milieu du III siècle, suivirent la même tradition et adoptèrent des canons disciplinaires qui passèrent dans le Droit général de l’Eglise.
Les assemblées, tenues à Bosra en Arabie et où Origène convainquit d’erreur l’évêque Beryllos, étaient de vrais conciles où les questions doctrinales furent débattues scientifiquement et promulguées conformément à la tradition de l’Eglise.
Quant aux assemblées tenues à Alexandrie contre Origène par l’évêque Demetrius, on ne doit pas les considérer comme des réunions épiscopales ; il ne faut donc pas leur donner le titre de conciles.
On connaît d’une manière certaine le concile de Rome et ceux de Carthage dans les affaires des schismes de Felicissimus et de Novatianus, et des évêques espagnols Basilidis et Martial ; les conciles d’Antioche contre Paul de Samosate ; ceux d’Arsinoé contre Nepos, et d’Alexandrie contre Meletios.
Au commencement du IV siècle et avant le premier concile œcuménique de Nicée, ont été tenus des conciles restés célèbres ; ceux d’Elvire et d’Arles en Occident ; ceux d’Ancyre et de Néocæsarée en Orient.
Alexandre, évêque d’Alexandrie, en assembla plusieurs contre Arius avant la condamnation solennelle de cet hérétique ; Osius de Cordoue en présida un à Alexandrie dans la même affaire ; et Eusèbe de Nicomédie en réunit un en Bithynie pour prendre la défense de l’hérétique.
Nous pourrions recueillir quelques mentions d’autres conciles, depuis les apôtres jusqu’au premier concile œcuménique. Ils durent être fort nombreux, car, dans les Canons des apôtres, on ordonne d’en assembler deux fois par an. Alors même que ce canon ne remonterait pas aux apôtres eux-mêmes, on ne peut nier qu’il n’appartienne à la première période de l’histoire de l’Eglise ; et il prouve toujours qu’alors les conciles furent très-fréquents dans les différentes Eglises.
D’après tous les renseignements qui nous sont restés, c’était ordinairement l’évêque le plus important de la contrée qui prenait l’initiative de la réunion ; cependant, on ne regardait point cette initiative comme un droit lui appartenant. Ainsi, dans l’affaire de Paul de Samosate, premier évêque d’Asie, les conciles se réunirent à Antioche, sa ville épiscopale, malgré lui et contre lui. Il est bien certain aussi que ce n’est pas Beryllos de Bosra qui réunit en cette ville les conciles où Origène le força à se rétracter. La convocation d’un concile appartient à tout évêque qui fait appel à ses frères en faveur de la saine doctrine. Les évêques assemblés délibèrent sous la présidence de celui ou de ceux qu’ils ont placés à leur tête, et leurs décisions n’ont pas besoin d’autre promulgation que la leur dans leurs Eglises. Les évêques des autres Eglises peuvent les adopter ou les rejeter, à moins que le concile ne soit œcuménique et souverain pour toute l’Eglise.
Les faits et les conciles de la première période de l’histoire ecclésiastique attestent donc que la constitution de l’Eglise fut épiscopale dès le commencement ; que les pasteurs n’agirent point isolément, mais avec ensemble, au moyen des conciles ; que, dans ces conciles, on s’appliqua surtout à maintenir et à défendre les anciennes traditions ; enfin qu’il est impossible, dans les conciles de la première période, d’apercevoir la moindre trace d’une autorité qui aurait été centralisée dans un seul évêque.
Par les renseignements qui nous sont restés des conciles primitifs, il est évident qu’ils prirent soin particulièrement de maintenir la morale chrétienne dans toute sa pureté. Les décisions qui nous sont restées de ces vénérables réunions prouvent certainement que, parmi les enfants de l’Eglise, il y avait parfois de grands coupables. Faut-il, à cause de ces coupables, conclure que, dans les premiers siècles, l’esprit chrétien n’était pas plus développé que de nos jours au sein de l’Eglise ?
Des écrivains l’ont soutenu dans le but de contredire ceux qui voulaient relever les premiers siècles au détriment des derniers temps.
Il est possible que l’on ait parfois trop exalté les premiers siècles et trop rabaissé les derniers. Cependant, la vérité demande que l’on avoue sans restriction que les premiers chrétiens valaient mieux que nous ; que la discipline et la morale ont subi un relâchement déplorable, surtout dans plusieurs Eglises particulières.
Nous ne voulons pas entreprendre ici la critique des mœurs des chrétiens dans les différentes Eglises ; mais notre devoir est de faire le tableau de celles des premiers siècles. Chacun fera ensuite les rapprochements qu’il jugera convenables.
Les chrétiens de Jérusalem forment le type le plus parfait de la vie chrétienne. Ils sortaient du judaïsme et avaient été initiés par les traditions paternelles et les saintes Ecritures à la pratique des vertus fondamentales qui sont communes aux deux Testaments ; ils étaient sans doute les plus religieux du peuple d’Israël, puisqu’ils avaient conservé avec le plus de soin les prophéties touchant le Messie qu’ils reconnurent en Jésus-Christ. Instruits par le Christ lui-même et par ses premiers apôtres, leurs exemples doivent servir de modèle à toute société chrétienne. Or d’après les Actes, ils-étaient si unis ensemble que leurs biens étaient communs ; les riches vendaient leurs propriétés, en apportaient le prix aux pieds des apôtres, et les donnaient, par eux, à la communauté. Ils conservaient avec soin la doctrine des apôtres, et se réunissaient pour célébrer la mémoire de Jésus-Christ, selon qu’il l’avait prescrit, par la fraction du pain et la prière.
La communauté des biens n’était pas un devoir prescrit par les apôtres ; mais la fraternité qui régnait entre tous les fidèles l’avait introduite naturellement. Du reste, les plus parfaits des Juifs, les Esséniens, avaient déjà mis en pratique des coutumes analogues, et l’on peut croire que les premiers chrétiens de Judée se recrutèrent surtout parmi eux. Jésus-Christ avait perfectionné ces sentiments de fraternité et avait enseigné que le caractère auquel on reconnaîtrait ses disciples était l’amour qu’ils auraient les uns pour les autres. Il avait indiqué, en outre, l’abandon des biens temporels comme le signe de la perfection à laquelle il appelait ses disciples privilégiés. Rien d’étonnant donc que l’Eglise de Jérusalem, sous l’impression de la parole du Maître, ait donné le magnifique spectacle que l’auteur des Actes a décrit. Elle pratiqua le désintéressement avec tant de perfection qu’elle tomba dans une grande pauvreté, et que les frères des autres contrées furent obligés de lui venir en aide.
Lorsque l’Evangile pénétra parmi les païens, il y rencontra des mœurs très-dissolues. Horace, Tacite, Juvénal. Suétone, Martial et d’autres écrivains païens nous ont laissé des détails affreux sur les mœurs du temps où les apôtres se dispersèrent pour annoncer le christianisme. Ceux qui l’embrassaient étaient obligés de passer du vice le plus honteux à la vertu la plus pure. Rien ne les forçait à changer de vie ; l’Evangile ne leur offrait en perspective que des vertus austères, des persécutions et le mépris public. Ceux qui ne se laissaient point effrayer étaient des hommes courageux et profondément convaincus. Ils s’élevaient à un degré de vertu extraordinaire. Aussi ne peut-on nier que la plupart des fidèles de la période primitive, ou des trois premiers siècles, n’aient, été de vrais chrétiens dans toute l’acception du mot.
Cependant, il y eut incontestablement des exceptions. La sévérité avec laquelle l’Eglise traitait les coupables prouve que le nombre n’en était pas considérable, et qu’elle ne voulait pas se laisser souiller par le contact de païens décorés seulement du nom de chrétiens. On trouve une autre preuve de ce soin dans les précautions que l’on prenait pour le choix des catéchumènes, et dans les épreuves auxquelles ces catéchumènes étaient soumis.
Une fois initiés, les fidèles étaient entretenus dans la pratique de la vertu par une vie toute imprégnée d’actes religieux. Chaque jour, ils se rendaient à l’Eglise, matin et soir, pour la prière ; à certains jours, comme le samedi et le dimanche, ils s’y rendaient plusieurs fois pour participer à l’eucharistie, chanter des hymnes et des cantiques à la gloire de Dieu, écouter les instructions des évêques et des prêtres. Ces pratiques religieuses se continuaient dans chaque famille, où les anciens remplaçaient les prêtres et commentaient leur enseignement. Les Livres sacrés y étaient lus, expliqués, médités ; toutes les actions, même les plus ordinaires, étaient sanctifiées par la prière.
L’idée chrétienne était identifiée à l’âme par des moyens extérieurs, le signe de la croix, les rites, les œuvres de pénitence qui rappelaient que la vie, en ce monde, devait être une imitation constante du sacrifice de l’Homme-Dieu. On ne prétendait pas que l’œuvre humaine fût le principe de la justification, mais on savait que l’homme régénéré par le sacrifice rédempteur n’était pas digne de sa vocation, et serait rejeté de Dieu, si ses actions n’étaient pas sa foi en pratique, et si sa vie n’était pas conforme à celle de l’Homme-Dieu.
Les jeûnes étaient l’œuvre de pénitence par excellence, à cause de l’exemple qu’en avait donné Jésus-Christ. Dès l’origine, les jeûnes étaient considérés comme un acte si essentiel à la vie chrétienne, qu’on les pratiquait en commun, et que des règlements en déterminaient la nature et la durée.
Mais les vertus intérieures étaient plus recommandées encore que les pratiques extérieures qui n’étaient, au fond, que des moyens de perfection, et non la perfection elle-même. Les détails que l’on rencontre dans les écrivains des trois premiers siècles sur les vertus chrétiennes, donnent la plus haute idée de la perfection morale à laquelle les chrétiens s’étaient élevés. Sans doute on y trouve aussi la critique des vices auxquels s’abandonnaient quelques fidèles, oublieux de leur vocation et des engagements qu’ils avaient contractés.
Les écrivains modernes qui ont pris à tâche de rabaisser les premiers siècles au niveau de notre époque, ont abusé de ces critiques, en les donnant comme une appréciation générale de la société chrétienne. Il est bien évident cependant que ces critiques n’avaient pas le caractère général qu’ils leur attribuent, et qu’elles ne faisaient que confirmer cette incontestable vérité historique : que la société chrétienne fut, pendant les trois premiers siècles, vraiment digne de l’Evangile ; que le sens chrétien était plus développé en elle qu’il ne l’a été depuis dans toutes les Eglises.
Nous ne voulons pas cependant trop rabaisser les époques postérieures. Chaque siècle a eu ses vertus et ses défauts. De tout temps, l’Eglise fut composée d’hommes ayant la même nature et les mêmes passions ; et la grâce de Dieu ne leur fit jamais défaut. Nous saurons donc indiquer le bien ainsi que le mal dans la suite de nos récits ; mais, puisqu’il s’agit pour le moment d’apprécier le caractère général de la société chrétienne pendant la première période de l’histoire de l’Eglise, nous devons dire qu’elle nous est apparue, dans tous les faits et dans tous les documents, comme une société supérieure, au point de vue moral, aux Eglises qui lui ont succédé.
Il ne pouvait, du reste, en être autrement ; car la plupart de ceux qui en faisaient partie n’étaient admis qu’après des épreuves rigoureuses et longues ; et ils en étaient expulsés s’ils s’en rendaient indignes.
Les épreuves du catéchuménat, les pénitences et les excommunications devaient nécessairement maintenir la société chrétienne à un degré de pureté tout à fait exceptionnel.
L’histoire nous dira en quelles circonstances et pour quels motifs ces grandes lois furent modifiées dans leur application.
Nous devons nous contenter, en parlant des premiers siècles, de les indiquer comme d’excellents moyens qui firent de l’Eglise primitive une société vraiment chrétienne et digne de notre admiration.