”Né au sein d’une famille chrétienne de Phrygie, en 366, saint Hypatios fut élevé dans la crainte de Dieu et, depuis l’enfance, il souhaitait se retirer dans une église ou un monastère pour se consacrer à Dieu. L’occasion lui en fut donnée lorsqu’il eut dix-huit ans. Un jour, après avoir été battu par son père, il s’enfuit de la maison et parvint, après deux jours de marche, dans une église, où il entendit ces paroles de l’évangile : « Quiconque aura quitté père, mère, frères, sœurs, femme et enfants à cause de moi, recevra cent fois plus et héritera la vie éternelle » (Mat. 19, 29). Il décida alors de faire de sa fugue une fuite vers Dieu et, se joignant à des voyageurs, il se rendit en Thrace, où il s’engagea comme berger. Mais bientôt, comme il chantait en gardant son troupeau, un prêtre remarqua sa belle voix et le prit comme lecteur dans son église. Il y mena une vie pieuse et mortifiée, pendant deux ans, jusqu’au jour où Jonas, un soldat d’origine arménienne, qui avait renoncé au monde, vint s’installer à proximité pour mener la vie ascétique. Des gens de la région, voyant son mode de vie agréable à Dieu, commencèrent à s’attacher à lui, et Hypatios vint le rejoindre animé d’un zèle divin. La communauté atteignit rapidement le nombre de quatre-vingts moines et Jonas érigea pour eux un monastère, nommé Halmyrisse, que l’on fit fortifier à cause des fréquentes incursions des Huns. Hypatios l’emportait sur tous par ses jeûnes, ses veilles et ses prières. Il ne prenait de la nourriture que tous les cinq jours et même, une fois, pour résister aux tentations charnelles, il resta sans boire pendant cinquante jours. La chose fut rapportée à Jonas qui, pour éprouver son obéissance, lui fit boire une coupe de vin en présence de tous. Comme on l’invitait à enseigner les frères, il refusa en disant qu’il avait renoncé au monde pour se faire le serviteur de tous et, tombant aux pieds de l’higoumène, il le supplia de le mettre au service des malades.
Il poussait le zèle jusqu’à se rendre au loin recueillir les paysans malades et les amenait jusqu’à la porte du monastère, où, après les avoir introduits dans l’infirmerie, il pansait leurs plaies et les guérissait au moyen du signe de la Croix. Suite à une incursion des Goths, un grand nombre de paysans se réfugièrent au monastère et Jonas dut se rendre à Constantinople pour obtenir des vivres. Quelque temps après (400), Hypatios décida de partir, avec deux compagnons : Timothée et Moschion, à la recherche d’un lieu retiré, où ils pourraient se consacrer exclusivement à la contemplation. Parvenus à Chalcédoine, ils fixèrent leur choix sur un endroit situé non loin du Bosphore, à une lieue de la ville, où le préfet Rufin avait fait édifier, une dizaine d’années auparavant, un palais, une grande église dédiée aux saints Apôtres Pierre et Paul et un monastère; mais après sa mort (395) les moines égyptiens qu’il avait installés là, étaient retournés dans leur patrie et le monastère de Rufinianes était tombé dans un état de délabrement. Saint Hypatios chassa le démon qui y avait fait sa retraite, et s’y établit avec ses compagnons. Ils vivaient dans un grand dénuement, travaillant de leurs mains pour gagner de quoi vivre et, quand un visiteur se présentait, Hypatios feignait de partir pour affaire, afin de lui laisser sa part de nourriture. D’autres moines se joignirent à eux et une communauté commença de s’organiser; mais, sous l’instigation du Malin, Hypatios et Timothée se brouillèrent et, au bout d’un certain temps, Hypatios décida de céder la place et retourna au monastère de Jonas, où il mena la vie hésychaste dans une cellule isolée. Jonas se trouvant en ville pour affaire, tomba malade et, sur la recommandation de Dieu, il fit appeler Hypatios qui le guérit. L’ancien convoqua alors Timothée et il réconcilia les deux ascètes, en leur rappelant que même entre les Apôtres avaient surgi des dissensions. Ils se demandèrent mutuellement pardon et, Hypatios étant rentré au monastère de Rufinianes, les frères le choisirent pour les diriger (406). Le saint renonça alors en partie à ses exploits ascétiques pour adopter une ascèse modérée, excepté pendant le Grand Carême, où il s’enfermait dans une petite cellule et ne recevait sa nourriture, par un guichet, que tous les deux jours.
Se faisant tout pour tous, il organisa la communauté, qui avait atteint le nombre de cinquante moines, conformément aux traditions des saints Pères. Tous recevaient une obédience pour une semaine et accomplissaient leurs travaux manuels en récitant constamment des psaumes. Ils se réunissaient dans leur oratoire sept fois par jour, pour y chanter cent psaumes et cent prières. Hypatios leur enseignait que la vie monastique est l’accomplissement plénier du Christianisme, en particulier des commandements de l’amour de Dieu et de l’amour du prochain. Il les exhortait sans relâche à imiter les anges, qui se tiennent en présence de Dieu, et à Le glorifier comme eux par leurs hymnes et par leurs œuvres. Il leur disait aussi que s’ils enduraient les tentations, en demandant le secours du Seigneur avec grand désir et peine de l’âme, ils ne manqueraient pas de découvrir que ces épreuves recèlent délices et joies spirituelles.Quand on l’interrogeait, il répondait : « Tout ce que vous me demandez, vous le trouverez dans l’Écriture inspirée de Dieu », et il disait qu’il éprouvait de la joie à distribuer la parole de Dieu et tirait lui-même profit des admonestations dispensées à ses disciples. Il regrettait parfois la vie dégagée de tout souci qu’il avait menée dans la solitude, mais, obéissant à la volonté de Dieu pour le profit de ses frères, il avait reçu la grâce de garder, au sein des affaires et des soucis de sa charge, l’esprit toujours fixé en Dieu, avec vigilance. D’un regard infaillible l’homme de Dieu discernait les péchés cachés et l’état spirituel de ses disciples, et des nombreux visiteurs qui venaient au monastère pour recevoir de lui un conseil pour le salut de leur âme ou l’apaisement de leurs maux corporels. Il était en effet un médecin donné par Dieu à tout ce pays et se faisait, comme Job, le pied des boiteux, l’œil des aveugles, le bâton des infirmes et le réconfort des indigents (Job 29, 15). Averti par un ange qu’une famine approchait, il fit remplir les réserves du monastère et, pendant trois ans, il put nourrir plus de cinq cents personnes. Jamais un pauvre ne quittait le monastère les mains vides ni un malade ne s’y présentait sans être soigné des mains mêmes du saint. Il ignorait l’art médical mais, pour cacher sa vertu, il leur appliquait un cataplasme, et, après avoir prié sur eux, il les renvoyait, au bout de quelques jours, en bonne santé. Malgré ses réticences, Hypatios fut ordonné prêtre et servait le dimanche dans l’église des Saints-Apôtres. Quand il célébrait la divine Liturgie, il criait vers Dieu de telle manière, que tous les assistants étaient touchés de componction.
Saint Isaac (cf. 30 mai), le père des moines de la capitale, se rendait fréquemment à Rufinianes, pour s’entretenir avec l’homme de Dieu et saint Jean Chrysostome lui montra aussi toute son affection. Il sortait rarement du monastère, mais quand il entendait que quelque part on adorait encore des arbres ou des idoles, il s’y rendait alors aussitôt avec des disciples, abattait les idoles et instruisait les habitants du lieu sur la vérité évangélique. Quand Nestorius fut élevé sur le trône patriarcal de Constantinople (429), Hypatios reçut la révélation qu’il ne resterait pas plus de trois ans en place; et lorsque le patriarche commença à répandre ses opinions hérétiques, le saint moine, malgré les craintes de son évêque, effaça aussitôt son nom des diptyques de l’église des Apôtres. C’est aussi grâce à son initiative énergique que les Jeux Olympiques, qui donnaient lieu à des démonstrations idolâtres, et qui avaient été abolis par saint Constantin, ne purent être rétablis à Chalcédoine. Le temps passant, l’autorité de saint Hypatios se répandit partout, et après la mort de saint Dalmate (cf. 3 août), il fut considéré comme le père de tous les moines de Constantinople (436). L’empereur Théodose II lui rendit visite à deux reprises et lui écrivit plusieurs fois pour lui demander conseil, comme à un père; et ses trois sœurs, les princesses impériales, vinrent aussi recevoir la bénédiction et les exhortations du saint higoumène. Il ne craignait pas non plus de s’exposer aux sanctions quand il s’agissait de protéger des hommes de Dieu persécutés, c’est ainsi qu’il offrit l’hospitalité à saint Alexandre l’Acémète et à ses moines, qui avaient été injustement chassés de la capitale, jusqu’à ce qu’ils eussent trouvé un nouvel emplacement (cf. 23 fév.). Lorsque saint Hypatios eut atteint l’âge de quatre-vingts ans, après avoir remis entre les mains de Dieu plus de quatre-vingts disciples qui l’avaient devancé, il passa trois mois à délivrer ses dernières instructions et annonça que de grandes catastrophes allaient bientôt s’abattre sur l’Empire. Après cinq jours de maladie, il convoqua les frères, leur distribua la sainte Communion en entonnant le psaume : « Venez, réjouissons-nous devant le Seigneur » (Ps. 94, 1) puis, les ayant bénis, il s’endormit en paix (446), et son corps fut déposé dans la chapelle du monastère, en présence d’une grande foule en pleurs. Conformément aux prédictions du saint, peu après son repos, de fortes grêles détruisirent les récoltes, des tremblements de terre firent de nombreux dégâts et les Huns ravagèrent plus de soixante-dix villes en Thrace.