”Notre saint Père Fantin naquit vers 927 au sein d’un famille pieuse et distinguée de Calabre. Adonné dès sa plus tendre enfance à la méditation des Écritures, il se tendait vers les biens éternels et dédaignait les plaisirs et distractions des enfants de son âge. Constatant en lui de telles dispositions, ses parents le consacrèrent à Dieu, à l’âge de huit ans, et le confièrent à saint Élie le Spiléote (cf. 11 sept.). Le saint ascète discerna aussitôt à quelle destinée était appelé l’enfant, et il le remit au meilleur de ses moines pour être formé dans la science spirituelle. Fantin possédait la sagesse d’un vieillard dans son corps d’enfant, c’est pourquoi, au bout de cinq ans, Élie lui conféra l’Habit monastique. On lui confia l’obédience ardue mais sanctifiante de cuisinier, et quand il se trouvait devant le feu crépitant du fourneau, il portait sa pensée sur le feu éternel auquel seront voués les pécheurs ; c’est ainsi qu’il acquit la grâce de la componction. Dès son entrée au monastère, il ne mangeait que tous les deux ou trois jours, et à partir de la seconde année de sa profession, il ne prit qu’une fois par semaine des légumes, et rarement un peu de pain. Chassant de son âme toute propension au plaisir, il progressait dans toutes les vertus, et son cœur purifié devint une terre fertile qui portait en abondance les fruits du Saint-Esprit.
Quand saint Élie remit son âme à Dieu (960), Fantin, qui était depuis vingt ans au monastère et avait acquis une expérience suffisante dans la discipline ascétique, décida d’embrasser la vie érémitique.
Il se retira dans un endroit désert de la région du mont Mercurion, et mena pendant plusieurs années une stricte vie ascétique, presque nu et se nourrissant de racines. [Situé au nord de la Calabre, dans la vallée du Lao, le centre monastique du mont Mercurion était alors à son apogée. On y trouvait monastères cénobitiques et ermitages, qui constituaient une véritable « Thébaïde ». La Vie de S. Fantin ne parle vaguement que de la Lucanie, mais on sait d’après la Vie de S. Nil que ce dernier reçut l’enseignement spirituel de S. Fantin au mont Mercurion vers 940.] Il était rudement éprouvé par les démons, qui lui apparaissaient parfois sous la forme de ses parents éplorés qui essayaient de le ramener dans le monde, ou d’autres fois sous l’apparence de bêtes sauvages. Mais il triomphait de toutes ces épreuves par le signe de la Croix vivifiante et par les longues prières nocturnes. Au bout de dix-huit ans, ses parents le découvrirent dans sa retraite et, après de touchantes retrouvailles, il les convainquit de se retirer du monde et de ses vanités. Il plaça sa mère et sa sœur dans un couvent de religieuses, et après avoir lui-même procédé à la tonsure monastique de son père et de ses deux frères, Luc et Cosmas, il les guida dans la voie étroite qui mène au Royaume. Ces montagnes désertes devinrent bientôt demeures d’hommes et de femmes qui menaient sur terre la vie des anges sous la direction du bienheureux Fantin. Il était pour tous le Père, l’interprète de la Loi divine et le modèle vivant des vertus évangéliques.
Comme la responsabilité de tant d’âmes ne laissait pas au saint la possibilité de vaquer à Dieu sans distraction, avide de nouveaux progrès dans la contemplation, il confia la direction du monastère principal à son frère Luc et plaça des économes dans les autres communautés, puis il se retira en secret dans un autre lieu. Mais il fut pris pour un espion par les habitants de cet endroit, qui le ligotèrent et le jetèrent dans un cachot obscur et souterrain, le laissant sans aucun soin, en proie aux insectes et à la vermine. Recouvert par la grâce de Dieu, l’homme de Dieu restait cependant étranger à la souffrance et trouvait même ses délices dans cette situation. Quand ses accusateurs prirent conscience de leur erreur, ils le délivrèrent et tombèrent à ses pieds en lui demandant pardon. Fantin alla alors s’installer dans un endroit favorable à la vie hésychaste, où se trouvaient de l’eau en abondance et une végétation verdoyante. Mais il fut de nouveau en butte aux troubles provoqués par les visiteurs, aussi décida-t-il de retourner dans son monastère. Il reprit la vie commune, mais sans rien abandonner de son régime ascétique : il se nourrissait de légumes crus, couchait sur la dure et vivait presque nu. Son travail manuel était la calligraphie, et il passait ses jours et ses nuits dans la prière continuelle et les hymnes divines. Il avait acquis une telle impassibilité, et son désir de Dieu s’accroissait de jour en jour à tel point, qu’il ne pouvait se rassasier du divin nectar qu’il puisait en son cœur. Il acquit également le pouvoir de chasser les démons, et de guérir les maladies et langueurs de toutes sortes, aussi bien de l’âme que du corps.
Il commandait aux animaux sauvages et aux reptiles, tel un nouvel Adam, et pourvoyait aux besoins du monastère par ses miracles. Un jour, à l’issue de l’office de l’aurore, il entra en extase et resta les mains et les yeux tendus vers le ciel jusqu’à l’heure des vêpres. Comme ses disciples lui demandaient ce qu’il avait contemplé, il répondit avec des torrents de larmes : « Ce que vous voulez savoir est indicible. » Et sur ces mots, abandonnant sa tunique sur le sol, il quitta le monastère et s’enfonça, nu, dans la montagne, où il resta vingt jours sans nourriture ni boisson. Il vécut ainsi pendant quatre ans, la barbe et les cheveux rasés, avec des herbes sauvages pour seule nourriture. Donnant aux ignorants et aux moines de son monastère l’impression d’être devenu fou, il prédisait, comme jadis le Prophète Jérémie à Jérusalem, l’invasion prochaine des Sarrasins qui allaient ravager le pays à cause de la décadence des mœurs des chrétiens. Un jour, il fit de nouveau son apparition et annonça aux frères l’arrivée de saint Nil, qu’il avait formé dans la science ascétique et pour lequel il nourrissait une grande estime (cf. 26 sept.). Quand Fantin lui eut raconté comment il avait été emporté par deux anges pour contempler le lieu des châtiments éternels et celui de la félicité, saint Nil réprimanda les moines d’avoir considéré comme hors de sens un homme qui, comme saint Paul, avait été ainsi enlevé au troisième ciel. Longtemps après, un ange apparut à saint Fantin au cours de sa prière nocturne et lui commanda de se rendre à Thessalonique, avec pour mission d’y entraîner là-bas de nombreuses âmes à la pratique de la vertu.
Il réunit les moines dans l’église, et leur recommanda de ne pas perdre le temps qui nous est donné par Dieu pour le repentir en de vains soucis ou attachements terrestres, mais de s’exhorter mutuellement à se faire violence pour se préparer dignement à rencontrer le Seigneur quand Il reviendra pour juger le monde. Puis, après leur avoir dit adieu, il s’embarqua pour la Grèce, emmenant avec lui ses disciples Vital et Nicéphore [C’est ce Nicéphore le Nu, qui renoncera à la vie érémitique pour se mettre sous la direction spirituelle de S. Athanase l’Athonite, cf. 5 juil.]. Ils parvinrent dans le Péloponnèse, après une heureuse traversée, pendant laquelle le saint adoucit de l’eau de mer pour désaltérer les passagers du navire, puis séjournèrent brièvement à Corinthe et Athènes. Nombreuses étaient les âmes en quête du salut qui accouraient à la seule vue de ces hommes divins qui répandaient autour d’eux la bonne odeur du Saint-Esprit. Cependant Fantin tomba gravement malade, et tous s’attendaient à ce qu’il rendit l’âme, mais il leur prédit qu’il devait trépasser à Thessalonique. Une fois remis, il se rendit à Larissa et vécut quelque temps près de l’église de saint Achille, en répandant avec profusion son enseignement spirituel. De là, les trois ascètes s’embarquèrent pour Thessalonique, où ils s’installèrent dans l’église Saint-Mènas. Les personnes les plus éminentes de la cité, dont l’archevêque lui-même, attirées par la renommée de saint Fantin, vinrent lui rendre visite pour recevoir la bénédiction de sa parole et de sa prière ; et il devint aussitôt le médecin de tous ceux qui étaient éprouvés, le protecteur des affligés et le maître de ceux qui voulaient marcher vers Dieu.
Après trois mois, il changea de résidence, mais le flot de ses visiteurs ne cessa pas pour autant de s’accroître et il accomplit un grand nombre de guérisons. Un jour, alors qu’il se trouvait près de la porte de Cassandre, Fantin se précipita soudain vers l’église Sainte-Anysia et y trouva deux moines qui, venant du Mont Athos, se dirigeaient vers Athènes : un vénérable vieillard et un eunuque. Il se prosterna profondément à leurs pieds et demanda leur bénédiction. Comme ils passaient sans s’arrêter, le saint révéla à son disciple, qui s’étonnait de cette conduite, que l’un d’eux était le grand Athanase, fondateur de Lavra, et l’autre saint Paul de Xiropotamou (cf. 28 juil.), qui devaient briller sur la Sainte Montagne comme deux luminaires. À leur retour à Thessalonique, les deux Athonites furent présentés à Fantin, dont ils avaient entendu vanter les miracles, et ils reconnurent, avec confusion, qu’il était le moine qu’ils avaient dédaigné sur leur passage.
Par la suite saint Fantin continua à répandre la miséricorde de Dieu par ses miracles, et ce fut grâce à son don de clairvoyance que la ville put être sauvée des Bulgares. Au terme d’un séjour de huit ans dans la cité de saint Dimitrios, il s’endormit en paix, en l’an 1000, âgé de soixante-treize ans.