Genèse 9

9.1 Dieu bénit Noé et ses fils, et il leur dit : Croissez et multipliez, remplissez la terre et dominez sur elle.

9.2 Vous inspirerez crainte et terreur à toutes les bêtes fauves de la terre, aux oiseaux du ciel, à tout ce qui se meut sur la terre, et à tous les poissons de la mer. Je les livre à vos mains.

L’homme inspire désormais la crainte aux animaux

Saint Philarète de Moscou : « Ce n’était pas dans la bénédiction donnée à Adam : il était le seigneur de la créature, mais pas effrayant. Lorsque la dignité intrinsèque de l’homme ne soumet plus les animaux, Dieu les enraye de peur. Cette peur oblige des animaux à nous servir; mais profitant de ces avantages, nous devons nous rappeler que le péché est terrible lorsque le pécheur dans la bénédiction de Dieu devient effrayant. Et si parfois les bêtes sortent de cette peur, nous ne devrions pas non plus transformer cela en un préjugé de la bénédiction de Dieu, mais en un jugement de nous-mêmes. »

9.3 Tout ce qui se meut et a vie vous servira d’aliment ; je vous donne de même, dans les champs, toute plante potagère.

Les animaux servent désormais de la nourriture pour les hommes

Les animaux sont prescrits comme nourriture après le déluge car, comme le pensent certaines, les fruits de la terre seraient insuffisants pour tous les hommes sur la terre qui est devenue pauvre et faible pour produire suffisamment de fruits ; la faiblesse du corps humain nécessitait le soutien le plus puissant pour la vie.

Théodoret dit que Dieu, voyant l’inclination des hommes pour l’idolâtrie et la déification des animaux leur donna la chair de ces derniers comme nourriture, afin qu’ils sachent à quel point il est indécent d’honorer d’un respect divin les animaux qui peuvent être tués et mangés. Saint Jérôme pense que Dieu avait dans ce cas une condescendance à la dureté de l’homme.

Cependant, bien que Dieu donne à la nourriture humaine tout ce qui bouge, on peut penser que la séparation des animaux entre purs et impurs par rapport à la nourriture, avant même que la loi résulte d’une connaissance de leur nature a été établie par la coutume. Une telle séparation peut être vue depuis les temps anciens et parmi les peuples païens (Saint Philarète de Moscou).

9.4 Cependant, vous ne mangerez pas de chair ayant encore le sang et la vie.

Alliance avec Noé est semblable à celle avec Adam

Saint Jean Chrysostome : « Il faut ici admirer la suprême bonté du Seigneur. Vous voyez que le juste reçoit de nouveau la même bénédiction qui avait déjà été donnée à Adam; cette supériorité que l’homme avait perdue, il la recouvre par sa vertu et surtout par l’inexprimable clémence du Seigneur. Car, de même qu’il avait dit autrefois: Croissez et multipliez, et gouvernez la terre; dominez sur les poissons de la mer, les reptiles, les volatiles et les quadrupèdes; il dit maintenant : Vous serez craints et redoutés de toutes les bêtes de la terre et de toutes les volatiles. Tout ce qui se meut et vit sur terre sera votre nourriture; je vous l’ai donné comme les plantes des jardins. Cependant ne mangez pas la chair avec son sang, qui est son âme. C’est la même loi que celle qui avait été donnée au premier homme, sauf une observation. Quand l’empire du monde a été donné à Adam, ainsi que la jouissance de tout ce qui était dans le paradis, il y eut cependant un arbre auquel il lui fut défendu de toucher; il en est de même pour Noé; Dieu le rend terrible aux animaux de la terre et met encore sous sa puissance les oiseaux et les volatiles; il dit aussi: Tout ce qui se meut et vit sur terre sera votre nourriture: je vous l’ai donné comme les plantes des jardins. C’est alors qu’a commencé l’usage de manger de la viande, non pas pour satisfaire notre gourmandise, mais parce que les hommes, devant sacrifier des animaux, afin de rendre grâce au Seigneur, il ne fallait pas qu’ils parussent rejeter les choses consacrées: aussi Dieu leur accorde l’usage de cette nourriture et leur permet d’y recourir abondamment. Je vous ai tout donné comme les plantes des jardins. Ensuite, de même que, tout en jouissant du fruit de tous les arbres, Adam devait s’abstenir d’un seul, de même aussi, tout en accordant à Noé la permission de manger de tout ce qu’il voudrait, Dieu lui dit néanmoins: Ne mangez pas la chair avec le sang, qui est son âme. Qu’est-ce donc qu’un animal où l’on a laissé le sang qui est son âme? Cela signifie une bête étouffée; car l’âme d’un animal n’est autre chose que son sang. »

 

Le sang est interdit dans la nourriture

Le sang est interdit dans plusieurs passages de la Bible : (Lév. 17: 10-14; Deut. 12:23), et même dans le Nouveau Testament (Actes 15:20). La raison principale en est que l’âme des animaux réside dans le sang et en buvant le sang des animaux, l’homme rend son âme dure et semblable aux animaux. C’est la raison spirituelle.

La raison morale est que l’habitude de consommer le sang des animaux est accompagnée avec les souffrances extrêmes des bêtes ce qui diminuerait l’aversion naturelle au meurtre. D’ailleurs c’est pour cela que la loi sur le sang des animaux est conjointe à celle sur les meurtres des hommes.

La raison rituelle est que le sang est sacré, car dans les sacrifices il purifie les âmes (Lév 17.11) ou plutôt (Héb 10.4), il préfigure le Sang divin du Christ qui purifie de tout péché (1 Jn 1.7).

9.5 Car votre sang, le sang de votre vie, je le rechercherai jusque dans les griffes des bêtes fauves, et je rechercherai la vie de l’homme jusque dans les mains de l’homme son frère.

 

Qu’est-ce que c’est rechercher le sang ?

Cela veut dire punir celui qui a versé le sang injustement (Gn 42.22). Dieu est appelé le chercheur du sang (Ps 9.13). Dieu se révèle comme un chercheur de sang, à la fois pour donner de l’autorité et de l’importance à la justice humaine, et pour qu’aucun meurtrier ne s’émerveille d’impunité, parce que, se soustrayant au jugement de l’homme, il tombe entre les mains du Dieu Vengeur, punissant les impies dans la mort et après la mort.

9.6 Celui qui versera le sang de l’homme, le versera au prix de son propre sang, parce que j’ai créé l’homme à l’image de Dieu.

 

L’âme de l’homme n’est pas dans le sang

Saint Jean Chrysostome : « Comme les sacrifices se faisaient en immolant des animaux, voici l’enseignement qui résulte de ce commandement. Le sang est mis à part pour moi, et vous gardez la chair. Dieu agit ainsi pour modérer par ses ordres la cruauté et le penchant à l’homicide. Pour prouver qu’il a voulu ainsi rendre les hommes plus pieux, écoutez ce qui suit : Je demanderai compte de votre sang, de vos âmes, à tous les animaux. Et je demanderai compte à l’homme et au frère de l’âme de l’homme. Quoi donc ! l’âme de l’homme est-elle du sang? Dieu ne veut pas le dire; loin de là! mais il parle conformément aux habitudes humaines, comme si un homme disait à un autre : Ton sang est en mes mains : c’est-à-dire, je puis te tuer. Pour voir que l’âme de l’homme n’est pas le sang , écoutez le Christ, qui dit : Ne craignez pas ceux qui tuent le corps, mais qui ne peuvent tuer l’âme. (Matth. X, 28.) Et voyez la distinction que Dieu fait; : Celui qui aura répandu le sang de l’homme, son sang sera répandu par compensation; car j’ai fait l’homme à mon image.»

 

Pourquoi il ne faut pas tuer les hommes

Parce que l’homme est à l’image de Dieu. Si on oublie Dieu, l’homme devient animal que les impies pourraient tuer.

Saint Jean Chrysostome : « Méditez, je vous prie, sur la terreur qu’inspirent ces paroles. Si l’idée de frapper ton semblable, celui qui est de même nature que toi, ne suffit pas pour te détourner de ton odieuse entreprise, si tu repousses toute sympathie fraternelle pour te livrer à cette criminelle audace, songe que ta victime a été faite à l’image de Dieu, que Dieu lui a accordé ses plus hautes prérogatives, et abandonne ton horrible projet. Mais supposons un homme qui ait commis une infinité de meurtres et versé des flots de sang: comment pourra-t-il tout compenser en répandant le sien? Ne vous arrêtez pas à cela, mais songez que bientôt il recevra un corps incorruptible qui pourra être puni sans cesse pendant l’éternité. Voyez aussi comme le précepte est précis. Il est dit de l’homme : tu ne verseras pas son sang; à propos des animaux il n’est point dit tu ne verseras pas, mais seulement : Tu ne mangeras pas la chair avec le sang; qui est son âme. D’un côté Dieu dit : tu ne répandras pas; de l’autre : tu ne mangeras pas. »

 

D’abord Dieu répand ses bienfaits et puis Il donne des recommandations simples

Saint Jean Chrysostome : « De même qu’après avoir placé Adam dans le paradis et lui avoir accordé de jouir de tout, il lui défendit cependant de toucher à un arbre; de même ici encore, après avoir promis qu’il ne détruirait plus l’univers et qu’il ne s’irriterait pas à ce point, mais que les éléments ne seraient plus bouleversés jusqu’à la consommation, des siècles et garderaient toujours leur marche et leurs lois, après avoir donné sa bénédiction à ceux qu’il avait sauvés, et leur avoir accordé toute puissance sur les animaux et le droit de manger leur chair, Dieu leur dit: Cependant vous ne mangerez pas la chair avec le sang, qui est son âme. Vous voyez qu’après avoir montré tant de bonté et d’ineffable libéralité, il finit par un ordre : ce n’est pas là l’habitude des hommes. Les hommes veulent, avant tout, que leurs ordres soient exécutés, ils exigent beaucoup de douceur et d’exactitude chez ceux qu’ils chargent de leurs commandements, et ce n’est qu’à la fin qu’ils songent à récompenser ceux qui leur ont montré tant d’obéissance. Le Maître de toutes choses agit tout autrement : il commence par répandre ses bienfaits, il nous séduit par leur abondance, puis enfin il donne quelques préceptes simples et faciles, afin que leur facilité même se joigne aux bienfaits antérieurs pour assurer notre obéissance. »

 

3 alliances de Dieu avec les hommes

Saint Ephrem le Syrien : « Ainsi, Dieu laisse trois alliances à Noé et à ses enfants :

  • Premièrement, il commande de ne pas manger le sang des animaux,
  • Deuxièmement, il promet une résurrection dans laquelle le sang sera recherché de tous les animaux,
  • Troisièmement, il dit que chaque meurtrier doit être tué.

Car votre sang, le sang de votre vie, je le rechercherai jusque dans les griffes des bêtes fauves, et je rechercherai la vie de l’homme jusque dans les mains de l’homme son frère. Dieu recherche le sang dans ce siècle et dans le siècle à venir. Dans ce siècle Dieu le recherche en condamnant le meurtrier à mort. Il a commandé même de lapider un bœuf qui a tué l’homme (Ex 21.28) Il recherche le sang dans le siècle à venir, à la fin, car au jour de la résurrection, les bêtes rendront la chair humaine qu’elles ont dévorée. »

 

Le suicide est concerné par ce commandement

Dieu recherchera le sang de l’homme à son frère, à des animaux ou à lui-même s’il s’est suicidé.

9.7 Mais croissez et multipliez, remplissez la terre, et dominez sur elle.

9.8 Et Dieu parla à Noé et à ses fils, disant :

9.9Je rétablis mon alliance avec vous, avec votre postérité,

9.10 Avec toute âme vivante, oiseaux et bestiaux, et avec toutes les bêtes fauves de la terre qui sont sorties de l’arche avec vous.

Avec toute âme vivante

Voici une autre preuve de la proximité des relations entre l’homme et la nature : une personne tombe, toute la nature tombe ; une personne meurt, meurt tout ce qui vit, enfin, une personne se lève, et avec elle se lève toute la création (Rom 8:20).

9.11 J’établirai mon alliance en votre faveur ; la chair ne périra pas de nouveau par le déluge, et il n’y aura plus de déluge qui détruise la terre.

Dieu fait un pacte avec tous les hommes

Saint Jean Chrysostome : « Dieu donc veut bannir de l’âme du juste tout ce tumulte de pensées, il veut le rendre certain que rien de semblable ne se verra plus. De même, dit-il, que si j’ai fait pleuvoir le déluge, c’est par un effet de ma miséricorde pour arrêter la malignité, pour en prévenir les progrès ; de même, aujourd’hui, par la même miséricorde, je promets que je ne recourrai plus dans l’avenir au même châtiment ; je veux que vous viviez présentement sans crainte. De là, ces paroles : J’établirai mon alliance, c’est-à-dire, je fais un pacte. Dans les affaires de la vie ordinaire, une promesse amène un pacte qui donne toute sécurité. C’est ainsi que la bonté du Seigneur s’exprime : J’établirai mon alliance avec vous. Et c’est avec raison qu’il dit : J’établirai, ce qui veut dire . Voici que je répare le malheur causé par le péché; et : J’établirai mon alliance avec vous, et avec votre race après vous; voyez la clémence du Seigneur ! ce n’est pas avec vous seulement que je fais un pacte, mais avec ceux qui viendront après vous, et je dis que ce pacte sera ferme et durable. Et ensuite, pour montrer sa munificence : Et avec tous les animaux vivants qui sont avec vous, tant les oiseaux que les animaux domestiques, et toutes les bêles de la terre qui sont avec vous et qui sont sorties de l’arche; et j’établirai mon alliance avec vous, et toute chair qui a vie ne périra plus désormais par le déluge; et il n’y aura plus â l’avenir de déluge pour, faire périr toute la terre. Avez-vous bien compris jusqu’où s’étend ce pacte? Avez-vous bien compris tout ce qu’il y a, dans cette promesse, d’ineffable libéralité? Considérez comme Dieu étend encore une fois sa bonté jusque sur les êtres dépourvus de raison, sur les bêtes sauvages! et ce n’est pas sans motif : je l’ai dit souvent, je le redis encore,. les animaux ont été créés à cause de l’homme : voilà pourquoi ils ont leur part des bienfaits accordés à l’homme. Maintenant le pacte semble confondre l’homme et les animaux, mais il n’en est pas ainsi, car cette promesse est une consolation qui ne s’adresse qu’à l’homme, pour qu’il sache en quel degré d’honneur il est maintenu, puisque, non-seulement on le comble de bienfaits; mais encore, en considération de lui, la libéralité du Seigneur s’étend sur les animaux : Et toute chair qui a vie, dit Dieu, ne périra plus désormais par le déluge; et il n’y aura, plus à l’avenir de déluge pour faire périr toute la terre. Voyez-vous comment, une fois, deux fois, à mainte reprise, Dieu promet dune plus renouveler la destruction universelle ? C’est pour bannir de l’esprit de l’homme juste lés inquiétudes qui le troubleraient; c’est pour lui donner bon espoir dans l’avenir. »

9.12 Et le Seigneur Dieu dit à Noé : Voici le signe de l’alliance que j’établis entre moi et vous et toute âme vivante, pour toutes les races futures :

9.13 Je place mon arc dans la nue, et il sera le signe de mon alliance avec la terre.

9.14 Lorsque je rassemblerai les nuées sur la terre, l’arc paraîtra dans la nue.

L’ arc en ciel comme le signe de l’alliance

Quand il pleuvait, l’homme devait se souvenir du déluge que Dieu a fait sur la terre, mais en voyant après l’arc en ciel, l’homme devait se souvenir de l’alliance de Dieu et ne plus être effrayé par la pluie. L’arc en ciel est un symbole de la miséricorde et de la pitié pour l’homme déchu.

 

9.15 Et je me souviendrai de mon alliance avec vous et avec toute âme vivante et toute chair, et il n’y aura plus de déluge qui détruise toute chair.

9.16 Mon arc sera dans la nue ; et à sa vue je me souviendrai de l’alliance éternelle entre moi et la terre, et toute âme vivante et toute chair qui est sur la terre.

9.17 Dieu dit à Noé : Tel est le signe de l’alliance que j’ai établie entre moi et toute chair qui est sur la terre.

Le signe de l’alliance

Saint Jean Chrysostome : « Voici qu’après la promesse verbale, je donne ce signe visible, l’arc-en-ciel, (que quelques-uns disent produit par les rayons du soleil rencontrant les nuages). Si ma parole, dit-il, ne suffit pas, voici que je donne mon signe, qui répond que je n’infligerai plus un pareil châtiment. A la vue de ce signe, soyez affranchis de toute crainte : Et lorsque j’aurai couvert le ciel de nuages, mon arc paraîtra dans les nuées et je me souviendrai de l’alliance qui est entre moi et vous, et toute âme qui vit dans toute chair. (Gen. XII, 13, 14.) Que dites-vous, ô bienheureux prophète ? Je me souviendrai, dit-il, de mon alliance, c’est-à-dire de mon pacte, de mon engagement, de ma promesse. Ce n’est pas que Dieu ait besoin d’un signe pour se souvenir, mais c’est afin que nous, à la vue de ce signe, nous ne concevions pas de tristes soupçons, c’est afin que nous nous rappelions aussitôt la divine promesse, que nous ayons la confiance que nous ne souffrirons rien qui ressemble au déluge. »

9.18 Or, les fils de Noé qui sortirent de l’arche étaient Sem, Cham et Japhet ; Cham fut le père de Chanaan.

 

Pourquoi l’Ecriture souligne que Cham était le père de Chanaan ?

Parce que Chanaan a été conçu dans l’arche malgré le commandement de l’abstention que Dieu a donné.

Saint Jean Chrysostome : « Pourquoi donc l’Ecriture a-t-elle dit : Or Cham est le père de Chanaan ? Elle a voulu, par là, nous marquer l’incontinence de ce Cham, nous indiquer que d’horreur du désastre universel n’a pu le retenir; que la place si étroite qu’ils occupaient tous dans l’arche n’a pas été un obstacle capable de réprimer sa concupiscence, quoique son frère aîné n’eût pas encore de fils. Ce Cham adonné à l’incontinence, dans le temps même d’une si grande colère, au moment même de l’extermination universelle qui saisissait le monde , n’a pas dompté sa nature, n’a pensé qu’à un rapprochement hors de saison, n’a pas su dompter l’intempérance de ses désirs ; tout de suite il a tenu à montrer la perversité . de son âme. Aussi, peu de temps après l’outrage de Chame envers celui à qui il devait d’exister, le fils de ce Cham, Chanaan, allait subir la malédiction. Aussi la divine Ecriture n’attend pas pour le désigner, pour révéler le nom de ce fils en même temps que l’incontinence de son père ; c’est afin qu’en le voyant plus tard manifester tant d’ingratitude envers son père, vous sachiez bien que depuis longtemps c’était un pervers, puisque l’épouvantable catastrophe dont il fut témoin n’a pu l’amender. Quoi ! Pour éteindre sa concupiscence ne suffisait-il pas de tant de douleurs ! Eh bien ! non, rien n’a triomphé de cette flamme impure, de ce délire, ni la désolation de l’univers; ni l’excès d’une si affreuse calamité. Celui qui dans un si grand malheur ta montré cette folie , ce délire furieux, qui pensait alors à procréer des enfants, dites-moi, quelle excuse lui est-il permis d’invoquer? » 

9.19 Tels sont les trois fils de Noé, pères des hommes qui furent semés sur toute la terre.

La progéniture des fils de Noé

La progéniture de Sem (les Sémites) habitait l’Arménie, la Mésopotamie, la Syrie et l’Arabie; La progéniture de Cham émigra principalement en Afrique ; et, finalement, les descendants de Japhet se répandirent dans le nord de l’Asie, en Inde, pénétrèrent en Europe et même en Amérique.

9.20 Noé commença à travailler à la terre, et il planta une vigne.

9.21 Et il but du vin, et, s’étant enivré, il se mit nu en sa demeure.

Noé était enivré par l’ignorance

Les Pères de l’Eglise: Chrysostome (Hom. XXIX. In Genes), Theodoret (Quaese. LVI. In Genes), Ambrose (De. Noe et Arca, p. 29), Basile (De jejun. Horn. I) excusent le Patriarche pour cette chute , croyant qu’il lui était jusqu’alors inconnu l’effet du vin.

Saint Jean Chrysostome : « Il y a en effet bien des circonstances pour excuser cet homme juste ; ce que je dis non pour excuser l’ivresse, mais pour montrer que, si ce juste a succombé, ce n’est pas par intempérance, mais parce que l’expérience lui faisait défaut. L’Ecriture en effet ne dit pas simplement qu’il but du vin jusqu’à s’enivrer, mais elle ajoute des circonstances qui sont l’explication et l’excuse de sa conduite : Noé s’appliquant à l’agriculture, commença à labourer et à cultiver la terre, et il planta une vigne, et il but du vin, et il s’enivra. Ce mot, commença, montre qu’il fut le premier qui but du vin, et, faute d’expérience, parce qu’il ne savait pas la mesure, il tomba dans l’ivresse »

 

Noé a cherché la consolation

Saint Jean Chrysostome : « Et ce n’est pas là la seule cause, mais il était, fort triste : il cherchait dans le vin une consolation, suivant la parole du Sage : Donnez à ceux qui sont dans la tristesse une liqueur qui les enivre, et du vin à ceux qui sont dans la douleur. (Prov. XXXI, 6.) Le Sage montre par là qu’il n’y a pas, dans la tristesse, de remède égal au vin, pourvu que l’intempérance n’en compromette pas l’utilité. Or dans quelle morne tristesse n’était pas plongé ce juste qui se voyait au milieu d’une si grande solitude, qui avait sous les yeux les cadavres de tant d’hommes, cette sépulture commune aux hommes et aux animaux ! C’est l’habitude des prophètes et de tous les justes de s’affliger, non-seulement sur le sort de leurs proches, mais sur tous les autres hommes. »

 

La découverte du vin

Saint Jean Chrysostome : « Mais il convient ici de se demander si c’est Noé à cette époque qui trouva la vigne, ou si, auparavant, dès le commencement du monde, elle existait. Il est vraisemblable qu’elle existait auparavant, dès le commencement, qu’elle avait été créée dans les six jours, quand Dieu vit que toutes les choses qu’il avait faites étaient très-bonnes. (Gen. I, 31.) Il se repose, en effet, dit l’Ecriture, le septième jour, après avoir achevé tous ses ouvrages. (Gen. II, 2.) Toutefois l’usage de la vigne n’était pas connu ; car, si on l’avait connu dès le commencement, il est certain qu’Abel, dans ses sacrifices, aurait fait aussi des libations de vin. Mais comme les premiers hommes ignoraient l’usage de cette plante, ils ne s’en servirent pas. Noé, au contraire, appliqué à l’agriculture, homme très-actif et très-diligent, arriva, par hasard, à en goûter le fruit, écrasa les grappes, fit du vin et en but. Et comme c’était la première fois qu’il en goûtait lui-même, comme il ne connaissait personne qui en eût goûté avant lui, comme il n’avait rien pour lui indiquer et la mesure et l’usage, par suite de cette ignorance, il tomba dans l’ivresse. En outre, quand l’habitude de manger de la chair se fut introduite parmi les hommes, l’usage du vin fut aussi une habitude. Considérez maintenant, mes bien-aimés, comment, peu à peu, le monde s’organise ; comment chaque homme, selon la sagesse que Dieu lui communique, devient, dans ces commencements, l’inventeur d’un art. C’est ainsi que les arts ont été introduits dans le monde : le premier inventa l’agriculture ; le second, l’art pastoral; un autre, l’art d’élever le gros bétail; un autre, la musique; un autre, l’industrie de ]!airain; quant à ce juste dont nous parlons, il trouva, grâce à la sagesse communiquée d’en-haut, l’art de cultiver la vigne. Noé, dit le texte, s’appliquant à l’agriculture, commença à labourer et à cultiver la terre, et il planta une vigne, et il but du vin, et il s’enivra. Méditez sur ce remède à la tristesse, sur ce moyen de guérison, qui, parce que l’ignorance a dépassé la mesure, non-seulement n’est d’aucune utilité, mais devient funeste et indispose. »

 

L’ivresse est pire que la mort

Saint Jean Chrysostome : « C’est un mal redoutable, mes bien-aimés; oui, un mal redoutable que l’ivresse, qui produit l’aveuglement, qui engloutit la raison. De cet homme doué de raison, de cet homme qui a reçu l’empire sur toutes les créatures, elle fait un captif, enchaîné d’indissolubles liens, un mort que rien ne réveille; elle en fait quelque chose de pire qu’un mort. Le mort n’a d’énergie ni pour le bien, ni pour le mal; mais l’homme ivre, sans énergie pour le bien, n’a que plus d’énergie pour le mal; et le voilà ridicule aux yeux de sa femme, et de ses enfants, et de ses serviteurs. Ses amis, considérant sa honte, rougissent et sont couverts de confusion; ses ennemis, au contraire, se réjouissent et se rient de lui, et le chargent d’opprobres , et s’écrient : Faut-il donc voir vivre, faut-il donc voir respirer cette brute, ce porc ! et ils se servent d’expressions plus honteuses encore. C’est que ceux due frappe l’ivresse sont plus hideux à voir que ceux qui reviennent des combats, les mains souillées de sang, ou qu’on rapporte chez eux, en tumulte; ceux-là, il peut se faire qu’on les vante à cause des trophées, des victoires, des blessures, des membres mutilés; mais pour ceux qu’on voit ivres, on les appelle des misérables, on les accable d’imprécations. Qu’y a-t-il en effet de plus misérable que celui qu’enchaîne l’ivresse; qui, chaque jour, se plonge dans le vin, et corrompt sa pensée et son jugement? De là, le conseil que donnait le Sage: Le principal, dans la vie de l’homme, c’est le pain et l’eau, et le vêtement, et une maison qui cache sa honte. (Eccli, XXIX , 28. ) C’est afin que celui que l’ivresse possède ne soit pas exposé en public, mais caché par les siens; c’est afin qu’il ne soit pas le honteux objet de la risée de tous. Noé s’appliquant à l’agriculture, commença, dit le texte, à labourer et à cultiver la terre, et il planta une vigne, et il but du vin, et il s’enivra. »

Saint Théodoret de Cyr : « Ce qui est arrivé est arrivé par inexpérience et non par intempérance. Noé a été le premier à prendre le jus dans le fruit de la vigne et il ne connaissait pas seulement la quantité acceptable de boisson, mais aussi le fait qu’il était nécessaire de la diluer d’abord avec de l’eau et de la boire ensuite; il est donc tombé dans un profond sommeil. Et rien d’inhabituel n’était qu’il était nu. Oui, et maintenant tout le monde se déshabille en se couchant, parce que le sommeil diminue les sens. L’ivresse qui favorise le sommeil excuse encore plus sa nudité. »

 

Les erreurs des justes dans la Sainte Écriture

La Saint Écriture nous raconte aussi les erreurs des justes, comme l’adultère de David, la crainte et la faiblesse d’Abraham, le manque de foi de Moïse, l’ivresse de Noé… Ces erreurs même des justes sont le meilleur avertissement pour nous contre notre arrogance (1 Cor. 10:12) et la médecine la plus efficace dans les cas où le désespoir et la faiblesse nous submergent à cause de notre état de péché (Jér. 8: 4). « C’est pourquoi elles sont décrites », dit saint Jean Chrysostome, « non seulement les vertus des fils, mais aussi leurs péchés, de sorte que nous les évitions en imitant que les vertus. »

Aussi, c’est un signe de la Révélation divine, car si la Bible avait été écrite par les hommes, les justes y auraient été décrits comme des héros et sans péchés. Même le Seigneur Jésus Christ accepte d’avoir plusieurs pécheurs et prostitués dans sa généalogie pour montrer ainsi qu’Il adopte l’humanité chutée pour la corriger et sauver. A comparer à la description de Mohammed dans l’Islam :

 

« La noblesse du Prophète (que la prière et la bénédiction d’Allah soient sur lui) et son éloquence

Le Prophète (que la prière et la bénédiction d’Allah soient sur lui) ne faisait pas partie de la classe populaire, mais il appartenait à la noblesse et son lignage était élevé. Il fut engendré alors que ses parents étaient mariés de façon réglementaire et non par le biais de la fornication. La pureté de sa généalogie et la qualité de son lignage sont des signes de sa distinction et de son caractère complet.

Rajoutons à cela son éloquence, sa parfaite prononciation et sa forte rhétorique. Allah lui donna la capacité d’exprimer beaucoup d’idées en peu de mots et il possédait l’art du discours. Il détenait une étonnante force de persuasion et savait créer l’harmonie entre les cœurs, de sorte qu’il pouvait faire parvenir son message en termes concis. C’est pour cette raison que son épouse Aïcha, qu’Allah l’agrée, dit : « Le messager d’Allah ne débitait pas les paroles comme vous le faites, mais ses paroles étaient entrecoupées, de telle façon que celui qui souhaitait en faire l’inventaire pouvait facilement les dénombrer. »

Si au bel aspect, à l’ascendance noble, à l’éloquence et à la forte rhétorique, on y rajoute également la véracité dans les paroles, la douceur de caractère et l’honneur de la prophétie, dès lors, nous pouvons saisir en Muhammad le caractère parfait, car il ne reste plus aucune place à la défaillance et à l’ébranlement.»

Source 

9.22 Or, Cham, le père de Chanaan, vit la nudité de son père, et il s’en alla le dire à ses deux frères au dehors.

L’orgueil de Cham

« Et Cham a vu… la nudité de son père…» Cham a vu cette nudité que nos ancêtres ont ressentie douloureusement et immédiatement après avoir mangé le fruit interdit (Genèse 3: 7) et qui, par honte, se sont recouverts des ceintures. Cependant, Noé ne ressentait que très peu de culpabilité: tout d’abord, comme il ressort du contexte, il l’a fait dans un rêve et donc, inconsciemment; ensuite, il était chez lui (sous sa tente), là où le regard indiscret de quelqu’un ne doit pas pénétrer, et où toute personne a le droit de s’autoriser davantage de liberté et une plus grande facilité d’action.

« Et quand il est sorti, il l’a dit à ses deux frères … » Cette action fait tomber toute la faute sur Cham: si Cham avait été le témoin involontaire d’une image aussi séduisante et n’avait donné aucune signification particulière par rapport ce qu’il avait vu, il n’aurait commis aucun crime. Mais la Sainte Écriture dit le contraire: «dans cette hâte de raconter ce qu’il a vu, à ses frères, s’ouvre une nature profondément corrompue de Cham; dans son acte, on peut voir la joie perverse de l’humiliation de son père, un sentiment de fierté et de supériorité et l’absence de sentiment de honte ». En exposant très clairement les motivations de Cham, on peut dire qu’il se moquait de son père contre ses frères, décrivant la façon dont leur père, cet ancien de six cents ans, ce tronc aussi inébranlable de piété et de foi, que Cham pouvait atteindre un tel état de ridicule! «Peut-être, parlant de ce qui était arrivé, se moquait-il toujours de la honte de son père, ignorant la sagesse, qui disait: Ne cherchez pas la gloire dans le déshonneur de votre père» (Jean Chrysostome) (Sir. 3:10; Ex. 21 : 17; Lev.19: 3; Matthieu 15: 4; Proverbes 30:17). Cham a semblé être heureux que celui qui a servi de modèle de vie stricte et qui a maîtrisé sa méchanceté se trouve maintenant dans une position indécente face à l’ivresse.

Pourquoi il est écrit Cham, le père de Chanaan ?

Saint Jean Chrysostome : « Peut-être, si d’autres hommes s’étaient trouvés là, il leur aurait annoncé aussi la honte de son père; telle était la perversité de ce fils. C’est pour vous apprendre qu’il était corrompu depuis longtemps, que l’Écriture ne se borne pas à dire : Cham vit la nudité de son père; mais que dit-elle? Et Cham, père de Chanaan, vit. Pourquoi, dites-moi, dans ce passage, nomme-t-elle son fils? C’est pour nous apprendre qu’avec la même intempérance, la même incontinence qui l’avait porté, à l’heure de l’épouvantable bouleversement du monde, à procréer sa postérité, il courut faire outrage à son père : et il sortit, dit le texte, et il l’annonça à ses deux frères, dehors.» 

 

La nudité de la force de l’Esprit-Saint

Pour vous, vous ne vivez pas selon la chair, mais selon l’esprit, si du moins l’Esprit de Dieu habite en vous. Si quelqu’un n’a pas l’Esprit de Christ, il ne lui appartient pas (Rom 8.9)

Saint Macaire le Grand : «Si quelqu’un n’a pas d’habits divins et célestes, c’est-à-dire les forces de l’Esprit, comme il est dit: « Si quelqu’un n’a pas l’Esprit de Christ, il ne lui appartient pas », qu’il pleure et implore le Seigneur de recevoir cette robe spirituelle du ciel et d’en revêtir une âme dépourvue de la grâce divine; parce qu’il est couvert de la grande honte des passions du déshonneur et il n’est pas revêtu du voile de l’Esprit. Comme dans le monde visible,celui qui est nu souffre d’une grande honte et d’un grand déshonneur ; les amis se détournent de leurs amis et de leurs proches, s’ils sont nus, et les enfants, voyant leur père nu, détournent les yeux pour ne pas regarder son corps nu, inversant la vue et le recouvrant en fermant le regard (Gen 9.23) ; Dieu se détourne donc des âmes qui ne portent pas des vêtements de l’Esprit, qui ne sont pas revêtu en Christ. » 

9.23 Mais Sem et Japhet ayant pris un manteau, l’étendirent ensemble sur leurs épaules, s’approchèrent à reculons, et cachèrent la nudité de leur père ; leur visage regardait à l’opposé, et ils ne virent point la nudité de leur père.

 

La vertu de Sem et Japhet

« Mais Sem et Japhet ayant pris un manteau, l’étendirent ensemble sur leurs épaules, s’approchèrent à reculons, et cachèrent la nudité de leur père»… Par cette action, non seulement ils n’ont exprimé aucune sympathie pour l’acte de Cham, mais ils ont également détruit sa raison même. Et depuis que Cham a découvert des tendances vicieuses et une imagination souillée, l’absence d’amour filial, bien au contraire, Sem et Japhet nous ont donné un exemple édifiant de chasteté, de modestie et de grand amour filial et de grand respect pour son père, même à un moment aussi exceptionnel où le moins le méritait.

« Ils s’approchèrent à reculons, et cachèrent la nudité de leur père…» Ce petit détail est très caractéristique, qui prouve à quel point la sensibilité morale a atteint la vertu de ces deux fils dignes de Noé.

 

Le péché n’est pas dans la nature mais dans la volonté

Parfois ils gens disent : je ne peux pas ne pas pécher car c’est de ma nature. C’est faux. Le péché ne réside que dans la volonté opposée à celle de Dieu. Les trois fils de Noé étaient de la même nature mais de différentes volontés.

Saint abba Poémen dit : « La volonté de l’homme est un grand mur d’airain entre lui et Dieu (Jérémie 1, 18). C’est une pierre qui fait obstacle. Si tu tournes le dos à cette volonté égoïste, tu dis, toi aussi : « Avec Dieu, je sauterai le grand mur » (Psaume 17, 30). Mais si la recherche de la justice va de pair avec la volonté propre, c’est que l’homme est malade ».

Saint Jean Chrysostome : « Voyez, ici, je vous en prie, mes bien-aimés, considérez que les vices ne sont pas dans notre nature, mais dans notre pensée libre, dans notre volonté. En effet, ces trois frères avaient même père, étaient sortis des mêmes flancs; les mêmes soins avaient entouré leur éducation, mais ils ne montrèrent pas le même cœur; celui-ci tomba dans le péché , les autres rendirent à leur père l’honneur qui lui était dû. Peut-être ce Cham exagéra-t-il par ses railleries la honte de son père, en la révélant; il n’entendit pas la parole du Sage: Ne vous glorifiez pas de la honte de votre père. (Ecclés. III, 12.) »

 

La douceur de deux frères

Saint Jean Chrysostome : « Voyez-vous l’honnêteté de ces deux fils? Ce que l’autre a divulgué, ceux-ci n’osent pas même le regarder; ils marchaient en arrière, pour couvrir tout de suite la nudité de leur père. Voyez, en même temps, avec leur honnêteté, leur douceur ! ils ne grondent pas, ils ne battent pas leur frère; mais, à peine l’ont-ils entendu, qu’ils prennent le soin, tous les deux à la fois, de corriger ce qu’ils, regrettent, et de prouver leur respect à leur père: et ils ne détournèrent pas leur visage, et ils ne virent pas la nudité de leur père. C’est une preuve du profond respect de ces fils, que l’Écriture nous fait voir; non-seulement ils recouvrent, mais ils n’osent pas regarder. »

 

Il est interdit de révéler les péchés des autres

Saint Abba Poemen dit :

« Si nous cachons les péchés des frères, alors Dieu cachera nos péchés, et si vous voyez un frère qui pèche, ne croyez pas vos yeux et sachez que vos péchés sont comme la poutre, et que les péchés de votre frère sont comme la paille, et vous ne serez jamais embarrassé et tenté. »

Abba Poemen a déclaré : « je vous dis : si vous sentez même par vos mains le péché du prochain, alors n’y croyez pas ». Pour confirmer cette affirmation, Abba a cité le cas suivant : un certain frère a été trompé et a donc vu que quelqu’un faisait un péché avec une femme. Pendant longtemps, il s’est battu avec ses pensées. Finalement, ayant vaincu, il s’approcha d’eux et les poussa du pied en disant : arrêtez ! Ensuite, il s’est avéré qu’il s’agissait de deux gerbes de blé superposées ».

Quelques-uns des pères ont demandé à Abba Poemen : « Si nous voyons le frère qui pèche, devrions-nous lui en parler ?» L’ancien leur a répondu : « Quant à moi, si je dois y passer et je vois un frère qui pèche, je passerai en lui rien disant. ».

Des vieillards sont venus à Abba Poemen et lui ont dit : « Si nous voyons un frère qui dort dans l’église, auras-tu l’ordre de l’exciter de sorte qu’il ne dorme pas à la veille ?» Il leur dit : « Quant à moi, si je vois mon frère endormi, je poserai sa tête sur mes genoux pour le réconforter »

Saint Jean Chrysostome : « Instruisons-nous, par cet exemple, et sachons-en, tirer une double utilité. Imitons les uns; loin de nous les mœurs de l’autre ! car, si ce méchant qui a révélé la nudité d’un corps, s’est jeté sous le coup de la malédiction, est déchu de l’honneur qui l’égalait à ses frères, a été condamné à les servir, quoique ce ne soit pas lui, mais tous les descendants sortis de lui, qui sont devenus des esclaves, quel châtiment ne subiront pas ceux qui révèlent les péchés de leurs frères ; qui, loin de les couvrir, de les excuser, les exposent au grand jour, et se rendent par là coupables de péchés sans nombre? Quand vous divulguez la faute d’un frère, non-seulement vous le rendez plus éhonté, et vous refroidissez peut-être le zèle qui l’aurait porté à rentrer dans la vertu, mais vous rendez ceux qui vous écoutent plus indolents et plus lâches; et ce n’est pas tout : vous êtes cause que Dieu est blasphémé. Or, quel est le supplice réservé à ceux qui provoquent les blasphèmes? C’est ce que nul n’ignore. Donc, loin de nous, je vous en conjure, les mœurs de Cham; imitons, au contraire, l’honnêteté, la pudeur des fils qui recouvrirent la nudité de leur père; faisons de même, couvrons les fautes de nos frères, non pour encourager, par notre conduite, leur indolence, mais pour leur ménager les meilleurs moyens de s’affranchir promptement de leurs vices funestes, et de rentrer dans la vertu. De même qu’il est plus facile de revenir à résipiscence quand on n’a pas un grand nombre de témoins de ses fautes, de même celui dont le front a rougi, qui sait que ses actions mauvaises sont connues de tout le monde, ne renonce pas facilement à ses vices; il est comme dans une vase profonde, où il se précipite emporté par des courants qu’il lui est difficile de surmonter; et ne pouvant revenir à la surface il se désespère, et il abandonne tout espoir, de ressaisir le rivage.

C’est pourquoi, je vous en prie, ne publions pas les fautes du prochain. Si on vient à nous les apprendre, ne nous empressons pas d’aller voir cette nudité; faisons comme ces vertueux fils, recouvrons de nos exhortations, de nos conseils, abritons d’une ombre protectrice, et hâtons-nous de relever l’âme qui est tombée; enseignons-lui la grandeur de la divine miséricorde, l’excès de la suprême bonté, afin d’obtenir nous-mêmes, plus encore que ces pieux jeunes gens, la bénédiction du Seigneur, du Dieu qui a fait toutes choses, qui veut que tous les hommes soient sauvés, et qu’ils viennent à la connaissance de la vérité (I Tim. II, 4); qui ne veut pas la mort du pécheur, mais qu’il se convertisse et qu’il vive. (Ezéch XVIII, 23.) Et, dit le texte, ils ne virent pas la nudité de leur père. Voyez comme la loi naturelle leur a suffi, tout d’abord, dès le commencement, pour accomplir les prescriptions consignées plus tard dans la législation écrite pour l’enseignement de la race humaine; pour accomplir cette prescription de la loi : Honorez votre père et votre mère, afin que vous soyez heureux (Exode, XX, 12) ; et: Celui qui aura maudit son père ou sa mère, sera puni de mort. (Ibid. XXI, 17.) Voyez-vous que la loi naturelle a tout d’abord été suffisante? »

9.24 Or, Noé, étant sorti du sommeil causé par le vin, apprit ce qu’avait fait à son sujet son fils puîné.

L’ivresse est un démon volontaire

Saint Jean Chrysostome : « Noé, après avoir été surpris par le démon, reprit ses sens, et s’affranchit de sa tyrannie, c’est ce que dit ici l’Ecriture; car, sachons-le bien, l’ivresse est un démon volontaire, qui obscurcit l’âme de ténèbres plus épaisses que ne le fait le démon, et qui rend son captif indigne de toute pitié. Souvent, en effet, à la vue d’un démoniaque, nous sommes saisis de pitié, de compassion; nous aimons à lui montrer combien nous plaignons son malheur; nous n’agissons pas de même avec ceux que nous voyons ivres; ils provoquent notre indignation, notre dégoût, qui les repousse; nous les chargeons d’imprécations. Quelle en est la cause, pourquoi? c’est que le démoniaque fait ce qu’il ne veut pas faire, et il a beau se démener, déchirer ses vêtements, prononcer des paroles honteuses, on lui pardonne; quant à l’homme ivre, quoi qu’il fasse, on ne l’excuse pas : serviteurs, amis, voisins, tous l’accablent de reproches; c’est qu’il se livre, de lui-même, volontairement, à cette ignominie; c’est qu’il s’abandonne, parce qu’il se trahit lui-même, à la tyrannie de l’ivresse. »

 

Noé avait beaucoup de circonstances atténuantes

Saint Jean Chrysostome : « Grand nombre de circonstances se réunissaient pour atténuer sa faute : et d’abord, on ne l’y a pas vu retomber depuis, preuve certaine qu’il pécha faute de savoir, et non par indolence. En effet, s’il fallait attribuer sa faute à la négligence, il se serait plus tard laissé surprendre de nouveau par la même passion; mais c’est ce qui n’est pas arrivé. S’il, se fût rendu coupable de la même faute, une seconde fois, l’Ecriture ne l’aurait point passé sous silence, elle nous l’aurait fait connaître; car l’Ecriture n’a qu’une pensée, n’a qu’un but, c’est de nous- apprendre tout ce qui est arrivé, afin que nous connaissions la vérité. On ne la voit pas, par un sentiment d’envie, négliger les vertus des justes, ni avec une complaisance partiale, couvrir d’une ombre les fautes des pécheurs; elle expose tout devant nos yeux, afin que nous ayons une règle, une doctrine; afin que, nous aussi, quand nous nous serons laissé surprendre, par suite de notre, négligence, nous devenions plus circonspects, de manière à éviter les rechutes. Car le péché n’est pas aussi grave que la persistance dans le péché. C’est pourquoi, ne vous bornez pas à remarquer que ce juste s’est enivré, remarquez avant tout que; plus tard, il ne lui arriva rien de semblable. »

 

Le chrétien doit chercher les circonstances atténuantes pour son prochain

Saint Païssios du Mont d’Athos dit : « Celui qui accomplit un bon travail spirituel trouve pour tout le monde des circonstances atténuantes et justifie tout le monde, tandis qu’il ne se trouve jamais d’excuses, même quand il a raison. Il dit toujours qu’il est à blâmer, car il croit qu’il ne met pas à profit les occasions qui lui sont données. Il voit, par exemple, une personne commettre un vol et pense que lui-même, s’il n’avait pas reçu une aide spirituelle, aurait volé bien davantage. Il poursuit alors : «Moi, Dieu m’a aidé, mais j’ai accaparé les dons divins. Voilà un vol bien plus grave. La différence est que le vol de cet homme est visible, le mien non !». Il se condamne ainsi, mais juge le prochain avec indulgence. Ou encore, s’il constate un défaut, petit ou grand, chez autrui, il le justifie en cultivant de bonnes pensées. Il songe que lui-même a beaucoup de défauts visibles pour autrui. Car, en cherchant bien, on trouve en soi beaucoup d’imperfections, ce qui conduit à justifier plus facilement les autres. O combien de fautes n’avons- nous pas commises ! «Des péchés de ma jeunesse et de mes ignorances, ne te souviens pas, Seigneur». » 

Source 

 

Comment Noé a appris ce qui se passé ?

Saint Jean Chrysostome : « D’où l’apprit-il ? Sans doute, ce furent les frères qui le dirent, non pour accuser leur frère, mais pour apprendre la chose comme elle s’était passée, afin que le coupable reçût le remède que réclamait sa blessure. Et il apprit, dit le texte, tout ce que lui avait fait son plus jeune fils. Qu’est-ce à dire, tout ce que lui avait fait ? Cela veut dire une faute si grave qu’elle ne se peut supporter. Remarquez, en effet, comment, dans l’intérieur de la maison, voyant une chose honteuse, tandis qu’il aurait dû la cacher, il sort, il l’ébruite, il expose aux railleries, aux moqueries, son père, autant que cela dépendait de lui ; comme il veut rendre ses frères les complices de sa détestable pensée. S’il devait, à toute force, faire un récit, il aurait dû, au moins, les appeler à l’intérieur, leur parler en secret de cette nudité ; mais non : il sort, il révèle cette nudité, et, s’il s’était rencontré là une foule d’étrangers, il les aurait, eux aussi, rendus les témoins de la honte de son père. Delà, ces paroles du texte : Tout ce que lui avait fait, c’est-à-dire l’outrage qu’il avait fait à son père, l’oubli qu’il avait montré du respect que les enfants doivent à leurs parents. Il a divulgué les fautes, il a voulu associer ses frères à cet outrage.

 

Cham devient le fils «puîné»

Saint Jean Chrysostome : « Tout ce que lui avait fait son plus jeune fils. Toutefois, ce n’était pas le plus jeune; car il était le second, l’aîné de Japhet; mais quoi qu’il fût, l’aîné pour Japhet, la corruption de son âme le mit après lui; la pétulance de ses passions le fit déchoir; pour n’avoir pas voulu se tenir dans les bornes prescrites, il perdit l’honneur qu’il devait à la nature; et, de même que ce méchant, par la corruption de sa volonté, perdit ce qu’il tenait de la nature, Japhet acquit, par sa sagesse supérieure, ce que la nature ne lui avait pas donné. »

Cham est une figure des Juifs méchants

Saint Nil de Sinaï : « Cham est une figure des Juifs incroyants. Il s’est moqué du Christ nu, l’a battu et l’a déshonoré à travers Pilate. Et Sem et Japhet, en quelque sorte, préfigurent Joseph, qui a enveloppé le Corps précieux du Sauveur, et l’a placé dans un nouveau tombeau (Matt. 27:59), ainsi que Nicodème, un enseignant israélien, et tous ceux qui ont essayé d’honorer Son Corps.» 

 

Le fils puîné est Chanaan

Saint Ephrem le Syrien dit que le fils puîné était Chanaan. C’est lui qui se moquait de Noé et son père Cham a tout raconté à ses frères. C’est pourquoi Chanaan devient justement maudit.

9.25 Et il dit : Maudit soit l’esclave Chanaan ; il sera le serviteur de ses frères.

Pourquoi Dieu ne maudit pas Cham, mais Chanaan ?

Parce que Cham a été béni avec tout le monde qui est sorti de l’arche. Ce qui est béni ne peut pas être maudit. Mais la malédiction tombe sur son fils, Chanaan. Il ne faut pas pécher pour que nos enfants n’en souffrent pas.

Saint Jean Chrysostome : « Noé voulait à la fois punir Cham de sa faute, de l’outrage qu’il en avait reçu, et, en même temps, il ne voulait pas affaiblir la bénédiction que Dieu lui avait autrefois donnée. Dieu bénit, dit l’Ecriture, Noé quand il sortit de l’arche, et ses fils avec lui. (Gen. IX, 1.) Donc Noé ne voulut pas maudire celui que Dieu avait une fois béni; il ne s’arrête donc pas à celui qui lui a fait l’outrage, c’est sur le fils de Cham qu’il fait retomber la malédiction. Soit, dira-t-on, cela montre que Cham n’a pas été maudit, parce qu’il avait reçu auparavant la bénédiction de Dieu. »

 

Est-ce que l’enfant peut être puni pour des péchés de ses parents ?

Parfois, vous entendez que quatre voire sept générations sont responsables du péché commis dans cette famille. Mais est-ce vrai?

Dans le Livre des Nombres, on lit :

L’Éternel est lent à la colère et riche en bonté, il pardonne l’iniquité et la rébellion; mais il ne tient point le coupable pour innocent, et il punit l’iniquité des pères sur les enfants jusqu’à la troisième et la quatrième génération (Nombres 14:18).

Pourtant, comme l’explique saint Ephrem le Syrien, cela s’applique lorsque des enfants et des descendants participent personnellement et volontairement au péché de leurs parents, en le répétant. « Dieu, dans sa longue patience, ne punit pas tout de suite le méchant, son fils et son petit-fils; mais s’ils ne se repentent pas, il punit le fils de la quatrième génération s’il est méchant, comme ses pères». C’est-à-dire que le péché des pères qui se commet aussi par leurs enfants se limite par le fait qu’une telle génération se termine.

Et dans un autre livre de l’Ancien Testament, il est dit :

Je suis un Dieu jaloux, qui punis l’iniquité des pères sur les enfants jusqu’à la troisième et à la quatrième génération de ceux qui me haïssent. (Deut. 5:9)

C’est-à-dire que si, d’une manière ou d’une autre, quatre générations consécutives haïssent Dieu, ce genre cessera d’exister. C’est ce que ces mots veulent dire.

Au fil du temps, les Juifs ont commencé à mal comprendre ces paroles, croyant qu’un juste et un pieux pourraient être punis pour le péché de son père ou de son arrière-grand-père, qu’il n’avait même pas vu. Deux fausses pensées en sont déduites : la première est que Dieu n’est pas juste, et la seconde est que si une punition m’arrive, cela ne signifie pas que je suis un pécheur et qu’il faut que je sois corrigé, ce sont mes ancêtres qui ont péché et je dois boire leur verre de chagrin pour eux. Ils ont même fait un proverbe : « Les pères ont mangé des raisins verts, et les dents des enfants en ont été agacées ».

Et donc, révélant cette fausse compréhension, Dieu, par la bouche du prophète Ézéchiel, dit:

Pourquoi dites-vous ce proverbe dans le pays d’Israël: Les pères ont mangé des raisins verts, et les dents des enfants en ont été agacées? Je suis vivant! dit le Seigneur, l’Éternel, vous n’aurez plus lieu de dire ce proverbe en Israël. Voici, toutes les âmes sont à moi; l’âme du fils comme l’âme du père, l’une et l’autre sont à moi; l’âme qui pèche, c’est celle qui mourra. Vous dites: Pourquoi le fils ne porte-t-il pas l’iniquité de son père? C’est que le fils a agi selon la droiture et la justice, c’est qu’il a observé et mis en pratique toutes mes lois; il vivra. L’âme qui pèche, c’est celle qui mourra. Le fils ne portera pas l’iniquité de son père, et le père ne portera pas l’iniquité de son fils. La justice du juste sera sur lui, et la méchanceté du méchant sera sur lui. Si le méchant revient de tous les péchés qu’il a commis, s’il observe toutes mes lois et pratique la droiture et la justice, il vivra, il ne mourra pas. Toutes les transgressions qu’il a commises seront oubliées; il vivra, à cause de la justice qu’il a pratiquée. Ce que je désire, est-ce que le méchant meure? dit le Seigneur, l’Éternel. N’est-ce pas qu’il change de conduite et qu’il vive? Si le juste se détourne de sa justice et commet l’iniquité, s’il imite toutes les abominations du méchant, vivra-t-il? Toute sa justice sera oubliée, parce qu’il s’est livré à l’iniquité et au péché; à cause de cela, il mourra. Vous dites: La voie du Seigneur n’est pas droite. Écoutez donc, maison d’Israël! Est-ce ma voie qui n’est pas droite? Ne sont-ce pas plutôt vos voies qui ne sont pas droites? Si le juste se détourne de sa justice et commet l’iniquité, et meurt pour cela, il meurt à cause de l’iniquité qu’il a commise. Si le méchant revient de sa méchanceté et pratique la droiture et la justice, il fera vivre son âme. S’il ouvre les yeux et se détourne de toutes les transgressions qu’il a commises, il vivra, il ne mourra pas. La maison d’Israël dit: La voie du Seigneur n’est pas droite. Est-ce ma voie qui n’est pas droite, maison d’Israël? Ne sont-ce pas plutôt vos voies qui ne sont pas droites? C’est pourquoi je vous jugerai chacun selon ses voies, maison d’Israël, dit le Seigneur, l’Éternel. Revenez et détournez-vous de toutes vos transgressions, afin que l’iniquité ne cause pas votre ruine. (Ezéchiel 18:2-4,19-30)

Et par l’intermédiaire du prophète Jérémie, Dieu a dit:

En ces jours-là, on ne dira plus: Les pères ont mangé des raisins verts, Et les dents des enfants en ont été agacées. Mais chacun mourra pour sa propre iniquité; Tout homme qui mangera des raisins verts, Ses dents en seront agacées. (Jer 31.29-30)

Et quand les apôtres, montrant un aveugle-né, demandèrent à Christ si ce n’était pas pour les péchés de ses parents, cela lui arriva, le Seigneur dit : non (Jean 9:2-3). Par conséquent, cette interprétation est erronée. Dieu est juste et chacun est puni pour ses propres péchés. Cela concerne aussi certains mouvements des chrétiens en Russie qui de repentaient dans le péché du meurtre de Tsar Nicolas II malgré l’absence de la bénédiction de l’Eglise. Il est facile de se repentir des péchés d’autrui, mais Dieu attend que nous nous repentions de nos péchés.

 

Cham est puni par la malédiction de son fils

Saint Jean Chrysostome : « Mais pourquoi, quand c’est Cham qui a péché, est-ce Chanaan qui est puni? Eh bien! cela même n’a pas été fait sans raison; car le père n’a pas subi un moindre châtiment que son fils, et il a senti toute la rigueur du châtiment. Vous n’ignorez pas, en effet, vous savez parfaitement combien de fois les pères ont demandé d’être punis, eux-mêmes, à la place de leurs fils. Il est plus triste pour eux de voir leurs fils soumis au châtiment, que de le subir eux-mêmes. Voici donc ce qui est arrivé; c’est que, par suite de l’amour naturel que Cham éprouvait pour son fils, il a senti une douleur plus cruelle; c’est que la bénédiction de Dieu est restée intacte, et que le fils, qui a reçu la malédiction, a expié par-là ses propres péchés. Car, bien qu’il encoure actuellement la malédiction pour le péché de son père, encore est-il vraisemblable que c’est en même temps pour ses propres fautes qu’il a été puni. Ce n’est pas seulement à cause du péché de son père qu’il a reçu la malédiction, mais probablement c’est parce que lui-même méritait un plus grand châtiment. Car, en ce qui concerne ce principe que les pères ne sont pas punis pour les fils, ni les fils pour les pères, que chacun n’est puni que pour ses propres fautes, c’est ce que vous trouverez en mille endroits des prophètes. Si quelqu’un mange des raisins verts, il en aura lui seul les dents agacées (Jérém. XXI, 39); l’âme qui a péché mourra elle-même (Ezéch. XVIII, 20); et encore : On ne fera point mourir les pères pour les enfants, ni les enfants pour les pères. (Deut. XXIV, 16.) Donc, que personne parmi vous, je vous en prie, n’ose censurer ce que l’Ecriture nous dit aujourd’hui, comme s’il était permis d’ignorer le but que se propose la divine Ecriture. »

 

Le péché cause l’esclavage

Saint Jean Chrysostome : « Car, voici ce que le péché a fait d’un frère né de la même mère, sorti des mêmes flancs; le péché en a fait un esclave; il lui a enlevé la liberté ;il l’a assujetti, et c’est de là qu’est sortie la servitude des âges à venir. Et en effet, les hommes d’autrefois n’étaient pas si délicats, n’avaient pas besoin d’une vie si commode, de mains étrangères pour les servir; chacun se servait soi-même; tous étaient égaux en dignité; on ne voyait, au milieu d’eux, aucune inégalité de rang. Quand le péché fit son entrée dans le monde, ce fut pour détruire la liberté, compromettre la dignité naturelle, introduire la servitude; la servitude, ce perpétuel enseignement, cet éternel avertissement à nous adresser, de fuir la servitude du péché, de revenir à l’indépendance de la vertu. Que si l’esclave et le maître veulent retirer de cet exemple un profit durable, qu’ils pensent: l’esclave, de son côté, qu’il doit sa servitude au dérèglement de Cham; le maître, à son tour, qu’assujettissement et servitude n’ont commencé qu’au jour où Cham a montré une volonté dépravée, et perdu la dignité qui le rendait l’égal de ses frères. »

 

Chanaan sera le serviteur de ses frères

Saint Philarète de Moscou dit que lorsque Chanaan est appelé l’esclave des esclaves, c’est-à-dire l’esclave le plus méprisable, cela montre que les esclaves viendront d’autres tribus, mais que l’esclavage de la tribu de Chanaan sera le plus douloureux et honteux. Tel était l’esclavage des Cananéens, d’abord l’esclavage dans le péché, puis l’esclavage civil (Gen 15.16, 18-21) :

En ce jour-là, l’Éternel fit alliance avec Abram, et dit: Je donne ce pays à ta postérité, depuis le fleuve d’Égypte jusqu’au grand fleuve, au fleuve d’Euphrate, le pays des Kéniens, des Keniziens, des Kadmoniens, des Héthiens, des Phéréziens, des Rephaïm, des Amoréens, des Cananéens, des Guirgasiens et des Jébusiens. (Gen 15,18-21)

De même, les descendants de Chanaan ont été tués et asservis par les Juifs sous Josué, lors de la conquête de la terre promise.

Maintenant vous êtes maudits, et vous ne cesserez point d’être dans la servitude, de couper le bois et de puiser l’eau pour la maison de mon Dieu. (Jos 9.23)

Plus d’une fois encore, surtout sous David et Salomon, les Cananéens ont expérimenté la main lourde des descendants de Sem et les ont servis.

Tout le peuple qui était resté des Amoréens, des Héthiens, des Phéréziens, des Héviens et des Jébusiens, ne faisant point partie des enfants d’Israël, leurs descendants qui étaient restés après eux dans le pays et que les enfants d’Israël n’avaient pu dévouer par interdit, Salomon les leva comme esclaves de corvée, ce qu’ils ont été jusqu’à ce jour (1 Rois 9,20-21).

Et d’autres branches des Chamitiens – les Phéniciens et surtout les Efiopiens ont été conquis par les tribus Japhètes : les Perses, les Grecs et les Romains.

9.26 Il dit ensuite : Béni soit le Seigneur, le Dieu de Sem, et l’esclave Chanaan sera serviteur de Sem.

Béni soit le Seigneur, le Dieu de Sem

Saint Philarète de Moscou dit que c’est Dieu qui obtient la bénédiction et non pas Sem. Pourquoi ? Parce que ce n’est pas la nature qui obtient la bénédiction mais la Grâce reposée sur Sem. Ainsi, ces paroles de Noé exprime plus la reconnaissance pour Dieu. Les paroles « le Dieu de Sem » indiquent aussi que Dieu appartiendrait aussi à la tribu de Sem par l’incarnation.

 

En Christ, tout esclavage est aboli

Saint Jean Chrysostome : « Maintenant, en vérité, si nous voulons être sobres et prudents, ces maux que les péchés de nos pères ont introduits dans le monde ne pourront nous atteindre, ils ne seront pour nous que des noms et des histoires. Si, d’une part, notre premier père, par sa désobéissance, a introduit la mort, les travaux et les peines ; si, d’autre part, Cham nous a procuré la servitude, voici maintenant que l’avènement de Notre-Seigneur Jésus-Christ a réduit toutes ces épreuves à n’être qu’un vain bruit, que des sons; pour qu’il en soit ainsi nous n’avons qu’à vouloir. Pour la mort, il n’y a plus de mort; il n’y a plus que le mot qui sert de nom à la mort : parlons mieux, le nom même a disparu. Nous ne disons plus maintenant la mort, mais l’assoupissement et le sommeil. Le Christ disait lui-même : Lazare, notre ami, dort (Jean, XI, 11) ; et Paul écrivant aux habitants de Thessalonique, leur dit : Quant à ceux qui dorment, je ne veux pas que vous ignoriez, mes frères. (I Thess. IV, 12.) Et de même, la servitude n’est qu’un mot; l’esclave c’est celui qui commet le péché. Et, si vous voulez comprendre que l’avènement du Christ a supprimé la servitude, n’en a plus laissé que le nom, disons mieux, a détruit le nom même, écoutez ce que dit Paul : Que ceux qui ont des maîtres fidèles ne les méprisent pas, parce qu’ils sont leurs frères. (I Tim. VI, 2.) Voyez-vous comment, dès que la vertu arrive, elle ne fait plus que des frères de ceux qui s’appelaient auparavant des esclaves? Que Chanaan, dit Noé, soit l’esclave de ses frères. Tu as abusé, dit-il, de ta dignité; tu n’as pas fait ce que tu devais faire, quand tu étais égal en honneur; voilà pourquoi je veux te corriger par la sujétion. C’est ce qui est arrivé, dès le commencement, à la femme; elle était d’une dignité égale à celle de son mari, elle a abusé de son rang, voilà pourquoi elle a perdu son pouvoir, pourquoi elle a entendu ces paroles: Tu te tourneras vers ton mari, et il te dominera. (Gen. III, 16.) Tu n’as pas su, dit le texte, faire un bon usage du commandement; il vaut mieux pour toi bien obéir au commandement, que mal commander. De même, ce Cham, ici, reçoit le châtiment pour s’amender; dans la personne de son fils, c’est lui-même qui est puni; c’est afin que vous sachiez que, quoi. qu’alors ce fût un vieillard, cependant le châtiment, retombant sur son fils, lui rendit la vie pleine de douleurs et d’amertumes; il pensait que, quand lui-même serait mort, ce fils qui lui survivrait expierait sa faute. Car, pour avoir la preuve que ce fils était, de lui-même, plein de malice, que tous ceux qui sortirent de lui furent des êtres abominables, prompts à commettre le mal, écoutez ce que dit l’Ecriture, sous forme de malédiction : Votre père était Amorrhéen et votre mère Céthéenne (Ezéch. XVI, 3); autre parole d’outrage, dans un autre endroit : Race de Chanaan, et non de Juda. (Dan. XIII, 56.) »

 

La bénédiction de Japhet et Sem

Saint Jean Chrysostome : « Que le Seigneur, le Dieu de Sem, soit béni, dit Noé, et que Chanaan soit son esclave. (Gen. IX, 26.) Ici, peut-être, dira-t-on Noé, en prononçant ces mots, ne bénit pas Sem; au contraire, il le bénit de la manière la plus efficace. En effet, quand on rend à Dieu des actions de grâces, lorsqu’on bénit Dieu, le Seigneur, à son tour, accorde plus largement sa bénédiction à ceux qui donnent l’occasion de le bénir lui-même. Ainsi Noé, bénissant Dieu, l’a rendu débiteur d’une bénédiction plus grande; il a été, en faveur de Sem, l’auteur d’une rétribution plus considérable que si lui-même l’eût béni en son propre nom. De même que le Seigneur, béni à cause de nous, devient pour nous tout à fait clément et propice; de même, réciproquement, quand il est blasphémé à cause de nous, il prononce contre nous une condamnation plus sévère , parce que nous avons été l’occasion des blasphèmes. Faisons donc tous nos efforts, je vous en conjure, pour vivre avec tant de sagesse, pour montrer une vertu si pure, que tous ceux qui nous verront offrent au Seigneur notre Dieu des louanges et des bénédictions. Dans sa bonté, dans sa clémence, le Seigneur veut être glorifié par nous; ce n’est pas qu’il en reçoive le moindre accroissement de gloire; il n’a besoin de rien, mais il veut que nous lui fournissions nous-mêmes l’occasion de nous montrer plus de bienveillance. »

 

La correction du péché de Cham

Saint Jean Chrysostome : « Que le Seigneur, le Dieu de Sem, soit béni, et que Chanaan soit son esclave. Voyez-vous comme le père annonce le châtiment, qui, toutefois, est plutôt une correction qu’un châtiment; il était père, c’était un père tendre; il ne voulait pas un châtiment égal à la faute, mais de nature à réprimer plus tard les progrès de la malignité. Voilà pourquoi, dit-il, je te condamne à la servitude, afin que tu conserves à chaque instant, toujours, le souvenir de ce que tu as fait. »

9.27 Que Dieu multiplie Japhet, que celui-ci habite sous les tentes de Sem, et que Chanaan soit son esclave.

Saint Jérôme de Stridon : « Les Juifs sont nés de Sem, Japhet a produit les peuple sdes païens. Donc, comme il y a beaucoup de croyants des païens, Japhet a reçu le nom « vastité ». Et les mots «qu’il habite dans les tentes de Sem» prophétisent à notre sujet: après le rejet d’Israël, nous, les païens, étudions et apprenons les Écritures. »

La bénédiction comme vocation des peuples

Saint Jean Chrysostome : « Ici encore, la bénédiction la plus abondante , et qui renferme peut-être un trésor caché : Que Dieu multiplie, dit-il, la postérité de Japhet. Ce n’est pas se tromper que d’appeler ces bénédictions de l’homme juste des prophéties. Car, s’il est vrai que le père de Noé ne lui a pas donné au hasard et sans dessein, ce nom de Noé; s’il est vrai que ce nom était la prophétie du déluge à venir, à bien plus forte raison, cet homme juste n’a pas prononcé ces bénédictions sans une secrète pensée. Je crois, en effet, que la bénédiction des deux frères signifie la vocation des deux peuples; quand il bénit Sem, il bénit les Juifs; de Sem est sorti Abraham, et le peuple juif qui s’est multiplié ; quand il bénit Japhet, il annonce la vocation des Gentils. Remarquez les paroles de la bénédiction : Que Dieu multiplie, dit-il, la postérité de Japhet, et qu’il habite dans les tentes de Sem. C’est ce dont nous voyons l’accomplissement, dans la vocation des nations. En effet, Noé, disant : Que Dieu multiplie, indique toutes les nations; et en disant : Qu’il habite sous les tentes de Sem, il indique les nations commençant à jouir des biens préparés pour les Juifs. Et que Chanaan soit son esclave. Avez-vous bien compris quelle récompense les uns ont reçue pour leur sagesse; de quelle honte l’autre a été couvert par son dérèglement ? »

Chanaan est l’esclave de Japhet

La prophétie est accomplie au moment où les Macédoniens et les Romains ont conquis la Syrie et la Palestine, Tyr et Sidon.

9.28 Noé vécut, après le déluge, trois cent cinquante ans.

9.29 Et tous les jours de Noé formèrent neuf cent cinquante ans, et il mourut.

Le grand âge de Noé

Ces deux dates chronologiques nous rappellent des exemples similaires bien connus de la généalogie des descendants de Seth (Gen 5.31) : Noé était le dernier des patriarches à avoir vécu jusqu’à un si grand âge et ceci n’est pas sans providence divine: six derniers siècles de la période antédiluvienne du monde, Noé a été à la fois témoin des trois premiers siècles et demi de l’histoire de la nouvelle humanité post-diluvienne et sa personnalité a lié ces deux mondes et a servi de détenteur et de gardien de toutes les traditions universelles de l’humanité. Six cents ans de sa vie antédiluvienne lui ont permis de voir Mathusalem et d’écouter de sa bouche des récits de temps anciens, reçus par Mathusalem directement d’Adam lui-même, et trois cent cinquante ans de la période qui suivit le déluge ouvrit la possibilité d’une conversation personnelle et de la transmission à Abraham de toutes les traditions sacrées. A travers Jacob, Levi, Kaaf tout cela aurait pu arriver à l’écrivain de la Bible Moïse d’une manière purement naturelle, qui, en plus, était également éclairée par la grâce divine surnaturelle. La tradition orale inscrite dans les pages de la Bible était si étroitement transmise et au moment où Moïse l’a inscrite que tout peuple juif pouvait comparer la vérité de ses écrits avec les traditions orales.

La vertu de Noé

Saint Jean Chrysostome : « Dans une telle abondance de biens, dans un repos parfait, pendant un si grand nombre d’années après là sortie de l’arche, il ne pensa plus à procréer des enfants. L’Ecriture, en effet, ne nomme pas d’autres enfants avec ces trois fils. Considérez encore l’excès de l’intempérance de Cham, qui avait sous les yeux un père d’une telle continence, sans devenir lui-même plus chaste, qui, au contraire, agissait d’une manière toute différente. Aussi, c’est avec raison que toute sa postérité a été condamnée à la servitude, frein nécessaire de la volonté pervertie. »

Noé comme figure du Christ

Noé, ivre, nu, moqué (Genèse 9:22), recouvert (Genèse 9:23), maudissant (Genèse 9:25), bénissant (Genèse 9: 26-27) apparaît comme figure de Jésus Christ, qui a bu toute la coupe de la colère de Dieu par son propre amour pour l’homme; nu sur la Croix, moqué par les soldats romains, mais gardant les juifs sous une malédiction et en esclavage du péché; respecté et vénéré par les vrais enfants de Dieu des Juifs et des païens, et les bénissant… Seule cette image n’est pas clairement indiquée par la parole de Dieu, mais s’avère par la contemplation des Pères de l’Église, tels que Jérôme (Contra Lucifer), Augustin (de civ. Dei. L. XVI, p. 2), Cyprien (Epise. LXI).


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