”Au temps du calife Abd al Malik, la paix et la tranquillité régnaient entre chrétiens, juifs et musulmans. [Abd al Malik (685-705) ne régna pas à Bagdad, mais à Damas. Il avait interdit à ses sujets de se rendre en pèlerinage à la Mecque, où son rival s’était proclamé calife, et il encouragea en contre-partie le pèlerinage à Jérusalem. C’est lui qui fonda alors, sur l’emplacement du Temple de Salomon, le prestigieux édifice improprement dénommé Mosquée d’Omar.] Jérusalem attirait des pèlerins venus du monde entier, et le calife y vint lui-même en pèlerinage accompagné d’une somptueuse escorte. Le saint martyr Michel, qui vivait au monastère de Saint-Sabas sous la direction d’un vieil ascète, originaire comme lui de Tibériade en Galilée, fut alors envoyé en ville par son ancien pour y vendre le produit de leur travail manuel. Il laissa ses bagages à l’hôtellerie dépendant de Saint-Sabas et alla vénérer le saint Sépulcre, puis il se rendit au marché. L’eunuque au service de Seïda, l’épouse du calife, l’aborda et l’emmena auprès de sa maîtresse, sous prétexte d’acheter ses produits. La perfide essaya d’attirer le jeune moine dans ses filets et, comme il résistait, tel un nouveau Joseph, et l’invectivait, elle le fit torturer. Puis elle l’envoya au calife, en l’accusant d’avoir voulu l’outrager. Le monarque, qui était savant et sage, admirant l’apparence ascétique du jeune moine, s’entretint avec lui de sujets concernant la religion et lui dit finalement : « Soumets-toi à moi, jeune homme, et je te considérerai comme mon fils. Admets seulement que Mohamed est prophète et apôtre. » Rempli du Saint-Esprit, le saint répliqua : « Mohamed n’est ni un apôtre ni un prophète, c’est un menteur! » À ces mots les Sarrasins furent remplis de honte, de colère et d’indignation, alors que les chrétiens se réjouissaient de voir le moine tenir tête au maître de l’univers. Le calife le menaça de le mettre à mort s’il refusait de se convertir, mais Michel répondit : « Ou bien tu me renvoies auprès de mon maître, ou bien tu m’envoies auprès du Christ, ou bien tu te feras chrétien comme moi. » Le calife fit placer le saint, pieds nus, sur un bassin de bain brûlant ; mais le feu s’éteignit et Michel resta indemne, le visage radieux. On le tira de là et le souverain ordonna d’apporter une fiole contenant un poison violent, nommé samsala. Le saint le but sans crainte et, par la puissance de Notre Seigneur Jésus-Christ, il n’en sentit aucun mal. Les Sarrasins s’écrièrent alors : « Si tu ne fais pas mourir ce moine sur-le- champ, c’est nous qui allons à notre perdition. » Le calife prononça alors la sentence de mort. Saint Michel fut conduit en dehors de la ville, et c’est en louant le Nom de la Sainte Trinité qu’il eut la tête tranchée. Malgré les résistances des habitants de Jérusalem, qui voulaient garder le corps du martyr, les moines de Saint-Sabas réussirent à le ramener à la Laure, précédés par une colonne de lumière qui était apparue. Les frères l’accueillirent, des cierges à la main, en chantant des hymnes en l’honneur des martyrs. Un moine, qui était cloué au lit par la maladie depuis trois ans, vint vénérer la sainte relique et fut aussitôt guéri.

[Ignorée des synaxaires grecs, la passion de S. Michel a été incluse dans la vie de S. Théodore d’Édesse. Mais la traduction géorgienne, conservée séparément à la date du 20 mars ou du 17 avril, montre que Michel n’était pas parent de Théodore et qu’il mourut vers 691. Le récit de sa passion y est mis dans la bouche de Théodore Abboukara, alors ermite à Saint-Sabas, ce qui a été probablement à l’origine de l’insertion de ce récit dans la biographie de Théodore d’Édesse.]