”Convoqué par le pieux empereur Justinien (cf. 14 nov.), qui avait donné pour but à son règne la réconciliation des Églises cruellement divisées depuis le Concile de Chalcédoine, le Cinquième saint Concile Œcuménique réunit à Constantinople, du 5 mai au 2 juin 553, 165 évêques, sous la présidence du Patriarche saint Eutyche (cf. 6 av.). L’objet immédiat de cette assemblée était de régler l’affaire des Trois-Chapitres, c’est-à-dire Théodore de Mopsueste († 428), son ami le brillant Théodoret de Cyr et leur disciple Ibas d’Édesse.
Grandement honoré en Orient pour ses commentaires de l’Écriture sainte, Théodore de Mopsueste était le chef de file de l’École d’Antioche. Mais, ayant laissé dans sa théologie une part exagérée à la spéculation rationnelle et aux axiomes de la philosophie d’Aristote, il en était venu à rejeter la possibilité d’une union réelle du créé et de l’incréé dans la Personne du Christ. Pour lui, le Verbe n’était pas « devenu » homme, mais la volonté humaine était unie en Lui à la volonté divine, préservant la distinction des deux natures, et donc de deux « personnes »; c’est pourquoi il était considéré comme le « père du nestorianisme ». Après la condamnation de Nestorius par le Concile d’Éphèse (431), les partisans de ce dernier s’étaient tournés vers les écrits de Théodore, mort dans la paix de l’Église, pour interpréter le dogme christologique. Saint Cyrille d’Alexandrie, bien qu’ayant écrit contre lui, était cependant intervenu auprès de saint Proclus pour ne pas exiger la condamnation de ces écrits, afin de préserver la paix de l’Église si douloureusement acquise (438). Mais Eutychès, repoussant cette attitude conciliante, était parvenu, grâce à ses intrigues, à faire entériner le monophysisme par le Brigandage d’Éphèse (449), au cours duquel furent condamnés les deux principaux disciples de Théodore et représentants de sa tendance théologique : Théodoret et Ibas.
Lors du Concile de Chalcédoine (451) Théodoret et Ibas, après de longues tergiversations, acceptèrent de jeter l’anathème sur Nestorius et furent rétablis dans la communion de l’Église. Par la suite, l’interprétation et la réception du Quatrième Concile Œcuménique donnèrent lieu à de nouvelles dissensions qui se cristallisèrent sur la question des Trois-Chapitres. Les mesures politiques prises par l’empereur Zénon (l' »Hénotikon ») et le Patriarche Acace pour se concilier les opposants du Concile, échouèrent lamentablement et provoquèrent même un schisme de quarante ans (484-519) entre l’Orient et l’Occident qui, par un attachement étroit à la lettre du Concile, s’était fait le défenseur des Trois-Chapitres.
L’empereur Justin ayant mis un terme à ce schisme, Justinien, décidé à combattre la tendance nestorianisante dans l’interprétation du dogme de Chalcédoine, édita un décret contre les Trois- Chapitres, qui provoqua à nouveau de violentes réactions en Occident (545). Convoqué à Constantinople, le Pape Vigile déclara, dès son arrivée, qu’il rompait la communion avec le Patriarche saint Mènas (cf. 25 août), lequel répliqua par la même sentence. Après de nombreuses tractations, Vigile accepta de se réconcilier avec Mènas et édita un document (Judicatum) qui condamnait les Trois-Chapitres. Ce document fut considéré comme une trahison par les Églises d’Afrique et d’Aquilée, qui provoquèrent une longue et pénible division au sein de l’Église occidentale, et l’Orient, de son côté, le trouva trop tiède.
Comme on avait décidé de réunir un Concile Œcuménique pour mettre un terme à cette querelle, Justinien édita une Confession de Foi, dans laquelle il faisait sienne les expressions caractéristiques de la théologie de saint Cyrille, combattue par les partisans occidentaux des Trois-Chapitres (551). Le Pape Vigile rejeta ce document et ne cessa dès lors de mettre des obstacles à la réunion du Concile. L’ouverture de ce dernier ayant été de plus retardée par la mort de saint Mènas, lorsque les Pères commencèrent les sessions, sous la présidence de son successeur, saint Eutyche, en confessant leur tristesse devant l’opposition du Pape, Vigile déclara qu’il soutenait pleinement l’orthodoxie de Théodoret et d’Ibas. Au cours de sa huitième session, le Concile procéda néanmoins à la condamnation des Trois-Chapitres [Il faut cependant remarquer que, si la personne et les écrits de Théodore de Mopsueste furent condamnés, le Concile fit une claire distinction entre les écrits de Théodoret dirigés contre S. Cyrille et sa personne, dont l’orthodoxie fut reconnue. Honoré en particulier pour ses commentaires de l’Écriture Sainte, il est couramment désigné par l’épithète « bienheureux », comme S. Augustin.] et jeta l’anathème sur tous ceux qui les défendraient, mais sans condamner nominalement le Pape. En décembre, Vigile se soumit aux décisions du Concile, mais ce n’est que presque deux ans plus tard qu’il condamna à son tour les Trois-Chapitres (555). [Après la mort de Vigile, sur le chemin du retour vers Rome, l’affaire des Trois-Chapitres continua de susciter des dissensions en Occident, et ce ne fut qu’au concile du Latran, en 649, que le Cinquième Concile fut reconnu comme œcuménique.]
Lors d’une conférence préconciliaire, les Pères condamnèrent d’autre part la doctrine d’Origène [Plus que la véritable doctrine d’Origène, il s’agissait de l' »origénisme », issu de la systématisation de certaines idées audacieuses du grand maître alexandrin par Évagre le Pontique. Origène, que tous les Pères de l’Église ont lu, était lui-même plus réservé. Il avait souci de se soumettre à la doctrine de l’Église, et nombre de ces propositions se trouvent contredites par d’autres passages de son œuvre], d’Évagre et de Didyme d’Alexandrie sur la préexistence des âmes, leur chute dans le corps et la « restauration universelle » (apocatastase), qui revenait à renier la liberté humaine. [Ces divisions, qui suscitaient de violents et cruels conflits parmi les moines de Palestine, avaient été l’occasion d’une visite de S. Sabas le Sanctifié à la cour de Justinien (cf. 5 déc).]
Ayant donc évité le schisme entre l’Orient et l’Occident, le saint Concile de Constantinople mit un terme au courant nestorianiste par sa condamnation de toutes les propositions hérétiques de Théodore de Mopsueste, et il confessa la pleine conformité du Concile de Chalcédoine avec la foi confessée par le Troisième Concile Œcuménique d’Éphèse. Il est avec raison considéré comme concile « ecclésiastique par excellence », car rejetant la spéculation philosophique dans les questions de dogme (que ce soit sous la forme rationaliste et aristotélicienne de Théodore de Mopsueste ou sous celle du néoplatonisme spiritualisant de l’origénisme), il affirmait que l’Église a son mode propre — apostolique — d’interprétation du Mystère du Christ, grâce auquel elle sauvegarde l’intégrité de la liberté humaine et sa possibilité d’être pleinement unie à Dieu dans la personne du Sauveur.