”Dès son plus jeune âge, notre saint Père Théoctiste quitta sa patrie et ses parents pour se consacrer à l’amour de Dieu seul, sur les Lieux saints de la région de Jérusalem. Après avoir vénéré la Précieuse Croix et la basilique de la Résurrection, il se retira dans la laure du Pharan, à six milles de Jérusalem, où il s’enferma dans une étroite cellule, afin d’y lutter contre ses passions et contre les démons. C’est alors que le grand Euthyme quitta son Arménie natale pour venir demeurer lui aussi dans cette laure, où les ascètes rivalisaient d’exploits dans leurs combats. Théoctiste et Euthyme devinrent rapidement amis selon Dieu. Leur commun amour du Christ et leur zèle pour tresser la couronne de gloire des vertus par les labeurs de l’ascèse unirent leurs cœurs dans une si grande affection spirituelle qu’ils n’avaient l’un et l’autre qu’une même pensée, une même façon de vivre et montraient pour ainsi dire une seule âme en deux corps. Unis en une si grande charité et une telle communauté d’aspiration, ils se rendaient chaque année, après la clôture de la fête de la Théophanie (13 janvier), au désert de Koutila, séparés de tout commerce avec les hommes, seulement désireux de converser avec Dieu dans la solitude par la prière pure. Ils demeuraient là jusqu’à la fête des Palmes et, ne cessant d’opprimer leur corps par la jeûne, la veille, la chaleur, la soif, ils donnaient à l’âme sa nourriture spirituelle.
Après cinq années ainsi passées à Pharan, alors qu’ils se rendaient tous deux comme chaque année dans le désert pour le Carême, Théoctiste et Euthyme furent guidés par Dieu jusqu’à une vaste grotte accrochée aux flancs d’un ravin. Remplis de joie d’avoir trouvé cette demeure bâtie par Dieu, les deux ascètes s’y établirent, ne prenant pour toute nourriture que les plantes qu’ils trouvaient là. Cette caverne était une antre de bêtes sauvages ; mais, civilisée par les prières et les hymnes divins de ces deux hommes célestes, elle reçut le caractère sanctifiant d’une église de Dieu. Toutefois leur vertu ne put rester longtemps cachée des hommes. Une foule considérable de frères accourus de toutes les contrées vint bientôt demander de pratiquer l’ascèse sous le direction d’Euthyme et Théoctiste. Euthyme préférait plus que tout la solitude, aussi remettait-il chacun de ceux qui voulaient renoncer au monde aux soins du vénérable Théoctiste, lequel, ne sachant pas désobéir, agissait en tout selon l’avis de son ami et père en Christ.
Peu à peu cette retraite devint un coenobium [monastère où tous les moines partagent la même vie commune] avec la grotte comme église et Théoctiste pour higoumène, alors qu’Euthyme se retirait quant à lui dans le désert plus profond.
Les années passant ainsi, plus Euthyme grandissait dans la voie de la solitude, plus Théoctiste brillait dans les vertus de la vie commune, mais tous deux gardaient indissoluble le lien de la charité. Théoctiste parvint à un grand âge, et tombant soudain gravement malade, il s’endormit en paix dans le Seigneur le 3 septembre 467. Il fut enterré par saint Euthyme, alors âgé de 90 ans, et par le patriarche de Jérusalem Anastase.