”Originaire d’une riche famille d’Apamée de Syrie, au début du cinquième siècle, saint Marcel, devenu orphelin, se rendit à Antioche pour y étudier avec assiduité et application les lettres profanes. Il comprit bien vite leur vanité et, attiré irrésistiblement par les promesses des biens célestes contenues dans les Saintes Écritures, il distribua tous ses biens et abandonna sa patrie pour se rendre à Éphèse, où il gagna sa vie en exerçant la profession de calligraphe. Il avait là pour compagnon de travail et maître dans la vertu un esclave nommé Promotos qui distribuait en aumônes la plus grande part de son salaire et, après avoir passé la journée dans l’atelier, l’emmenait prier de nuit dans les monastères et les églises, dont les portes s’ouvraient d’elles-mêmes à son approche.

Ayant entendu vanter la renommée de saint Alexandre l’Acémète [Cf. la notice de S. Alexandre l’Acémète, au 23 fév. Acémète signifie: «qui ne dort pas»; dénomination tirée de la liturgie perpétuelle dont il était le promoteur] qui, après bien des pérégrinations en Syrie et en Mésopotamie, s’était installé avec une trentaine de disciples près de l’église Saint-Mènas à Constantinople et s’appliquait à vivre littéralement selon les préceptes de renoncement et de pauvreté du Saint Évangile en pratiquant la louange de Dieu continue, de nuit comme de jour, Marcel se précipita pour se joindre à ces «anges terrestres». L’idéal ascétique d’Alexandrie attirait à lui de nombreux disciples et faisaient la jalousie de certains monastères plus compromis avec le monde. C’est ainsi qu’il fut bientôt accusé de messalianisme [Hérésie qui prônait la prière perpétuelle et soutenait qu’une fois acquise de manière sensible la grâce du Saint-Esprit, le «parfait» n’est plus soumis ni à la hiérarchie ecclésiastique ni à l’observation des commandements] et dut émigrer avec ses disciples dans le désert de Gomon en Bithynie. Marcel se distingua là par ses vertus et reçut le saint habit angélique. Pressentant la mort prochaine d’Alexandre, il s’enfuit du monastère, de peur d’être nommé higoumène, et passa quelque temps en voyage, à rendre visite aux ascètes renommés, partout où ils se trouvaient, pour recevoir leur enseignement et imiter les vertus dans lesquelles chacun excellait en particulier. Lorsque Jean fut élu higoumène à la mort de saint Alexandre, Marcel regagna le monastère et montra une telle humilité qu’il acceptait les besognes les plus basses avec joie, comme le soin du vieil âne du moulin. Mais comme Jean savait reconnaître en lui la sagesse et l’expérience, il lui laissait la responsabilité spirituelle des frères et n’hésitait pas à demander son avis pour toute affaire importante. C’est ainsi que sur le conseil de Marcel la communauté grandissante fut transférée dans un endroit moins retiré, à Irénaion, sur la rive droite du Bosphore.

Jean ne tarda pas à mourir, et Marcel dut alors accepter la charge de supérieur. Sous sa direction le monastère des Acémètes acquit une réputation universelle, on y accourait de toutes les extrémités de l’empire, de l’Occident à la Perse et à l’Arménie, pour y apprendre les principes de la vie angélique et répandre ensuite partout la liturgie perpétuelle qu’on y célébrait. La communauté était divisée en trois groupes linguistiques: grecs, latins et syriaques, qui assuraient à tour de rôle la louange incessante de Dieu pour appliquer le précepte de l’Apôtre: «Priez sans cesse» (I Thess. 5, 17). Saint Marcel jouissait d’un tel prestige et d’une telle autorité spirituelle dans ce milieu du V siècle, qu’on ne fondait pas de monastères d’hommes ou de femmes, de groupements d’ascètes ou d’établissements de bienfaisance sans demander son patronage et ses conseils. Il envoyait partout ses disciples veiller à ces fondations, et ceux-ci étaient aussitôt choisis comme supérieurs. C’est ainsi que lorsque le patrice Stoudios décida de fonder à Constantinople, en 463, le monastère qui allait devenir si illustre quelques siècles plus tard (voir vie de S. Théodore Studite au 11 novembre), il fit appel à Marcel pour l’organiser et y envoyer des moines.

Agrandi et pourvu d’une nouvelle église et de vastes bâtiments monastiques nécessaires pour cette communauté sans cesse grandissante, le monastère des Acémètes était alors comme la métropole du monachisme et un des centres les plus brillants de la culture. On y gardait une riche bibliothèque, et un grand nombre de moines étaient employés à la copie ou à l’enluminure des manuscrits qui circulaient ensuite dans tout l’empire. Saint Marcel acquit aussi une grande notoriété dans la défense de l’Orthodoxie contre Eutychès et les hérétiques monophysites [Hérésie soutenant que la nature humaine du Christ a été comme absorbée par Sa nature divine lors de l’Incarnation. Voir développements dans la notice sur le Concile de Chalcédoine, au 13 juillet]. Il joua un rôle important au concile de Chalcédoine (451) et plus encore après, pour la confirmation de ses décisions. En 470, il souleva le peuple et les moines de la capitale avec la collaboration du patriarche Gennade (mémoire le 17 novembre) et réussit à obtenir de l’empereur Léon (457-474) qu’il n’élevât pas au titre de césar l’arien Patrikios, fils du puissant Aspar. Mais plus encore, le saint higoumène brillait par ses miracles: il guérissait par sa prière les maladies corporelles de ses moines et de ceux qui se recommandaient à lui, même s’ils se trouvaient au loin, il était la providence des pauvres et des indigents, et distribuait sans compter à tous ceux qui se présentaient au monastère, si bien que Dieu faisait croître d’autant plus ses réserves. Il avait un si grand mépris pour les richesses que lorsqu’il hérita toute la fortune familiale à la mort de son frère, il ne garda rien pour son monastère, mais distribua la totalité à d’autres communautés plus pauvres et aux indigents. Pour ceux qui étaient opprimés par les puissants ou victimes des juges iniques, il offrait sans crainte son asile et sa défense; les empereurs même le considéraient comme leur maître et n’hésitaient pas à lui demander conseil. Pour les âmes affligées sous le fardeau des péchés, il était un intercesseur assidu et un consolateur plein de douceur et de compassion: jamais il ne repoussait le repentir de ceux qui étaient tombés et il accueillait avec joie les moines qui demandaient à être réintégrés dans sa communauté après l’avoir abandonnée. Se faisant tout pour tous par la charité que Dieu faisait jaillir en son cœur, saint Marcel s’endormit dans la paix du Christ vers 484, au bout de soixante années de vie ascétique.