(Mc 2, 1-12[1])

Dimanche dernier nous avons entendu l’Evangile consacré à Faction miraculeuse de la présence grande et puissante du Christ. Nathanaël – qui avait émis des doutes sur le récit de l’apôtre Philippe annonçant l’apparition du Messie longtemps attendu, sous les traits de Jésus de Nazareth – dès qu’il fut en présence du Seigneur Lui-même, Le reconnut aussitôt et Le confessa comme Fils de Dieu et roi d’Israël. L’évangile de ce jour évoque les grands efforts déployés par des croyants véritables pour se retrouver en présence du Christ le Seigneur.

Quatre hommes portaient un de leurs parents ou un de leurs amis, qui était très affaibli; ils le transportaient sur une couche, car il était désespéré et immobile. Ils le portaient en vain au milieu de la foule, afin de le rapprocher du Seigneur ; faute d’y parvenir, ils le hissèrent sur le toit d’une maison, dégagèrent le toit et depuis là, avec des efforts et des difficultés, ils déposèrent la couche avec le malade aux pieds du Guérisseur thaumaturge. Telle était la force de leur foi en Christ.

Jésus, voyant leur foi, dit au paralytique: «Mon enfant tes péchés sont remis» (Mc 2, 5). Le Seigneur n’avait pas entendu sa confession, mais II avait vu leur foi. Sa faculté de discernement allait jusqu’aux profondeurs les plus secrètes du cœur humain, et c’est en observant ces profondeurs du cœur que le Seigneur avait vu leur grande foi. Mais c’est aussi avec Ses yeux de chair qu’il avait vu et reconnu leur foi aux grands efforts déployés pour transporter le malade auprès de Lui. Leur foi était donc évidente pour le regard tant physique que spirituel du Seigneur.

Pour le Seigneur, tout aussi évidente était l’incrédulité des scribes qui étaient présents à cet événement et pensaient dans leur cœur: « Comment celui-là parle-t-il ainsi ? 11 blasphème ! Qui peut remettre les péchés, sinon Dieu seul?» (Mc 2, 6-7). Et aussitôt, percevant par Son esprit qu’ils pensaient ainsi en eux-mêmes, le Seigneur commence par les réprimander doucement à ce propos: «Pourquoi de telles pensées dans vos cœurs?» (Mc 2, 8). Le Seigneur clairvoyant lit facilement dans les cœurs, impurs et purs. De même qu’il a vu aussitôt le cœur pur de Nathanaël où il n’y avait nulle malice, de même II voit maintenant clairement les cœurs impurs des scribes remplis de ruse. Afin de leur montrer qu’il possède le pouvoir sur les corps comme sur les âmes des hommes, celui de remettre les péchés et de guérir les corps affaiblis, le Seigneur dit à l’homme affaibli : «Je te l’ordonne, lève-toi, prends ton grabat et va-t’en chez toi. » Il se leva et aussitôt, prenant son grabat, il sortit devant tout le monde, de sorte que tous étaient stupéfaits et glorifiaient Dieu en disant: «Jamais nous n’avons rien vu de pareil» (Mc 2,11-12).

Regardez combien de pouvoirs miraculeux le Seigneur montre en une fois : 1) Il discerne dans les cœurs des hommes et découvre la foi chez les uns et la malice chez les autres ; 2) Il pardonne les péchés de l’âme et rend l’âme saine et pure des germes de la maladie et de l’impuissance; 3) Il restitue la santé au corps affaibli, paralysé, grâce à la puissance de Sa parole.

Comme la présence du Dieu vivant est grande, redoutable et prodigieuse !

Mais il faut se retrouver en présence du Seigneur vivant. C’est la chose essentielle sur la route du salut: aller avec foi à la rencontre du Seigneur et ressentir cette présence. Parfois, le Seigneur Lui-même vient et nous révèle Sa présence bienfaisante, comme II l’a fait à Marthe et Marie à Béthanie, comme II s’est montré soudainement à l’apôtre Paul sur une route, ou à d’autres apôtres sur la mer de Galilée, ou sur le chemin d’Emmaüs, ou dans une pièce close, ou à Madeleine dans uft jardin, ou à de nombreux saints en songe ou en public. Parfois encore, des hommes se retrouvent en présence du Seigneur après avoir été conduits par des apôtres, comme André a emmené Simon Pierre, et Philippe, Nathanaël, ou comme les successeurs des apôtres et des missionnaires ont conduit d’autres fidèles. Enfin, il arrive que des hommes consacrent d’énormes efforts pour être en présence du Seigneur, comme cela fut le cas avec le groupe de quatre hommes qui sont montés sur le toit d’une demeure afin de faire descendre un malade devant le Seigneur. Telles sont trois manières de se retrouver en présence du Seigneur. Notre devoir est de faire tous nos efforts pour nous retrouver en présence du Seigneur, et Dieu nous admettra et nous illuminera. C’est pourquoi il nous faut appliquer ces trois manières de façon inverse, c’est-à-dire : nous devons d’abord faire avec foi et un désir ardent tout ce que nous pouvons pour nous retrouver en présence du Seigneur; puis il nous faut répondre à l’appel et suivre les instructions de la sainte Eglise apostolique et des Pères et des maîtres de l’Église ; enfin, après avoir rempli les deux premières conditions, attendre en prière et avec foi que le Seigneur nous accueille près de Lui, et que par Sa présence II nous illumine, nous fortifie, nous guérisse et nous sauve ?

L’importance des efforts nécessaires pour nous ouvrir la voie menant à la présence du Seigneur, est très bien illustrée par l’exemple de ces quatre hommes qui n’ont pas craint de monter sur le toit d’une maison et n’ont pas été freinés par un sentiment de honte ou de peur dans leur volonté de faire descendre leur ami malade et de le mettre en présence du Seigneur vivant. C’est un exemple de ferveur au moins aussi grand que celui de la veuve qui ne cessait d’importuner un juge injuste en le suppliant de la sauver de son adversaire devant la justice (Lc 18, 1-5). Cela correspond à la nécessité de suivre le commandement du Seigneur et prier sans cesse et ne pas se décourager (Lc 18, 1). C’est la preuve de la véracité d’un autre commandement du Seigneur ‘.frappez et l’on vous ouvrira (Mt 7, 7). Cela fournit aussi une explication sur une expression singulière du Christ: le Royaume des cieux souffre violence, et des violents s’en emparent (Mt 11,18). Le Seigneur exige donc de Ses fidèles de déployer tous leurs efforts, de faire tout leur possible, de prier sans relâche, de travailler, de rechercher, de frapper à toutes les portes, de jeûner, de faire d’innombrables actes de charité – tout cela, afin que s’ouvre devant eux le Royaume des Cieux, c’est-à-dire qu’ils accèdent à la grande, redoutable et vivifiante présence de Dieu. « Veillez donc et priez en tout temps, commande le Seigneur, afin d’avoir la force d’échapper à tout ce qui doit arriver, et de vous tenir debout devant le Fils de l’homme» (Lc 21, 36). Veillez avec soin sur votre cœur, afin qu’il ne s’agglutine pas à la terre; veillez sur vos pensées, afin quelles ne vous éloignent pas de Dieu, veillez sur vos actions, afin de doubler votre talent et non le diminuer et le ruiner; veillez sur vos journées, afin que la mort ne vous surprenne pas et ne s’empare pas de vous en vous trouvant non repenti, au milieu de vos péchés. Telle est notre foi orthodoxe : toujours en action, toujours en prière et en veille, baignée de larmes et pleine d’efforts. Aucune autre foi ne propose aux fidèles autant d’efforts, afin d’être dignes de se tenir devant le Fils de Dieu. Tous ces efforts ont été proposés au monde entier par notre Seigneur et Sauveur Lui-même qui en a fait commandement aux fidèles ; l’Église ne cesse de les rafraîchir en les répétant de siècle en siècle, de génération en génération, en mettant en exergue devant les fidèles le nombre de plus en plus important de chevaliers spirituels qui ont accompli la loi du Christ et acquis une gloire et une puissance indicibles au ciel et sur la terre.

D’un autre côté, il ne faut pas se bercer d’illusion et penser que toutes ces actions et tous ces efforts déployés par un homme, apportent le salut en eux-mêmes. Il ne faut pas s’imaginer que l’homme est en mesure seulement par son travail et ses efforts de se retrouver en présence du Seigneur vivant. Si le Seigneur ne le veut pas, nul mortel ne peut parvenir à se tenir devant Sa face. Car le Seigneur, qui a ordonné tous ces efforts, a dit par ailleurs: «Lorsque vous aurez fait tout ce qui vous a été prescrit, dites: Nous sommes de simples serviteurs; nous avons fait ce que nous devions faire» (Lc 17,10). Il a également dit : Nul ne peut venir à moi si le Père qui ma envoyé ne l’attire (Jn 6, 44). Il a dit aussi : Hors de moi vous ne pouvez rien faire (Jn 15,5). Dans son épître aux Ephésiens, l’apôtre Paul se situe dans cette perspective : C’est par grâce que vous êtes sauvés! (Ep 2, 5). Que dire après cela ? Dire que tous nos efforts pour nous sauver sont vains ? Baisser les bras et attendre que le Seigneur Lui-même nous appelle et nous mette, grâce à Sa force, en Sa présence? Le prophète Isaïe ne s’exclame-t-il pas : Tous, nous étions comme des êtres impurs, et nos bonnes actions comme du linge souillé (Is 64, 5) ? Faut-il donc nous consacrer à toutes ces actions et à ces efforts? Mais ne ressemblons-nous pas alors à ce serviteur qui avait enfoui dans le sol son talent et à qui son maître avait crié: Serviteur mauvais et paresseux (Mt 25, 26)? Nous devons être sobres et nous efforcer d’accomplir les commandements du Seigneur, qui sont clairs comme le soleil. Nous devons déployer tous nos efforts et c’est à Dieu qu’il appartient de bénir notre effort et nous admettre en Sa présence. L’apôtre Paul l’a merveilleusement expliqué en ces termes : Moi, j’ai planté, Apollos a arrosé; mais c’est Dieu qui donnait la croissance. Ainsi donc, ni celui qui plante n’est quelque chose, ni celui qui arrose, mais celui qui donne la croissance: Dieu (1 Co 3, 6-7). C’est donc de Dieu que tout dépend – de la puissance, de la sagesse et de la miséricorde de Dieu. Il nous appartient néanmoins de planter et d’arroser, et ce devoir, nous ne pouvons le négliger, au risque de notre ruine éternelle.

Le devoir de l’agriculteur est de labourer et d’arroser, mais il dépend de la puissance, de la sagesse et de la miséricorde divines que la moisson germe, croisse et donne des fruits.

Le devoir du savant est de faire des recherches, mais il dépend de la puissance, de la sagesse et de la miséricorde divines qu’une découverte voie le jour.

Le devoir des parents est de prendre soin de leurs enfants et de les élever dans la crainte de Dieu, mais il dépend de la puissance, de la sagesse et de la miséricorde divines de les faire vivre et jusqu’à quand.

Le devoir d’un prêtre est d’instruire les fidèles, de les avertir, de les réprimander et de les corriger, mais il dépend de la puissance, de la sagesse et de la miséricorde divines que les efforts du prêtre portent leurs fruits.

Notre devoir à tous est de faire tous nos efforts pour nous rendre dignes de nous tenir en présence du Fils de Dieu, mais il dépend de la puissance, de la sagesse et de la miséricorde divines que nous soyons admis auprès du Seigneur.

Mais il ne faut pas faire d’efforts sans avoir l’espoir dans la miséricorde de Dieu. Tout notre effort doit être illuminé par l’espoir que le Seigneur est proche de nous et qu’il nous admettra à être devant Sa face. Il n’y a pas de source plus profonde et moins intarissable de la grâce divine. Quand le fils prodigue se repentit après sa chute lamentable au niveau d’un porc, son père miséricordieux alla à sa rencontre, le prit dans les bras et lui pardonna. Le Seigneur va inlassablement à la rencontre de Ses enfants repentis. Il tend Ses bras à tous ceux qui tournent leur visage vers Lui. J’ai tendu les mains, chaque jour; vers un peuple rebelle, dit le Seigneur pour les Juifs (Is 65, 2). Si le Seigneur tend Ses mains même à ceux qui Lui ont désobéi, que ne ferait-Il pas pour les obéissants ? David, le prophète obéissant, a dit: J’ai mis le Seigneur devant moi sans relâche ; puisqu’il est à ma droite, je ne puis chanceler (Ps 16, 8). A ceux qui travaillent à leur salut dans l’obéissance, le Seigneur ne refuse pas Sa présence.

Aussi ne devons-nous pas considérer nos efforts comme vains, comme le font les athées et les désespérés, mais travailler de toutes nos forces, dans l’espérance de la miséricorde du Seigneur Dieu. Redoublons d’efforts, en particulier à l’époque du Grand Carême, comme la Sainte Eglise nous le recommande. Puissions-nous être éclairés en ces circonstances par l’exemple de ces quatre amis qui sont montés sur le toit d’une maison et l’ont percé afin de faire descendre le cinquième membre de leur groupe, leur ami paralysé, aux pieds du Seigneur. Si un cinquième de notre âme est paralysé ou pourri par la maladie, hâtons-nous de nous présenter avec les quatre cinquièmes sains, devant le Seigneur et le Seigneur rendra sain ce qui est malade en nous. Si l’un de nos sens a fait scandale dans ce monde et en est devenu malade, hâtons-nous avec les quatre autres sens de nous présenter devant le Seigneur afin que le Seigneur ait pitié de ce sens et le guérisse. Quand une partie du corps tombe malade, les médecins recommandent des soins particuliers afin de préserver le reste de l’organisme et que ce qui est sain le devienne davantage et soit plus fort afin de résister à la maladie de la partie souffrante. Il en est de même de notre âme. Si notre esprit a commencé à douter, hâtons-nous de nous efforcer avec notre cœur et notre âme de fortifier notre foi et, à travers le Seigneur, de guérir l’esprit malade et le vivifier. Si nous avons péché en oubliant de prier, hâtons-nous, par des actes de miséricorde, de retrouver l’esprit de prière perdu.

Le Seigneur considérera notre foi, nos efforts et nos labeurs, et aura pitié de nous. Dans Sa miséricorde infinie, Il nous admettra dans Sa présence, immortelle et vivifiante, où vivent, se fortifient et se réjouissent les innombrables forces angéliques et armées célestes. Gloire et louange à notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ, avec le Père et le Saint-Esprit, Trinité unique et indissociable, maintenant et toujours, de tout temps et de toute éternité. Amen.

 

 

 

 

 

 

[1] Commenté aussi pour le sixième dimanche après la Pentecôte.