”La bienheureuse Eupraxie était parente de l’empereur Théodose le Grand (379-395). Lorsque son père, le sénateur Antigone, mourut prématurément, sa mère confia l’enfant, alors âgée de six ans, à la protection de l’empereur qui la fiança aussitôt au fils d’un des sénateurs les plus éminents, reportant les noces au temps convenable. Mais la sainte, désireuse de préserver sa virginité pour la consacrer au Christ, s’enfuit immédiatement en Égypte avec sa mère qui voulait échapper à un remariage. Répandant aumônes et bienfaits de toutes sortes sur leur passage, elles rendirent visite aux saints ascètes et parvinrent en Thébaïde, dans un monastère où plus de cent trente moniales menaient la vie angélique. Admirant leur mode de vie, les deux nobles femmes renouvelèrent leur visite, jusqu’au jour où la jeune Eupraxie, désirant imiter leurs vertus, déclara à sa mère qu’elle voulait rester au monastère. Rien ne put la convaincre de renoncer à ce projet, malgré les avertissements de l’higoumène, Théodulie, qui évoquait la rigueur de leur vie, l’absence de tout confort, leur nourriture faite de légumes trempés et leur couché sur la dure. Constatant que sa décision était irrévocable, sa mère adressa une prière au Christ, pour lui offrir l’enfant, telle une fiancée, et après l’avoir remise à l’higoumène en émouvant toutes les sœurs par ses larmes, elle quitta l’Égypte pour parcourir l’Orient afin d’y distribuer ses biens. Après quelque temps, elle tomba malade et eut juste le temps de regagner le monastère de Thébaïde, où ayant délivré à sa fille ses dernières recommandations, elle s’endormit en paix.

Eupraxie s’empressa de distribuer le reste de la fortune que lui avait léguée sa mère, aux pauvres, aux monastères et aux églises d’Égypte, afin de poursuivre sans soucis sa vie ascétique. L’empereur ayant été informé de la mort de sa mère, et comme le fiancé de la riche héritière voulait hâter les noces, on la convoqua à Constantinople pour la célébration du mariage. Mais la sainte, alors âgée de douze ans, fit répondre au souverain qu’elle était désormais fiancée au Christ, et qu’elle ne pouvait abandonner son Époux céleste et immortel pour se livrer à un homme sujet à la mort. Elle conclut sa missive en priant l’empereur de distribuer aux pauvres les biens de ses parents, qui se trouvaient dans la capitale. Dès lors elle put se consacrer de toute son énergie au jeûne, à la veille et à la prière, contemplant en esprit son Époux bien-aimé, et se tendant vers Lui de toutes ses forces. Elle se nourrissait de pain et d’eau, tous les quatre jours, mais ne s’en trouvait pas moins disposée à remplir toutes les tâches pour le service des sœurs. Se trouvant assaillie par des pensées impures, elle accrut son jeûne et son travail, garnit sa couche de cendre et de pierres tranchantes ; et comme les tentations ne cessaient pas, elle passa quarante-cinq jours et quarante-cinq nuits debout et à jeun, en plein air, les mains tendues vers Dieu, en le suppliant de venir à son aide.

Voyant qu’il ne pourrait la vaincre par le combat de la chair, le diable attenta à sa vie, et la fit tomber dans un puits. Mais par l’invocation du Nom du Seigneur, Eupraxie surnagea et, agrippant la corde à laquelle était accroché le seau, elle put être remontée par les sœurs. Une autre fois, il la blessa au talon en faisant glisser de ses mains une hache et la fit tomber sur un morceau de bois qui lui érafla le visage près de l’œil. Mais rien ne pouvait vaincre sa résolution de se tenir en toute circonstance en présence du Seigneur et au service de la communauté. Une des moniales, Germaine, nourrissait de l’envie à l’égard de la bienheureuse, et lui reprochait de se livrer à ces combats ascétiques au-dessus de la norme pour s’attirer l’estime des sœurs et s’assurer la succession de l’higoumène. Eupraxie, devinant le nouveau piège du Malin, se jeta aux pieds de Germaine en lui demandant pardon. Et l’envieuse ayant été punie d’excommunication, elle intercéda auprès de l’higoumène pour obtenir son pardon et sa réintégration dans l’assemblée liturgique.

Lorsque la sainte eut atteint l’âge de vingt ans, ses combats pour la vertu lui avaient acquis une telle faveur auprès de Dieu, qu’elle reçut la grâce de faire des miracles : elle guérissait par sa prière les maladies des habitants de la région, qui venaient au monastère comme vers un havre de salut; elle rendit l’usage de ses membres à un enfant paralytique, et délivra, en la frappant du bâton pastoral de l’higoumène, une possédée que le démon rendait si enragée que personne n’osait l’approcher.

Quand elle eut trente ans, Dieu révéla à son higoumène que le moment était venu pour Eupraxie de partir vers le ciel, afin d’y être reçue dans la Chambre nuptiale par son Époux. Apprenant cette nouvelle et voyant que les sœurs fondaient en larmes, Eupraxie supplia le Seigneur de lui laisser le temps de se repentir. Puis, son higoumène l’ayant assurée qu’elle allait être enfin unie au Christ, auquel elle avait été consacrée depuis son enfance, la sainte tomba malade et fut transportée dans l’église, où toutes les sœurs vinrent lui donner un dernier baiser. Et vers le milieu de la nuit, elle remit son esprit au Christ, pour aller jouir éternellement de sa présence, avec les Vierges sages.