”Notre saint Père Denys était fils cadet d’une famille paysanne de Corèsos, près de Castoria, en Macédoine (vers 1316). Ayant été touché par le désir de Dieu depuis son enfance, dès qu’il eut atteint l’âge requis (environ 18 ans), tel un cerf assoiffé de la source des eaux, il courut au Mont Athos rejoindre son frère aîné, saint Théodose (cf. 11 janv.), qui était devenu higoumène du monastère de Philothéou. Revêtu du saint Habit monastique après quelques jours, il assimila rapidement les principes de la vie angélique et s’élança aussitôt avec zèle dans les combats de la vertu. Il remplit d’abord la charge de sacristain, et fut ensuite jugé digne du sacerdoce, à l’âge de trente ans. Cette dignité, loin d’être pour le saint une occasion d’orgueil, le poussa au contraire à s’humilier davantage et à entreprendre de plus grands labeurs ascétiques, oubliant ce qui était derrière lui pour se tendre toujours plus en avant (cf. Phil. 3, 14).

Il progressait ainsi sans cesse dans le jeûne, la veille, et surtout dans la prière et la maîtrise des mouvements secrets de l’âme. Mais la présence d’un grand nombre de frères autour de lui, avec l’agitation et le tumulte qui l’accompagnaient, devint pour lui une gêne dans son entretien permanent avec Dieu. Aussi, sur le conseil d’anciens avisés, il s’enfuit en secret à la recherche d’un lieu favorable à l’hésychia. Il s’installa dans une grotte située sur la pente méridionale de l’Antiathos [ou Petit-Athos], auprès de laquelle coulait une source d’eau claire. N’ayant rien emmené avec lui, abandonné tout entier à la Providence, il consacrait tout son temps à la prière et à la contemplation. Sa nourriture était composée d’herbes et de plantes sauvages, et quand il avait besoin de pain, il allait le demander en aumône dans quelque monastère, puis rentrait aussitôt dans sa retraite connue de Dieu seul.

Au bout de trois ans, il fut découvert par un autre amant de l’hésychia, qui obtint sa permission pour construire une petite cellule, à proximité de la grotte, et imiter son mode de vie. Peu après, un autre ermite vint se joindre à eux et se construisit une cabane. Malgré le désir de saint Denys de rester caché, Dieu manifesta la lumière de ses vertus à un nombre croissant de moines et d’hommes pieux qui venaient se confesser à lui, et demandaient à être reçus comme ses disciples. L’endroit étant devenu trop exigu pour les contenir tous, sur le conseil du saint, ils trouvèrent un emplacement, au nord de la grotte, où ils construisirent des cellules et une chapelle dédiée au Saint-Précurseur. Saint Denys ne quittait sa caverne que le samedi et le dimanche, pour célébrer la divine Liturgie et procurer aux frères le miel de son enseignement. Quand ils atteignirent le nombre de dix-huit, le site de leur installation étant exposé à la rigueur excessive de l’hiver, le saint leur recommanda d’aller construire, à deux stades de là, sur un emplacement plat et plus clément, d’autres cellules et une nouvelle église du Précurseur, où ils passeraient l’hiver pour revenir en été au « Vieux-Précurseur ». Ils acquirent aussi une petite embarcation pour se procurer le ravitaillement qui leur était nécessaire, et installèrent un embarcadère avec une petite baraque pour servir de magasin.

Saint Denys, qui se faisait en toute chose leur modèle, venait souvent aider ses disciples à transporter les provisions et il passait la nuit dans cette cabane. Un jour, comme il sortait pour élever ses prières nocturnes et se tournait vers l’ouest, il vit une lumière divine, brillant comme un flambeau, jaillir du rocher qui se dresse à 80 mètres au-dessus de la mer, au débouché du ravin.

Craignant d’être victime d’une tromperie du démon, il n’en dit rien à ses disciples et alla prendre conseil d’un hiéromoine réputé pour son discernement, Dométios, qui vivait à Bouleutiria [cf. S. Niphon, 14 juin ; S. Gérontios, 26 juil.]. Ils retournèrent ensemble sur les lieux et furent témoins de la même vision, trois nuits de suite. Ils avertirent alors les frères qui, la nuit suivante, virent tous la lumière au-dessus du rocher. Dométios leur assura qu’il s’agissait d’un signe divin les invitant à fonder en ce lieu un monastère cénobitique, et il se proposa de se joindre à eux et d’entreprendre sans plus tarder cette œuvre à la gloire de Dieu.

On se mit aussitôt au travail et, par crainte des pirates turcs qui ravageaient fréquemment les côtes de l’Athos, ils édifièrent d’abord une tour carrée de 20 mètres de hauteur, grâce aux dons des moines et laïcs qui venaient se confesser auprès de saint Denys. Le prôtos de la sainte Montagne ayant concédé le terrain à la communauté, la construction du monastère de Saint-Jean-Précurseur put progresser (1366). [Appelé aussi Néa-Pétra, en comparaison avec Simonos-Pétra, fondé à proximité quelque temps auparavant (cf. 28 déc.). Aujourd’hui il est plus communément dénommé Dionysiou.]

Quand saint Denys apprit que son frère Théodose venait d’être consacré métropolite de Trébizonde (1370), désireux de le féliciter et espérant obtenir, grâce à son appui, l’aide de l’empereur Alexis III Comnène [1349–1390], il entreprit le voyage par mer jusqu’à la capitale du Pont, en compagnie de quelques disciples. Théodose le présenta à l’empereur qui, charmé par l’apparence humble et lumineuse de l’ascète, lui réserva un accueil plein de respect ; et comme Denys lui proposait d’être compté parmi les empereurs et les princes qui avaient acquis une commémoration perpétuelle pour le salut de leurs âmes en fondant des monastères sur la sainte Montagne, il s’empressa de satisfaire à sa requête et lui accorda une somme suffisante pour l’édification d’un monastère et une rente annuelle, garanties par un chrysobulle (1374) [Dont l’original est conservé à Dionysiou], qui posait comme seule condition la commémoration perpétuelle de l’empereur, de sa famille et de toute sa dynastie dans les offices liturgiques quotidiens. Sur le chemin du retour, le saint et ses compagnons échappèrent à une attaque de pirates turcs dans l’Hellespont, grâce à l’intervention de saint Jean Baptiste qui repoussa les barbares et les paralysa en brandissant son bâton.

Dès qu’ils parvinrent à l’Athos, ils purent engager des ouvriers et construire rapidement l’église, entourée de cellules, avec un réfectoire, un aqueduc en bois et une enceinte fortifiée. Quand l’argent fut épuisé, Denys fit un nouveau voyage à Trébizonde pour toucher la seconde tranche de la donation promise par l’empereur ; mais, pendant son absence, des pirates firent incursion à l’Athos, pillèrent le monastère et emmenèrent tous les moines captifs en Asie Mineure. Découvrant le monastère vide et ruiné à son retour, le saint éleva une lamentation digne de Job vers le Seigneur ; mais, reprenant courage, il partit aussitôt à la recherche de ses disciples, tel le Bon Pasteur en quête de ses brebis égarées, et, les ayant retrouvés, il dépensa tout l’argent en sa possession pour les racheter. Tous étant rentrés au monastère, les travaux purent reprendre, mais les revenus ne suffisaient même pas à l’entretien de la communauté qui augmentait sans cesse. Le saint décida donc d’entreprendre un troisième voyage à Trébizonde, et il obtint de l’empereur compatissant la promesse d’une nouvelle donation.

Mais avant que cet engagement ne se réalise, le bienheureux tomba malade et remit son âme à Dieu, loin de son troupeau. Il était âgé d’environ soixante-dix ans (vers 1389) [Sa mémoire a été fixée le lendemain de la fête patronale du monastère, comme c’est le cas pour plusieurs autres saints fondateurs athonites, cf. 9 nov., 7 déc., 28 déc. etc.]. Son corps, inhumé dans l’église cathédrale, ne tarda pas à faire des miracles et fut honoré par toute la ville. Quand ses compagnons de voyage apportèrent la triste nouvelle sur la Sainte Montagne, tous les fils spirituels du saint furent accablés de tristesse. Dométios, que saint Denys avait laissé comme remplaçant, les consola en leur assurant que leur père ne cesserait pas de les assister du ciel et de veiller perpétuellement sur son monastère. Alors que l’ermite se préparait à regagner sa solitude, les frères le supplièrent d’accepter la succession, et Dométios les guida sur la voie du Seigneur jusqu’à son bienheureux repos (entre 1405 et 1410).