(Mt 14, 22-34)
Notre Dieu est vainqueur, et toutes les victoires bonnes et durables, jusqu’à la fin des temps, Lui appartiennent. Il triomphe du désordre dans le cosmos et établit l’ordre.
Il triomphe parmi les hommes du désordre qui fut suscité par des pécheurs, et instaure l’ordre. Et quand les pires des hommes s’élèvent aux premières places et que les meilleurs tombent aux dernières places, Il renverse ce désordre, les premiers deviennent derniers et les derniers, premiers.
Il triomphe des complots et des manigances des esprits maléfiques contre le genre humain, et les chasse comme un vent fort chasse une mauvaise odeur.
Il triomphe de toute pénurie : là où il y a peu, Il multiplie et là où il n’y a rien, Il créé l’abondance.
Il triomphe des maladies et des souffrances ; il suffit qu’il dise un mot et les souffrances s’évanouissent : les aveugles voient, les sourds entendent, les muets parlent, les paralysés se mettent debout et marchent, les lépreux sont guéris.
Il triomphe de la mort, et quand II l’ordonne, la mort relâche ses victimes de sa mâchoire.
Il règne sur le royaume infini des puissances célestes, des anges et des saints, sur ce royaume céleste à côté duquel un royaume terrestre est aussi étroit et sombre que les entrailles lors d’un accouchement.
Il commande aux éléments et aux créatures de ce monde, et rien ne peut s’opposer à Ses commandements, sauf à s’écrouler dans la déchéance éternelle.
Jour après jour, victoire après victoire, l’histoire de ce monde est une série de victoires de Dieu correspondant à la révélation de la puissance divine et de son caractère irrésistible. Le Seigneur est doux comme l’agneau, mais les deux et la terre tremblent devant Lui. Quand II se laisse humilier, cela met en évidence Son élévation ; quand II laisse cracher sur Lui, cela met en évidence le caractère impur de tout ce qui n’est pas Lui ; et quand II se laisse égorger, cela révèle Sa vie.
Telle une image pâle, Dieu a mis en évidence Sa lumière à travers le soleil, Sa puissance à travers d’innombrables corps de feu dans le cosmos, Sa sagesse à travers l’ordre des choses et des êtres d’un bout à l’autre de l’univers, Sa beauté à travers la beauté des choses, Sa miséricorde à travers un soin vigilant pour tout ce qu’il a créé, Sa vie à travers tout ce qui vit. Mais tout cela n’est qu’une image passagère et pâle de Ses qualités; ce ne sont que des lettres de feu inscrites dans une fumée épaisse. Toutes les qualités du Dieu vivant sont apparues dans leur plus grand éclat où elles pouvaient se manifester dans ce monde, dans un homme. Non dans un homme créé, mais dans un homme incréé, le Seigneur Jésus-Christ. Toutes ces qualités réunies ont brillé en Lui et sont apparues charnellement : la lumière et la puissance, la sagesse et la beauté, la miséricorde et la vie.
Que signifie la lumière sinon la victoire sur les ténèbres? Et que signifie la puissance sinon la victoire sur la faiblesse? Et qu’est-ce que la sagesse sinon la victoire sur la folie et la déraison ? Et qu’est-ce que la beauté sinon la victoire sur la laideur et la difformité ? Et la miséricorde ne marque-t-elle pas la victoire sur la méchanceté, la perfidie et l’envie ? Et la vie n’est-elle pas la victoire de Dieu sur la mort ?
Que pensez-vous, vous qui suivez le Christ et êtes baptisés en Son nom? Le Christ n’a-t-Il pas mis en évidence toutes ces victoires, comme nul autre depuis la création du monde ? Ne ressentez-vous pas chaque jour que vous suivez le plus grand vainqueur depuis que le monde et le temps existent ? Et que vous faites le signe de croix au nom de Celui qui peut tout et sait tout, dont la beauté rend belles toutes les créatures, dont la miséricorde les entoure avec tendresse et dont la vie les vivifie ? Si vous ne sentez pas cela, il est inutile que vous Le suiviez et que vous soyez baptisés en Son nom. Ce n’est qu’à travers le Seigneur Jésus que vous pouvez sans défiance ni hésitation avoir foi dans la puissance totalement victorieuse de Dieu sur toutes choses, toutes les forces de la nature et tous les maux dans le monde. Seul le Seigneur Jésus peut vous donner le courage de vivre et celui de passer par la mort. Lui seul peut justifier l’espoir d’une vie meilleure que cette vie corruptible. Lui seul peut réchauffer en vous l’amour à l’égard de tout bien. Car II représente la victoire vivante et incarnée de Dieu sur le monde. Prenez courage, j’ai vaincu le monde (Jn 16, 33) a dit le Christ à Ses disciples, et à travers eux à nous tous. N’ayons pas peur, notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ a vaincu le monde. L’Evangile est le livre de Ses victoires, le témoignage de Sa toute-puissance. L’histoire de l’Église jusqu’à aujourd’hui – et jusqu’à la fin du monde – est un livre encore plus étendu de Ses victoires. Quiconque se met à en douter perdra le fruit de Ses victoires. C’est donc sans la moindre défiance que nous allons maintenant nous pencher sur l’interprétation de l’Évangile de ce jour, qui décrit une victoire colossale du Christ sur la nature physique.
Et aussitôt II obligea les disciples à monter dans la barque et à Le devancer sur l’autre rive, pendant qu’il renverrait les foules (Mt 14,22). Cela eut lieu après le très glorieux miracle de la multiplication des pains, où avec cinq pains et deux poissons le Seigneur nourrit cinq mille hommes – ‘sans compter les femmes et les enfants – et où, après le repas, il subsista douze couffins pleins de pains. Maintenant le Seigneur prévoit et prépare un nouveau miracle très glorieux, auquel Ses disciples ne peuvent songer. La deuxième étape consiste dans l’ordre donné aux disciples de monter dans la barque sans Lui et de partir sur l’autre rive. La seconde étape implique la dispersion de la foule. La troisième étape conduit le Seigneur à monter plus haut dans la montagne et y rester à l’écart, en prière. Le soir venu, Il était là, seul (Mt 14, 23). Le mot seul est souligné, afin d’insister sur la solitude à laquelle le Seigneur aspirait et dans laquelle II était resté, une fois la foule dispersée. La montagne, la solitude, la nuit. Dans de telles circonstances, l’homme ressent très aisément la présence de l’esprit de Dieu ; c’est alors que la prière est la plus douce. Tout ce que le Seigneur Jésus a fait, Il l’a fait pour notre enseignement et notre salut. Il n’est pas venu sur terre pour nous instruire seulement par des mots, mais aussi par des actes et des événements et à travers chacun de Ses gestes. Il a gravi une montagne, car c’est là que se trouve le plus grand silence. Il demeure dans la solitude, car la solitude correspond à un éloignement du monde.
Il prie dans la nuit sombre, car l’obscurité nocturne est un rideau posé sur les yeux qui perturbent le fonctionnement de l’intelligence et de la réflexion, le regard ne cessant de se déplacer d’un objet à l’autre. Cette prière du Christ sur la montagne possède aussi une signification intérieure profonde. Laisser partir la foule, gravir une montagne, la solitude et l’obscurité, qu’est-ce que tout cela signifie ? Laisser partir la foule signifie laisser de côté toutes les images de ce monde et tous les souvenirs qui nous rattachent au monde et nous perturbent ; puis, débarrassé du monde, s’élever vers Dieu dans la prière. Que signifie gravir une montagne ? Cela signifie s’élever par l’esprit, le cœur et l’âme vers les hauteurs divines, le voisinage de Dieu, la compagnie de Dieu. Celui qui veut attirer le monde à lui au moyen d’intérêts innombrables et de contacts avec un très grand nombre de gens, ne peut en même temps grimper vers les hauteurs, où l’homme se sent seul avec son Créateur. Que signifie la solitude? Elle signifie l’âme nue, telle qu’elle est. Séparé du monde, l’homme ressent une solitude effroyable. Ceux que leur désillusion en ce monde conduit à cette solitude effroyable, se suicident généralement s’ils ne réussissent pas à s’élever en hauteur, là où l’homme trouve Dieu. Que signifie l’obscurité ? Cela signifie l’absence totale de quelque lumière de ce monde. Pour un ermite en prière, ce monde gît plongé dans des ténèbres profondes où se lève progressivement l’aube de la lumière céleste, qui vient de Dieu et illumine un nouveau monde, infiniment plus éclatant et meilleur que celui-ci. Telles sont les quatre phases de la prière et leur sens intérieur. Dans cet épisode avec le Christ, cela est représenté de façon imagée : le départ de la foule, la marche dans la montagne, la solitude et l’obscurité.
Mais cette prière solitaire du Seigneur Jésus est aussi instructive pour nous à cause de ce qui s’est passé juste avant et de ce qui allait se passer par la suite. Avant cette prière, le Seigneur a accompli le miracle prodigieux de la multiplication des pains, et après cela II a marché sur la mer agitée comme s’il s’agissait de la terre ferme. Bien qu’il ait accompli l’un et l’autre de ces miracles grâce à Sa propre puissance divine, qui est avec Lui depuis l’éternité et qui ne L’a pas abandonné pendant Son séjour terrestre, Il a continué à prier, dans l’église avec le peuple, dans le désert et dans la solitude. Il est difficile pour nous de connaître le motif secret de ces prières du Seigneur Jésus. Il est certain que, par ces prières, le Fils unique- engendré du Père pré-éternel a continué à porter témoignage sur cette terre de Son unité très pure avec Son Père et le Saint-Esprit. En outre, avec l’exemple de Sa prière, le Seigneur nous laisse un enseignement limpide. La prière doit être précédée par une bonne action, car c’est alors que la prière aide. Il nous faut d’abord témoigner de notre foi par une bonne œuvre, puis confesser cette foi par des mots. La prière ne vaut que quand nous nous préparons à faire une bonne action et que nous prions Dieu de nous aider. En revanche, prier Dieu afin qu’il nous aide à accomplir une mauvaise action, est non seulement sans objet mais aussi blasphématoire. Faire le mal et prier, c’est comme semer de l’ivraie et exiger de Dieu de produire du blé. Après toute bonne action, il faut revenir à la prière et remercier Dieu de nous avoir rendus dignes et capables d’accomplir cette bonne action ; avant toute bonne action, il nous faut prier et demander à Dieu de nous accorder Sa grâce, Son aide et Son concours, afin que l’action à venir soit réalisée de façon valable et honnête. En un mot, toute bonne action accomplie, vécue ou observée, entendue ou regardée, doit être – sans aucune exception – attribuée entièrement à Dieu et non à nous-mêmes, à notre pouvoir, intelligence ou sens de l’équité. Car nous ne sommes rien devant Dieu. Si le Seigneur Jésus, après avoir accompli de tels miracles, fait preuve d’humilité, de modestie et d’obéissance devant Son Père et l’Esprit, dont II est l’égal en éternité et en essence, comment ne nous montrerions-nous pas humbles, modestes et obéissants envers notre Créateur, qui nous a créés à partir de rien et sans l’aide duquel il nous serait impossible d’exister pendant une minute, et a fortiori faire une bonne action ?
La barque, se trouvait déjà à plusieurs centaines de mètres de la terre; elle était battue par les vagues, le vent étant contraire. A la quatrième veille de la nuit, Jésus vint vers eux en marchant sur la mer (Mt 14, 24-25). Le soir, quand les disciples s’étaient embarqués, la mer était calme ; puis un vent contraire se mit à souffler, des vagues énormes se mirent à déferler, comme souvent sur cette mer ; la barque fut ballottée en tous sens et les disciples furent saisis d’une grande frayeur.
Le Seigneur Jésus avait prévu tout cela, mais II avait voulu tout particulièrement que Ses disciples soient exposés au danger, afin de sentir combien ils étaient totalement impuissants en Son absence et consolider ainsi leur foi en Lui, afin qu’ils puissent se souvenir d’une tempête connue précédemment en mer, quand Lui-même était dans la barque et que, tout effrayés, ils L’avaient réveillé en criant : Au secours, Seigneur, nous périssons ! (Mt 8,24-25), et qu’ils éprouvent maintenant le souhait qu’il soit parmi eux. Afin qu’ils ressentent et reconnaissent la véracité des saintes paroles qu’il ne prononcera qu’au moment de Sa séparation avec eux : en dehors de moi, vous ne pouvez rien faire (Jn 15,5).
Lors de cette tempête précédente, les disciples avaient été exposés à une tentation moins grande et leur foi à une épreuve plus légère. Il était avec eux dans la barque, mais II dormait. Lors de cette deuxième tempête, ils furent soumis à une tentation beaucoup plus grande et leur foi à une épreuve plus difficile. Car Lui-même était absent, loin deux, sur une montagne dans le désert. Comment faire appel à Lui? Comment Lui faire part de leur détresse ? Qui pourrait lui dire : Au secours, Seigneur, nous périssons ! Personne. Les disciples se voyaient maintenant condamnés à périr. Comme si celui qui obéit aux commandements de Dieu pouvait périr ! Ah, quelle merveilleuse leçon pour l’homme juste : ne pas désespérer sur le chemin où Dieu l’a envoyé ; croire que Celui qui l’a envoyé, prend soin de lui et connaît ses malheurs, mais qu’il n’accourt pas aussitôt à son secours, afin que la foi de ce juste soit éprouvée, comme l’or dans le feu.
Quand les disciples furent désespérés, à l’extrême limite du désespoir, soudain le Christ apparut marchant sur les flots : c’était à la quatrième veille de nuit, c’est-à-dire juste avant l’aube. En effet, les Juifs comme les Romains leurs maîtres, divisaient la nuit en quatre veilles. Chaque veille durait trois heures. Le Seigneur apparut aux disciples à la quatrième veille de la nuit, c’est-à-dire à la dernière, juste avant l’aube.
Les disciples, Le voyant marcher sur la mer, furent troublés: «C’est un fantôme-», disaient-ils, et pris de peur ils se mirent à crier (Mt 14, 26). Le jour était déjà apparu, ou c’était le clair de lune, ou le Seigneur brillait dans l’obscurité avec la lumière du Thabor – nous ne pouvons le savoir précisément. L’essentiel est qu’il était devenu visible des disciples. Le voyant sur les vagues de la mer, Ses disciples furent remplis d’une frayeur indicible. Cette nouvelle peur était plus terrible que celle éprouvée devant la tempête et le danger qui menaçait. Ils ne connaissaient pas un tel pouvoir de leur Maître, un tel pouvoir sur la nature. Il ne le leur avait pas montré jusque-là. Ils L’avaient seulement vu commander à la mer et aux vents, mais ils ne savaient pas qu’il pouvait marcher sur la mer comme sur la terre ferme. Bien entendu, ils auraient pu le supposer à partir du miracle accompli précédemment. Car Celui qui peut ordonner à la mer de se calmer et au vent de cesser de souffler, peut sans doute marcher sur l’eau comme sur la terre. Mais les disciples n’étaient pas encore mûrs spirituellement; leur foi était encore faible. Le Christ a accompli ce nouveau miracle dans le seul but de fortifier leur foi.
C’est un fantôme!, pensaient et criaient les disciples, pétrifiés’; c’est une apparition, ou peut-être s’agit-il de Satan, sous l’aspect du Maître. Ils savaient que leur Maître avait lutté contre Satan et son armée dans ce monde. Ils pouvaient s’imaginer que Satan avait saisi cette occasion, où eux-mêmes se trouvaient en grand danger, pour les tuer. Que ne pouvaient-ils pas s’imaginer en de telles circonstances! Certainement tout ce qui pourrait se glisser aujourd’hui dans la tête de gens de peu de foi et exposés à un danger sur leur chemin vers Dieu.
Mais Dieu agit ainsi avec tous ceux qu’il aime. Car le Seigneur corrige celui qu’il aime, il châtie tout fils qu’il accueille (He 12,6). Et à la fin de toutes les souffrances, Il envoie la souffrance la plus grande, comme l’analyse le très sage Chrysostome. Car Lui aussi a souffert sur terre durant toute Son existence et c’est à la toute fin, avant Sa victoire, qu’il a enduré la souffrance la plus terrible, quand II fut crucifié puis enseveli. Mais cette souffrance dura peu de temps, car l’aube se leva et vint la victoire ultime par la Résurrection. Plus tard, le même enchaînement de souffrances fut enduré par de nombreux martyrs pour la foi en Christ, qui connurent des souffrances de plus en plus grandes, avant d’affronter juste avant la mort, la souffrance la plus terrible et la tentation la plus forte. En voici un exemple parmi des milliers. Sainte Marine fut torturée sauvagement par des païens, l’exposant à des souffrances sans cesse plus grandes. Enfin, ils l’attachèrent, nue, à un arbre et se mirent à lui arracher des morceaux de chair avec des pinces en fer, ses blessures étaient très graves, le sang giclait et ses os blancs apparaissaient sous la chair cisaillée. Ne s’agit-il pas là de souffrances insupportables? Mais une autre souffrance, plus terrible, attendait cette servante de Dieu. Le soir, dans cet état d’extrême faiblesse, elle fut jetée dans une cellule. Dans l’obscurité de la prison, survint alors une apparition horrible : l’esprit maléfique sous la forme d’un énorme serpent bariolé, qui se mit d’abord à circuler autour de sainte Marine, puis à s’enrouler autour d’elle et à approcher sa mâchoire puante de la tête de la jeune fille. Mais cela ne dura pas longtemps. Car Dieu ne laisse pas Ses fidèles endurer des souffrances plus fortes que ce qu’ils peuvent supporter. Aussitôt après en effet, quand Marine eut supplié Dieu de tout son cœur et fait le signe de croix en pensée, l’horrible serpent disparut et devant Marine s’ouvrit le ciel ; elle vit la Croix dans une lumière indescriptible et, au sommet de la Croix, une colombe blanche, et elle entendit ces mots: «Réjouis-toi, Marine, intelligente colombe du Christ, car tu as vaincu le démon maléfique ! »
La même chose est arrivée aux disciples du Christ. Après la grande frayeur connue lors de la tempête en mer, ils furent saisis par une peur encore plus forte du fait de la prétendue apparition d’un fantôme.
Ce n’était pas une apparition, mais une réalité douce et salvatrice. Ce n’était pas un rêve mais la réalité ; ce n’était pas quelqu’un qui avait revêtu l’aspect du Christ, mais le Christ Seigneur Lui-même.
Mais aussitôt Jésus leur parla en disant: «Ayez confiance, c’est moi, soyez sans crainte!» (Mt 14, 27). Vous voyez que le Seigneur ne garde pas Ses fidèles longtemps au milieu des grandes épreuves. Il connaissait la peur, une peur effrayante, qu’ils éprouvaient face à l’apparition d’un fantôme, aussi se hâte-t-Il de venir à leur secours : Il leur dit aussitôt : Ayez confiance! Aussitôt! Vous voyez comme II les encourage en leur redonnant pour ainsi dire l’esprit de vie qu’ils avaient quasiment perdu du fait de la peur: ayez confiance, n’ayez pas peur ! Il répète les mêmes paroles d’encouragement: Ayez confiance, c’est moi, soyez sans crainte! Ah, la douce voix! Ah, les paroles vivifiantes ! Devant cette voix, les démons s’enfuyaient, les maladies s’esquivaient, les morts ressuscitaient. Que dis-je ? De cette voix sont nés le ciel et la terre, le soleil et les étoiles, les anges et les hommes. Cette voix est la source de tout bien, de toute vie, santé, sagesse et joie. Ayez confiance, c’est moi! Ces mots ne peuvent être entendus par tous, mais les justes les entendent, ceux qui sont martyrisés pour le Seigneur. Tous ceux qui souffrent n’entendent pas le Christ. Car comment pourrait- il L’entendre, celui qui souffre à cause de ses péchés et de ses actions injustes ? L’entendra seulement celui qui souffre à cause de sa foi en Lui (1 P, 13-16). Les disciples ont été martyrisés à cause de leur foi en Christ, afin que se fortifie en eux la foi en Christ.
Sur quoi, Pierre lui répondit: « Seigneur; si c’est bien toi, donne-moi l’ordre de venir à toi sur les eaux» (Mt 14, 28). Ces paroles de Pierre expriment à la fois sa joie et son doute. Seigneur, s’écrie un cœur joyeux: si c’est bien toi reflète son doute. Plus tard, quand sa foi fut affermie, il ne parlait plus ainsi. Quand le Seigneur ressuscité apparut sur la rive de cette mer de Galilée et que Pierre entendit Jean dire : C’est le Seigneur! il mit son vêtement et il se jeta à l’eau (Jn 21, 7). Alors il ne douta pas qu’il s’agissait bien du Seigneur et n’eut pas peur de se jeter à l’eau. Mais auparavant, il n’en était qu’au début de son envol spirituel, avec une foi faible et c’est pourquoi il dit : Seigneur, si c’est bien toi, donne-moi l’ordre de venir à toi!
« Viens» dit Jésus. Et Pierre, descendant de la barque, se mit à marcher sur les eaux et vint vers Jésus (Mt 14, 29). Tant qu’il eut la foi, Pierre marcha sur les eaux, mais dès que le doute l’eut envahi, il se mit à couler. Car le doute provoque la peur. Du point de vue intérieur, descendre de la barque et marcher sur les eaux vers le Seigneur Jésus signifie se séparer avec son âme de son corps et des soucis terrestres et se mettre à arpenter un chemin difficile menant vers le monde spirituel, vers le Sauveur. De tels moments se produisent aussi chez les fidèles ordinaires ayant peu de foi, chez qui la joie en Christ est mêlée à du doute. Ils souhaitent souvent se séparer de leur poids charnel et rejoindre le Christ, roi du monde spirituel; mais ils ressentent rapidement l’impression de couler, ce qui les ramène à leur corps, comme un bateau sur les vagues. Seuls les grands spirituels, les plus grands héros de l’humanité, ont réussi, après une longue pratique de la solidité de leur foi, à sortir de leur embarcation charnelle sur la mer spirituelle démontée, et à partir à la rencontre du Christ-Roi. Eux seuls ont éprouvé jusqu’à la fin la peur, lors de la séparation avec la barque, la terreur devant la tempête et les vents, et la joie indicible de la rencontre avec le Christ. Cette séparation de l’esprit et de l’embarcation charnelle a été éprouvée dans sa vie terrestre par l’apôtre Paul, et bien d’autres saints à sa suite. Quelle joie et quels délices le grand apôtre a connus à la fin de son dangereux périple, on le voit dans son exclamation joyeuse : Pour cet homme-là, je me glorifierai (2 Co 12, 3-5).
Mais voyons ce qui s’est passé avec Pierre, qui avait peu de foi à cette époque. Mais, voyant le vent, il prit peur et, commençant à couler, il s’écria: «Seigneur, sauve-moi!» (Mt 14, 30). Pourquoi a-t-il peur du vent, s’il n’a pas peur de la mer? Il est comme le petit enfant qui marche pour la première fois : il fait quelques pas, puis quelqu’un se met à rire et l’enfant se retrouve par terre! Il en est de même dans notre élan spirituel: des détails nous gênent, nous arrêtent et nous ramènent en arrière.
Aussitôt Jésus tendit la main et le saisit, en lui disant: «Homme de peu de foi, pourquoi as-tu douté’?» (Mt 14, 31). N’avons-nous pas, des milliers de fois, coulé dans la mer pleine de dangers de cette existence, jusqu’au moment où une main invisible nous a rattrapés et tirés rapidement en arrière, nous mettant ainsi hors du danger? Qui parmi vous n’est pas capable de faire état d’au moins quelques cas où il fut sauvé du danger, de façon inattendue, par une main invisible? Vous tous connaissez de tels cas, que vous racontez à maintes reprises ; vous reconnaissez même la présence de cette main invisible qui vous a sauvés. Il en est, hélas, peu parmi vous, qui au moins dans leur subconscient, ont entendu cette mise en garde proférée par des bouches invisibles : Homme de peu de foi, pourquoi as-tu douté ? Ami, pourquoi as-tu douté que la main de Dieu était proche? Pourquoi n’as-tu pas glorifié Dieu au moment du plus grand danger? Comment Abraham n’a-t-il pas douté quand il amena son fils unique en sacrifice pour qu’il soit égorgé ? Dieu ne l’a-t-il pas sauvé à ce moment-là? Quand Jonas glorifia Dieu dans les entrailles de la baleine, il fut sauvé: tandis qu’en moi mon âme défaillait, je me suis souvenu du
Seigneur, et ma prière est allée jusqu’à toi ( Jon 2, 8). Et les trois jeunes gens de Babylone qui ne doutèrent point dans la fournaise et furent sauvés par leur foi. Et Daniel le visionnaire dans la fosse aux lions. Et le bienheureux Job au milieu de ses blessures purulentes. Et des milliers et des milliers d’autres, à qui leurs bourreaux infligèrent les pires tortures pour leur foi en Christ, comment ne doutèrent-ils pas ? Et toi, pourquoi as-tu douté ? Le Seigneur t’a sauvé à de nombreuses reprises à l’improviste, avec Sa main invisible, même si tu avais mis en doute Son aide. Souviens-toi au moins des bontés faites par le Seigneur et repens-toi pour la faiblesse de ta foi, rafraîchis donc ta foi, et à l’avenir, face au danger, glorifie et invoque le nom du Seigneur et tu seras sauvé. Au milieu du danger, glorifie Dieu, et non seulement quand le danger est passé. Mais ne désespère pas si tu as fait preuve de peu de foi. Au début, Pierre lui aussi eut peu de foi, mais avec le temps, il s’endurcit dans la foi et devint ainsi dur comme la pierre. Thomas, lui aussi, fut faiblement croyant, mais le Seigneur le fortifia dans la foi. Un grand nombre de saints parmi les plus saints eurent aussi peu de foi au début, puis ils devinrent constants et fermes dans la foi en Christ. Entends ce que dit le bienheureux David: Sur Dieu je compte, je n’ai pas peur; que feraient pour moi les hommes? Dieu, je suis tenu par mes vœux; j’accomplis pour toi les sacrifices de louange, car tu m’as délivré de la mort. N’as-tu pas préservé mes pieds de la chute, pour que je marche devant Dieu à la lumière de la vie ? (Ps 55,12-14). Ainsi s’exprime celui qui croit en vérité et qui sait que dans la vie tous les cheveux sur la tête ont été comptés par Dieu et qu’aucun moineau – et a fortiori aucun homme – ne peut tomber sans la volonté de Dieu.
Et quand ils furent montés dans la barque, le vent tomba (Mt 14, 32). Dès que le Christ est entré dans la barque, le vent s’est arrêté. Mais le vent ne s’est pas arrêté de lui-même, il l’a fait sur ordre du Seigneur Jésus. Car même si on ne dit pas explicitement ici, comme lors de la première tempête mémorable, que le Christ menaça les vents et la mer (Mt 8, 26), cela transparaît de soi-même. Sans nul doute l’évangéliste Matthieu pense que le vent s’est arrêté à la suite d’un ordre secret, non public, du Christ. L’évangéliste Marc l’exprime plus nettement en disant : Il monta auprès d’eux dans la barque et le vent tomba (Mc 6, 51). Mais même cet extrait n’indique pas explicitement que le Christ a ordonné au vent de s’arrêter. C’est sous l’effet de Sa force et de Sa pensée que le vent s’est apaisé. Le sens profond de l’arrivée du Christ sur le bateau et de l’apaisement du vent est suffisamment clair. Quand le Seigneur Jésus entre vivant, monte dans notre embarcation charnelle, soit lors de la sainte communion, soit lors d’une prière, soit par un autre chemin bienfaisant, les vents des passions s’apaisent en nous, et notre barque vogue paisiblement vers le rivage.
Ceux qui étaient dans la barque se prosternèrent devant Lui, en disant: « Vraiment, tu es fils de Dieu !» (Mt 14,33). Quand le Seigneur apaisa pour la première fois la tempête sur les flots et arrêta les vents, les disciples disaient, comme d’autres hommes ordinaires ayant peu de foi : Quel est celui-ci, que même les vents et la mer Lui obéissent ? (Mt 8,27) Mais depuis lors, ils virent de nombreux signes de leur Maître et entendirent nombre de Ses enseignements, de sorte que leur foi s’était fortifiée. Maintenant, face à ce nouveau miracle impressionnant, ils ne se demandent plus : Quel est celui-ci? Mais se prosternant devant Lui, ils confessent: « Vraiment, tu es fils de Dieu!» C’est la première fois que tous les disciples confessent Jésus comme Fils de Dieu. Bien entendu, Judas se trouvait parmi eux. Sans doute l’a-t-il confessé lui aussi. Mais plus tard, son amour de l’argent lui a fait complètement renier son Seigneur et Maître. Il est vrai que Pierre lui aussi L’a renié, et à trois reprises, mais ce reniement de Pierre fut passager, sous l’effet de la peur; Pierre s’était aussitôt repenti et repenti amèrement, pleurant à cause de son reniement. Le sens profond de ces paroles : Ceux qui étaient dans la barque se prosternèrent devant Lui, en disant: « Vraiment, tu es fils de Dieu! est très instructif pour tout chrétien. Une fois que le Seigneur s’est installé en nous, tout ce qui est en nous doit s’incliner devant Lui et confesser Son nom: notre esprit et toutes nos pensées, notre cœur avec ses sentiments et notre âme avec tous ses souhaits et ses aspirations. Ainsi tout notre corps sera illuminé et il n’y aura plus d’obscurité en lui. Mais malheur à nous si, après avoir accueilli le Christ en nous, nous L’en chassons à la suite d’un péché, ou si nous Le renions, comme Judas l’a fait. Ce qui nous arrivera sera pire que ce que nous avons connu auparavant. Car quand le Christ quitta Judas, alors Satan entra en lui (Jn 13,27). N’oublions pas un seul instant qu’on ne doit pas plaisanter avec Dieu, qui est un feu consumant (He 12,29).
Ayant achevé la traversée, ils touchèrent terre à Génésareth (Mt 14, 34). Ils arrivèrent donc à la ville de Capharnaüm où ils s’étaient déjà dirigés (Jn 6,17). Quiconque a été en Galilée peut se rendre compte de l’endroit où la tempête avait déporté les apôtres du Christ. Bethsaïde et Capharnaüm se trouvent sur la rive nord de la mer de Galilée. En montant dans la barque près de Bethsaïde, les disciples n’avaient qu’à naviguer le long de la côte. Or, leur barque fut déportée par la tempête jusqu’au milieu de la mer. C’est là, en pleine mer, que le Seigneur Jésus est apparu sur les flots. Quand la tempête fut calmée, il restait à la barque à se rendre jusqu’à la rive, à Capharnaüm. Selon les évangélistes Matthieu et Marc, il semble que la barque a parcouru cette distance naturellement, poussée par les rames et les voiles ; mais le récit de l’évangéliste Jean peut donner l’impression que le Seigneur a accompli avec Sa puissance irrésistible, un nouveau miracle qui a permis à la barque d’arriver immédiatement au port, car il est écrit : aussitôt le bateau toucha terre là où ils se rendaient (Jn 6,21). Il n’y a toutefois pas de contradiction réelle entre les récits des évangélistes. Car Celui qui pouvait marcher sur l’eau et calmer d’un mot la mer et les vents, pouvait sans nul doute, en cas de besoin urgent, faire en sorte que le bateau se retrouve instantanément dans son port. Le sens profond de ce récit de Jean est que, quand le Seigneur Jésus s’est installé en nous, nous avons dès cet instant le sentiment que nous nous trouvons au Royaume de Dieu, comme dans un havre de paix, où ni les tempêtes ni les vents ne pourront venir troubler notre embarcation terrestre. Et si par la suite, nous avons à marcher sur terre, nous ne le sentons pas car en esprit, par le cœur et dans l’âme, nous vivons déjà dans un autre monde, meilleur, où règne le Christ Vainqueur. Dans Ses victoires, nous voyons avec joie les nôtres, et dans les nôtres, les Siennes.
Lui seul est vainqueur de tous les maux et II est le seul à ne pouvoir être vaincu par aucun mal. Aussi devons-nous nous blottir sous Son aile puissante, là où il n’y a ni tempête, ni vents, ni illusions ; de mort, il n’y en aura plus; de pleur, de cri et de peine, il n’y en aura plus (Ap 21, 4) ; là, nous trouverons en abondance toutes les richesses non éphémères, que les vers et la rouille ne peuvent entamer, et là nous glorifierons, avec les anges et les saints, les œuvres victorieuses du Christ, dont la grandeur nous est inconcevable dans ce monde mortel, dans cet horizon étroit. Là-bas, tout nous sera révélé et nous nous réjouirons, et notre joie n’aura pas de fin. Gloire et louange au Seigneur Jésus-Christ, avec Son Père prééternel et avec le Saint-Esprit, Trinité unique et indissociable, maintenant et toujours, de tout temps et de toute éternité. Amen.