”Né dans la ville de Milan, à l’aube du VIe siècle, Grégentios, semblable à une terre fertile convenable me nt cultivé e, fit éclore et fructifier de bonne heure les semences des saintes vertus déposées en lui par ses pieux parents. Sitôt atteint l’âge requis, il fut ordonné diacre et s’adonna alors avec zèle au jeûne et aux autres travaux de l’ascèse, si bien que Dieu lu accorda la grâce d’accomplir signes et miracles. Initié à la science spirituelle par un ermite qui demeurait non loin de la ville, il apprit de cet homme de Dieu qu’il était appelé à devenir évêque dans la lointaine Arabie. Par la suite, cette prophétie lui fut confirmée par une apparition de l’Apôtre saint Pierre.
Sous le règne de l’empereur Justin Ier (518-527), le siège épiscopal du royaume d’Aksoum, en Éthiopie, venant à se trouver vacant, le pieux et saint roi Elesbaan (Kaleb) s’adressa au patriarche d’Alexandrie, dont le jeune territoire chrétien dépendait, pour qu’il lui envoie un homme revêtu de Dieu, sage et plein de zèle apostolique, comme évêque. Comme il ne trouvait pas de candidat ayant de telles qualités, le patriarche se réfugia dans la prière. L’évangéliste Saint Marc, fondateur et protecteur de la métropole d’Afrique, lui apparut alors en pleine nuit et lui indiqua que Dieu avait élu le jeune italien Grégentios, séjournant depuis quelques jours chez un chrétien de la ville. Plein de joie, le patriarche l’envoit quérir, l’informe de la décision divine et, après quelques jours d’entretiens paternels, il l’élève au sommet de la hiérarchie ecclésiastique, puis l’envoie, avec une suite suffisante, vers le royaume d’Éthiopie.

Sitôt parvenu dans son diocèse, le nouveau pasteur, avec l’aide fidèle du roi, commença à enseigner, à confirmer la foi, à instaurer les usages et les institutions qui distinguent une civilisation
chrétienne. Or, vers 526, à la nouvelle des massacres des chrétiens commis dans le royaume voisin d’Homer (ou Himyar: le Yémen actuel) par le Juif Dhû-Nowas, le roi Elesbaan, encouragé par l’empereur byzantin, organisa une expédition militaire contre lui. [Sur ces événements, voir la passion de Saint Aréthas le 24 octobre. Sur l’évangélisation de l’Abyssinie (Éthiopie) voir aussi notice de Saint Frumence, le 30 novembre.] Il reconquit le pays, installa à sa tête un roi, nommé Abraham, et rétablit le Christianisme, en laissant Saint Grégentios à la tête de l’Église affaiblie et désorganisée à la suite de la persécution juive. Installé sur le trône épiscopal de la capitale, Safar, au milieu de la liesse populaire, Grégentios ordonna rapidement des prêtres et des diacres en nombre suffisant pour les envoyer ranimer la vie chrétienne en province. Quant à lui, il engagea le combat contre le Judaïsme, largement répandu parmi les populations d’Arabie Heureuse. L’esprit purifié par de longues années d’ascèse et de veilles nocturnes, le saint pontife possédait une connaissance infiniment plus vaste et plus profonde de l’Écriture sainte que tous les docteurs de la Synagogue; c’est pourquoi il ne craignait pas de les affronter sans trêve, sans autres armes que la parole de Dieu, plus effilée qu’une épée à deux tranchants (cf. Heb. 4, 12). Rien ne lui résistait: ni les sophismes compliqués, ni les citations enchevêtrées des plus obscures passages de l’Ancien Testament. Sa parole retentissait tel l’airain bien trempé, et il acculait ses adversaires à reconnaître le Verbe de Dieu incarné ou à dévoiler leur mauvaise foi et leur endurcissement de cœur.

Un Juif des plus lettrés, nommé Hébran, engagea alors contre le saint une dispute publique si acharnée qu’elle dura, presque sans interruption, pendant plusieurs jours. Arguments et citations de textes saints s’échangeaient comme des projectiles, mais rien ne semblait pouvoir vaincre l’entêtement du Juif. Finalement, à bout d’arguments, il s’écria: «Pourquoi perdre notre temps davantage en vaines discussions? Si ce Jésus que nos pères ont crucifié vit toujours, comme tu le dis, et est le Fils de Dieu, montre-le moi donc et je croirai en lui». Comme les autres Juifs présents se joignaient à Hébran pour lancer ce défi, Saint Grégentios se retira quelques instants pour adresser une prière instante au Seigneur, et, soudain, la terre trembla, le ciel sembla se déchirer, et le Christ Lui-même apparut dans toute la gloire qu’Il aura lors de Son Second Avènement, dans une lumière éclatante qui renversa les impies et les frappa d’aveuglement, mais qui remplit de joie les chrétiens fidèles, en leur donnant un avant-goût de la jouissance des biens éternels qu’ils espèrent. Le Saint expliqua alors aux Juifs terrorisés que cette cécité dont ils venaient d’être frappés était le châtiment de leur impiété, et que s’ils ne se repentaient pas pour croire au Sauveur et être baptisés, ils seraient ainsi plongés dans les ténèbres pour l’éternité au Jour du Jugement. L’un d’eux se décida à recevoir le saint Baptême, et il remonta du bain de la régénération rayonnant de joie, en ayant recouvré la lumière corporelle après avoir été illuminé de la lumière spirituelle. Il fut suivi par plus de cinq mille Juifs et par Hébran lui-même qui, montrant un repentir exemplaire, reçut le nom de Léon et devint un des conseillers intimes du roi.

Par la suite, Saint Grégentios rédigea un code de lois réglant avec vigueur les mœurs et la conduite chrétienne. Les églises se multiplièrent, et le roi, sous sa direction spirituelle, fit ouvrir de nombreux hôpitaux et établissements de bienfaisance. Après la mort de celui-ci, son fils, Erdidos, continua lui aussi avec piété l’œuvre entreprise.
Après avoir fait abonder les miracles et les grâces spirituelles pendant les nombreuses années de son épiscopat, Grégentios, ce nouvel apôtre, s’endormit d’une sainte mort le 19 décembre 552, et il fut pleuré par tout le peuple rassemblé pour ses funérailles. L’Église du royaume d’Homer poursuivit dans la paix son existence, jusqu’à ce qu’elle disparaisse, submergée par la marée musulmane (vers 632).