(Lc 13, 10-17)
Le Seigneur Jésus-Christ est venu sur terre plein de force et d’humilité, afin d’enseigner aux hommes d’aimer Dieu et d’aimer les hommes.
Les hommes sont dépourvus de force par eux-mêmes; l’amour de Dieu leur insuffle la force. Les hommes sont orgueilleux par eux-mêmes ; l’amour des autres hommes les remplit d’humilité.
De l’amour de Dieu est issu l’amour des hommes. Du sentiment de la force divine, vient l’humilité. Tout amour des hommes est mensonger en l’absence de l’amour de Dieu ; et toute force autre que divine est orgueilleuse et impuissante.
Mais l’homme a choisi une troisième voie, qui n’est ni l’amour de Dieu, ni l’amour des hommes ; il a choisi l’égoïsme – un mur qui le sépare de Dieu et des hommes et l’isole complètement.
En n’aimant que lui-même, l’homme n’aime ni Dieu ni l’homme. Il n’aime même pas l’homme en lui-même ; il n’aime que sa conception de lui-même, son illusion. S’il aimait l’homme en lui-même, il aimerait en même temps l’image de Dieu qui est en lui ; il se mettrait rapidement à aimer Dieu et à aimer les hommes. Car chez les autres il rechercherait l’homme et Dieu, objets de son amour.
L’égoïsme n’est absolument pas de l’amour, mais le reniement de Dieu et le mépris des hommes, public ou secret.
L’égoïsme n’est pas de l’amour, mais une maladie, une maladie grave qui entraîne avec elle d’autres maladies. De même que la variole propage inévitablement le feu dans tout le corps, de même l’égoïsme provoque le feu de la jalousie et de la colère dans toute lame. Un homme égoïste est plein de jalousie envers ceux qui sont meilleurs que lui, plus riches, plus cultivés ou plus considérés dans la société. La jalousie est toujours inséparable de la colère, comme la flamme du feu, une colère rentrée, qui éclate alors au grand jour, dévoilant toute la laideur du cœur humain malade, intoxiqué par le poison de l’égoïsme.
L’évangile de ce jour nous donne une image limpide de la merveilleuse philanthropie du Christ d’un côté, et de l’égoïsme hideux d’un pharisien, plein de jalousie et de colère, de l’autre.
En ce temps-là, Jésus enseignait dans une synagogue le jour du sabbat. Et voici qu’il y avait là une femme ayant depuis dix-huit ans un esprit qui la rendait infirme ; elle était toute courbée et ne pouvait absolument pas se redresser (Lc 12,10-11). Le jour du sabbat était un jour de prière collective pour les Juifs, comme le dimanche l’est pour nous, chrétiens. Si le Seigneur Jésus allait souvent dans le désert trouver la solitude, où il passait des nuits entières en prière, Il n’évitait pas de prier en commun avec le peuple dans les synagogues. Il entra, selon sa coutume le jour du sabbat, dans la synagogue, dit par ailleurs l’évangéliste Luc (4, 16). Il avait donc l’habitude de se rendre dans la maison de prière, et n’évitait pas les prières faites avec le peuple. Bien que cela ne lui fut pas utile, Il le faisait par humilité, et pour nous servir d’enseignement. De nos jours, vous entendrez néanmoins de nombreux hommes dire : je prie chez moi et n’ai pas besoin d’aller à l’église pour prier ! Ainsi s’expriment la déraison et l’orgueil. Or l’exemple du Christ nous enseigne clairement qu’il faut faire l’un et l’autre : prier en secret dans la solitude et publiquement à l’église avec le reste de la fraternité.
Le Seigneur Jésus n’allait pas au temple seulement pour prier, mais aussi pour instruire les hommes. Que de fois II a expliqué l’Écriture sainte dans le temple ! Que de leçons sublimes II a données aux hommes ! Que de paroles de miel II a prononcées, qui ne sont pas transcrites dans l’Évangile! Et tous Lui rendaient témoignage et étaient en admiration devant les paroles pleines de grâce qui sortaient de Sa bouche (Lc 4, 22). De nombreuses, de très nombreuses paroles de grâce qu’il a prononcées ne sont pas parvenues jusqu’à nous, mais il nous en est parvenu suffisamment pour notre réflexion et notre salut.
Le Seigneur Jésus se rendait aussi au temple afin de venir en aide aux hommes par des actes forts, et témoigner ainsi de Sa divinité et de Son œuvre de salut. Il accomplit aussi un geste fort dans la circonstance que rapporte l’évangile de ce jour. Ce jour-là, une femme courbée était venue à la synagogue, courbée par le mauvais esprit; elle se trouvait dans cet état non depuis une semaine, un mois ou une année, mais depuis dix-huit
ans. Et elle ne pouvait absolument pas se redresser. La tête penchée vers le sol, cette malheureuse ne pouvait voir ni le ciel étoilé au-dessus d’elle ni les visages humains autour d’elle. C’est ainsi que l’esprit maléfique s’était efforcé de rendre hideux les descendants d’Adam et d’Eve, en leur faisant croire qu’ils seraient comme des dieux si seulement ils lui obéissaient! Mais au lieu de devenir des dieux, les ancêtres des hommes se retrouvèrent soudain vêtus de peaux de bêtes et de poussière. Cette femme était recroquevillée de façon si hideuse quelle devait faire frissonner les hommes et faire peur aux animaux. Tels étaient les honneurs divins que le diable avait promis aux hommes! Et elle ne pouvait absolument pas se redresser. Dix-huit ans durant, elle n’avait pu se redresser, rampant sur le sol, la tête à la hauteur des genoux. Est-ce que c’est cela, la vie ? Ce n’est pas une vie, mais un châtiment. L’aspect de cette femme était si effrayant que ceux qui la voyaient pour la première fois s’en éloignaient, tandis que ceux qui l’observaient depuis longtemps ne la voyaient plus comme un être humain mais comme un arbre desséché et recourbé qui n’était plus bon qu’à être coupé et jeté au feu. Une telle insensibilité des hommes envers les êtres contrefaits n’est pas moins hideuse que la difformité elle-même.
Mais voici que l’Ami-des-hommes se retourne avec attention et compassion sur cette pauvre créature humaine et ne la considère pas comme un arbre desséché et recourbé, mais comme une fille d’Abraham, une âme créée par Dieu et digne de la miséricorde divine.
La voyant, Jésus l’interpella et lui dit: «Femme, te voilà délivrée de ton infirmité»; puis II lui imposa les mains. Et à l’instant même, elle se redressa, et elle glorifiait Dieu (Lc 13,12-13). Ce merveilleux miracle, le Seigneur l’accomplit non à la demande ou à cause de la foi de cette femme, mais de Son propre mouvement et grâce à Sa puissance. Ne s’agit-il pas d’une réplique limpide à tous ceux qui voudraient méchamment réduire la grandeur divine des miracles du Christ en essayant de faire croire que ces miracles n’avaient été possibles que par autosuggestion de ceux qui en ont été l’objet ? Où sont les traces d’une autosuggestion de magicien chez cette femme courbée ? Elle n’était même pas capable de voir le visage du Christ à cause de la position courbée qui était la sienne. Elle n’avait pas imploré la pitié du Christ, et n’avait aucunement exprimé sa foi en Lui. Cette femme ne se trouvait même pas à proximité du Christ, elle ne s’était pas approchée de Lui, c’est Lui qui l’avait appelée. Tel le pasteur qui a vu une brebis prisonnière des épines, à demi-morte et sans voix, c’est Lui qui l’a appelée en premier. C’est ainsi que le Seigneur très affligé, le Bon Pasteur, a appelé le premier Sa brebis, prisonnière de Satan. Il s’adressa à elle en disant: Femme!; Il ne la traite pas en infirme, en monstre, en pécheresse, mais en femme ! Avec ce seul mot, Il lui rend sa dignité perdue. Puis II la délivre de son infirmité et, enfin, pose Ses mains très pures sur elle. D’abord, un regard de compassion, puis une parole forte, et enfin la main pleine de tendresse. Tout ce dont cette femme fut privée tout au long de ces dix-huit années, Il le lui accorde. Car si quelqu’un avait éprouvé de la pitié pour elle, ce sentiment n’était pas pur, mais mêlé à de la crainte et à de l’autoglorification ; si quelqu’un l’interpellait, il le faisait dans l’urgence, et s’il devait la toucher, il ne le faisait que du bout des doigts en se dépêchant aussitôt de les laver. Le Seigneur Jésus, Lui, la fait venir auprès de Lui, lui dit des paroles qui guérissent, et pose sur elle Ses mains bienfaisantes. Il se comporte envers cette femme inconnue comme un père à l’égard de sa fille. Si une telle miséricorde avait été orientée vers le sol noir ou le soleil brûlant, la terre se serait trouvée ébranlée et le soleil se serait mis à pleurer. Mais cette miséricorde était dirigée vers une femme courbée et cette femme se redressa aussitôt. Comment une colonne vertébrale tordue peut-elle se redresser sans se briser ? Comment un cou immobile peut-il bouger sans provoquer de douleur? Il a fallu des millions d’années, disent de nos jours des esprits stupides, pour que la colonne vertébrale du singe se redresse et que le singe devienne un homme ! Ils s’expriment ainsi parce qu’ils ne connaissent pas la puissance et la force du Dieu vivant. Mais il a suffi peut-être d’une seconde pour que, suite à une parole du Seigneur Jésus, la colonne vertébrale de cette femme se redresse, alors quelle était beaucoup plus courbée que celle du singe ! Mais comment s’est-elle redressée ? Comment le cou a-t-il bougé ? Comment un monstre est-il devenu un être sain ? Comment une brebis prisonnière s’est-elle libérée de ses liens ? Comment une momie sans voix a-t-elle trouvé la voix et osé parler? Ne posez pas toutes ces questions, allez plutôt louer Dieu comme l’a fait cette femme. Et à l’instant même, elle se redressa, et elle glorifiait Dieu! On voit qu’avec la guérison de son corps, cette femme a connu la guérison de l’âme ! Car seule une âme saine sait louer Dieu pour tout bienfait d’où qu’il provienne, tandis qu’une âme malsaine, qui a oublié Dieu comme Donateur, loue et glorifie les mains mortelles par lesquelles Dieu accorde souvent Ses dons. Or le Seigneur Jésus a voulu précisément enseigner aux hommes à toujours louer et glorifier Dieu. C’est ainsi qu’il ordonna au démoniaque gérasénien, qui venait d’être guéri : Retourne chez toi et raconte tout ce que Dieu a fait pour toi (Lc 8, 39) ! Partout où le Seigneur accomplit de merveilleux miracles, les hommes s’émerveillaient et louaient Dieu. C’est pourquoi, au moment de quitter cette vie terrestre, le Christ a dit : Père, je t’ai glorifié sur la terre (Jn 17,4) ! Ne s’agit-il pas d’un rappel à l’ordre pour nous qui, quand nous faisons une bonne action, voulons que les gens nous portent aux nues, plutôt que de louer Dieu ? Tout bienfait que nous recevons des autres, nous ne le recevons pas des hommes mais à travers eux. Le Père adresse des dons à Ses enfants par l’intermédiaire de Ses enfants. C’est Sa joie et Sa bienveillance d’agir ainsi. A Lui appartiennent toute gloire et toute louange à travers tous les siècles et toute l’éternité.
Mais ce récit évangélique ne se termine pas ainsi. Jusqu’à présent, nous n’avons entendu que le miracle de la lumière, et voici maintenant le miracle des ténèbres.
Mais le chef de la synagogue, indigné de ce que Jésus eût fait une guérison le sabbat, prit la parole et dit à la foule: «Il y a six jours pendant lesquels on doit travailler; venez donc ces jours-là vous faire guérir, et non le jour du sabbat!» (Lc 13, 14). Ainsi s’exprime ce fils maléfique des ténèbres. Comme si Satan, après être sorti de la femme courbée, était entré en lui ! Ainsi s’exprime l’égoïsme, suivi de ses deux compagnons inséparables : la jalousie et la colère. Le Christ guérit, mais lui fait des tours. Le Christ libère une vie humaine des chaînes sataniques, lui joue avec les jours de la semaine ! Le Christ expulse l’esprit maléfique de la femme malade, lui se met en colère parce qu’il a été chassé par cette porte plutôt que par telle autre ! Le Christ ouvre le ciel aux hommes et montre le Dieu vivant, lui s’insurge parce qu’il a ouvert le ciel le matin et non le soir ! Le Christ pénètre avec une bougie dans la geôle des captifs, lui Le réprimande de ne pas avoir remis cela à un autre jour ! En vérité, ce chef de la synagogue est un thaumaturge d’une espèce particulière ! Les excentricités imaginées à cet instant en son cœur étaient effrayantes, mais il lui manquait le pouvoir de les accomplir. En cet instant, s’il avait pu, il aurait transformé le Christ, la femme qui venait d’être guérie et toute l’assistance, en cendres et filmées. S’il avait pu, il aurait ordonné que la moitié de cette ville fût engloutie sous terre, dans le seul but que ne se produisît pas ce qui venait d’avoir lieu en sa présence impuissante et maléfique. Toutes ces excentricités sataniques gisaient sans force dans son cœur, parvenant à peine à se faufiler du cœur à la bouche et à révéler leur identité. Leur prénom était Satan et leur nom patronymique, l’Enfer. Voyez comme l’égoïsme se trouve lâchement et perfidement humilié ! Ce chef de la synagogue n’ose pas réprimander le Christ, mais blâme le peuple. Au fond de son cœur, il réprimande le Christ et non le peuple, mais en paroles, il se comporte autrement. Car en quoi le peuple est-il coupable ? Si quelqu’un est encore à l’origine de cette bonne action, il s’agit de la femme courbée. Mais de quoi cette malheureuse femme serait-elle coupable ? Elle n’a pas couru à la suite du Christ et n’a pas imploré qu’il la guérisse. Au contraire, c’est le Christ qui l’a appelée et l’a guérie complètement, au-delà de tout espoir quelle pût avoir et au-delà des attentes de l’assistance. Il est évident que si quelqu’un est coupable de quoi que ce soit, c’est le Christ. Cependant, le chef de la synagogue n’ose pas regarder le Christ dans les yeux et Lui dire : c’est toi le coupable ! Il pointe son dard sur tout le peuple et le réprimande. Y a-t-il un exemple plus évident et plus lâche d’hypocrisie ? C’est pourquoi le Seigneur le traite d’hypocrite : Mais le Seigneur lui répondit: «Hypocrites! chacun de vous, le sabbat, ne délie-t-il pas de la crèche son bœuf ou son âne pour le mener boire ? Et cette fille d’Abraham, que Satan a liée voici dix-huit ans, il n’eût pas fallu la délier de ce lien le jour du sabbat!» (Lc 13, 15-16). Le Seigneur connaît les cœurs humains, Il sait donc que, dans son cœur, le chef de la synagogue Lui fait une réprimande, bien qu’en paroles c’est au peuple qu’il l’adresse. Le sachant, le Seigneur ne peut tolérer que le peuple endure le blâme dont Lui-même est seul responsable. Plus lumineux que le soleil et plus pur que le cristal, le Seigneur ne peut être hypocrite, c’est-à-dire se montrer maladroit et se taire quand quelqu’un d’autre se trouve morigéné à cause de Lui. Et c’est pourquoi, alors que le peuple impuissant et irresponsable se tait et endure des reproches injustes de la part du chef de la synagogue, le Seigneur prend la parole et réplique en traitant celui-ci d’hypocrite, car II lit dans son cœur. Comment peut-on s’occuper le samedi du bétail et ne pas aussi prendre soin des hommes ? Le bœuf et l’âne ne restent pas un seul jour sans être déliés de la crèche et conduits de l’ombre à la lumière et à l’air libre, alors que cette femme est restée liée pendant dix-huit ans par la malédiction de Satan, et tu t’insurges parce qu’on lui a donné, à elle aussi, la liberté ? En vérité, Satan t’a lié autant quelle. Elle, il lui a lié la tête aux genoux, alors que toi, c’est ton âme qui a été liée au samedi. Elle a été déliée, mais toi, tu es resté lié. Pourquoi ne te délies-tu pas ? Le sabbat a été donné aux hommes afin de se souvenir de Dieu plus que les autres jours. Est-ce que l’acte de guérison de cette femme ne rappelle pas Dieu plus que ce sabbat et que tous les sabbats, de Moïse à ce jour? Cet acte n’est-il pas plus grand que le sabbat? Et ne vois-tu donc pas que se trouve ici Celui qui est plus grand que le sabbat ? et non seulement que le samedi mais que l’Église elle-même (Mt 12, 6) ? Ne sens-tu pas, ô petit chef de synagogue, que devant toi se tient le Chef de toutes les âmes humaines. Ah, si tu savais que tous les jours et toutes les nuits s’unissent rapidement sous Son regard devant le même accès à l’éternité !
Mais voici que le Seigneur accorde une autre faveur à cette femme affligée: Il l’appelle «fille d’Abraham»! Il veut ainsi non seulement souligner la grandeur de l’âme humaine vivante en général, par rapport aux créatures dépourvues de conscience comme le bœuf et l’âne, mais aussi montrer la noblesse de cette femme courbée et liée par rapport au chef hypocrite de la synagogue. Cette femme était pieuse et vivait dans la crainte de Dieu; cela est attesté d’abord par le fait qu’en dépit de sa difformité horrible, elle s’efforçait de venir à la synagogue écouter la parole divine et prier Dieu; puis par le fait qu’aussitôt après sa guérison, elle se mit à louer Dieu. C’est ainsi que l’ancêtre Abraham fut reconnaissant à Dieu pour tout bienfait, et plein d’abnégation dans ses souffrances, et cela sans marquer le moindre abattement dans sa foi en Dieu. Elle était donc une fille véritable d’Abraham, non seulement par le sang mais aussi par l’abnégation et la piété; elle était même une fille d’Abraham plus fidèle que ce chef de synagogue, qui tirait pourtant orgueil comme tous les autres chefs juifs de sa filiation à Abraham. En fait, il était traître par rapport à Abraham, alors que cette femme était une fille véritable d’Abraham. Comment donc ne pas lui venir en aide ? En quoi le samedi serait-il gênant à cet égard? Le sabbat a été établi comme jour de repos pour l’homme. Mais II s’est reposé le septième jour, c’est pourquoi le Seigneur a béni le jour du sabbat et l’a consacré (Ex 20, 11). L’âme n’a-t-elle pas aussi besoin de repos, comme le corps? Or l’âme ne se repose pas en ne faisant rien ou en étant couchée comme le corps, mais en faisant de bonnes actions, des actes de miséricorde agréables à Dieu. Tel est le repos véritable de l’âme, car cela conforte sa bonne santé et augmente sa force et sa joie. Il est indubitable qu’il faut, les jours de fêtes, faire du bien aussi au bétail, et a fortiori aux hommes. Le Seigneur n’interdit pas de prendre soin, les jours de fêtes, du bœuf et de l’âne, de les délier et de les amener à l’abreuvoir, mais II ordonne a fortiori de faire du bien aux hommes. Tel est le sens de la célébration du septième jour, tel était l’esprit de la loi divine. Dans leurs ténèbres spirituelles et leur déchéance morale, les chefs religieux juifs n’étaient plus capables que de regarder la lettre de la loi, et de la vénérer. Ainsi, au lieu d’être un guide sur le chemin
de la vie, la loi setait transformée en un cadavre qu’on traînait derrière soi. Au lieu que la loi soit une bougie enflammée dans l’ombre, elle était semblable à des cendres éteintes dans un récipient d’or devant lequel ils se prosternaient comme jadis leurs ancêtres devant le veau d’or. Mais dans cette circonstance, ce n’est pas sa ferveur devant la loi qui avait déchaîné la colère du chef de la synagogue contre le Christ, mais son égoïsme maladif. Comment se pouvait-il que quelqu’un pût se montrer plus fort, plus sage et plus miséricordieux que lui dans la synagogue ? Il prétend faire preuve de zèle à l’égard de la loi de Dieu, mais distille en fait du venin propagé par son cœur blessé ! Et c’est pourquoi le Christ l’appelle hypocrite.
Par Sa réponse, tranchante comme l’épée et lumineuse comme le soleil, le Seigneur a fait taire et a couvert de honte non seulement le chef de la synagogue mais aussi tous Ses adversaires.
Comme Il disait cela, tous Ses adversaires étaient remplis de confusion, tandis que toute la foule était dans la joie de toutes les choses magnifiques qui arrivaient par Lui (Lc 13,17). Comme il est facile de défendre une action philanthropique! Dieu se tient derrière un tel acte comme témoin et protecteur, et une bonne action confère une éloquence irrésistible à la parole. Connaissant tous les mystères du ciel et de la terre, le Seigneur Jésus connaissait aussi ce mystère, qui fait douter les gens de peu de foi, toujours en quête d’avocats, qu’il s’agisse d’une bonne ou d’une mauvaise chose. C’est pourquoi le Seigneur conseille à Ses disciples, quand ils se trouvent traduits devant les tribunaux et les monarques, de ne pas faire attention à leur façon de répondre, car le Saint-Esprit vous enseignera à cette heure même ce qu’il faut dire (Lc 12,11-12 ; Mt 10,19-20) ! Regardez comme l’archidiacre Étienne répond à ses persécuteurs! Et comment répondent les anciens pêcheurs, Pierre et Jean ! Et l’apôtre Paul ! Les hommes qui s’instruisent à partir de livres ne répondent pas ainsi, mais seulement ceux qui sont instruits par l’Esprit de Dieu. Les avocats et les êtres mortels en général, ne s’expriment pas ainsi – seul Dieu parle ainsi. Déjà un roi très sage avait jadis affirmé prophétiquement une vérité évangélique en disant: A l’homme les projets du cœur, du Seigneur vient la réponse (Pr 16,1). La réponse du Christ au chef de la synagogue était telle qu’elle a rendu honteux cet adversaire, mais a amené la joie au sein de tout le peuple. Le peuple se réjouit car il voit dans Ses paroles, l’éclair de la victoire du bien sur le mal, de même qu’il l’avait vue auparavant dans le miracle accompli sur la femme courbée, comme dans bien d’autres de Ses œuvres. Toute la foule était dans la joie de toutes les choses magnifiques qui arrivaient par lui. À peine une action magnifique était-elle accomplie et annoncée qu’une autre se produisait, puis une autre encore, et ainsi de suite. Un miracle venait en confirmer un autre ; chacun d eux témoignait de l’authenticité du précédent ; et tous ces miracles ensemble suscitaient la joie au milieu de ceux qui en étaient privés et apportaient l’espérance au milieu de ceux qui en étaient dépourvus, confortant la foi de ceux qui en avaient peu, fortifiant ceux qui étaient sur le chemin du bien, dissuadant les égarés de continuer à errer et encourageant de tous côtés les hommes à parler entre eux et à proclamer que Dieu avait rendu visite à Son peuple et que le Royaume de Dieu était proche.
L’évangile de ce jour est suffisamment édifiant, même si on le lit de façon superficielle ; mais il contient aussi une portée intérieure extrêmement instructive pour notre vie spirituelle. La femme courbée représente l’esprit courbé de tous ceux qui ne se tiennent pas près du Christ Seigneur. Ayant un esprit courbé, l’homme ne peut avec ses propres forces se redresser vers Dieu et le ciel ; il ne cesse de ramper sur la terre, se nourrissant de la terre, s’instruisant dans la terre et faisant tristement la fête avec elle. Un esprit courbé est en même temps un esprit étroit et limité, car il s’est rendu dépendant des sens; il ne croit qu’aux sens; il recherche ses origines parmi les animaux ; il recherche son plaisir dans la nourriture et la boisson, il ne connaît pas Dieu, le monde spirituel et la vie éternelle ; il ne connaît donc pas la joie supérieure, céleste ; il est désespéré, peureux, plein de tourments, de tristesse et de méchanceté. Le Seigneur Jésus appelle à Lui un tel esprit, afin de le redresser, de l’éduquer et de lui donner de la joie. S’il vient rapidement à Lui comme cette femme courbée, il se redressera vraiment, sera instruit et rempli de joie, louant et glorifiant Dieu de toutes ses forces. Mais s’il ne s’approche pas de Lui, il sombrera complètement et mourra dans son péché, comme le Seigneur l’avait dit aux Juifs incrédules: Vous mourrez dans votre péché (Jn 8, 21). C’est ce qui se produit avec les esprits sensoriels, terrestres, courbés jusqu’au sol, rampant par terre. Mais la situation riest pas meilleure en ce qui concerne les esprits pusillanimes et affaiblis par le péché, qui ne croient pas que ce qu’ils tiennent pour la vérité est la vérité et qui n’ont pas la force de se débarrasser du mensonge et d’adhérer à la Vérité. Et quand ils entendent l’appel de la Vérité, ils trouvent aussitôt un prétexte en disant : aujourd’hui, c’est le sabbat, je ne peux pas, tu ne m’as pas invité le bon jour! Ou: ton invitation est sèche, je ne peux pas, tu aurais dû m’inviter en utilisant d’autres mots! Ou: je suis jeune et exubérant, je ne peux pas, tu aurais dû retarder ton invitation que je me sois un peu amusé avec le mensonge ! Ou : j’ai une femme et des enfants, je ne peux pas, tu aurais dû d’abord prendre soin d’eux et m’inviter seulement après ! Ou encore bien d’autres prétextes ! Un esprit affaibli trouvera toujours un motif dérisoire pour ne pas aller à la rencontre de la Vérité. La Vérité crie une fois, deux fois, trois fois, puis s’en va, tandis que l’esprit affaibli reste rampant dans la poussière et mourant dans le péché. Pour celui qui, sa vie durant, a rejeté l’appel de la vérité, la mort viendra à l’improviste, s’emparera de lui et fermera derrière lui les portes de la vie terrestre ; celui-là sera alors dans l’impossibilité de revenir dans cette vie, de se repentir dans l’autre et d’obtenir miséricorde lors du Jugement de Dieu.
Or la mort est proche, le Jugement de Dieu est proche – deux rappels terribles pour que notre repentir soit proche. Si notre repentir n’est pas plus proche et plus rapide que la mort et le Jugement de Dieu, alors il sera toujours éloigné de nous. Maintenant, il est entre nos mains et nous pouvons y avoir recours encore peu de temps. Hâtons-nous donc de nous repentir, car il s’agit du tout premier remède pour l’âme humaine. Repentons-nous seulement, et alors s’ouvriront les portes suivantes et on nous dira ce qu’on doit faire par la suite. Tant que l’homme demeure dans ce corps mortel, son esprit reste toujours plus ou moins courbé. Mais le Christ appelle tous ceux qui ont l’esprit, l’âme et la raison courbés. Lui seul peut redresser ce que ce monde a courbé avec les forces infernales. Homme ! Femme ! Enfant ! Il nous appelle en nous nommant ainsi afin d’élever notre dignité et de recouvrir nos noms véritables de pécheurs honteux – aveugles, infirmes, lépreux, mendiants – afin de réparer les trompettes de l’esprit devenues muettes et pleines de boue, les purifier et en faire des trompettes sonores à la gloire de Dieu. Afin qu’en sonnant la gloire de Dieu, nous soyons nous aussi glorifiés au royaume des anges lumineux et des saints célébrés dans le ciel, dans le royaume du Christ notre Dieu. Gloire et louange à Lui, avec le Père et le Saint-Esprit, Trinité unique et indissociable, maintenant et toujours, de tout temps et de toute éternité. Amen.