”Depuis sa naissance, miraculeusement obtenue par ses parents après une longue stérilité, jusqu’à sa mort, la vie de notre saint Père Pierre fut une suite de manifestations continuelles de la Grâce. Adonné à une stricte ascèse et à la prière permanente depuis sa jeunesse, il fit un jour s’ouvrir d’elles-mêmes les portes de l’église fermées par un sacristain jaloux de sa piété. À 18 ans, au bout d’une retraite de sept jours, sans nourriture ni boisson, la Mère de Dieu lui apparut, lui révéla sa vocation monastique et le mena aux confins de la Phrygie et de la Bithynie, auprès de l’ascète Paul qui le revêtit du saint habit monastique et qui, après ravoir rigoureusement éprouvé, le fit ordonner prêtre. Ayant entrepris un pèlerinage vers les Lieux saints, Pierre et son père spirituel traversèrent le fleuve Halys, en crue, en marchant sur les eaux. Ils le firent revenir à son cours normal par leur prière et délivrèrent les habitants du fléau qui ravageait leurs cultures, mais ils furent empêchés de poursuivre leur route par une révélation du Saint-Esprit ordonnant à Paul de quitter la vie hésychaste (érémitique) et d’aller fonder une communauté cénobitique dans la plaine d’Atroa, au pied du mont Olympe de Bithynie, auprès d’une chapelle dédiée au saint prophète Zacharie. Paul se soumit docilement à la volonté de Dieu et rassembla une fraternité qu’il gouverna en esprit de douceur et de charité, enseignant à ses moines à porter les fardeaux les uns des autres (Galates 6, 2). Pierre montrait une obéissance à toute épreuve, n’hésitant pas à jeter au feu ses ornements sacerdotaux sur l’ordre de Paul, si bien qu’il dut se soumettre et accepta contre son gré de prendre la direction de la communauté à la mort de Paul (806). Il s’imposa dès lors de ne plus goûter ni pain, ni vin, ni huile et de ne se nourrir que de quelques légumes; il revêtit une tunique de crin sous laquelle il portait des fers et consacra toutes ses nuits à la prière et à la récitation complète du Psautier.

C’est avec de telles armes qu’il put mener vers Dieu son troupeau spirituel dans la paix, jusqu’à l’avènement de Léon V l’Arménien et la reprise de la persécution iconoclaste (813). Partout pourchassés et soumis à mille tourments, les moines fidèles à la vraie foi devaient se disperser en petits groupes dans les montagnes et les endroits déserts, changeant de lieu de séjour dès que la menace devenait plus pressante. Tout en les rendant insaisissables, ce mode de vie d’ermites errants permettait aux confesseurs de se confirmer dans la foi et de se préparer au martyre éventuel par une ascèse accrue, par le silence et par la prière. C’est ainsi que Pierre dispersa ses moines par groupes de deux ou trois et partit lui-même avec un disciple en pèlerinage vers quelques sanctuaires fameux d’Asie Mineure, guérissant en chemin par sa prière les maladies des âmes et des corps. Puis, après un séjour en Chypre, il revint à l’Olympe, visita ses moines, les encouragea à la patience et à l’espérance. Comme il se trouvait un jour en prière devant l’icône du Seigneur, il vit le visage du Christ s’illuminer et transpirer des gouttes de lait, manifestant ainsi sa présence mystérieuse mais effective dans les saintes icônes.

Séjournant de grottes en grottes, en alliant la vie hésychaste à l’activité apostolique, saint Pierre passa dans la province d’Asie, à Hippos, retourna dans son village natal, Elaia, où il revêtit son frère de l’habit monastique, et fit de lui l’économe de son monastère et son plus fidèle compagnon. Il convertit également sa mère au monachisme sur son lit de mort, et bientôt tout le reste de sa famille. Les miracles abondaient à son passage: guérisons, mise en fuite des démons, apparitions de sources miraculeuses, prophéties, visions, signes de toutes sortes, mais seulement au profit des orthodoxes et de ceux qui abjuraient devant lui l’hérésie iconoclaste. Il recevait avec bienveillance et grande joie le repentir de ceux qui s’étaient laissés entraîner à renier la vraie foi, visitait les exilés, donnait la preuve de la vérité par ses miracles et fut lui-même soumis aux coups et à la flagellation de la part des soldats de l’exarque Lamaris. Tant qu’on le frappait, il restait soumis, sans résister au méchant (Mat. 5, 39), mais quand les tortionnaires s’en prirent à son frère un ange vint les châtier à sa prière. Pendant la légère accalmie de la persécution, sous le règne de Michel II (820), le saint, après avoir rassemblé ses moines dé Saint-Zacharie, alla se retirer dans un ermitage sur le Kalonoros (Lydie), fonda un monastère féminin en Lydie et réorganisa ses disciples dans ses fondations de Balentia (près de Kalonoros) et de Saint-Porphyre (près du lac d’Apollonias). Il se trouvait ainsi à la tête d’une petite fédération de monastères qu’il gouvernait simultanément, plus par
ses charismes et ses miracles que par ses forces humaines. Les prodiges étaient si nombreux que certains évêques et higoumènes envieux l’accusèrent d’accomplir tous ces signes par la puissance du démon (comme les Pharisiens avaient accusé le Christ: Matth. 12, 24). Saint Pierre eut recours au grand Théodore Studite (voir 11 novembre), alors en exil, qui, après l’avoir examiné, prit ouvertement sa défense.

À l’avènement de l’empereur Théophile (829), la persécution reprit et Pierre dut disperser à nouveau son troupeau spirituel dans les déserts, les forêts et les montagnes, et reprit sa vie errante pour soutenir les uns et les autres. Il préservait néanmoins la paix de son âme et guidait ses disciples avec un discernement infaillible. Bien qu’il voyait le cœur et connaissait les pensées de chacun, il ne les révélait que lorsque cela pouvait leur être profitable et les amener au repentir. Parvenu à l’âge de 63 ans, alors qu’il se trouvait dans l’ermitage proche de Saint-Porphyre, il se guérit lui-même d’une maladie, après en avoir guéri tant d’autres; non pas par souci de prolonger son séjour sur cette terre, car depuis longtemps son âme habitait déjà le ciel, mais afin de pouvoir rendre visite à saint Joannice le Grand (voir le 4 novembre). Lorsque les deux saints se rencontrèrent, leur unité d’esprit et le rayonnement de la Grâce qui les habitait étaient tels qu’on ne croyait voir en eux qu’un seul homme selon Dieu. Ils vécurent ensemble quelques jours dans la contemplation; puis, après avoir une dernière fois exhorté ses disciples à persévérer dans la foi orthodoxe et dans le combat spirituel, en supportant avec joie épreuves et persécutions pour être dignes de contempler la beauté du visage du Seigneur dans l’éternité, saint Pierre remit en paix son âme à Dieu, le 1er janvier 837: fête qu’il célébrait depuis longtemps avec une particulière solennité, ayant appris du Seigneur qu’elle serait celle de son départ vers le Ciel. Son tombeau continua d’être une source de guérisons et de miracles, où ceux qui approchaient avec foi et amour recevaient la satisfaction de leurs demandes.