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«L’Église est l’Église du Christ,
et c’est Lui qui la gouverne.
Elle n’est pas un temple construit par les croyants
avec des pierres, du sable et de la chaux,
et qui pourrait être détruit par les impies;
l’Eglise est le Christ Lui-même»

La langue grecque

Géronda, pourquoi a-t-on supprime les accents et les esprits de notre nouvelle grammaire?
– Aujourd’hui, les hommes ne supportent plus rien
et se débarrassent de tout. Les lettres aussi ne supportent plus rien, et elles se sont débarrassées des accents et des esprits! Et comme tous sont pressés, on ne met pas même de point à la fin des phrases!
Si vous voyiez la langue qu’écrivent certains! J’ai lu dans une traduction moderne de l’Évangile: «J’ai appelé d’Egypte mon garçon».1 Cela ne convient pas, mes enfants. Ce style ne distingue pas le sacré du profane. On écrit ainsi, soi-disant, pour fondre langue parlée et langue écrite. Pourtant, même dans le village le plus arriéré, quel est celui qui ne pourrait comprendre si l’on écrivait: «mon Fils»?
– Géronda, on parle de remplacer l’alphabet grec par l’alphabet latin.
– Ne te fais aucun souci à ce sujet! Cela ne tient pas debout! Heureusement que, du mal comme du tortueux, Dieu lire toujours le bien, car, sinon, nous serions perdus! Notre Tradition, notre langue ont été conservées, alors que nous
1. Cf. Mt 2, 15.

n’avions que des manuscrits à notre disposition et que les photocopies n’existaient pas, et elles se perdraient avec tous les moyens qui existent aujourd’hui? Non, quoi que fassent les hommes, la Tradition et la langue grecque ne disparaîtront pas! Voyez comment les Grecs réfugiés2 en Russie ont su conserver leurs coutumes! Leur connaissance du dialecte pontique leur fut à cet égard d’un grand secours. Car avec la langue, ils gardèrent la tradition en eux… Bien qu’une liberté relative leur ait été accordée, ils préférèrent quitter la Russie soviétique pour retrouver en Grèce leur pleine liberté, car ils se sentaient comme l’oiseau auquel on ouvre la porte de la cage, mais qu’on garde confiné dans une pièce: même ainsi, ne se sentira-t-il pas prisonnier? Songez ce que les Grecs du Pont ont enduré, les malheureux!
Certains essaient de créer un nouveau langage. Mais la langue grecque n’est pas seulement un langage, elle porte en elle une des langues de feu de la Pentecôte!3 . Aucune autre langue ne peut rendre exactement le dogme de la foi. C’est pourquoi Dieu a permis que l’Ancien Testament soit traduit en grec par les Soixante-dix (la Septante) et que l’Evangile soit premièrement écrit en grec. Quiconque veut étudier la dogmatique tout en ignorant le grec ancien risque fort de tomber dans l’illusion. Or nous, nous avons presque supprimé le grec ancien du programme de nos écoles! Sous peu, les Allemands viendront l’enseigner dans nos universités. Une fois ridiculisés, nos concitoyens prendront conscience de la valeur du grec ancien et s’écrieront: «Voyez, l’Église savait ce qu’elle faisait en gardant le grec ancien!».

2. Il s’agit de Grecs du Pont qui se réfugièrent en Russie du sud pour échapper aux pressions du régime turc et demeurer fidèles aux traditions helléno-orthodoxes. Après la révolution russe de 1917, la plupart préférèrent revenir en Grèce entre les années 1917-1924. Depuis l’effondrement de l’Urss, les Grecs pontiques sont extrêmement nombreux à venir s’installer en Grèce.
3. Cf. Ac 2, 3.

On s’efforce d’anéantir notre nation orthodoxe. Savez- vous ce que cela signifie? Une nation orthodoxe aujourd’hui, c’est un véritable défi! Nous avions jadis la philosophie. C’est sur la base de la philosophie grecque que sainte Catherine confondit les sages d’Alexandrie. Les philosophes grecs préparèrent le terrain pour le christianisme. L’Évangile a été écrit en grec, puis transmis au monde entier. Les Grecs s’avancèrent ensuite pour évangéliser les Slaves. L’existence de la Grèce incommode certains. «Elle nous nuit, disent-ils, il faut l’anéantir!».

Les problèmes du système éducatif

– Géronda, vous dites souvent que l’on cherche à tout détruire. Voulez-vous parler également de l’éducation?
– Oui, ne voyez-vous pas ce qui se passe? Les écoles actuelles sont-elles de vraies écoles? Quelle langue enseigne- t-on aujourd’hui aux enfants? Quelle histoire? Et qu’observe-t-on dans les cours de religion? On permet à un athée diplômé de théologie d’enseigner la religion. On ne vérifie pas ce qu’il enseigne en réalité aux élèves: la religion, ou l’athéisme? On se justifie par cet argument: «Nous ne pouvons pas le renvoyer!». Si un professeur de littérature allait enseigner les mathématiques, le laisserait-on faire?
Un autre est théologien et dissuade les fidèles de communier par crainte de la contagion du sida! Il fait partie de ceux qui ont été reçus à la faculté de théologie parce que l’ordinateur lui a attribué par erreur la note de passage! Les connaissances qu’on acquiert ainsi ne sont pas la connaissance de Dieu. On disait jadis: «Cet enfant a appris les lettres sacrées», car les lettres étaient vraiment sacrées4 . On rencontre aujourd’hui des professeurs de théologie qui n’ont pas la foi, qui insultent les Prophètes devant leurs étudiants,

4. Pendant l’occupation turque, les instituteurs utilisaient les livres ecclésiastiques (Horoiogion, Octoèque) comme manuels de classe.

et on les laisse à leur poste! Mais enfin, mes braves, qu’êtes- vous venus faire à la faculté de théologie? Quels futurs théologiens allez-vous former?
Quelle influence désastreuse les protestants et les catholiques ont-ils exercée! L’esprit athée a profondément pénétré le catholicisme! Les catholiques en viennent petit à petit à supprimer tel ou tel saint du calendrier. «Sainte Catherine, disent-ils, n’était pas une si grande sainte. Son père n’était qu’un petit roi. Saint Nicolas fut un saint sans importance. Saint Georges est un mythe. L’Archange Michel n’existe pas, c’est simplement une manifestation de Dieu. De même pour l’Archange Gabriel». Ils finiront pas dire: «Le Christ n’est pas Dieu, Il n’était qu’un maître éminent». Ils iront plus loin en affirmant que Dieu est une Puissance, pour finalement conclure que Dieu est la nature! Alors qu’existent tant de signes manifestes, tant de Prophètes, tant de prophéties, tant de miracles vivants, certains d’entre nous en arrivent à croire de telles sottises.
Un jeune homme est venu demander ma bénédiction pour aller étudier la Liturgie et faire sa thèse en Italie. «Es- tu dans ton état normal? lui répliquai-je, tu veux aller faire ta thèse chez les Jésuites et tu viens demander ma bénédiction? Eux-mêmes ne savent rien du sujet. Dans leur faculté, Uniates et Jésuites enseignent un je ne sais quoi!». En ce qui concerne les études à l’étranger, il faut faire attention à tout point de vue, car il arrive ceci: nos jeunes vont étudier en Angleterre, en France ou ailleurs; ils y attrapent tous les microbes européens et écrivent ensuite leur thèse. Ils étudient, par exemple, les Pères grecs dans des traductions. Or les traducteurs étrangers – soit faute de pouvoir rendre exactement le sens de l’original, soit à dessein – ont ajouté aux textes patristiques leurs propres interprétations erronées. Et nos étudiants, Grecs orthodoxes, qui savent les langues étrangères, attrapent en Occident ces microbes étrangers, les rapportent ici et les propagent dans leur enseignement.

Certes, quiconque fait attention saura facilement distinguer l’or de l’ambre.
– Géronda, des jeunes proches de l’Église, qui n’ont pas été reçus ici à l’université5 partent étudier à l’étranger, se laissent entraîner hors du droit chemin et perdent la foi.
– Je suggérerai à des personnes que je connais dans le monde de l’éducation de fonder quelques universités supplémentaires, afin que nos jeunes ne partent pas à l’étranger. Qu’ils étudient ici! Car sinon, ils se perdent moralement, leurs parents dépensent une fortune, et combien d’argent sort ainsi de Grèce!
J’exhorte toujours les jeunes qui vont faire des études à l’étranger en leur disant ceci: «Partez à l’étranger, puisque cela vous chante, mais veillez à ne pas perdre la foi. Acquérez à l’étranger seulement des connaissances! Et surtout ne manquez pas de revenir au pays! La Grèce vous attend, c’est votre devoir de l’aider! Votre place est ici près de vos concitoyens, afin que les malheureux ne soient pas contraints, faute de compétences sur place, d’aller à l’étranger consulter un médecin ou un quelconque spécialiste d’un domaine scientifique. Soyez vigilants afin que votre cœur ne se refroidisse pas. Les Européens sont froids par nature. Quant à l’Amérique, elle neconduit qu’à la richesse matérielle et à la ruine spirituelle!».
– Géronda. les grèves nuisent beaucoup aux élèves! Ils restent parfois un mois sans cours et traînent dans les rues!
– Moi, je ne cesse de répéter aux professeurs de ne jamais faire grève, sauf si l’on cherche à supprimer les cours de religion, la prière avant les cours6 , ou encore à ôter la croix orthodoxe du drapeau national7 , etc. Car alors il faut protester.

5. En Grèce, les élèves ayant terminé le lycée doivent passer des examens éliminatoires pour entrer à l’université.
6. Dans les écoles de Grèce, on récite chaque jour le Notre Père au début des cours.
7. La hampe du drapeau national grec est surmonté d’une croix.

Sinon, qu’ont fait les élèves pour être condamnés à rater leurs cours?
– Géronda, le tournant que prend notre système éducatif causera-t-il beaucoup de tort?
– De nombreux élèves subiront un grand dommage au plan spirituel, mais le Bon Dieu les jugera en conséquence. Il examinera quel aurait été leur état s’ils n’avaient pas subi de mauvaises influences. Quant à nous, nous devons beaucoup prier pour ces malheureux enfants, afin que Dieu intervienne et les aide. Nous devons prier pour qu’ils ne soient pas détruits spirituellement, mais acquièrent au contraire une bonne santé spirituelle et de nombreuses vertus.

La théorie de l’évolution

Quelles sottises raconte-t-on aujourd’hui dans les écoles avec la théorie de Darwin et autres! Alors que les enseignants n’y croient pas eux-mêmes, certains apprennent ces sottises afin de troubler l’esprit des élèves et les éloigner de l’Eglise. Une telle personne m’a dit: «Admettons que la glaise contienne différents composants chimiques, divers micro-organismes, et que Dieu ait pris ces éléments pour faire l’homme…». Je lui répliquai: «Vous voulez dire que si ces composants n’existaient pas. Dieu n’aurait pu créer l’homme? Cela Lui aurait été difficile! – Supposons, poursuivit-il, que Dieu ait créé d’abord le singe, pour le perfectionner ensuite? – Soit, lui dis-je, Dieu ne pouvait-Il pas créer la créature parfaite, l’homme, alors qu’il disposait de toute une journée? Il devait trouver des pièces détachées? Examine donc la prophétie du Livre de Jobs qui est lue le Jeudi Saint à l’office. Que l’homme descende du singe, la science même rejette cette hypothèse. Combien d’années se sont-elles écoulées depuis que les hommes sont allés sur la lune? Fort peu. Or depuis tant de siècles qu’ils existent, les

8. Jb 38, 14: «Est-ce toi qui as pris de la glaise pour façonner un être vivant?» (traduction de la Septante).
9.

singes n’ont pas évolué au point de pouvoir fabriquer une trottinette, à défaut d’une bicyclette! As-tu jamais vu un singe faire de la trottinette? Certes, on peut lui apprendre à en faire, mais c’est différent!». Mais lui revenait à la charge: «Supposons ceci, supposons cela… – Ne suppose rien du tout, lui conseillai-je, afin d’être sûr de ne pas te tromper!».
A un professeur d’université, qui enseignait cette théorie de l’évolution, je dis un jour: «Avec un peu de soin, le haricot deviendra peu à peu un meilleur haricot, la courgette, une meilleure courgette. Si on nourrit un singe et prend soin de lui, il deviendra un singe plus perfectionné, mais il ne pourra jamais devenir un homme. Si un noir vit dans un climat froid privé de soleil, sa peau s’éclaircira un peu, mais il restera toujours un noir!». Songe un peu que le Christ est né du genre humain, de la Vierge! Avec cette théorie de l’évolution, il s’avérerait que l’ancêtre du Christ serait le singe? Quel blasphème! Les partisans de cette théorie ne comprennent même pas qu’ils blasphèment. Ils lancent une pierre et, sans regarder combien de têtes elle va briser, ils s’exclament: «C’est moi qui ai lancé la pierre le plus loin!». Voilà où l’on aboutit aujourd’hui: on admire celui qui lance la pierre le plus loin possible sans songer aux têtes qu’elle va briser.
– Géronda, certains pensent que ces théories contribueront à attirer les marxistes à l’Eglise.
– Cela peut les attirer au début, mais par la suite ils en viendront à entrer dans l’Église en tant que parti. Ils prescriront alors à leurs membres quand aller ou non à l’église, quand faire ceci et quand faire cela. Ils régleront tout, et finiront par affirmer: «Qui vous a dit que Dieu existe? Dieu n’existe pas, les popes vous trompent». Les marxistes se servent des partisans de la théorie de l’évolution pour arriver à leurs fins, sans que ces derniers en prennent conscience. Les marxistes ayant de bonnes dispositions viennent à l’église, se repentent, se confessent. Quant à ceux qui n’ont pas de bonnes dispositions, de toute façon, ils ne changeront pas.

On éloigne les enfants de l’Eglise

Lorsque j’étais petit, aller à l’église m’aidait beaucoup. Nous avions un excellent instituteur à l’école et lui aussi nous aidait dans ce sens. Il nous apprenait des chants nationaux et des hymnes ecclésiastiques. Le dimanche, à la paroisse, nous psalmodions la Daxologie, «Parles Prières…», le Trisagion* et l’Hymne des Chérubins.
– Les filles aussi psalmodiaient?
– Oui, tous ensemble, garçons et filles. Jadis, l’église du village se trouvait près de l’école et nous jouions dans la cour de l’église. Les jours de fête, l’instituteur nous emmenait à l’office, même s’il fallait manquer une leçon. Il préférait sacrifier une heure de cours, mais que ses élèves assistent à la Liturgie. Et de cette façon, les enfants apprenaient quelque chose à l’école, car fréquenter l’église les faisait se sanctifier, les rendait doux comme des agneaux. Nous avions un autre instituteur, qui était Juif, mais lui n’enseignait pas la religion. C’est une institutrice orthodoxe qui venait nous faire les cours de religion. Bien que Juif, cet instituteur nous conduisait jusqu’à la porte de l’église. Et durant l’office, tous les enfants se tenaient debout et silencieux.
Actuellement, depuis qu’on les éloigne de l’Eglise, je constate que les élèves sont très agressifs! Au contraire, lorsqu’un enfant pratique, il se calme, il s’assagit, car il reçoit la bénédiction* de Dieu et se sanctifie. On ne laisse pas les enfants d’aller à l’église, de peur sans doute qu’ils y subissent une influence spirituelle! Par contre, s’agissant de toutes les idées stupides, non seulement on ne les en protège pas, mais on les leur enseigne! Ne comprend-on pas que, si les enfants subissent l’influence de l’Église, l’influence de la religion, ils ne feront pas de bêtises, seront sages, appliqués à leurs leçons, au lieu d’être abrutis comme ils le sont aujourd’hui? Et en grandissant, ils s’avéreront de bons citoyens et de fervents patriotes. Ils n’auront pas de

mauvaises fréquentations, ne s’adonneront pas à la drogue, ne deviendront pas des bons à rien. Tout cela ne constitue- t-il pas d’excellentes prédispositions pour l’avenir, et pour former d’honnêtes citoyens? Ceux qui veulent éloigner les enfants de l’Église n’en ont-ils pas conscience? Ne l’estiment-ils pas?
En fait, on a pour but d’éloigner les jeunes de l’Église. On s’efforce d’empoisonner l’esprit des élèves avec diverses théories, afin d’ébranler leur foi. On les empêche de faire le bien, afin de les rendre bons à rien; on les détruit dès leur enfance. Et les enfants, naturellement, d’agneaux qu’ils étaient, se transforment en chèvres: ils en viennent à frapper leurs parents, leurs enseignants et ceux qui ont l’autorité. Ils chamboulent tout, organisent des manifestations, occupent leurs écoles, font grève. Mais quand ils auront fini par tuer ceux qui les gouvernent, ces derniers commenceront à retrouver la raison!

On charge les enfants d’un tas de connaissances…

Je vois des jeunes gens qui ont terminé le lycée, l’université, et qui ont une écriture abominable et écrivent des lettres émaillées de ces fautes… Nous, qui n’avions achevé que l’école primaire, nous ne faisions pas de telles fautes… Certes, les étudiants des facultés de littérature ou de droit ne font pas tant de fautes, mais dans les autres facultés, les étudiants ne savent pas du tout écrire. Dire que jadis le collège était du niveau…
– Presque d’une université, Géronda?
– Exactement! Vois tout ce que les élèves apprenaient jadis à l’école primaire, a fortiori au collège! Actuellement, on charge les élèves d’un tas de cours et on embrouille ainsi leur cerveau. On les fatigue de leçons sans contrepoids spirituel. Or, ce qu’on devrait leur enseigner en priorité à l’école, c’est la crainte de Dieu! On voit des petits enfants se mettre

à étudier l’anglais, le français, l’allemand – alors qu’ils n’apprennent pas le grec ancien -, ou encore la musique, ceci, cela… Quoi donc apprendre en premier? On leur enseigne un tas de chiffres et de lettres, mais rien de ce qu’ils devraient savoir. Ils ignorent totalement, par exemple, l’histoire de leur patrie, ne connaissent aucun chant patriotique.
Interroge un élève actuel et demande-lui: «De quelle municipalité dépend ton village? Combien d’habitants compte- t-il?». Il ne saura que te répondre et dira: «Je vais à la gare routière prendre le car qui me conduit au village. Le chauffeur sait où se trouve mon village, je lui dis où je veux aller, je paie mon billet et il me conduit». Nous, dès l’école primaire, nous connaissions sur le bout des doigts la géographie du globe, car nous devions savoir par cœur, pour tous les pays, les noms des villes de population supérieure à 500000 habitants. Nous devions savoir également les noms des fleuves les plus longs et les plus larges, de fleuves moins importants aussi, des montagnes les plus élevées, etc., et a fortiori tout de la Grèce! J’ai constaté cette ignorance de la géographie non seulement chez des enfants, mais aussi chez des adultes. Voir des étudiants qui ignorent le nombre d’habitants de la ville dans laquelle ils font leurs études! J’ai demandé à un étudiant de me citer la montagne la plus élevée de Grèce, et il n’a su me répondre. Quel est le plus long fleuve? Aucune idée. Le nom du fleuve le plus petit? Etre à l’université et ne rien savoir de la géographie de son propre pays! Nos voisins «amis» viendront ensuite lui affirmer: «Ceci n’appartient pas à ta patrie, mais à la nôtre», et il répondra: «Vous dites vrai; il en est ainsi!». Avez-vous saisi ce qui se passe? C’est à cela que nous allons aboutir. En revanche, si on interroge aujourd’hui les élèves au sujet de la télévision ou du football, ils savent tout par cœur.
Vois les enfants venus d’Albanie – d’Épire du Nord – qui savent lire et écrire le grec! Si on leur demande où ils ont appris le grec, ils répondent: «Dans les prisons». Ces

malheureux ont transformé les prisons en écoles! Mais nos enfants en ont-ils fait autant? Ils ont plutôt transformé leurs écoles en prisons, s’enfermant clans les écoles qu’ils ont occupées… Actuellement, les élèves, en particulier durant l’adolescence, sont perturbés; cela concerne surtout les collèges et les lycées. A l’université, les étudiants ont plus de maturité. D’ailleurs, ils assistent aux cours si et quand ils le veulent.
Au lieu de prendre certaines mesures salutaires concernant le système éducatif, on ne fait qu’aggraver la situation. Je constate que l’on pervertit jusqu’aux choses spirituelles. Entends la prière tirée d’un recueil de textes pour l’école primaire: «Sainte Vierge, ton bébé est le plus beau bébé du monde!». Où en est-on arrivé! Comparez ce que l’on enseignait jadis aux enfants à l’école primaire et ce que l’on y enseigne aujourd’hui! «Ma petite chèvre finaude, rassemble tes chevreaux diablotins afin qu’ils donnent du lait de chèvre pour nourrir tes petits-enfants, tes folichons diablotins!»9 . Songe que les enfants vont apprendre de telles horreurs! On agit ainsi pour mettre le diable en avant et pour favoriser les desseins des satanistes. Que Dieu intervienne, car on n’aide ainsi pas les enfants à évoluer positivement, mais on les incline plutôt à devenir possédés du démon.
Les connaissances qu’ils acquièrent ne leur enseignent pas à travailler avec leur tête, et c’est pourquoi ils n’ont pas l’esprit vif. Et celui qui n’a pas l’esprit vif a l’esprit embrumé! Les savants qui ont fait des découvertes ont tous fait travailler leur cerveau. Ils se trouvaient devant un problème, cherchaient à le résoudre. La plupart de nos contemporains ne font que consulter les livres ou les notes en marge des ouvrages. Ils y cherchent des instructions pour tout et ils en restent à ce niveau. Tout est numéroté: cette vis se rapporte au numéro

9. Ma langue pour la classe de CE,, O.E.D.V., 3cmc partie, Athènes, 1988, p. Il (en grec).

un, celle-là au numéro deux. Si une vis est endommagée et que la machine ne fonctionne pas, on appelle aussitôt un technicien. Il ne vient pas à l’idée de prendre une lime, d’élargir le trou, ou au contraire d’enrober la vis de plastique afin qu’elle puisse s’ajuster. Non, on appelle aussitôt un technicien. Que dire? En outre, la télévision et les autres moyens d’information contribuent à abêtir l’homme. Même des personnes intelligentes deviennent comme des cassettes de magnétophone, qui ne font que répéter ce qu’elles ont enregistré. Je veux insister sur le fait que l’on doit faire travailler sa tête. C’est la base de tout. Car si la tête ne travaille pas, elle apprendra, admettons, une chose aujourd’hui, mais se perdra le lendemain dans une autre. Le but est que le cerveau humain conçoive de nouvelles solutions, trouve des solutions aux problèmes. S’il n’engendre rien, il est sous-développé.

La tâche de l’instituteur est sacrée

– Géronda, les difficultés des enseignants dans les écoles proviennent surtout de leurs collègues!
– Chacun a besoin aujourd’hui de faire preuve de beaucoup de discernement et d’être éclairé pour agir avec tact en face de ses collègues. Car chaque situation requiert une grande sagesse et l’illumination divine. Parfois même, il faut ne pas montrer que l’on est croyant, agir discrètement et parler de notre foi orthodoxe, non par des paroles, mais plutôt par sa vie. C’est de cette manière que l’on peut aider sans irriter. Dans l’éducation, la situation actuelle ressemble à une tumeur, qui est parfois bénigne et parfois maligne. Si nous abordons les choses du seul point de vue rationnel, nous ne ferons qu’aggraver la situation au lieu de l’améliorer. Si l’on opère imprudemment une tumeur maligne, elle produira des métastases. Nous devons donc agir avec grande prudence.

– Géronda, les enseignants qui veulent faire un travail positif rencontrent néanmoins de grandes difficultés, car ils ont les mains liées.
– Si on le veut, on trouve toujours le moyen d’œuvrer positivement. Sous les régimes athées, on a bien trouvé de tels moyens et on ne les trouverait pas chez nous? Un Grec alla en Bulgarie (du temps du régime communiste) et il distribua des croix aux élèves d’une école. Or un membre du parti qui se tenait à proximité vit la scène. Dès que l’institutrice s’en rendit compte, elle retira les croix des mains des enfants et les gronda de les avoir acceptées. Mais au départ de l’athée, elle-même s’empressa de les redistribuer aux enfants! Vois comme cette institutrice sut être en règle et avec la loi et avec Dieu! Et les enseignants grecs en Asie Mineure durant les années difficiles? Que n’ont-ils pas apporté au peuple! Ils travaillaient, en effet, de tout leur cœur; ils étaient remplis de compassion, d’une piété exemplaire, ils se sacrifiaient. Vois avec quelle sagesse saint Arsène de Cappadoce10 se comportait à Farassa. Il avait aménagé une salle en classe d’école et y avait étendu des peaux de chèvres ou de moutons avec leur laine, en guise de bancs. Et c’est à genoux sur ces peaux que les enfants assistaient aux leçons. En procédant ainsi, il n’irritait pas les Turcs, car même s’il leur arrivait de voir les enfants dans la salle de classe, ils pensaient qu’ils étaient en prière. De même, lorsque le Saint voulait emmener les enfants en promenade, il les conduisait dans un champ, qui lui appartenait et qui ressemblait à un potager, soi-disant pour les faire travailler, et il leur donnait ces consignes: «Si vous voyez un Turc, ayez l’air affairé. Coupez quelque branche afin de lui faire croire que vous nettoyez le potager!». Et les enfants agissaient ainsi. Car si les Turcs avaient deviné qu’il organisait une excursion pour les enfants, cela lui aurait valu des histoires. Songe donc, une école clandestine!
10. Voir PERE PAÏSSIOS, Saint Arsène de Cappadoce, op. cit., p. 61.

Dès que le Turc s’éloignait, les enfants retournaient à leurs jeux. En été, pendant les vacances, le Saint rassemblait les enfants de la même façon afin qu’ils ne se déshabituent pas de l’étude et n’oublient pas ce qu’il leur avait enseigné.
– Géronda, pourquoi saint Arsène écrivait-il les leçons en turc, mais avec l’alphabet grec?
– C’était pour que les enfants apprennent le turc, et puissent ensuite se débrouiller. De plus, si les Turcs le surprenaient à apprendre aux enfants à lire et écrire, ils voyaient des lettres grecques, mais l’entendaient lire en turc: ils ne s’irritaient pas. D’une part, les enfants apprenaient ainsi la langue turque; d’autre part, les Turcs ne s’irritaient pas. Tout ce que saint Arsène vivait, la rigueur de l’Orthodoxie, la piété, il le transmettait à ses élèves.
C’est pourquoi j’affirme que dans n’importe quelles conditions, celui qui le veut peut effectuer un travail positif en faveur des enfants. Un excellent livre sur l’Épire du Nord écrit par une institutrice est tombé entre mes mains. Cette femme vaut bien cinq cents hommes. Elle réussissait à faire dire aux guides albanais tout ce qu’elle voulait! Bravo!
Un vrai instituteur est un trésor, surtout de nos jours. Les élèves sont comme des cassettes vierges: on peut graver sur elles ou bien des chansons vulgaires ou bien de la musique byzantine. La tâche de l’instituteur est sacrée. Une grande responsabilité lui incombe, et s’il y prend garde, il recevra de Dieu une grande récompense. Qu’il s’efforce d’enseigner aux enfants la crainte de Dieu. Les enseignants doivent trouver le moyen de faire passer aux enfants quelques messages au sujet de Dieu et de la patrie. Qu’ils sèment cette bonne graine, même s’ils ne la voient pas fleurir! Rien n’est jamais perdu, elle finira par donner du fruit!
Qu’ils se comportent toujours avec les enfants avec bonté, indulgence et amour. Qu’ils s’efforcent d’éveiller leur générosité! L’enfant a besoin d’amour, de chaleur humaine. De nombreux enfants sont chez eux totalement privés d’amour.

Si les instituteurs aiment leurs élèves, ceux-ci les aimeront en retour, et les maîtres accompliront plus facilement leur tâche. Notre instituteur pouvait nous frapper avec des verges lorsque nous faisions des bêtises, mais il aimait ses élèves et ses élèves le lui rendaient. Lui-même n’avait pas d’enfant, et c’est pourquoi il aimait beaucoup les enfants.
J’affirme ceci: les parents qui font naître de nombreux enfants et deviennent parents de famille nombreuse sont dignes de louanges; mais les vrais enseignants qui font renaître spirituellement maints enfants et deviennent ainsi parents de famille hyper-nombreuse sont encore plus dignes de louanges! Ils contribuent à l’amélioration de la société, car ils lui offrent des membres ayant vécu leur renaissance spirituelle.