(Jn 1, 43-51)
Grande et redoutable est la présence de Dieu ! Grande et redoutable est la présence du Dieu vivant !
Les forces angéliques se tiennent frémissantes devant Lui : les séraphins se voilent la face de leurs ailes devant la lumière éclatante et la beauté indicible.
Comme le soleil est beau! Comme le ciel étoilé est beau! Comme la mer ondoyante est puissante ! Comme les montagnes colossales sont majestueuses ! Comme les nuages porteurs de foudre et les volcans en feu sont terribles ! Comme les prairies en fleurs sont tendres avec leurs sources fraîches et les blancs troupeaux ! Mais tout cela n’est qu’une œuvre faite de la main de Dieu: ce sont des créations mortelles du Créateur immortel. Mais si la création est si belle, que dire du Créateur !
Si le cœur humain se remplit de crainte, de joie ou de larmes en présence des créations divines, qu’en est-il en présence du Créateur tout- puissant et vivant ? Quelle création mortelle peut se trouver à proximité de l’Immortel, sans se dissoudre ? Quel mortel peut regarder le visage de Dieu et rester vivant ? Ah, s’il est terrible de regarder la face de l’ange de Dieu, que dire alors de la Face divine? En décrivant sa vision de l’ange de Dieu, le prophète Daniel dit : Jetais sans force, mon visage changea, défiguré, ma force m’abandonna (Dn 10, 8) ! C’est ainsi qu’un homme très puissant s’avère impuissant et que le plus beau des hommes paraît laid à ses propres yeux, en présence de l’ange de Dieu très lumineux, dont le corps avait l’apparence de la chrysolithe, le visage l’aspect de l’éclair, les yeux celui de lampes de feu (Dn 10, 6). Le matin très glorieux où le Seigneur Jésus ressuscita, voilà qu’il se fit un grand tremblement de terre: l’Ange du Seigneur descendit du ciel et vint rouler la pierre, sur laquelle il s’assit. Il avait l’aspect de l’éclair; et sa robe était blanche comme neige. A sa vue, les gardes tressaillirent d’effroi et devinrent comme morts (Mt 28,2-4). Ainsi apparaît le serviteur du Roi. Que dire alors du Roi ?
Ah, si les hommes savaient ! S’ils savaient constamment, sans oublier un seul instant un tel savoir, que les anges porteurs d’éclair et blancs comme neige se trouvent près d’eux, tout près d’eux! Ce savoir, qui correspondait à une vision chez les prophètes et tous les hommes doués de discernement, rendait ceux-ci extrêmement doux et sereins devant le monde céleste, mais déterminés et en colère à l’égard des pécheurs non repentis et aveuglés. Un jour le prophète Elisée pria Dieu d’ouvrir les yeux de son serviteur et de lui permettre de voir ce que le prophète pouvait voir lui-même. Et Dieu exhaussa la prière du grand prophète et le Seigneur ouvrit les yeux du serviteur et il vit: voilà que la montagne était couverte de chevaux et de chars de feu autour d’Elisée (2 R 6,17).
Et comment se présente alors la vision du Roi au-dessus des armées célestes, comme est majestueuse et terrible la vision du Roi lui-même sur les armées célestes ! Quand le prophète Isaïe fut jugé digne d’une telle vision, il s’écria plein de crainte et de terreur : Malheur à moi, je suis perdu! car je suis un homme aux lèvres impures, j’habite au milieu d’un peuple aux lèvres impures et mes yeux ont vu le roi, le Seigneur, le tout-puissant (Is 6,5).
Ah, si les hommes savaient que le Roi, le Seigneur, les regarde constamment – ce même Roi et Seigneur majestueux et immuable qu’Isaïe regarda une fois et il fut aussitôt rempli de crainte et de frayeur -, alors aucun péché ni aucune impureté ne leur viendraient à l’esprit. Que l’homme voie Dieu ou non, Dieu le regarde, lui. Cela ne donne-t-il pas la chair de poule au blasphémateur? N’est-ce pas un réconfort pour le chrétien martyr?
Non seulement le Dieu trinitaire nous regarde et nous voit à tout instant de notre vie, mais il en est de même de toute l’armée des anges célestes et des saints que nous célébrons. Des millions d’yeux nous regardent comme d’un seul œil. Des millions de bons vœux nous suivent sur le chemin plein d’épines et de ténèbres de la vie ; et des millions de mains s’offrent comme une seule main pour nous aider. Sous la conduite du Saint-Esprit, l’Église de Dieu sur la terre s’est efforcée de présenter aux fidèles cette réalité majestueuse, redoutable et douce, à l’aide d’innombrables icônes placées sur l’iconostase qui symbolisent le monde invisible des puissances célestes et rappellent leur présence continue dans ce monde. En vénérant les icônes, nous ne vénérons pas du bois ni les couleurs posées sur lui, mais ces puissances célestes vivantes et présentes. En craignant les icônes, nous craignons ces puissances. En ressentant le réconfort et la joie émanant des icônes, nous ressentons en fait le réconfort et la joie de ces puissances célestes qui figurent sur les icônes. Seuls les démoniaques et les hommes remplis de mauvais esprits ont considéré la vénération des icônes comme une idolâtrie. Qui pendant des siècles a mené la lutte contre l’idolâtrie, sinon l’Eglise orthodoxe ? Qui d’autre a donné des millions de victimes dans cette lutte victorieuse ? Qui d’autre a détruit l’idolâtrie ? Comment l’Eglise qui a détruit l’idolâtrie pourrait-elle vénérer les idoles? Un tel persiflage contre l’Eglise de Dieu a été initié par des hérétiques impurs, qui raisonnaient avec leurs sens et non de façon spirituelle. Du fait de la brutalité de leur réflexion, ils étaient incapables de distinguer la vénération des icônes et l’idolâtrie. Quand ils furent incapables de parvenir à leurs fins avec leurs faibles arguments, les hérétiques dressèrent le feu et l’épée contre les icônes et la vénération des icônes. Ils brûlaient les icônes dans le feu et transperçaient à l’épée les fidèles orthodoxes’. Mais comme la puissance divine est plus forte que le feu et l’épée, ces hérétiques ont fini par tomber tandis que les icônes continuent à embellir les églises de Dieu et à rappeler aux fidèles la grande et redoutable présence de Dieu et des puissances célestes dans la vie des hommes sur terre. En mémoire de la victoire sur les iconoclastes et de l’établissement éclatant de la vénération des icônes à l’époque du patriarche Méthode, de la pieuse impératrice Théodora et de son fils Michel, les Saints Pères théophores ont décidé que le premier dimanche du Grand Carême serait consacré à la célébration de cet événement. Ce dimanche est aussi appelé Dimanche de l’Orthodoxie en commémoration de la victoire de la véritable et authentique confession de foi sur les ergotages hérétiques et les arguties terrestres. C’est en rapport avec cela qu’il a été décidé de lire aujourd’hui l’épisode de l’évangile consacré à Nathanaël, sur ses doutes à l’égard du Christ quand il était loin de Lui, et sur sa conversion dès qu’il fut près du Christ, afin de montrer que la présence de Dieu est nécessaire pour convertir les gens peu croyants à la foi et de mettre en exergue le pouvoir prodigieux de cette présence !
C’est alors que Jésus résolut de gagner la Galilée. Il trouve Philippe et lui dit: «Suis-moi». Or, Philippe était de Bethsaïde, la ville d’André et de Pierre (Jn 1, 43-44). Après Son baptême dans le Jourdain, le Seigneur Jésus se rendit en Galilée où II devait commencer Son travail. L’esprit débauché des Juifs n’était pas digne pour que le Seigneur débutât Son œuvre parmi eux. La région habitée par les Juifs autour de Jérusalem, à cause de leur attachement aux choses terrestres, était tombée plus bas que les contrées peuplées de païens. La Galilée était païenne, peuplée principalement de Grecs, Romains et Araméens, avec seulement quelques localités juives. Les Juifs de Judée méprisaient la Galilée comme terre païenne, terre de ténèbres et d’ignorance. C’est précisément dans cette contrée méprisée qu’il fallait que brillât une grande lumière, conformément aux paroles du prophète : Le peuple qui marchait dans les ténèbres a vu une grande lumière, sur les habitants du sombre pays, une lumière a resplendi (Is 9,1). En ouvrant d’abord Sa bouche divine dans cette Galilée, qui représentait un mélange de peuples, le Seigneur a déjà ainsi souligné que Son Evangile s’adresse à toute l’humanité. En apparaissant d’abord dans ce recoin sombre et peu important de Palestine, Il a montré aussi bien Son humilité que Sa condamnation de l’orgueil insensé de la Jérusalem enténébrée et débauchée.
André partit d’abord seul avec le Seigneur et sans y avoir été invité ; il trouva ensuite son frère Simon-Pierre (Jn 1, 35), tandis que Philippe fut appelé par le Seigneur : « Suis-moi !» Le fait que Philippe a aussitôt répondu sans hésitation à cet appel est évident dans la mesure où, brûlant de ferveur pour le Christ, il commença immédiatement à en enrôler d’autres et à les conduire auprès du Seigneur. La décision rapide de Philippe de partir aussitôt avec le Seigneur, peut s’expliquer par le fait qu’il a peut-être déjà entendu parler du Christ par ses voisins André et Pierre, puisqu’ils étaient tous originaires de la même localité de Bethsaïde, et peut-être aussi par d’autres ; mais le plus vraisemblable est que la personnalité lumineuse du Seigneur l’a poussé à tout quitter, à tout oublier et à Le suivre. Mais la personnalité puissante du Christ a tellement conquis Philippe, comme on l’a dit, que non seulement il L’a suivi, mais il a commencé aussitôt à faire de l’apostolat, c’est-à-dire à rallier d’autres hommes au Christ : Philippe trouve Nathanaël et lui dit: « Celui dont Moïse a écrit dans la Loi, ainsi que les prophètes, nous l’avons trouvé! C’est Jésus, le fils de Joseph, de Nazareth» (Jn 1,45).
Comme Philippe parle simplement ! Ces deux âmes humaines en quête, Philippe et Nathanaël, sont en train de s’entretenir! Philippe ne dit pas: nous avons trouvé le Messie promis, ni le Fils de David, ni le roi d’Israël, ni le Seigneur Christ; il annonce simplement à Nathanaël que Celui à propos duquel Moïse et les prophètes ont écrit, nous L’avons trouvé. Ainsi s’exprime une âme imprégnée par le prodige et la joie. Les sentiments les plus forts ne choisissent pas leurs mots, ils se manifestent simplement, parfois trop simplement, comme persuadés en eux-mêmes que leur force se fera sentir même à travers les mots les plus simples. Les sentiments faibles et mensongers ont recours à des trompettes d’argent de mots tonitruants et tumultueux, afin de paraître plus forts et authentiques. Il est évident que Philippe et Nathanaël avaient déjà évoqué entre eux Celui qui a été promis, prophétisé et attendu depuis longtemps. C’était un sujet habituel de conversations entre Israéliens véritables, âmes pures et en quête. Nous L’avons trouvé! dit Philippe. Ce qui veut dire : Il n’est pas apparu comme la foudre qui ébranle les nuages et épouvante la terre, ni tombé soudain sur la terre tel un météore, ni monté sur le trône royal à Jérusalem, vers lequel étaient concentrés les regards des pharisiens myopes, des scribes insensés et des autres qui attendaient le Messie. Lui a grandi et a vécu ici en Galilée, au milieu de nous, depuis déjà trente ans, et nous ne Le connaissions pas ; Il grandissait comme une douce vigne au milieu de vignes sauvages, ce qui Le rendait difficile à reconnaître tant qu’il n’avait pas mûri et commencé à montrer Ses fruits. Il était comme un trésor enfoui dans la terre ; la terre L’a repoussé et le trésor s’est mis à briller. Il ne s’est pas mis en avant, et n’a pas cherché à s’imposer : c’est nous qui L’avons vu et reconnu. Il est doux comme l’agneau, lumineux comme le soleil, attirant comme le printemps, puissant comme Dieu. Il est fils de Joseph, de Nazareth. Qui peut savoir comment Philippe a décrit le Christ à Nathanaël? Qui peut restituer toute leur conversation? L’évangéliste ne fait que mentionner brièvement ce qui est essentiel. Et tout ce que Nathanaël a entendu de Philippe, ne pouvait que le réjouir. Un fait l’a troublé et rendu dubitatif : comment se fait-il que le Messie soit venu de Nazareth? Philippe appelle Jésus, fils de Joseph, peut-être parce qu’il ignore lui-même le très grand mystère de la conception de Marie par le Saint-Esprit, peut-être aussi parce qu’il veut être le plus concis et convaincant possible devant un homme qui devait progressivement être initié au mystère de l’Incarnation divine. Peut-être Philippe agit-il déjà de façon missionnaire, selon la méthode apostolique, décrite plus tard par l’apôtre Paul : Je me suis fait faible avec le faibles, afin de gagner les faibles. Je me suis fait tout à tous, afin d’en sauver à tout prix quelques-uns (1 Co 9, 22). Nathanaël était encore faible, non initié, profane, et ‘l’Apôtre devait se comporter envers lui comme à l’égard d’un faible.
Nathanaël lui dit: «De Nazareth, peut-il sortir quelque chose de bon ?» Philippe lui dit: « Viens et vois» (Jn 1,46). La question de Nathanaël ne doit
pas être interprétée comme une remarque méchante d’un cœur obtus et négationniste, mais comme la crainte d’un cœur sincère de voir son ami se tromper lourdement. Sara rit en elle-même quand le Seigneur lui annonce qu’elle va enfanter un fils dans sa vieillesse (Gn 18,12). Telle est la joie qui souhaite avoir confirmation dans le doute. Et Nathanaël n’aurait jamais pu entendre dans sa vie, une nouvelle plus joyeuse que celle apportée par Philippe. Mais de même que toute joie est annonciatrice de difficultés et d’ombres, de même la joie de Nathanaël se heurta aussitôt au nom de Nazareth. Comment le Messie pouvait-Il venir de Nazareth? Est-ce que Bethléem n’avait pas été mentionné par les prophètes comme lieu de Sa naissance? Est-ce que des générations et des générations n’avaient pas regardé la ville de David, dans l’attente d’y voir le petit roi promis ? Philippe a dû certainement se tromper ! Mais Philippe ne souhaite pas se perdre dans des explications et des démonstrations ; il ne peut d’ailleurs rien répondre lui-même à la remarque faite par Nathanaël. Il lui dit simplement: «Viens et vois!». Comme ces paroles résonnent victorieusement: « Viens et vois!» Viens seulement, Nathanaël, et tu verras, je ne peux pas démontrer, mais Sa présence te démontrera tout. Je ne peux pas non plus répondre à tes autres questions, mais Sa seule présence est une réponse à laquelle tu ne pourras pas t’opposer. Viens seulement avec moi pour être en Sa présence – viens et vois. Nathanaël fut d’accord et suivit Philippe.
Jésus vit Nathanaël venir vers Lui et II dit de lui: «Voici vraiment un Israélite sans détour» (Jn 1,47). Quel merveilleux compliment! Et venant de quelle bouche ! Mais que signifie l’expression un Israélite sans détour ? Cela signifie : un homme rempli de ce qui est l’inverse de la ruse, c’est-à- dire de Dieu : un homme pensant à Dieu, en quête de Dieu, à la recherche de Dieu, dans l’attente de Dieu, dans l’espérance de Dieu. C’est un homme qui s’est livré à un seul maître, Dieu, et ne souhaite pas en connaître d’autre ; un homme dans lequel le principe du mal n’a pas pu prendre racine. Mais cette mise en exergue par le Christ de Nathanaël comme j;n Israélite véritable constitue en même temps la mise en avant du triste constat qu’il ne subsistait qu’un petit nombre de véritables Israélites. C’ést pourquoi le Seigneur Lui-même, comme réjoui, s’écrie : Voici vraiment un Israélite sans détour! En voici un véritable, au milieu d’un grand nombre d’imposteurs ! En voici un qui n’est pas seulement Israélite par le nom, mais aussi par l’esprit! Bien que le Seigneur ait pu de loin être au courant du doute que Nathanaël avait exprimé à Philippe, Il félicite néanmoins Nathanaël comme un Israélite véritable et sans détour. Le complimente-t-Il afin de le séduire ? Non, Celui qui lit dans les cœurs ne tient pas compte des mots, mais regarde dans le cœur de l’homme. Rien dans l’Evangile ne nous permet de voir que Nathanaël était un homme sans détour; mais le Seigneur regardait dans les cœurs et il l’avait lu dans son cœur. Peut-être que les autres apôtres qui étaient autour du Christ, sont restés étonnés par ces compliments prononcés par le Christ, mais le Christ a laissé le temps de découvrir l’authenticité de son compliment.
Nathanaël lui-même fut surpris par ce compliment inattendu: Nathanaël Lui dit: «D’où me connais-tu? » Jésus lui répondit: «Avant que Philippe t’appelât, quand tu étais sous le figuier, je t’ai vu» (Jn 19,48).
On voit ainsi que Nathanaël se montre tout de suite comme un homme sans artifice. Un homme rusé se préoccupe de lui-même et nullement d’autrui. Un homme rusé est flatté par les compliments et les flagorneries. Si Nathanaël avait été un homme rusé, il se serait senti enivré par ce compliment du Christ et se serait mis à Le remercier ou, dans une fausse humilité, à refuser une telle louange. Mais Nathanaël est plus attaché à la vérité qu’aux flatteries, il attache plus d’importance au Christ qu’à lui-même. Aussi, sans recevoir ni refuser ce compliment, Nathanaël se hâte de poser une question ouverte, dans le but de découvrir la vérité sur le Christ. «D’où me connais-tu?» (Jn 1, 48). C’est la première fois que nous nous rencontrons ! Si tu m’avais appelé par mon nom, tu m’aurais moins surpris, car un nom peut être connu ou deviné assez rapidement, mais me voilà très surpris que tu connaisses si vite mon cœur et ma conscience, c’est-à-dire quelque chose qui est le plus secret dans l’homme, qu’un homme révèle très difficilement même à ses amis proches. «D’où me connais-tu ?» À cette question le Seigneur répond en révélant un autre secret, apparent : «Avant que Philippe t’appelât, quand tu étais sous le figuier, je t’ai vu» (Jn 1, 48). Celui qui connait les secrets de l’esprit, connait facilement les secrets du corps. Et Celui qui voit le mouvement des idées et entend le mystérieux murmure des pensées dans l’homme, peut encore plus facilement voir le mouvement du corps humain et entendre les paroles dites par l’homme. Avant que Philippe eût rejoint Nathanaël, le Seigneur l’avait vu assis sous le figuier; et avant que Philippe eût songé à se rendre auprès de Nathanaël, le Seigneur avait vu et connu le cœur de Nathanaël. Selon Sa providence, Philippe avait rejoint Nathanaël et l’avait appelé à venir et à voir. Comment l’homme pourrait-il se cacher au regard de Dieu ? Comment se mettre à l’écart de Sa grande et terrible présence ? En réfléchissant à cette grande et terrible présence, le psalmiste s’adresse au Dieu qui-voit-tout et dit: Seigneur, tu me sondes et me connais; que je me lève ou m’assoie, tu le sais, tu perces de loin mes pensées; que je marche ou me couche, tu le sens, mes chemins te sont tous familiers. La parole n’est pas encore sur ma langue, et voici, Seigneur, tu la sais tout entière; derrière et devant tu m’enserres, tu as mis sur moi ta main [..]. Où irai-je loin de ton esprit, où fuirai-je loin de ta face ? (Ps 139,1-7). Le Christ est un miracle de l’histoire terrestre, non seulement à cause des miracles accomplis et de la Résurrection, mais aussi, non moins, à cause de la présence partout de Son esprit et de Son omniscience. Etant sur terre, Il était en même temps dans le ciel. En regardant les hommes, Il a en même temps vu Satan tomber du ciel. En rencontrant les hommes, Il devinait leur passé et leur avenir. Il lisait dans les pensées des hommes comme dans un livre ouvert. Au milieu des louanges et des flatteries des hommes, Il parlait à Ses disciples de Sa passion; au milieu de Son martyre, Il parlait de Sa victoire prochaine et de Sa gloire. En regardant le temple en marbre de Jérusalem, Il a vu sa destruction. Avec Moïse et Élie, Il s’entretenait comme s’ils étaient Ses contemporains vivants. Vivant dans les limites du corps, Il avait vu tout ce qui allait suivre dans le ciel; Il avait entendu la conversation entre le riche pécheur en enfer et Abraham au paradis. Il avait vu de loin le lieu où étaient attachés une ânesse et son ânon et dit à Ses disciples d’y aller et de les ramener. Il avait vu de loin un homme portant une cruche d’eau (Lc 22, 10) et dit à Ses disciples d’aller à la rencontre de cet homme afin de Lui préparer la pâque. Devant Son exemple spirituel, le temps ne pouvait dresser aucun voile. Tout ce qui fut et ce qui sera, Il le regardait comme ce qui se produit déjà sous Ses pieds. Pour Lui, l’espace non plus n’avait pas de distance. Ce qui se produisait où que ce fut dans le monde, Il le considérait comme si cela se produisait sous le regard de Ses yeux de chair. Ce qui avait lieu dans un espace clos, c’était comme si cela avait lieu dans un espace ouvert. Même ce qui se produisait dans l’espace le plus fermé, dans le cœur humain, était ouvert et public pour Lui. Cette faculté du Seigneur Jésus d’être présent partout et de savoir tout avait terrassé Nathanaël tout autant que Pierre l’avait été par la pêche abondante en mer ou que Ses autres disciples en Le voyant marcher sur les flots et apaiser la tempête et les vents. Connaissant le cœur des hommes, le Seigneur savait laquelle de Ses puissances divines allait agir le plus sur chacun des disciples. Si Pierre avait été surtout impressionné par Son autorité sur la nature, Nathanaël, lui, était surtout étonné par Sa capacité de tout voir et de tout savoir. Sachant tout, c’est conformément à ce savoir total que le Seigneur a aménagé Son économie divine du salut des hommes. Peut- être Philippe a-t-il pressenti cela, dès ces premiers jours de son apostolat, quand il a dit à Nathanaël: « Viens et vois!». Philippe était convaincu que le Seigneur très sage et tout-puissant se révélerait à Nathanaël de la façon la plus adaptée à l’esprit et au caractère de Nathanaël. Il n’a peut-être pressenti qu’en partie ce qu’il allait apprendre par la suite, c’est-à-dire les innombrables et très prodigieux mystères cachés dans la fragile poitrine d’homme de son Maître. En vérité, des mystères plus larges que les deux et plus longs que le temps étaient cachés dans la poitrine du Dieu- homme ! Est-ce que le Christ Seigneur a révélé ou dit un millième des mystères et des pouvoirs qui étaient cachés en Lui? Certainement non. Une immense majorité de Ses mystères et pouvoirs est restée non révélée et non exprimée, pour être révélée et montrée seulement aux saints dans Son royaume céleste. Il y avait tellement de puissance en Lui qu’il ne cherchait nullement à accomplir des miracles, s’efforçant plutôt de s’abstenir d’en accomplir trop. De Son côté, il n’a été dit, révélé et accompli que ce qui était nécessaire pour notre salut, sans exercer de pression ni de contrainte sur notre volonté, notre libre choix et notre libre décision.
Mais regardons comment Nathanaël émerveillé, répond au Seigneur: Rabbi, tu es le Fils de Dieu, tu es le roi d’Israël (Jn 1, 49). C’est ce que dit la même bouche qui a dit auparavant à Philippe : De Nazareth, peut-il sortir quelque chose de bon ? Quel changement étrange ! Quel enthousiasme soudain ! Ah, frères, comme la présence de Dieu est grande et miraculeuse ! Il n’y a pas de mots pour le décrire, ni de main capable de l’écrire, mais il y a des cœurs en mesure de le sentir et, l’ayant senti, de frissonner comme la rosée matinale lors de sa rencontre avec les rayons du soleil. Un tel événement n’est-il pas suffisamment convaincant, de Le voir apparaître en homme faible en vue du salut du genre humain? Qui aurait pu Le supporter s’il était apparu comme un ange en flammes ? Et s’il était apparu en tant que Dieu, sans vêtement et non abrité par le voile charnel, dans Sa puissance et Sa gloire éternelles, qui aurait pu Le regarder et rester en vie ? Qui aurait pu entendre Sa voix et ne pas tomber en poussière ? Est-ce que toute la terre ne se serait pas transformée en nuée avec la proximité de Son souffle ? Regardez comme est forte Sa présence adoucie ! Comment en un moment II retourne le cœur de l’homme et change ses pensées ! Qui aurait pu imaginer quelques instants avant cette rencontre du Christ avec Nathanaël, que Nathanaël allait peu après confesser que le fils de Joseph était le Fils de Dieu et le roi d’Israël? Même si Nathanaël imagine en cet instant, comme roi d’Israël, un roi terrestre d’Israël, conformément à la conception générale qu’on avait à l’époque du Messie, une telle position est plus que suffisante pour quelqu’un qui commence à confesser le Christ et à Le suivre. Car Nathanaël Le nomme également Fils de Dieu, élevant ainsi la personnalité du Christ au-dessus de la conception vulgaire qui faisait de Lui un roi terrestre ordinaire sur le trône de David.
«Parce que je t’ai dit: “Je t’ai vu sous le figuier”, tu crois! Tu verras mieux encore». Et II lui dit: «En vérité, en vérité, je vous le dis, vous verrez le ciel ouvert et les anges de Dieu monter et descendre au-dessus du Fils de l’homme» (Jn 1, 50-51). Le Seigneur considère donc qu’il n’a révélé à Nathanaël qu’un petit mystère sur Lui-même, en lui disant qu’il l’avait vu sous le figuier. Sa capacité de voir à une pareille distance, pas très grande, ne représente qu’une lueur de Son pouvoir de visionnaire global. Avec la pureté de son âme, ce petit fait suffit à Nathanaël pour croire. Les impurs et rusés pharisiens et scribes de Jérusalem avaient vu le Seigneur guérir les lépreux, donner la vue aux aveugles, ressusciter les morts, mais n’avaient quand même pas cru. Voilà Nathanaël, un Israélite véritable, qui croit et confesse, parce que la porte du miracle s’est légèrement entrouverte! Tu verras mieux encore, lui promet le Seigneur. Que verra-t-il? Le ciel ouvert et les anges de Dieu monter et descendre au-dessus du Fils de l’homme. Le Seigneur s’adresse avec ces mots à Nathanaël, mais cette promesse s’applique à tous, car II dit: En vérité, en vérité, je vous le dis. Le fait que cette promesse sera inévitablement accomplie, est illustré par la forte insistance qui s’y attache : En vérité, en vérité! Dès l’origine, les anges ont servi le Sauveur, descendant et montant au ciel. L’ange est apparu à Zacharie pour lui annoncer la naissance du grand Précurseur du Christ. L’ange est apparu à la Très Sainte Vierge pour lui annoncer le très grand secret de la Nativité du Seigneur. Le ciel est apparu ouvert aux bergers de Bethléem, et les anges sont descendus chanter le chant de la réconciliation de Dieu avec les hommes. Les anges descendaient etonontaient pour informer et conduire Joseph et les mages d’Orient. Quand le Seigneur eût triomphé de toutes les tentations ainsi que de celles de Satan dans le désert, les anges sont descendus et Le servaient. Lors des souffrances endurées avant la mort au jardin de Gethsémani, un ange Lui apparut pour Le réconforter. Lors de Sa Résurrection, les anges descendirent sur Son tombeau. Lors de Son Ascension de cette terre vers le ciel, deux anges vêtus de blanc (Ac 1, 10) sont descendus et sont apparus aux disciples. Après Son Ascension, les anges sont apparus souvent à Ses apôtres, puis
par la suite à d’innombrables hommes et femmes agréables à Dieu. Le premier martyr Etienne n’a-t-il pas vu les deux ouverts (Ac 7,56) ? L’apôtre Paul ne s’est-il pas élevé jusqu’au troisième ciel? L’apôtre et évangéliste Jean ne se vit-il pas révéler d’innombrables miracles des cieux, des temps et de l’éternité? De nos jours encore, de nombreuses âmes pures et théophores voient les anges leur apparaître, tandis que de nombreux repentis qui ont vu leurs péchés pardonnés, voient les deux ouverts. Que de fois jusqu’à aujourd’hui, se sont vérifiées les paroles du Seigneur Jésus sur les deux ouverts et sur les anges qui montent et descendent! Le Seigneur est descendu sur terre afin de montrer aux hommes les deux ouverts. Avant le Christ, seul un petit nombre de prophètes et d’hommes agréables à Dieu ont été jugés dignes de voir les deux ouverts, mais à la suite du Christ, des armées entières de ceux qui voulaient voir les deux se sont élevées par leur esprit visionnaire dans les hauteurs célestes, rencontrant les armées angéliques célestes. Le ciel est toujours ouvert aux hommes, mais les hommes y sont fermés’: tout en regardant, ils ne voient pas et tout en entendant ils ne comprennent pas (Mc 4,12). Le Christ a enlevé la cécité non seulement à quelques aveugles physiques mais aussi à des millions d’hommes aveugles spirituellement. Les aveugles ont ouvert les yeux et vu le ciel ouvert. Aujourd’hui aussi, les aveugles ouvrent les yeux et voient le ciel ouvert. Or que signifie le ciel ouvert, sinon la présence du Dieu vivant et de Ses forces innombrables? Mais que signifie la présence du Dieu vivant, sinon la peur et la terreur pour les impurs et les pécheurs, mais la vie et la joie pour les purs et pour les justes ? Cette grande et terrible présence nous est actuellement cachée par le rideau sombre de notre corps. Mais bientôt, très bientôt, ce rideau sera abaissé et rejeté pour toujours et nous nous trouverons complètement dans un ciel ouvert, c’est-à-dire que ceux d’entre nous qui se sont repentis et purifiés seront dans la présence éternelle et vivifiante du Dieu vivant, tandis que les non-repentis, les blasphémateurs et les impurs seront dans Son absence éternelle, dans les souffrances et les ténèbres extrêmes.
Accourons donc auprès du Seigneur Jésus ami-des-hommes et, tant que tous nos jours ne sont pas encore comptés, confessons Son Nom, comme seul Nom porteur du salut, et implorons Son aide, la seule qui ne trompe pas et apporte le salut. Seigneur Jésus-Christ, Fils de Dieu, aie pitié et sauve-nous, pécheurs ! Gloire à Toi, avec le Père et le Saint-Esprit, Trinité unique et indissociable, maintenant et toujours, de tout temps et de toute éternité. Amen.