”Saint Élie naquit à Reggio en Calabre, vers 864, de parents nobles et fortunés. Un jour un moine lui apparut dans l’église et lui reprocha de porter des vêtements luxueux et de mener une vie frivole. Dès lors le jeune homme adopta une vie d’ascèse et de mortification de la chair. À l’âge de dix-huit ans, il quitta sa patrie avec un ami, pour échapper au mariage, et se rendit à Taormina. Bientôt découragé par l’austérité d’Élie, son compagnon décida de le quitter, mais en chemin il fut tué par les Sarrasins. Resté seul, Élie s’embarqua pour Rome, afin d’y vénérer les tombeaux des Apôtres. Il y rencontra un saint moine, nommé Ignace, auquel il confia la direction de son âme. Mais, voyant l’état de perversité morale dans laquelle se trouvait la cité comme le clergé, celui-ci lui recommanda de regagner sa patrie.
De retour à Reggio, Élie entendit vanter la renommée de saint Arsène qui menait la vie ascétique à peu de distance de la ville. Arsène le revêtit de l’habit monastique et il devint dès lors pour lui le modèle vivant et le prototype, de toutes les vertus. Malgré sa main infirme, à la suite d’un accident survenu dans son enfance, Élie s’adonnait à tous les travaux matériels avec zèle, et il passait une grande partie de la nuit à faire des métanies et à élever des hymnes et des prières vers Dieu. Il disait : « Celui qui travaille de ses mains et prie en son cœur devient doublement riche, car il sert Jésus, présent en la personne des pauvres, comme Marthe, et avec son intellect, il reste attentif aux paroles du Verbe de Dieu, comme Marie. »
Un jour, un des prêtres influents de la cité usurpa le meilleur champ des deux ascètes, et corrompit le juge pour qu’il ne leur rendît pas justice. Abandonnant leur monastère pour éviter les querelles les deux saints s’installèrent dans l’église de Saint-Eustrate près du village d’Armon, où loin des troubles de ce monde ils s’adonnèrent à la prière pendant quelques années.
Lorsqu’ils reçurent de Dieu la révélation de l’imminente invasion des Arabes, ils partirent se réfugier en Grèce, comme d’autres saints moines de cette région. Parvenus à Patras, ils vécurent pendant huit ans dans une tour, d’où ils avaient chassé les démons qui avaient de tout temps effrayé les habitants, et ils devinrent célèbres, tant par leurs exploits ascétiques que par leurs miracles.
Une fois le danger des Sarrasins écarté, Arsène et Élie décidèrent de retourner dans leur patrie, malgré les pressions de l’évêque qui voulait les retenir à Patras. Déçu dans sa tentative le prélat fit accuser calomnieusement Élie d’avoir volé des vases sacrés. Le saint se laissa conduire en prison, sans même essayer de se justifier. Finalement l’évêque se repentit et laissa les deux ascètes rentrer en Calabre.
Ayant regagné leur ermitage de Saint-Eustrate, ils se lièrent d’amitié spirituelle avec deux autres ascètes, qui avaient fondé un monastère dans la région : Daniel et Élie de Sicile (cf. 17 août). Ce dernier avait reçu le don de prophétie et prédit à Arsène qu’il allait bientôt quitter cette vie, puis il recommanda à Daniel de mettre Élie à la tête de leur communauté lorsqu’il mourrait. Le moment venu Arsène convoqua Élie le Spiléote à son chevet, afin de lui transmettre ses derniers enseignements, puis il reposa en paix (904). Longtemps après sa mort, des Sarrasins, croyant découvrir un trésor dans l’église, ouvrirent le tombeau de saint Arsène et trouvèrent son corps incorrompu. Ils essayèrent vainement de le brûler, puis le remirent dans son tombeau. Conformément à la prophétie qui avait été prononcée à son sujet, à la mort d’Élie de Sicile, notre Élie fut convoqué par Daniel. Mais, arrivé au monastère, il trouva porte close, car Daniel avait décidé de l’éprouver. Il attendit, sans protester, jusqu’au soir, puis fut reçu par les moines avec grande joie, comme un vrai moine ayant acquis une patience à toute épreuve. Daniel offrit de la nourriture au saint qui était resté à jeun pendant tout le trajet, mais Élie refusa, disant qu’il était indigne de prendre une réfection. Et pendant l’office de nuit, il encouragea à la vigilance Daniel qui s’était assoupi.
Au bout de quelques mois, Élie, en quête d’un nouveau père spirituel, se joignit à l’ermite Cosmas qui demeurait dans une grotte d’accès difficile avec son disciple Vital. Mais bientôt troublés par les visiteurs, Cosmas et Vital s’en allèrent. Tel un séraphin, tout ardent de l’amour divin, Élie continua seul ses ascensions spirituelles, jusqu’au jour où il vit en rêve un essaim d’abeilles qui volaient autour de sa tête en modulant une suave mélodie. Il les recueillit dans un vase et les plaça dans un jardin merveilleux, rempli de fleurs chatoyantes. À son réveil, il comprit que Dieu lui montrait ainsi qu’il lui fallait désormais accueillir des frères et les guider vers le Royaume des Cieux.
Le nombre de ses disciples s’accrut rapidement et la grotte devint trop exiguë. Ils découvrirent alors une grotte immense, qui fut aménagée en monastère, avec une église dédiée aux saints Apôtres Pierre et Paul. Les grottes environnantes devinrent aussi de véritables ruches, habitées par quantité de moines qui suivaient l’exemple de la vie de saint Élie. Il leur enseignait à repousser avec science les embûches des démons et pourvoyait à leurs besoins par la familiarité qu’il avait acquise auprès du Seigneur. Un jour, où le vin destiné au saint Sacrifice s’était accidentellement perdu, le saint changea de l’eau en vin à l’arôme excellent. Une autre fois, il alla au devant d’un ours qui ravageait les ruches du monastère et les cultures, il le gronda et l’animal se retira, confus. À de nombreuses reprises le saint protégea invisiblement ses moines menacés par un danger, il prédisait leurs fautes, et quand ces derniers suivaient ses conseils, alors tout leur devenait possible et ils pouvaient accomplir des tâches surhumaines. Il corrigea de plus les mœurs des habitants de la contrée et délivra de nombreux possédés. Ses miracles attiraient vers le monastère quantité d’infirmes et d’indigents, et aucun d’entre eux n’était repoussé.
Lors des fréquentes incursions arabes, saint Élie se réfugiait dans la montagne, revêtu d’une peau de bête, et y restait jusqu’à quarante jours, presque sans manger ni boire. D’autres fois, il prenait refuge dans la citadelle et exhortait ses disciples à se repentir de leurs fautes qui avaient attiré ces fléaux. Devenu vieux, le saint mangeait à peine et s’abreuvait plutôt des torrents de larmes qui coulaient sans cesse de ses yeux. Mais aux jours de fêtes, il passait la nuit à chanter hymnes et cantiques, dans une grande joie. Après avoir prédit pendant une année son prochain départ, il alla vénérer la tombe de saint Élie de Sicile et, à son retour, il tonsura un grand nombre de novices, puis il se retira dans sa grotte, où il souffrit en silence d’un violent mal de ventre. Au terme d’un combat de vingt-cinq jours, il rendit son âme à Dieu, le 11 septembre 960, à l’âge de 96 ans, en présence de l’évêque et nombreux laïcs, et il fut enseveli dans sa grotte.