”Né en 1801 dans une famille distinguée de Céphalonie, saint Panaghis montra dès son enfance une vive intelligence et un grand amour de la lecture des livres saints. À la mort de son père, il dut assumer la protection de sa mère et de sa sœur et commença à exercer la fonction d’instituteur, malgré son jeune âge. Mais il démissionna bientôt, pour ne pas être obligé de faire des compromis sur sa foi et ses sentiments patriotiques, sous la pression des occupants anglais [Les îles ioniennes se trouvaient alors sous protectorat britannique, elles furent réunies à la Grèce en 1864. Le gouverneur anglais avait tous les pouvoirs, qu’il exerçait souvent au préjudice du peuple et de ses traditions orthodoxes], et il remplit quelque temps sa profession en privée, jusqu’au jour où il décida de rompre toute attache avec le monde et, abandonnant sa famille et sa carrière, il devint moine au monastère des Blachernes sur l’île de Dios. Sur les instances de sa mère, il retourna à Lixouri, sans toutefois renoncer à la vie ascétique qu’il mènera toute sa vie, quelles que soient les circonstances.
Il fut ordonné prêtre à l’âge de trente-cinq ans et se consacra dès lors tout entier au service de l’Église, par la célébration quasiquotidienne de la Liturgie, par la prédication et surtout par l’exemple de ses vertus évangéliques. Il se tenait dans l’église comme une colonne de prière, et quand il en sortait, c’était pour distribuer des aumônes, visiter les infortunés ou ramener dans le bercail les âmes égarées. Il refusa toujours d’être agrégé à une paroisse, afin d’éviter les tracas matériels et les pressions des occupants, et s’installa dans un petit monastère de Saint-Spyridon, d’où pendant cinquante ans, il répandit sur tout le peuple de Céphalonie les trésors qu’il tenait cachés dans son cœur. Suivant les exemples de saint Gérasime (cf. 20 oct.) et de saint Anthime l’Aveugle (cf. 4 sept.), Papa-Bassia enseignait et répandait la grâce de Dieu dans le peuple, sans toutefois abandonner son ermitage. Il allait célébrer aussi dans toutes les chapelles dispersées dans la campagne autour de Lixouri, où, dès qu’ils apprenaient sa venue, les fidèles se réunissaient en foule. Il avait vendu les biens de sa famille et distribuait toutes ses ressources aux indigents qu’il considérait comme ses fils. Lorsqu’il entrait en ville, il était toujours suivi d’un essaim de pauvres femmes, auxquelles il donnait tout ce qu’il possédait, au point de se priver même de nourriture. Tel un nouveau saint Nicolas, il savait quelle famille était particulièrement dans le besoin et intervenait pour les soutenir ou leur rendre espoir en Dieu.
Sa charité était d’ailleurs mêlée d’audace, et il entrait souvent dans un magasin, ouvrait la caisse et y prenait ce qu’il jugeait nécessaire pour ses aumônes. Un jour, un boulanger refusa de lui donner ce qu’il réclamait, et sa pâte cessa de lever. Saint Panaghis avait acquis le don de clairvoyance et de prophétie, qu’il exerçait pour la correction des âmes : À ceux qui allaient bientôt mourir brutalement il recommandait d’aller se confesser, ou il avertissait par des paroles mystérieuses ceux qui allaient commettre quelque péché grave. Une fois, par une nuit pluvieuse, croisant un homme qui se préparait à aller commettre un péché, il lui cria : « Péché, péché, rentre chez toi ! » Une autre fois, une mère qui venait de perdre successivement ses deux fils, fut prise de désespoir et se révolta contre Dieu. Le saint prêtre se précipita chez elle et, comme elle refusait de lui ouvrir en l’injuriant, il fit ouvrir la porte par un signe de croix. Lorsqu’il fut entré dans le salon, où se trouvait les portraits des deux défunts, les personnages s’animèrent et, sortant un pistolet, ils s’entre-tuèrent. Saint Panaghis révéla alors à leur mère qu’étant tombés amoureux d’une même femme, c’est ainsi qu’ils auraient péri si Dieu n’était pas intervenu pour éviter un plus grand mal. Une autre fois encore, il entra dans une maison où la marmite était en train de bouillir en attendant des invités, et il la renversa, car un pauvre s’était présenté et on l’avait renvoyé sans rien lui donner. Mais ces abondants charismes de Dieu ne furent pas accordés à Papa-Bassia sans qu’il soit tourmenté par une « écharde dans la chair » (II Cor. 12, 7). Une dizaine d’années après son ordination, il commença à être atteint d’une maladie nerveuse qui lui fit perdre le contrôle de luimême : il poussait des cris, se rasait la barbe et les cheveux, jetait au-dehors tout objet qu’il trouvait à portée de sa main. Lorsqu’il revint à lui-même, au bout de six mois, il attribua ce mal à son état de pécheur.
Par la suite, de telles crises se répétèrent tous les deux ou trois ans, et sur la fin de ses jours il en était atteint tous les ans; finalement il resta alité les cinq dernières années de sa vie. Il n’était toutefois pas privé des dons de prophétie et de consolation des âmes, et le peuple ne lui en retira en rien son attachement et sa dévotion. Au contraire, tous ceux qui étaient affligés ou se trouvaient en difficulté savaient que la porte de sa chambre était toujours ouverte, et le saint prêtre ne cessa pas d’être le pôle d’attraction et le centre de la vie ecclésiale de toute la Céphalonie. Il avait acquis une telle autorité qu’il intervenait, souvent énergiquement, pour corriger les injustices ou réprimander les responsables d’actions immorales, et il était toujours écouté comme la voix de Dieu. Après avoir supporté comme une croix, avec résignation et action de grâces, sa longue et humiliante maladie – que certains considèrent être une sorte de « folie en Christ » – saint Panaghis s’endormit dans le Seigneur le 7 juin 1888. Pendant deux jours et deux nuits les fidèles vinrent vénérer son corps et son culte n’a pas cessé de croître spontanément, non seulement en Céphalonie mais dans toute la Grèce, surtout depuis l’invention de ses reliques en 1976. [Le culte de S. Panaghis Bassia est un exemple frappant du mode traditionnel de « canonisation » des saints dans l’Église Orthodoxe, dont le seul véritable critère est la dévotion spontanée du peuple de Dieu.]