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— As-tu mis du poison contre les chenilles? Oui, Géronda.
—Tant de moniales ensemble, et elles ne sont pas capables de tuer une seule chenille! Pendant l’Occupation, lors de l’épidémie de sauterelles, le monastère de Vatopède avait apporté en Chalcédoine la Sainte Ceinture de la Vierge, et les sauterelles tombaient en nuage dans la mer. Je me souviens qu’en Épire les sauterelles recouvraient les champs comme de la neige. Tous s’y attaquèrent alors personnellement: on ramassait les sauterelles dans des draps pour les jeter. Régnait en plus une telle famine… Ne m’en parlez pas! Les champs de blé, saccagés par le fléau, donnèrent ensuite une nouvelle récolte, mais bien maigre.
Les épidémies de sauterelles, les guerres, la sécheresse, les maladies diverses sont des fléaux. Ces phénomènes sont non pas des moyens utilisés par Dieu pour corriger l’homme, mais des conséquences du fait qu’il s’est éloigné de Dieu. Ces fléaux arrivent parce que nous nous écartons de Dieu. La colère divine arrive pour nous faire nous souvenir de Dieu et implorer Son secours. Ce n’est pas que Dieu dispose les choses et ordonne, pour ainsi dire, qu’un malheur nous frappe, mais Il voit à l’avance jusqu’où ira la perversité des hommes. Et sachant qu’ils ne changeront pas, Il

permet qu’un malheur leur survienne afin qu’ils prennent conscience. Ce n’est pas que Dieu dispose ainsi les choses.
Dieu avait ordonné à Josué1 de ne pas exterminer une tribu, celle des Philistins, car elle serait un fléau pour les Hébreux chaque fois lorsqu’ils oublieraient Dieu. Ainsi quand les Hébreux s’éloignaient de Dieu, le diable avait des droits sur eux et poussait ses «cousins», les Philistins, à les attaquer. Les Philistins saisissaient les enfants des Hébreux et les précipitaient contre la pierre pour les tuer. En revanche, lorsque les Israélites étaient attaqués sans être coupables envers Dieu, le Seigneur combattait pour eux: Il envoyait du ciel de la grêle comme des pierres2 et exterminait leurs ennemis, car les Israélites méritaient alors l’intervention divine.
Que de promesses Dieu n’avait-Il pas fait au sujet du temple de Salomon, et pourtant ce temple brûla et fut détruit à maintes reprises! Lorsque Israël s’éloignait de Dieu, les prophètes ne cessaient d’admonester le peuple, mais en vain! Les Hébreux disaient pour se justifier: «Après la construction du temple par Salomon, Dieu a entouré ce temple de bénédictions et a promis qu’en ce lieu tous nos descendants seront bénis et consacrés3 ; ces constructions, nos murs, notre temple, demeureront donc à jamais. Telle est la promesse de Dieu». Dieu avait certes fait une telle promesse, mais à condition que les Hébreux vivent comme ils le devaient. Dieu avait promis de protéger le temple de Salomon, mais lorsqu’Israël cessait d’observer les commandements. Il permettait que le temple brûle ou soit détruit. Et lorsque les Israélites se repentaient, ils le reconstruisaient. Ainsi, par exemple, lorsqu’Israël s’écarta de la Loi sous le roi Sédécias, Nabuchodonosor arriva, brûla le temple, détruisit les murs de Jérusalem et emmena les

1. Voir Jos 13, 1-2 et Jg 3, 1-4.
2. Voir Jos 10, 11.
3. Voir 1 R 9. 1-9.
4.

Hébreux en captivité à Babylone4 . Naturellement, il emmena aussi des innocents, qui reçurent eux une pure récompense. Les Hébreux gravement coupables expièrent, et ceux qui légèrement coupables, souffrirent peu reçurent une moindre récompense. Il est criminel d’être la cause que la colère de Dieu vienne sur des innocents et qu’ils souffrent, car, même si ces derniers recevront une récompense, ils auraient hérité du Royaume des Cieux sans souffrir. Au lieu de cela, il leur faut subir des tourments.
Nous devons savoir que les croyants qui observent les commandements divins recevront la Grâce, et Dieu est, pour ainsi dire, obligé de les aider en ces temps difficiles. J’ai entendu dire qu’une nouvelle maladie5 est apparue en Amérique. Maintes personnes qui mènent une vie contre-nature, pécheresse, sont contaminées et meurent. J’ai appris récemment que cette maladie s’est répandue chez nous aussi. Vous voyez, ce n’est pas Dieu qui détruit les hommes, mais eux-mêmes se détruisent et détruisent leur pays. Je veux dire que ce n’est pas Dieu qui les châtie, mais qu’ils suscitent eux-mêmes par leur vie de péché le châtiment qui les anéantit. On voit se détruire des hommes pécheurs dont la vie n’avait pas de sens.
— Géronda, pourquoi ne trouve-t-on pas le remède qui guérit le cancer? Est-ce Dieu qui ne le permet pas ou les hommes qui n’implorent pas Son secours?
— Le pire est que même si on trouve le remède pouvant guérir le cancer, une nouvelle maladie surgira ensuite. La tuberculose était il y a quelques années le fléau par excellence, on en trouva le remède, et surgit alors une nouvelle maladie, le cancer. Si Dieu aide à vaincre le cancer, une autre maladie incurable apparaîtra. Les hommes eux-mêmes seront la cause de l’apparition d’une nouvelle maladie: ce processus est sans fin.
4. Voir 2 R 24 sq.
5. Le Géronda veut dire le sida (ces paroles furent prononcées en 1984).
6.

Tout ce que Dieu permet est par amour

– Géronda, pourquoi Dieu permet-il qu’un malheur arrive?
– Il existe plusieurs raisons. Dieu le permet parfois afin que quelque chose de meilleur en surgisse, et Il le permet parfois pour nous éduquer. Certains sont récompensés et d’autres expient, rien n’est jamais perdu. Sachez que, même si des hommes sont exterminés. Dieu permet toujours le bien, car le Seigneur a des entrailles de miséricorde. Combien d’hommes le Prophète Élie a-t-il égorgés6 ? Trois cents prêtres de Baal! Lorsqu’il leur a dit: «Priez votre dieu, et moi je prierai le Dieu d’Israël: le dieu qui répondra par le feu, c’est lui qui est Dieu», les prêtres de Baal se mirent à crier: « Réponds-nous, notre Dieu, réponds-nous, ô Baal! », mais il n’y eut ni voix ni réponse. Le Prophète Elie leur dit alors: «Criez plus fort, car votre dieu est occupé, et il ne vous écoute pas!». Eux continuèrent à crier et à se taillader la chair avec des couteaux, selon leur coutume, et à crier plus fort encore afin que Baal les entende. Comme ils n’aboutirent à rien, le Prophète Elie ordonna: «Versez de l’eau sur le bois de mon autel», puis: «Triplez». Ils versèrent de l’eau une fois, deux fois, trois fois. L’autel en fut inondé et l’eau débordait même du canal. À la prière du Prophète, le feu tomba du ciel et dévora l’autel et l’holocauste sur l’autel. Elie dit alors: «Saisissez les prophètes de Baal, car ils entraînent le peuple à l’idolâtrie», et ils les égorgea tous.
Beaucoup s’interrogent: «Comment le Prophète Elie a-t-il pu égorger tant d’hommes?». Ni Dieu ni le Prophète ne sont cruels. Ces prophètes de Baal avaient entraîné le peuple dans l’idolâtrie, au point qu’Élie s’était exclamé: «Je reste seul comme Prophète de Yahvé!». Les prêtres de Baal souffrirent davantage de leurs propres mutilations que

6. Voir I R 18, 17-40.

de l’épée du Prophète Élie, qui mit fin à la torture qu’ils s’étaient infligée. Tout ce que Dieu permet est par amour.
— Géronda, pourquoi dans l’Ancien Testament le châtiment divin était-il immédiat?
— C’est ce langage, cette loi que les hommes de l’époque comprenaient. Dieu était le même qu’aujourd’hui, mais, sans cette loi, les hommes d’alors n’auraient pas compris. Que la loi de l’Ancien Testament ne vous semble pas cruelle et différente de celle de l’Évangile. C’est ce qui convenait à cette époque. Ce n’est pas la loi qui était cruelle, mais les générations de ce temps qui l’étaient. Nos contemporains peuvent commettre des atrocités pires, mais du moins ils en prennent conscience. Il suffît qu’une veilleuse à l’église se mette à osciller toute seule, et ils en sont ébranlés! Que de prodiges n’avait pas accompli le Seigneur dans l’Ancien Testament! il envoie dix fléaux à Pharaon afin de faire sortir les Israélites d’Égypte7 ; Il assèche la mer rouge afin qu’ils puissent la traverser à pied sec8 ; Il leur donne la nuée pendant le jour afin qu’ils ne soient pas bridés par le soleil et une colonne lumineuse pour les guider la nuit. Et après tant de prodiges, ils en viennent au point de demander pour dieu un veau d’or9 ! Nos contemporains ne penseraient jamais qu’un veau puisse les conduire à la Terre Promise!

Aujourd’hui, on met Dieu à la dernière place

Le Bon Dieu répand Ses riches bénédictions sur nous. Ne soyons pas ingrats et ne provoquons pas Sa colère, car «la colère de Dieu vient sur les fils de désobéissance»10 . Que le Seigneur nous en garde! Les hommes d’aujourd’hui n’ont souffert ni la guerre ni la famine, et ils disent qu’ils n’ont pas besoin de Dieu. Ils ont tout et c’est pourquoi ils n’apprécient rien. Mais lorsque viendront des temps difficiles, la famine ou autre malheur, et qu’ils n’auront rien à manger, soyez certaines qu’ils apprécieront alors le pain et la confiture, ou toute autre chose dont ils auront été privés. Si nous ne rendons pas grâces à Dieu, Il permettra qu’une épreuve nous frappe pour nous faire estimer ce que nous avons. Si nous l’estimons, au contraire, Dieu ne permettra pas qu’un malheur nous arrive.
7. Voir Ex 6-11.
8. Voir Ex 14,21-31.
9. Voir Ex 32, 1-6.
10.Ep 5,6.

Toutes les commodités qui existent à présent n’existaient pas jadis, car la science n’avait pas tant progressé, et les hommes étaient contraints d’avoir recours à Dieu dans leurs difficultés, et Dieu les aidait. Mais aujourd’hui la science a fait de tels progrès que l’on met Dieu à l’écart. Les hommes vivent sans Dieu et font des projets: «Nous réaliserons ceci, nous réaliserons cela». Ils mettent leur confiance dans les pompiers, dans les forages, etc. Mais que peuvent-ils faire sans Dieu? Ils susciteront Sa colère. En temps de sécheresse, vois-tu, ils ne disent pas: «Prions pour que Dieu envoie la pluie!», mais: «Faisons un forage!». Le pis est qu’avec tous les moyens techniques d’aujourd’hui, ce ne sont pas seulement les incroyants qui raisonnent ainsi: les croyants aussi commencent à oublier la toute-puissance divine. Heureusement, Dieu nous supporte. Mais les hommes ne comprennent absolument pas que la Providence divine veille sur eux.
Au sujet du problème du manque de pluie, un groupe de personnes m’a dit: «Nous n’avons pas besoin de Dieu. Nous avons des forages!» – alors que nous devrions plus que jamais supplier Dieu d’accomplir un double miracle, car nous avons perturbé la nature avec nos techniques. J’ai observé l’autre jour les nuages; ils faisaient des aller-retour: ils semblaient se rassembler d’un côté, puis revenaient à leur point de départ; tantôt ils s’élevaient dans le ciel, tantôt descendaient. Enfin le vent dispersa les nuages porteurs de

pluie. Au lieu de dire: «Maintenant, il faut que Dieu accomplisse un double miracle pour diriger les nuages», les hommes affirment: «Nous n’avons pas besoin de Dieu». Heureusement que Dieu ne prend pas à la lettre ce que nous disons, car sinon…
Pour trouver de l’eau, on va jusqu’à faire des forages de cent cinquante mètres de profondeur, mais sans résultat. À Nauplie11 , on a creusé jusqu’à cent quatre-vingts mètres pour trouver quoi… de l’eau de mer! Certains songent à détourner le fleuve Hélénos sur Athènes. On prévoit dix ans de travaux, et quelles dépenses en perspective! De toute façon, l’eau finira par tarir. Les hommes ne disent pas une seule fois «nous avons péché». Durant la sécheresse récente12 , un homme politique s’est rendu dans un village perdu pour annoncer aux habitants qu’on allait purifier l’eau des canalisations pour en faire de l’eau potable! Et on a trouvé cela génial! L’idée même ne tient pas debout! Voyez où en arrivent les hommes – pardonnez-moi l’expression -, à boire leur urine! Si cela se passait dans une grande ville où les citoyens sont influencés par l’esprit du monde, cela se justifierait à la rigueur. Mais dans un village perdu… qu’on trouve comme solution de purifier l’eau des canalisations pour en faire de l’eau potable et que les habitants – au lieu de tourner leur regard vers le Ciel et d’implorer Dieu en disant «nous avons péché» pour qu’il donne la pluie – considèrent cette idée géniale, c’est terrible!
Dans un monastère athonite, on a planté des pins pour en utiliser ensuite le bois et faire du papier. La colère divine s’est aussitôt manifestée: tous les arbres se sont desséchés! Mais jusqu’où ira-t-on?… La Sainte Montagne va devenir productrice de serviettes en papier et de papier hygiénique! Comprenez-vous ce qui se passe? Les moines
11. Ville du sud de la Grèce.
12. Ces paroles furent prononcées en novembre 1990, qui fut un temps de grande sécheresse pour la Grèce.
13.

ont travaillé dur pour préparer le terrain, planter les pins, et tous les arbres se sont desséchés, ce qui est une claire manifestation de la colère divine!
– Géronda, les moines ont-ils compris leur faute?
– Bien sûr que non! Ils ont ensuite fait venir des machines d’Allemagne pour faire un forage afin de trouver de l’eau. Le résultat a été la disparition de l’eau dont ils disposaient auparavant. Vois-tu ce qui arrive lorsque la sensibilité spirituelle disparaît et qu’elle est remplacée par l’esprit commercial? La crainte de Dieu se perd peu à peu dans le monachisme. Les moines ne comprennent pas que, s’il ne pleut pas, l’eau qui nous reste encore, elle aussi, disparaîtra. Non. on agit de façon purement rationnelle, et on met Dieu à l’écart.
Il est rapporté dans l’Ancien Testament13 que durant le siège de Samarie par les Syriens, on fut à court d’eau. C’était une terrible catastrophe: les animaux crevaient et les mères en arrivaient à manger leurs enfants. Le Prophète Elisée alla trouver l’intendant du roi Jehoram et lui dit: «Les animaux ont crevé. les hommes meurent de faim, mais Dieu va venir à notre secours!». L’économe, qui envisageait tout d’un point de vue étroitement rationnel lui répliqua: «Comment Dieu viendra-t-Il à notre aide? C’est du Ciel qu’il enverra du secours?». Le Prophète lui répondit: «Demain, Dieu enverra du secours, mais, toi, tu ne t’en réjouiras pas!». Et il en fut ainsi. Le lendemain, Dieu sema une immense panique dans le camp adverse en faisant entendre aux Syriens le martèlement des sabots de chevaux au galop et le bruit de chars; leurs oreilles bourdonnèrent et, croyant que les Egyptiens étaient venus en renfort des Israélites, ils s’enfuirent en laissant tout ce qu’ils possédaient: tentes, provisions, munitions, etc. Et en retournant dans leur pays, ils abandonnèrent en chemin leurs vêtements et leurs annes. Au même moment, quatre lépreux Israélites qui se tenaient

13.Voir 2 R 7.

hors de la ville se dirent: «Si nous allions au camp ennemi? Qui sait, nous y trouverons peut-être quelque chose à manger? De toute façon, nous mourrons!». Ils s’approchent d’une tente, la trouvent vide. S’approchent d’une autre, vide! Nulle trace des Syriens! Les lépreux s’emparent des provisions et objets laissés par l’ennemi et emportent des sacs entiers! Ils informèrent ensuite les Israélites que l’ennemi a fui, mais ceux-ci, croyant à un piège, répliquèrent: «L’ennemi s’est embusqué, afin que nous ouvrions les portes de la ville et qu’il puisse entrer». Un officier suggéra: «Il nous reste cinq chevaux. Envoyons des soldats voir ce qui se passe». Les envoyés partirent chacun dans une direction et rapportèrent ceci à leur retour: «Les ennemis se sont enfuis en panique et ont tout abandonné». Tous les Israélites se ruèrent alors pour sortir de la forteresse et aller s’emparer des provisions abandonnées. Et dans la bousculade, l’intendant du roi, qui s’efforçait de maintenir l’ordre à l’entrée de la forteresse, fut piétiné. Comme l’avait prophétisé le Prophète Elisée, l’intendant vit bien le secours de Dieu, mais il n’eut pas le loisir de s’en réjouir. Voyez-vous comment Dieu avait tout réglé?

Que Dieu ait pitié du monde et nous envoie un peu de pluie

Comme Dieu a merveilleusement réglé toute chose! La neige fond, et les sources se remplissent d’eau! Mais à présent14 , il n’y a ni neige ni pluie. Que va-t-il se passer? Qu’aurons-nous à boire? Que Dieu ait pitié du monde, qu’il nous fasse miséricorde et envoie un peu de pluie, car si la sécheresse se poursuit, les feuilles des arbres vont se dessécher, et il ne restera plus un seul olivier vert ni même une simple feuille verte! Quoi que l’on sème, si Dieu n’envoie

14. Voir note 12.

pas du Ciel Son eau bénie, la pluie, rien ne pousse. La pluie est vraiment l’eau «bénite» qui descend du Ciel.
Si l’on manque d’eau, que va devenir le malheureux monde, habitué a en faire grande consommation? C’est, assurément, à cause de nos péchés que Dieu n’envoie pas de pluie, mais, en outre, avec le gaspillage que l’on fait, l’eau qui existe ne suffît pas. Je songe au sort des villes, où l’on a besoin d’un plein baquet d’eau rien que pour tirer la chasse des toilettes. Sans eau, les microbes se répandront partout, et le choléra s’ensuivra. Les hommes mourront, on laissera les défunts sans sépulture, et on aspergera les cadavres de désinfectant. Heureusement que le Bon Dieu se soucie encore un peu du monde.
Nous vivons des temps apocalyptiques. La sécheresse, le manque de pluie, que nous endurons depuis des années, de quoi pensez-vous que cela soit le signe? Y a-t-il jamais eu dans le passé de telles sécheresses? Ici, en Chalcédoine. un fleuve s’est desséché, les poissons ont crevé, et la puanteur a envahi la région. A Thessalonique existe un problème important. À Athènes, le niveau de l’eau du lac Marathon15 est si bas que l’on peut voir des îlots se former un peu partout. Le niveau de la rivière Pénéios16 est, lui aussi, très bas. L’Évros17 avait de l’eau, mais les Bulgares l’ont muré et il est à sec. Si une guerre éclate, les tanks peuvent passer. A Chypre également, s’il ne pleut pas cette année, le problème d’eau sera aigu. Et ce n’est pas tout! La sécheresse cause maintes autres calamités. Les arbres sont atteints: les uns brillent, les autres se dessèchent. Les hommes sont affectés de diverses maladies et meurent. Puisque le monde ne se repent pas, quelle pluie Dieu peut-Il envoyer? Savez-vous ce qui se passe lorsqu’on a confiance en Dieu? Ce n’est pas rien d’avoir Dieu de son côté! Car pour Dieu n’existe rien de difficile ni rien d’insoluble. Tout est très simple pour Lui! Il n’utilise pas une plus grande puissance pour les choses surnaturelles et une plus petite pour les naturelles, mais la même puissance pour tout. Pour l’homme, le principal consiste à s’attacher à Dieu.

15. Lac artificiel situé dans les environs d’Athènes.
16. Fleuve de Thessalie.
17. Fleuve de la Grèce du Nord, qui prend sa source en Bulgarie (nom bulgare: Maritsa).

Quant à vous, priez-vous pour qu’il pleuve ou ce problème vous laisse-t-il indifférentes? C’est maintenant l’époque du labour en vue des semailles. Les champs devraient être déjà ensemencés, mais la terre est si sèche qu’on ne peut pas encore labourer. Cette sécheresse est une épreuve envoyée par Dieu. En de telles circonstances, l’œuvre du moine est de prier. Je ne vous cacherai pas que je suis mécontent de vous. Lors de la dernière sécheresse, alors que le manque de pluie contraignait les paysans à moissonner leur blé pour en faire de la paille, vous n’avez même pas songé à prier pour demander de la pluie. Pourquoi? Parce que vous arrosez avec des tuyaux? Que ce soit la dernière fois que vous agissez ainsi! La prochaine fois, il vous faudra compatir aux malheurs du monde. Quand vous apprendrez que les hommes souffrent du manque de pluie, priez à cette intention et tenez-moi au courant. Vous passerez ainsi un examen spirituel. Si vous réussissez, c’est-à-dire s’il pleut, je ferai de vous mes associés dans la prière: tout ce que la Providence divine enverra, nous le partagerons entre nous…
Lorsque je prie Dieu d’envoyer la pluie, comme je Lui rends grâces de voir apparaître dans le ciel ne serait-ce qu’un seul nuage – même s’il ne pleut pas! Et ma conscience m’accuse de ce qu’existent en moi tant de nuages spirituels qui chassent les nuages de Dieu. Si nous implorons humblement Sa miséricorde, Dieu nous aidera. En temps de sécheresse, la prière de l’humble rassemble les nuages. Priez que la pluie envoyée par Dieu ait également une action spirituelle: qu’elle éteigne l’incendie spirituel que le diable a allumé dans le monde pour briller les âmes.

Je me suis réjouis d’entendre certaines personnes dire: «Nous n’en sommes pas dignes, mais Dieu une fois encore a eu pitié de nous. Il a envoyé un peu de pluie et un peu de neige». Si nous cultivons ainsi d’humbles pensées, Dieu en enverra davantage. Reconnaître notre péché est déjà un signe de repentir. Heureusement qu’existe un peu de levain dans la pâte. Priez Dieu de prendre Son tournevis pour serrer un peu les vis du cerveau des hommes. Je constate que certains, qui occupent des postes importants, ont de bonnes dispositions. Ils comprennent que le monde va à sa perte.

Que Dieu nous donne le repentir

Si nous comprenions la longanimité de Dieu! Il a fallu cent ans pour construire l’Arche de Noé18 . Croyez-vous que Dieu n’aurait pas pu construire une arche plus rapidement? Bien sûr que si! Mais II a laissé Noé peiner durant cent ans, afin que les hommes comprennent ce qui les attendait et se repentent. Noé exhortait ses compatriotes: «Repentez-vous, le déluge arrive!». Mais eux se moquaient de lui: «C’est une cage qu’il construit!», et ils continuaient de vivre à leur guise. Aujourd’hui encore, Dieu pourrait en deux minutes ébranler le monde et faire se repentir les hommes, de sorte que tous deviennent croyants et même super-croyants! Comment donc? Il Lui suffirait de tourner un peu le bouton régulateur des séismes du cinq au six (sur l’échelle de Richter),… puis au sept! Au huit, on verrait les immeubles osciller comme des hommes ivres et se heurter les uns les autres. Au dix, tous se mettraient à crier: «Nous avons péché! Nous T’en prions, sauve-nous!». Et qui sait, tous sans exception feraient peut-être le vœu de devenir moines! Mais dès la fin du tremblement de terre, alors que les hommes vacilleraient encore un peu mais pourraient tenir sur leurs

18. Voir Gn 5, 32 sq.

jambes, ils courraient à nouveau se divertir dans les bars et les discothèques. Car leur cri vers Dieu ne serait pas un cri de véritable repentir. Ils cherchaient seulement à échapper à la catastrophe.
– Géronda, si des justes prient lorsque se produit une catastrophe naturelle, laquelle est souvent une claire manifestation de la colère divine, Dieu les exaucera-t-Il?
– Sais-tu ce qui se passe? La prière des justes ne peut pas être exaucée, car les hommes ne se repentent pas. Si nous provoquons la colère divine et le reconnaissons, c’est différent: Dieu a pitié de nous et vient à notre secours. Mais si nous ne reconnaissons pas que nous avons provoqué Sa colère et continuons d’agir à notre guise, comment Dieu exaucerait-Il la prière des justes? Avons-nous commis une faute? Pour que Dieu nous pardonne, nous devons prendre conscience que nous sommes coupables. Les fautes des hommes spirituels n’ont pas de circonstance atténuante. Comme le dit une prière de la Liturgie: «Pour nos péchés et les ignorances du peuple»19 . Les fautes du malheureux monde sont des «ignorances», alors que chez les hommes spirituels, elles sont des «péchés». La moindre faute d’un homme spirituel est donc grave. Les hommes du monde ont, eux, des circonstances atténuantes. Cette année20 pendant le carême de la Dormition, le feu a pris au Mont Athos, c’était terrible! Les meilleurs pompiers sont arrivés, mais ils n’ont rien pu faire. Tous ne purent qu’observer l’incendie se propager. On aurait dit que les avions canadairs favorisaient le développement de l’incendie. On entoura un monastère de ceintures anti-incendie pour le préserver des flammes, mais le feu passa par-dessus et se propagea là où l’on ne l’y attendait pas, à l’hôtellerie. La Sainte Montagne brûla pendant quinze jours. Le quinzième jour, le feu cessa de lui-même. Et certains osaient dire: «Pourquoi la Vierge

19. Prière de l’offrande dans la Liturgie de saint Jean Chrysostome.
20. Voir note 12.

n’éteint-elle pas l’incendie?». Nous en arrivons au point de blasphémer le nom de Dieu. Six jours plus tard, le feu prit à un autre endroit, mais la pluie éteignit aussitôt l’incendie. Les hommes ne comprennent pas: comment se fait-il que cet incendie a été éteint, et l’autre pas?
Certains, ne connaissant pas les lois spirituelles, prient dans la douleur lorsque surviennent des catastrophes naturelles, mais leurs prières ne sont pas exaucées, car ces fléaux sont l’expression de la colère divine. D’autres ne prient pas du tout, n’égrènent pas même un seul chapelet », car ils consentent à la juste colère de Dieu, qui vise à éduquer les hommes. Que Dieu nous éclaire davantage, nous les moines, car la plupart d’entre nous ressemblons aux vierges folles et les mèches de nos lampes n’ont que de l’eau et bien peu d’huile! Or les laïcs attendent de nous que nous leur éclairions la route pour qu’ils ne trébuchent pas!
Prions Dieu de donner au monde le repentir, afin que nous échappions à Sa juste colère. La colère divine qui nous guette ne peut être évitée que par le repentir et l’observation des commandements.