”Lorsqu’il plut au Christ notre Dieu de rappeler à Lui sa Mère, Il envoya un Ange [Selon certains, il s’agit de l’Archange Gabriel, comme lors de l’Annonciation. On suppose que cet événement eut lieu environ onze ans après la Résurrection du Christ, la Mère de Dieu étant âgée de cinquante-neuf ans], trois jours à l’avance, pour lui annoncer cette nouvelle. En s’approchant, l’Ange dit à la Pleine de Grâce : « Voici ce que déclare ton Fils : « le temps est venu de rappeler auprès de Moi ma Mère. » Ne te troubles pas à cette nouvelle, mais réjouis-toi plutôt, car tu vas partir vers la vie éternelle. » Accueillant ce message avec grande joie, la Mère de Dieu, emplie du désir ardent de s’élever vers son Fils, se rendit au Mont des Oliviers pour y prier dans la quiétude, ainsi qu’elle le faisait souvent. Il se produisit alors un miracle étonnant : au moment où la Toute-Sainte atteignait le sommet de la colline, les arbres qui s’y trouvaient plantés inclinèrent leur ramure, se prosternant et rendant gloire à la Souveraine du monde, tels des serviteurs doués de raison. Après avoir prié, la Toute-Sainte retourna chez elle, sur le mont Sion [ Selon de nombreux auteurs, elle demeurait dans la maison de S. Jean le Théologien à Sion]. Comme elle entrait dans la maison, tout se mit soudain à trembler.
Rendant grâces à Dieu, elle fit éclairer la demeure, et appeler ses parents et ses voisins. Elle mit elle-même tout en ordre, arrangea son lit funèbre et ordonna de préparer ce qui était nécessaire pour les funérailles. Aux femmes qui étaient venues à son appel, elle révéla la nouvelle de son départ vers le Ciel et, en guise de preuve, elle leur remit la branche de palmier, symbole de victoire et d’incorruptibilité, que l’Ange lui avait donnée. Encore attachées par les liens de ce monde, ses compagnes reçurent cette nouvelle avec force larmes et gémissements, suppliant la Mère de Dieu de ne pas les laisser orphelines. Celle-ci les rassura : certes, elle partait vers le Ciel, mais elle n’en continuerait pas moins à les protéger, elles et le monde entier, par sa prière. À ces paroles, les femmes cessèrent leurs pleurs et s’empressèrent de faire les préparatifs. La Toute-Sainte ordonna en outre de donner les deux seules robes qu’elle possédait aux deux pauvres veuves qui étaient ses compagnes habituelles et ses amies. [Cf. le récit de la déposition de la Robe de la Mère de Dieu, le 2 juil.] À peine avait-elle prononcé ces paroles, que la maison fut de nouveau ébranlée par un bruit semblable à celui du tonnerre, et elle se trouva remplie de nuées qui amenaient les Apôtres, rassemblés de toutes les extrémités du monde. C’était donc toute l’Église qui, en leurs personnes, était mystiquement présente pour célébrer les funérailles de sa Souveraine. Au chœur des Apôtres s’était joint celui des saints hiérarques, tels que saint Hiérothée (cf. 4 oct.), saint Denys l’Aréopagite (cf. 3 oct.) et saint Timothée (cf. 22 janv.) [Détail rapporté dans les œuvres attribuées à S. Denys l’Aréopagite, Noms Divins 3, 2 (PG 3, 681-684)]. Les yeux pleins de larmes, ils dirent à la Mère de Dieu : « Si tu demeurais dans le monde et vivais parmi nous, nous en aurions, bien sûr, une grande consolation, ô Souveraine : ce serait comme si nous voyions ton Fils et notre Maître. Mais puisque maintenant, c’est selon Sa volonté que tu vas être transportée au Ciel, nous nous lamentons et pleurons, comme tu le vois. Mais nous nous réjouissons cependant de tout ce qui a été disposé pour toi. » Elle leur répondit: « Ô Disciples et amis de mon Fils et de mon Dieu, ne transformez pas ma joie en tristesse, mais ensevelissez mon corps et gardez-le dans la position que je prendrai sur mon lit de mort. » À ces mots, arriva à son tour sur les lieux le Vase d’Élection, saint Paul.
Il se jeta aux pieds de la Toute-Sainte pour la vénérer et lui adressa cette louange : « Réjouis-Toi, Mère de la Vie et objet de ma prédication. Car, quoique je n’aie point vu le Christ corporellement, en te voyant, c’est Lui-même que je crois contempler. » Après avoir fait ses derniers adieux à tous les assistants, la Toute-Immaculée s’allongea elle-même sur son lit de mort, disposant son corps comme elle le voulait, et elle offrit d’ardentes prières à son Fils pour la conservation et la paix du monde entier. Puis, ayant donné sa bénédiction aux Apôtres et aux hiérarques, souriante, elle remit paisiblement son âme, blanche et plus resplendissante que toute lumière, entre les mains de son Fils et de son Dieu, qui était apparu en compagnie de l’Archange Michel et d’une troupe angélique. Sa mort s’accomplit en effet sans souffrances ni angoisse, de même que son enfantement avait eu lieu sans douleurs. Pierre, le Coryphée des Apôtres, entonna alors l’hymne funèbre et ses compagnons soulevèrent la litière, précédés par d’autres assistants qui portaient des flambeaux et accompagnaient le cortège de leurs chants, avec à leur tête saint Jean le Théologien tenant en main la palme de victoire, et suivis en silence par la foule des disciples. On pouvait aussi entendre les anges, qui joignaient leurs voix à celles des hommes, de sorte que le ciel et la terre étaient tout remplis de cette thrène en l’honneur de la Souveraine du monde. L’air se trouva purifié par l’ascension de son âme, la terre allait être sanctifiée par la déposition de son corps, et de nombreux malades recouvrèrent alors la santé. Ne pouvant supporter ce spectacle, les chefs des Juifs excitèrent des gens du peuple et les envoyèrent renverser la litière sur laquelle reposait le corps vivifiant. Mais la justice divine devança leur sombre dessein, et ils furent tous frappés d’aveuglement. L’un d’eux, le prêtre Jéphonias qui, plus audacieux, était parvenu à saisir la sainte couche, eut en plus les deux mains coupées à la hauteur du coude par le glaive de la colère divine, et ses bras mutilés restèrent accrochés au lit, offrant un spectacle pitoyable. Porté au repentir par ce châtiment, Jéphonias adhéra de tout son cœur à la foi ; et à la parole de Pierre, il se trouva guéri et devint pour ses compagnons un instrument de salut et de guérison. En effet, comme on lui avait remis un rameau de la palme de la Mère de Dieu, il l’appliqua sur les yeux de ses compagnons, et les guérit tout à la fois de leur cécité corporelle et de leur aveuglement spirituel.
Parvenus au jardin de Gethsémani, les Apôtres ensevelirent le corps très saint de la Mère de Dieu et demeurèrent là pendant trois jours, leurs prières étant sans cesse accompagnées des hymnes angéliques. [On raconte qu’au retour des funérailles, les Apôtres se rassemblèrent pour un repas fraternel et qu’à la place du Christ, ils déposèrent un morceau de pain en forme de triangle. Mais au moment de l’élever en invoquant le Nom du Christ, comme ils en avaient coutume, ils entendirent du haut du ciel, la Toute-Sainte dire : « Réjouissez-vous, car je suis avec vous jusqu’à la fin des jours! » Tout à leur joie, les Apôtres s’écrièrent alors d’une seule voix : « Très sainte Mère de Dieu, sauve-nous! » C’est l’origine de l’office de l’Élévation de la Panaghia, célébré dans les monastères à l’issue du repas les jours de fêtes (cf. Grand Horologe).] Conformément à une divine disposition de la Providence, l’un des Apôtres (Thomas selon certains) ne se trouvait pas aux funérailles. Il n’arriva à Gethsémani que le troisième jour et ne pouvait se consoler de n’avoir pu contempler une dernière fois le corps déifié de la Toute-Sainte. Aussi, d’un commun accord, les autres Apôtres décidèrent-ils d’ouvrir le tombeau, afin qu’il puisse vénérer le saint corps. Une fois qu’on eut enlevé la pierre qui en fermait l’entrée, ils restèrent tous saisis de stupeur en constatant que le corps avait disparu et que seul le suaire qui l’enveloppait restait là, vide, mais gardant la forme du corps.
C’était une preuve irréfutable du transfert au Ciel de la Mère de Dieu, c’est-à-dire de sa résurrection et de l’ascension de son corps, de nouveau réuni à son âme, au-delà des cieux, dans l’intimité de son Fils, pour être notre représentante et notre avocate auprès de Dieu. [D’après l’apocryphe du Pseudo-Jean, le corps de la sainte Vierge aurait d’abord été transféré au Paradis, auprès de l’Arbre de vie, et c’est là que l’Archange Michel serait venu y introduire de nouveau son âme. Les saints Pères ont cependant répugné à sonder ou à dogmatiser sur cette question, qui reste un objet de piété de l’Église et non de définitions théologiques. Es ont préféré contempler dans ce mystère du « transfert » (Metastasiv) au Ciel de la Mère de Dieu, l’achèvement de l’œuvre du Rédempteur par la « co-résurrection » et la « co-glorification » de la sainte Vierge, en réservant cependant le terme de « résurrection » (Anastasiv) à celle du Sauveur. Le terme d' »Assomption », quant à lui, récemment adopté comme dogme par l’Église Catholique Romaine (1950), en tant que corollaire de celui de l' »Immaculée Conception » (1854), laisse supposer de manière ambiguë que la Mère de Dieu, ayant été mise à part de l’héritage d’Adam (le péché originel et sa conséquence, la mort) ne serait pas morte, mais aurait été directement emportée, corps et âme, au Ciel.] Marie, « fille d’Adam », mais devenue véritablement « Mère de Dieu » et « Mère de la Vie » en enfantant celui qui est la Vie substantielle (Jn 14, 6), est donc passée par la mort. Mais sa mort n’est en rien déshonorante, car, vaincue par le Christ, qui s’y est soumis volontairement pour notre Salut, la condamnation d’Adam est devenue « mort vivifiante » et principe d’une existence nouvelle.
Et le tombeau de Gethsémani, de même que le saint Sépulcre, est apparu comme une « chambre nuptiale », où se sont accomplies les noces de l’incorruptibilité. Il convenait en effet que, conforme en tout au Christ-Sauveur, la très sainte Vierge passe par toutes les voies que le Christ a empruntées pour répandre la sanctification en notre nature. Après l’avoir suivi dans sa Passion et avoir « vu » sa Résurrection, elle a donc fait l’expérience de la mort. Dès qu’elle se sépara de son corps, son âme très pure se trouva unie à la Lumière divine, et son corps, étant resté peu de temps en terre, ressuscita bientôt, par la grâce du Christ ressuscité. Ce « corps spirituel » fut reçu au Ciel comme le tabernacle du Dieu-Homme, comme le trône de Dieu. Il est la partie la plus éminente du Corps du Christ, et il a souvent été assimilé par les saints Pères à l’Église elle-même, la demeure de Dieu parmi les hommes, prémices de notre état futur et source de notre divinisation. Des entrailles très chastes de Marie, Mère de Dieu, le Royaume des Cieux nous a été ouvert, c’est pourquoi son transfert au Ciel est cause de joie pour tous les croyants qui ont ainsi acquis la garantie, qu’en sa personne, c’est toute la nature humaine, devenue porteuse du Christ, qui est appelée à habiter en Dieu.
[Comme c’est le cas pour les autres fêtes du cycle de la Mère de Dieu, la tradition liturgique et iconographique a largement emprunté aux apocryphes (Pseudo-Jean le Théologien et Pseudo-Méliton), en corrigeant leurs erreurs doctrinales. Primitivement célébrée au mois de janvier, à Jérusalem, cette fête fut fixée au 15 août et rendue obligatoire dans tout l’Orient par l’empereur Maurice (582-602). Elle acquit une large diffusion, grâce aux éloges que prononcèrent à cette occasion les Pères et grands orateurs ecclésiastiques : SS. André de Crète, Jean Damascène, Germain de Constantinople, Théodore Studite, Grégoire Palamas, etc.]