”Saint Gordius était centurion dans l’armée romaine à l’époque de la grande persécution de Dioclétien. Indigné de voir les traitements cruels infligés aux chrétiens de sa patrie, Césarée de Cappadoce, il jeta les signes de sa charge et gagna la région désertique des montagnes, préférant vivre en compagnie des animaux sauvages plutôt que de collaborer aux ignominies des idolâtres. Tel le prophète Élie réfugié au mont Horeb (I Rois 18), il purifia l’œil de son cœur par les jeûnes, les veilles, la prière et la constante méditation de la parole de Dieu, et obtint de voir Dieu autant qu’il est possible à l’homme.
Ainsi préparé au combat dans le désert, il descendit en ville, mû par le Saint-Esprit, un jour où toute la population était rassemblée dans l’amphithéâtre pour assister à des jeux en l’honneur du dieu Mars. Le juste, intrépide comme le lion (Proverbes 28, 1), descendit seul sur la piste et se mit à crier les paroles du prophète: «Je me suis laissé trouvé par ceux qui ne me cherchaient pas; je me suis présenté au grand jour à ceux qui ne me demandaient pas» (Isaïe 65, 2). La foule tumultueuse ayant fait silence, on présenta l’audacieux au gouverneur qui l’interrogea. Gordius déclina son identité, la raison de sa fuite dans la montagne et ajouta: «Comme j’ai entendu dire que tu es de tous les représentants de l’empereur le plus cruel, j’ai choisi ce moment pour venir ici réaliser mon désir». Au comble de la fureur le gouverneur le menaça de toutes sortes de tourments, mais pour toute réponse le saint lui répliqua: «De tout cela une seule chose m’attriste: c’est de ne pas pouvoir mourir plusieurs fois pour mon Christ! Le Seigneur est mon soutien, et je ne craindrai pas ce que l’homme peut me faire (Ps. 117, 6) »; et il encourageait les bourreaux à ne pas tarder à le revêtir du vêtement de lumière et à lui faire gagner la patrie céleste. Le diable envoya alors ses parents et ses amis pour essayer de le détourner de sa décision par leurs pleurs, leurs supplications, leurs bonnes raisons; mais il les repoussa en leur rappelant les terribles paroles du Seigneur adressées à ceux qui le renieraient devant les hommes (Match. 10, 23). «Pourquoi vouloir gagner quelques jours de vie sur terre en me privant de l’éternité, ajoutait-il. Tous les hommes sont mortels, mais peu participent à la gloire des martyrs; n’attendons pas de mourir, mais passons de cette vie passagère à la vie éternelle, en offrant volontairement à Dieu la mort à laquelle de toute manière nous n’échapperons pas». La sentence de mort ayant été prononcée, il fut emmené en dehors de la ville, suivi par toute la population; et, après s’être muni du signe de la Croix, il s’offrit aux bourreaux, comme s’il se remettait déjà entre les mains des Anges, et fut décapité.