”Né en Galatie le jour de Pâques 819, Saint Evariste fut emmené par son père à Constantinople à l’âge de 23 ans et confié à un de leur parent éloigné, Théoctiste Bryennios, qui occupait alors une situation élevée à la cour, dans la perspective de lui faire suivre une carrière officielle. Les qualités du jeune homme lui acquirent la faveur de Théoctiste qui l’emmena avec lui lors d’une de ses ambassades auprès des Bulgares, dont l’avait chargé l’impératrice Théodora. En cours de route, comme ils faisaient halte dans la petite ville de Probaton en Thrace, un sermon de Saint Ephrem le Syrien sur le Jugement Dernier tomba entre les mains d’Evariste, et la redoutable perspective des comptes que chacun devra alors rendre à Dieu raviva en lui le désir qu’il avait conçu dès sa prime jeunesse pour la vie monastique. Quittant en secret ses compagnons, il partit alors se joindre à un saint ascète d’origine scythe, Jean, qui vivait non loin de là, à Scopelos, avec un disciple. Au bout de six mois, en 843, son père spirituel le renvoya à Constantinople muni d’une lettre de recommandation pour l’higoumène du célèbre monastère du Stoudion.

La première personne que le jeune novice rencontra à la porte fut précisément Saint Naucrace (mémoire le 18 avril), le successeur de Saint Théodore (mémoire le 11 novembre), qui, discernant à son aspect extérieur les dispositions exceptionnelles de son âme, le reçut immédiatement dans les rangs de la nombreuse armée des moines studites et le revêtit de l’habit angélique, en changeant son nom de Serge pour celui d’Evariste, sans le faire passer par les épreuves accoutumées. Employé aux offices domestiques et au soin du réfectoire le nouveau moine servait les frères avec un parfait renoncement à sa volonté propre, comme si chacun d’eux était le Christ Lui-même. Méditant sans cesse la parole de Dieu, il montrait une telle ardeur pour lutter contre les impulsions de la chair par l’ascèse qu’il dépassa rapidement la mesure commune. En compagnie d’un autre vaillant lutteur, Eubiote, sans que rien n’en paraisse aux autres moines, ils passaient ensemble toutes leurs nuits en prière, et au matin ils se trouvaient les premiers dans l’église pour chanter l’office avec l’ensemble de la communauté. La louange continuelle de Dieu faisait leur délice et ils ne se contentaient que d’un pain d’orge pour nourriture et d’un peu de jus de légumes pour boisson. Avec la bénédiction de saint Naucrace, les deux amis se retirèrent dans une île de la Propontide pour y poursuivre leurs combats dans la quiétude, mais ils furent bientôt rappelés au monastère, pour que les autres frères ne fussent pas privés de la stimulation de leur exemple.

À la mort de Saint Naucrace (18 avril 848), Evariste fut chargé par son successeur Saint Nicolas (mémoire le 4 février) de l’office important de sous-économe du Stoudion. Dix ans plus tard (858), lors des troubles qui agitèrent l’Église à l’occasion de rélévation de Saint Photios sur le trône patriarcal (voir au 6 février), saint Nicolas, suivi par nombre de ses moines, dont Evariste, préférèrent quitter le Stoudion et se dispersèrent en petits groupes pour échapper aux poursuites impériales, comme au temps de la persécution iconoclaste. Après diverses péripéties, Evariste et son compagnon Paphnuce trouvèrent asile chez un homme charitable et ami des moines, Samuel, jusqu’à ce que Nicolas, gravement malade dans son exil d’Hexamilon (Thrace), appelle Evariste à son chevet. De retour à Constantinople avec son higoumène, ils jouirent à nouveau de l’hospitalité de Samuel, qui leur offrit la propriété qu’il venait d’acquérir dans un endroit de la ville nommé Cocorobion, pour servir de monastère provisoire au grand nombre de studites qui s’étaient dès lors joints à eux. En 866, Nicolas fut rappelé d’autorité dans son monastère par l’empereur avec la plupart de ses moines. D’abord emprisonné, il fut ensuite rétabli dans sa charge d’higoumène deux
ans plus tard, lors de l’avènement de Basile Ier (867-886) et du retour du patriarche Saint Ignace (mémoire le 23 octobre). Il laissa Evariste et quelques moines à Cocorobion, mais ne manquait pas de faire de fréquentes visites à cette maison qui lui était si chère et où il fut frappé par son ultime maladie.

À sa mort, rétablissement acquit sa complète indépendance, avec Evariste pour higoumène assisté du fidèle Paphnuce. Attentif à la bonne organisation de son monastère et à son embellissement par de nouvelles constructions, Evariste avait pourtant un mépris complet pour tout ce qui est de ce monde. Son seul désir était d’orner dans la solitude l’image de Dieu gravée en son âme. C’est pour cela qu’il s’installa dans une cellule minuscule, où, se chargeant à même la chair de lourds anneaux de fer pour être crucifié avec le Christ dans son propre corps, il se tenait debout devant Dieu de jour comme de nuit, en sanctifiant l’air par l’élévation de ses mains et la terre par le flot de ses larmes qui coulaient sans interruption de ses yeux. Ne gardant rien en réserve, il distribuait aux pauvres et dépensait en dons de toute sorte le superflu de la communauté. Le visage rayonnant de lumière divine, il recevait avec joie tous les pécheurs qui venaient vers lui et les réconciliaient avec Dieu par la grâce de ses paroles douces comme le miel. Brillant ainsi par de nombreux miracles et prophéties, il remit son âme à Dieu, en 897, à l’âge de 79 ans, au milieu d’un grand concours de peuple, naissant à la vie céleste la nuit même de la Nativité du Sauveur.