”Saint Constantin naquit à Synades au sein d’une famille juive. Un jour, âgé de neuf ans, comme il se trouvait au marché en compagnie de sa mère, il remarqua un marchand chrétien qui, pris de fréquents baillements, se signait à chaque fois la bouche du signe de la Croix, comme c’est la coutume. L’enfant se mit à l’imiter, sans toutefois comprendre le sens de ce signe. Puis, répétant ce geste en toute occasion, cette sainte habitude remplit peu à peu toute son existence de la grâce du Christ. Imitant avec une ferveur et une foi croissantes les autres œuvres des Chrétiens qui le côtoyaient, le jeune garçon commençait à entendre en lui une voix mystérieuse qui lui murmurait les saints mystères du Christianisme, en attisant en son cœur un amour brûlant pour Notre Seigneur, dont il invoquait fréquemment le Nom. Soumettant son corps à une ascèse rigoureuse, il parvint même à demeurer plusieurs jours sans prendre aucune nourriture.
À la mort de sa mère, Saint Trophime, le protecteur de Synades, lui apparut pour le consoler et lui dit: «Mon enfant, ne pleure pas ta mère, ne deviens pas l’esclave de cette nature mortelle, toi qui a déjà reçu les arrhes de la Grâce!» Décidé à suivre désormais sans entrave le chemin que Dieu lui traçait, il s’enfuit en secret de sa patrie pour échapper au mariage auquel on le destinait, et se dirigea vers le Mont Olympe de Bythinie, ce haut lieu du monachisme au IXe siècle, guidé par une colonne de lumière. Il s’arrêta non loin de Nicée, au monastère de Phloubouté, où des moines éprouvés dans la vertu pratiquaient la vie ascétique. Comme il racontait son histoire à l’higoumène, celui-ci lui donna une croix à baiser pour éprouver sa sincérité. Quand il releva la tête, il portait le signe de la Croix gravé sur son front de manière indélébile. Baptisé sous le nom de Constantin —cet autre saint qui fut mené à la connaissance de la Vérité par l’apparition glorieuse de la sainte Croix (voir 21 mai)— ses pieds laissèrent une marque profonde sur le marbre du baptistère lorsqu’il sortit de l’eau. Dès lors, malgré son jeune âge, Constantin s’élança avec fougue dans l’arène des vertus et dépassa bientôt les moines les plus aguerris dans l’ascèse et surtout dans l’humilité. Partout où il s’arrêtait pour prier le lieu restait imprégné d’un suave parfum, les portes de l’église s’ouvraient d’elles-mêmes à son apparition et, grâce à la pureté de son âme, il acquit la capacité de pénétrer les secrets des cœurs. Ayant obtenu l’autorisation de poursuivre ses combats dans la solitude des pentes du Mont Olympe, à la suite de l’élection d’un nouvel higoumène, il fut rappelé au monastère comme fugitif et sévèrement châtié.
Un jour Saint Spyridon apparut à Constantin pendant sa prière, et lui ordonna de se rendre en pèlerinage dans l’île de Chypre, la patrie du saint hiérarque (voir 12 décembre). Faisant halte à Myre et Attalée, là où son âme pouvait tirer quelque profit, Saint Constantin parvint enfin dans l’île et il fut chargé, à la suite d’une apparition de saint Palamon, de prendre la relique miraculeuse de la main du saint martyr pour la transférer au monastère de Yacinthe près de Nicée. En voyant les nombreux Juifs de la province de Bithynie, il tenta pendant quelque temps de les amener eux aussi à la connaissance du Christ, mais les quelques conversions obtenues excitèrent la haine de ses anciens coreligionnaires, qui allèrent même jusqu’à tenter de l’assassiner. Sauvé miraculeusement par l’intervention de la Mère de Dieu, il abandonna alors tout projet de mission et se rendit dans un endroit désert du Mont Olympe, où il subit de telles épreuves de la part des démons qu’il pensait avoir transporté avec lui l’enfer tout entier.
Toutefois il tint bon: repoussant avec constance les assauts de l’ennemi avec le signe de la Croix et affligeant tellement son corps par l’ascèse qu’il resta quarante jours sans manger, plongé jusqu’à la ceinture dans un étang bourbeux. Au bout d’un an de tels combats, il quitta le désert pour la région d’Atroa, et s’installa dans une cellule proche du monastère de Saint-André, où il se rendait pour les grandes fêtes. Là encore les démons l’attaquèrent sans relâche avec pour seul résultat de procurer au Saint de nouveaux trophées de victoire et de lui faire remporter la couronne de l’impassibilité (apatheia). Uni désormais avec Dieu par une charité inébranlable saint Constantin restait indifférent aux tentations et n’avait plus tant besoin de la solitude pour mener son combat spirituel. Il se joignit alors à un petit groupe d’ascètes vivant dans les environs du monastère de Baléas, puis, conduit par une colonne de feu, s’installa dans un ermitage isolé, ne vivant que d’un peu de pain et d’eau; mais il recevait là de nombreux visiteurs, auxquels il prodiguait avec sollicitude ses conseils pour le salut de l’âme. Conduit peu à peu à accepter quelques disciples, il dirigeait sa petite communauté, en se confiant en toute chose aux soins de la divine Providence qui montrait en retour sa bienveillance par de multiples miracles dans leur vie quotidienne.
Du fond de sa solitude, l’homme de Dieu recevait parfois la révélation que quelque frère était en danger de sombrer dans un grave péché, il n’hésitait pas alors à prendre la route et à franchir une grande distance à pied pour aller le sauver de la mort éternelle. De même, en 884, il se rendit à Constantinople pour calmer les esprits inquiets au sujet de la conduite de l’empereur Basile le Macédonien (862-886), en prophétisant son repentir et son prochain trépas.
Saint Constantin passa le reste de ses jours en étonnant son entourage par ses miracles et ses prophéties. Ayant prédit sa mort huit ans auparavant, il s’endormit dans la paix du Seigneur pendant la célébration de la Nativité, après avoir dit à ses disciples: «Le Seigneur vient pour m’inviter à la fête de la Joie». Une suave odeur se répandit alors dans sa cellule. Par la suite, ses saints restes distillèrent un baume qui avait la propriété de guérir de nombreuses maladies.