”Durant le règne de l’empereur Constance (337-360), qui se montrait favorable à l’arianisme, notre saint père Eusèbe manifesta un zèle grandissant pour la défense de la vraie foi, telle qu’elle avait été exposée par les Pères de Nicée. Il fut élu évêque de Samosate, ville située à 200 km à l’est d’Antioche, sur la rive nord de l’Euphrate, qui était à la tête de la province d’Euphratène. Ses combats pour l’affermissement de l’Orthodoxie étendirent bientôt son influence à toute la Syrie, de sorte que, lorsque le siège d’Antioche se trouva vacant, ce fut Eusèbe qui favorisa l’élection de saint Mélèce (cf. 12 fév.). Mais, quand Constance découvrit que Mélèce, loin d’être acquis au parti arien, se montrait au contraire un de leurs plus farouches adversaires, il réclama les Actes de son élection, qui avaient été confiés à saint Eusèbe. Celui-ci répliqua aux envoyés de l’empereur qu’il ne pourrait les livrer qu’après l’assentiment des signataires. Comme on le menaçait de lui trancher la main droite, il tendit généreusement ses deux poings, disant : « Je ne livrerai pas ce décret ! » Pendant le bref règne de Julien l’Apostat (360-363), qui tenta de restaurer le paganisme, le saint évêque se revêtit d’un costume de soldat et voyagea en Syrie, en Phénicie et en Palestine, encourageant les chrétiens à rester fermes devant la persécution, et ordonnant en secret des prêtres et des évêques. À la mort de Julien, il prit part à un concile de vingt-sept hiérarques, réunis autour de saint Mélèce pour proclamer le dogme de Nicée comme règle de foi. C’est aussi grâce à son influence que saint Basile le Grand put être élu sur le siège de Césarée de Cappadoce (370), et il assista à son ordination. Dès lors, les deux saints hiérarques, liés par une étroite amitié, luttèrent de concert pour l’unité de l’Église. Un assez grand nombre de lettres adressées à Eusèbe sont conservées dans la correspondance de saint Basile et de saint Grégoire. Saint Grégoire le Théologien, quant à lui, le louait comme « la colonne et le fondement de l’Église, le luminaire du monde, la règle de la Foi et l’ambassadeur de la vérité » (S. Grégoire le Théologien, Ep. 44 \[PG 37, 92]).
Valens, ayant pris le pouvoir, se montra un fanatique adepte de l’arianisme : il renouvela la persécution, fit bannir Mélèce en Arménie, et après avoir déposé Eusèbe, il l’envoya en exil en Thrace (374), où le saint fut exposé aux dangers de la guerre contre les Goths. Lorsque Eusèbe reçut des envoyés de l’empereur la sentence d’exil, afin d’éviter que le peuple se révoltât pour le défendre et attentât à leur vie, il leur demanda d’attendre la nuit pour le faire sortir en cachette de la ville. Dès que les chrétiens de Samosate se rendirent compte que leur évêque avait été enlevé, ils s’embarquèrent sur l’Euphrate à sa recherche ; mais quand ils l’eurent rejoint, Eusèbe les exhorta à ne rien faire pour le délivrer et refusa les présents qu’ils lui proposaient en vue d’adoucir sa misère. Un arien, Eunome, fut nommé à sa place sur le siège de Samosate ; mais le peuple lui montrait un tel dédain qu’un jour, alors qu’il se baignait, seul, dans les bains publics et qu’il invitait les chrétiens qui se tenaient là à le rejoindre, ceux-ci refusèrent et dès qu’il sortit du bain, ils exigèrent qu’on renouvelât l’eau, car ils ne voulaient pas d’une onde souillée par l’hérésie d’Arius. Devant une telle hostilité Eunome se retira, mais il fut remplacé par un arien fanatique, Lucius, qui persécuta les orthodoxes de la ville.
Valens ayant finalement trouvé la mort au cours de sa campagne contre les Goths (378), l’empereur orthodoxe Gratien restaura la liberté de l’Église et rappela d’exil les glorieux confesseurs de la foi. Saint Eusèbe put rejoindre son troupeau spirituel qui l’accueillit en grande liesse, et immédiatement il se mit à la tâche pour placer de nouveaux pasteurs sur les sièges vacants. Le 22 juin 379, comme il entrait dans la ville de Dolicha, en compagnie du nouvel évêque orthodoxe de la cité, une femme arienne lui lança du haut d’un toit une lourde brique sur la tête. Saint Eusèbe s’affaissa, mais avant de rendre l’âme, il eut le temps de faire jurer à sa suite de ne pas poursuivre la coupable, et, à l’imitation de Notre Seigneur et de saint Étienne, ses dernières paroles furent une prière pour ses ennemis.