”Saints Boris et Gleb étaient les deux fils cadets du saint prince Vladimir, et ils s’étaient distingués depuis leur enfance par leur douceur et leur piété. Aussitôt après la mort de saint Vladimir (15 juillet 1015), leur aîné, Sviatopolk, qui était depuis longtemps jaloux de la faveur de ses deux jeunes frères, décida de se débarrasser d’eux pour s’emparer de leur part d’héritage. C’est en revenant d’une expédition victorieuse contre la peuplade païenne des Petchenègues que le jeune Boris apprit la nouvelle de la mort de son père et, en approchant de Kiev, il priait le Seigneur d’accueillir Vladimir dans le chœur des justes et se consolait en pensant que Sviatopolk serait désormais pour lui comme un père. Averti par un espion que Boris ne nourrissait aucun mauvais sentiment envers lui et qu’il n’avait nullement l’intention de lui disputer la succession, Sviatopolk persista néanmoins dans son intention de le faire périr. Il choisit les plus cruels de ses serviteurs et les envoya à la rencontre de son frère, leur donnant l’ordre de le surprendre pendant son sommeil. Boris fut prévenu des intentions de son frère, mais il ne put y croire et poursuivit son chemin avec l’innocence d’une brebis. Deux jours plus tard, on lui confirma le dessein de son aîné et on l’informa que son jeune frère Gleb avait quitté Kiev en bateau pour le rejoindre. Boris s’exclama : « Béni soit Dieu! Je ne m’enfuirai pas d’ici ni ne m’opposerai à mon frère aîné. Que la volonté de Dieu soit faite! » Les boïars et les soldats qui s’étaient mis librement à son service lui proposèrent d’investir la cité et d’en chasser Sviatopolk; mais Boris refusa et décida au contraire d’envoyer une supplique à son frère, implorant sa clémence, et de congédier ses troupes. Peu après, il apprit que les serviteurs de son frère avaient été aperçus à quelques heures de cheval du camp, près de la rivière Alta.
Saisi d’une crainte humaine, il se mit à prier : « Souverain, Seigneur Jésus-Christ, ne me laisse pas périr, mais étends Ton bras puissant sur moi, pécheur et misérable : délivre-moi de la fureur de ceux qui marchent contre moi; délivre-moi en cette heure, puisque Toi seul es le refuge des désespérés! » Resté seul avec son serviteur hongrois, Georges, pour attendre l’arrivée des meurtriers, il se retira dans sa tente et passa sa dernière nuit dans les larmes et la prière (24 juillet), et trouva un réconfort et un élan de courage en se rappelant le souvenir des saints martyrs tués par leurs parents : Nicétas, Vinceslas (cf. 28 sept.), Barbara (4 déc.).
À l’aube, il fit célébrer les matines par un prêtre, et se tournant vers une icône du Christ, il lui adressa cette supplique : « Seigneur Jésus-Christ, Toi qui as daigné apparaître sur la terre sous forme humaine et qui t’es laissé volontairement clouer sur la Croix, Toi qui as accepté la passion à cause de nos péchés, donne-moi aussi d’accepter la mienne. Je la reçois non de mes ennemis, mais de mon frère : Seigneur, ne la lui impute pas comme péché. » Les envoyés de Sviatopolk arrivèrent alors sur place, mais n’osant interrompre l’office, ils attendirent à l’extérieur de la tente qu’il fût terminé. L’office achevé, Boris, après avoir embrassé ses proches, s’étendit sur sa couche et attendit les meurtriers qui se précipitèrent dans la tente, tels des bêtes féroces. Son fidèle Georges essaya de s’interposer et de protéger son maître en le couvrant de son corps, mais il tomba sous les coups des meurtriers qui se ruèrent ensuite sur Boris. Le saint supplia son frère de lui laisser encore quelques instants pour prier Dieu, puis s’offrant aux lances comme un agneau innocent, il dit en pleurant : « Approchez, frères, et terminez votre office, et que la paix soit avec mon frère et avec vous. » Les hommes lui plongèrent alors leurs lances dans le corps, puis, le croyant mort, ils entreprirent de massacrer sa suite. Mortellement blessé, Boris se traîna à grand peine à l’extérieur de la tente et pria : « Je Te rends grâces, Seigneur, mon Dieu, de m’avoir accordé, tout indigne que je sois, de communier à la Passion de ton Fils. J’ai été blessé par les serviteurs de mon père, pardonne-leur leurs péchés, accorde-moi le repos en compagnie des saints. Car Tu es mon défenseur, Seigneur, et entre Tes mains je remets mon esprit. » Revenu sur ses pas, l’un des assassins acheva Boris. Son corps fut ensuite transporté dans l’église Saint-Basile à Vychégorod.
Dès qu’il eut appris la fuite de Gleb, Sviatopolk avait dépêché à sa poursuite des hommes sûrs, leur ordonnant de le mettre à mort. Voyant approcher ces embarcations, Gleb pria ses proches de ne pas résister et même de s’éloigner. Il pensait ainsi être capturé seul et conduit devant son frère qu’il espérait apitoyer, au risque de mourir seul à la place de tous. Mais, quand le danger devint imminent, le jeune prince prit peur et supplia le Seigneur de lui porter secours. Les envoyés de Sviatoplok arraisonnèrent l’embarcation de Gleb et, montant à bord, il ordonnèrent au cuisinier du prince, qui se tenait derrière lui, de l’égorger. Celui-ci saisit la tête de son maître qui se laissa faire, comme une brebis d’abattoir, et adressant une prière au Christ, il confessa que s’offrant au glaive de ses meurtriers, il participerait de cette manière à sa Passion salutaire. Triomphant ainsi de la peur de la mort et de la souffrance par le souvenir du Christ, il s’offrit sans résistance à son assassin qui le frappa à la tête et lui trancha la gorge. Les meurtriers emportèrent alors son corps et le dissimulèrent sous un arbre, puis ils revinrent à Kiev pour rendre compte de leur mission à Sviatopolk. Ce dernier, surnommé le « maudit », fut bientôt déposé par une révolte populaire, et son frère Iaroslav le Sage s’empara du pouvoir.
Cinq ans après la passion des deux frères, des chasseurs découvrirent dans la forêt un cadavre intact, qui resplendissait comme l’éclair. On comprit qu’il s’agissait du corps de saint Gleb, et le prince Iaroslav ayant été prévenu, il ordonna que le corps fût transporté à Vychégorod, afin d’y reposer à côté de celui de saint Boris. Leur culte fut bientôt reconnu par l’Église, et leur tombe devint un lieu de pèlerinage, attirant des foules immenses de fidèles qui venaient y trouver la guérison et le réconfort dans leurs afflictions.