”Chrétien d’Ancyre en Galatie, saint Théodote avait été élevé dans la piété par la sainte vierge et martyre Técuse (cf. 18 mai). S’étant marié, il exerçait avec probité la profession de cabaretier et profitait de toutes les occasions pour pratiquer la charité, indistinctement envers tous, chrétiens et infidèles, à tel point que Dieu lui accorda d’accomplir plusieurs guérisons miraculeuses. Lorsque, sous la direction du gouverneur Théotècne, la persécution faisait rage à Ancyre (303), Théodote, s’étant pourvu d’une ample provision de blé et de vin, avait transformé son auberge en asile où les chrétiens pouvaient trouver des denrées qui n’avaient pas été offertes aux idoles. Au péril de sa vie, il rendait visite aux confesseurs dans leur prison pour les encourager à ne pas faiblir, et allait enterrer les corps des martyrs. C’est ainsi qu’il exhorta au martyre son ami Victor, dont les persécuteurs essayaient de vaincre la résolution par des promesses trompeuses. Animé d’un nouveau courage, Victor souffrit patiemment les supplices, mais fléchissant au dernier moment, alors qu’il parvenait à l’issue du combat, il demanda à réfléchir sur les propositions qu’on lui avait faites. Ramené en prison, il mourut de ses blessures, privé de la couronne de la victoire. Un autre chrétien, nommé Valens, ayant quant à lui résisté jusqu’à la mort, Théodote recueillit ses reliques, qui avaient été jetées dans l’Halys, et alla les ensevelir au bourg de Malos [L’actuel Kalecik, situé à environ 50 km au nord-est d’Ancyre (Ankara), et où l’on peut voir quelques vestiges du sanctuaire de S. Théodote (Ve s.)].
Il y rencontra un groupe de chrétiens qu’il avait précédemment délivrés de prison. Dans la joie des retrouvailles, ils décidèrent de partager un repas fraternel et convoquèrent le prêtre de Malos, Fronton, pour y prendre part. Après le repas, Théodote recommanda à Fronton de bâtir en ce lieu paisible une chapelle pour y déposer des reliques de martyrs et, lui donnant son anneau en gage, il promit de lui procurer ces saintes reliques. De retour à Ancyre, Théodote trouva la ville dans une grande confusion, par suite de l’arrestation de sa tante Técuse et de ses six compagnes. Il resta caché avec d’autres chrétiens, en priant pour la confirmation des saintes dans leurs épreuves, et dès qu’il apprit qu’elles avaient péri noyées sans avoir renié le Seigneur, il rendit grâce à Dieu et changea ses lamentations en larmes de joie. S’étant informé des détails de leur passion, il réfléchit sur le moyen de tromper la surveillance des gardes, pour s’emparer des corps des saintes et leur donner une sépulture chrétienne. Sainte Técuse lui apparut pendant sa prière et, lui rappelant le soin qu’elle avait pris pour l’instruire dans la vie évangélique, elle lui recommanda de ne pas hésiter davantage et de partir en hâte pour accomplir sans crainte cette mission agréable à Dieu. S’enfonçant dans les ténèbres de la nuit, alors qu’une terrible tempête s’était levée, Théodote et ses compagnons parvinrent jusqu’au bord du lac. Les gardes placés là, effrayés par l’apparition du saint martyr Sosandre, armé et entouré de flammes, prirent la fuite avec terreur, et les eaux, soulevées par la tempête, laissèrent apparaître les corps des saintes. Ils purent ainsi les recueillir et allèrent les ensevelir pieusement dans une église connue d’eux seuls. Dès le lendemain matin, toute la ville fut en émoi en apprenant l’enlèvement des corps des saintes martyres. Sur l’ordre du gouverneur, les soldats arrêtaient tous les chrétiens qu’ils rencontraient pour les soumettre à la question. On arrêta Polychronion, un des compagnons de Théodote, qui perdant courage sous la torture, révéla l’endroit où les corps avaient été enterrés et dénonça Théodote comme responsable de cette entreprise. Théotècne fit aussitôt déterrer les corps, les livra aux flammes, puis il envoya ses hommes à la recherche de Théodote.
Restant sourd aux supplications de ses amis, qui le conjuraient de prendre la fuite, Théodote alla se livrer de lui-même au gouverneur, en se confiant en la puissance de la vivifiante Croix. Lorsqu’il entra dans la salle des interrogatoires, il regarda en souriant le feu et les instruments de torture et, rejetant avec mépris les propositions flatteuses de Théotècne, il tourna en dérision la faiblesse d’une religion qui a besoin de tant d’hommes armés contre un seul soldat de Jésus-Christ. Son discours jeta le gouverneur dans une grande fureur et les prêtresses païennes, qui s’arrachaient les cheveux et déchiraient leurs vêtements, ainsi que la foule, criaient qu’on châtiât l’ennemi des dieux.
Après l’avoir fait flageller, le tyran fit étendre le martyr sur le chevalet et donna licence aux bourreaux de lui déchirer le corps avec des ongles de fer, puis ils versèrent sur ses plaies du vinaigre et y appliquèrent des torches enflammées. Armé d’une endurance surnaturelle par l’invocation du Nom du Christ, le saint répliquait à ses tortionnaires que ces supplices, loin de le vaincre, allaient démontrer avec éclat la puissance que Dieu accorde à ceux qui l’aiment. On lui brisa les dents et les mâchoires à coups de pierres, puis, les bourreaux étant épuisés, on le jeta en prison. Cinq jours après, il fut de nouveau présenté au tribunal et soumis aux mêmes tortures, à l’issue desquelles on l’étendit sur des briques rougies au feu. Comme les supplices restaient sans effet et tournaient plutôt le magistrat en ridicule, Théotècne ordonna de le décapiter et de jeter son corps au feu. Arrivé au lieu de l’exécution Théodote rendit grâce à Dieu, pria pour qu’Il mît fin à la persécution et accordât la paix à Son Église, puis, se tournant vers les chrétiens présents, il les exhorta à sécher leurs larmes pour remercier le Seigneur de lui avoir accordé d’achever heureusement son combat, et il reçut avec joie le coup de glaive qui lui procura la couronne éternelle. Le bûcher sur lequel on plaça son corps fut soudain entouré d’une lumière si éclatante que les bourreaux ne purent approcher pour entretenir le feu, et le corps resta intact. Ce jour-même, Fronton, le prêtre de Malos, parvenait en ville avec un âne chargé de vin. L’animal s’arrêta épuisé de fatigue près de l’endroit où le corps de saint Théodote était gardé par des soldats. Invité par ces derniers à passer la nuit avec eux, Fronton apprit ce qui s’était passé, il leur proposa de goûter à son vin et, les ayant enivrés, il s’empara du corps du saint martyr, lui passa au doigt l’anneau qu’il lui avait autrefois remis et, le chargea sur son âne. Guidé par un ange, la bête alla tout droit jusqu’au lieu que Théodote avait désigné à Fronton pour y construire une église, et c’est ainsi qu’il accomplit sa promesse de lui fournir des reliques.