”Notre saint Père Abraham était fils de chrétiens riches et pieux, qui avaient obtenu sa naissance à force de prières. À l’école, il se distinguait par sa vive intelligence et sa soif d’apprendre, mais il aimait surtout lire et chanter à l’église. Après la mort de ses parents, il distribua leurs biens aux églises et aux pauvres et, refusant de se marier, il revêtit de pauvres habits et s’en alla comme mendiant, livré à la Providence et simulant la folie. Il devint moine dans un monastère de la Mère de Dieu, à six verstes de Smolensk, où il y mena une telle vie ascétique que son corps respirait l’accablement. « Ses os et ses membres apparaissaient dénudés comme ceux des saintes reliques, et son visage était pâle à cause de ses veilles et de ses abstinences » écrit son disciple et biographe saint Éphrem († 1238). Il passait la plus grande partie de ses nuits en prière, à genoux, et versait des larmes abondantes en se frappant la poitrine sans discontinuer, pour supplier Dieu d’avoir pitié de tous les hommes. Il étudiait avec avidité les saintes Écritures et les vies des saints, recopiait soigneusement les écrits des saints Pères, et rédigea des homélies et des recueils pour l’édification spirituelle du peuple.

Devenu hiéromoine, il célébrait quotidiennement la divine Liturgie et ses sermons, dans lesquels il appelait avec ferveur au repentir en préparation du Jugement Dernier, attiraient un grand nombre de fidèles. Saint Abraham passa ainsi trente années au monastère, mais sa renommée attira la jalousie de certains moines qui obtinrent son expulsion, et il se rendit alors au monastère de la Sainte-Croix à Smolensk. Comme le peuple continuait d’accourir pour entendre sa prédication, ses ennemis, inspirés par le démon, le poursuivirent de leurs calomnies, en l’accusant d’hérésie auprès de l’évêque qui le fit comparaître à son tribunal ecclésiastique. Le prince Romain Rostislavovitch, qui se trouvait alors dans la ville, assista à l’audience et, ne trouvant rien de répréhensible dans les enseignements du saint, il le fit relâcher ; mais le lendemain, les calomniateurs revinrent à l’attaque. Ni les paroles de paix de saint Abraham ni le témoignage d’un moine présenté comme témoin en sa faveur ne purent lui éviter la sentence épiscopale, qui lui interdisait de célébrer et d’enseigner au peuple. Deux justes vinrent alors prévenir l’évêque que Dieu allait punir la cité à cause de cette persécution envers Son serviteur. Une grande sécheresse et des épidémies affligèrent bientôt la contrée ; on multipliait les offices d’intercession, mais la situation ne faisait qu’empirer. Le prêtre Lazare déclara alors à l’évêque que si l’on ne rendait pas justice à Abraham, de plus grands malheurs allaient se produire. L’évêque leva l’interdit et demanda pardon au saint. Et dès qu’Abraham se mit en prière, une pluie abondante commença à tomber, manifestant clairement son innocence et la faveur qu’il avait acquise auprès de Dieu. Il fut alors nommé higoumène d’un monastère dédié à la Sainte Mère de Dieu, dans lequel il reposa en paix, en 1222 (1221), au terme de cinquante années de labeurs ascétiques. Ses saintes reliques furent cachées lors de l’invasion polonaise de 1611, mais on ne put ensuite les retrouver.