”Né à Camproba, bourg de la région de Tirnovo (Bulgarie), dans une famille aisée, saint Onuphre, appelé Matthieu au saint baptême, reçut une solide éducation chrétienne. Un jour, vers l’âge de huit ans, comme il recevait une correction par ses parents pour une indiscipline, en présence de Turcs de la contrée, il s’écria pour se venger qu’il voulait devenir musulman. Heureusement, le soin attentif et les réprimandes de ses parents lui firent bien vite abandonner cette idée et, étant parvenu à l’âge requis, il décida même d’embrasser la vie monastique au monastère serbe de Chilandar sur le Mont Athos. Tonsuré sous le nom de Manassé et ordonné diacre, il montrait un grand zèle dans le jeûne, la prière et tous les labeurs de la vie ascétique, de telle sorte que, progressant dans la vertu et l’humilité, le souvenir du reniement prononcé dans son enfance en un moment d’égarement lui brûlait la conscience et l’amena au désir d’offrir sa vie en sacrifice au Seigneur pour obtenir son pardon. Plus l’amour de Dieu grandissait en lui, plus le désir du martyre se faisait pressant. Sans révéler son projet à personne, il se rendit à la skite de Saint Jean le Précurseur auprès de l’ancien Nicéphore, ascète réputé et père spirituel expérimenté, qui avait préparé au martyre quelque temps auparavant saints Euthyme, Ignace et Acace (voir au 1er mai).
Celui-ci lui donna une cellule, où il demeurait reclus, ne mangeant qu’un peu de pain tous les deux ou trois jours, faisait environ quatre mille prosternations de jour et de nuit, priait sans interruption, l’intelligence fixée dans son cœur, et versait des torrents de larmes. Au bout de quatre mois d’une telle préparation, comme son désir du martyre ne cessait de croître, en lui faisant oublier tout ce qui est de cette vie, l’Ancien le revêtit du saint et grand habit angélique sous le nom d’Onuphre et l’envoya accomplir son dessein, en compagnie d’un des frères, Grégoire du Péloponnèse, qui avait assisté les trois saints martyrs mentionnés plus haut dans leur ultime combat. Parvenu dans l’île de Chios, il s’isola d’abord pendant sept jours pour se préparer dans la prière et le jeûne, en lisant avec avidité le récit de la mort des néomartyrs qui l’avaient précédé. Saisi par la crainte humaine de la souffrance et tenté d’abandonner son projet, il fut alors réconforté par l’apparition d’un groupe de néomartyrs qui lui dirent: «Viens, car le Roi te demande!» puis, le premier janvier, par celle de saint Basile de Grand.
Tout en l’encourageant à persévérer dans sa résolution, Grégoire, en maître avisé, lui adressait injures et lourdes réprimandes pour l’affermir dans l’humilité avant de parvenir à l’humilité parfaite du Fils de Dieu qui s’est humilié pour nous jusqu’à la mort sur la Croix (voir Philippiens 2, 8). Le soir du Jeudi Saint, de même que le Seigneur était parti pour veiller au jardin des Oliviers avant d’être livré, Onuphre, après avoir communié aux Saints Mystères, s’oignit le corps, tel un athlète avant le combat, avec l’huile des veilleuses brûlant devant les icônes des néomartyrs, et passa le reste de la nuit en prière. À l’aurore, il se présenta au tribunal local revêtu du costume turc et, piétinant le turban blanc, signe distinctif des adeptes de Mahomet, il raconta son histoire et abjura l’Islam devant un grand nombre d’agas (juges). D’abord ahuris par une telle audace, les Turcs s’emparèrent du saint, le rudoyèrent, puis le jetèrent en prison, les pieds étroitement enserrés dans un étau. Comme sa résolution restait inébranlable, la sentence fut prononcée et aussitôt exécutée. Le saint parvint à attirer ses bourreaux jusqu’au lieu même où dix-sept ans auparavant le saint martyr Marc avait été décapité (voir sa mémoire le 5 juin), il s’agenouilla, courba docilement la nuque et expira après trois coups de glaive maladroitement assénés. Son corps et la terre imbibée de son sang furent jetés en hâte à la mer, de peur que les chrétiens ne viennent les vénérer.