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  1. 1. Dépassement des lois de la nature.

Comme on le verra, les éléments de la nature lâchaient parfois pied devant le Père Païssios, alors que lui-même agissait en dépassant et en abolissant les lois naturelles.

  1. Il n ’est pas mouillé.

L’Ancien se servait d’un parapluie et d’un imperméable. Il n’était pas protégé de la pluie ni imperméable. Au contraire il était sensible au froid et à l’humidité. Mais, parfois, pour des raisons que seul Dieu connaît, il devenait imperméable. C’est-à-dire qu’alors qu’autour de lui il pleuvait beaucoup, pas une seule goutte de pluie ne l’atteignait.

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  1. Constantin Coutsoyannis raconte : « Un jour, je transportais l’Ancien depuis monastère de la Précieuse-Croix en Chalcidique, jusqu’à Sou- roti. Pendant tout le trajet, nous eûmes une pluie torrentielle, on aurait dit que les cataractes du ciel s’étaient ouvertes. À notre arrivée, les sœurs nous attendaient avec des parapluies et des manteaux pour les donner à l’Ancien, afin qu’il ne soit pas trempé. Elles me firent signe de m’approcher le plus près possible du bâtiment. Mais, de façon très surprenante, à cet instant dans un rayon de deux mètres autour de la voiture, la pluie cessa de tomber, alors qu’un peu plus loin c’était le déluge. Après que l’Ancien fut descendu, m’eut salué et fut entré à l’intérieur, il recommença à pleuvoir normalement, y compris sur la voiture. »

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Un événement semblable est rapporté par deux pères du kellion voisin : « Un jour d’hiver, alors qu’il pleuvait à verse depuis la nuit précédente, le torrent que l’on traverse avant d’arriver à la Panagouda était devenu infranchissable. Les eaux avaient beaucoup monté et le courant avait emporté le pont ainsi qu’un autre plus petit en aval. Mais il n’y avait pas de gué sur toute la longueur de la ravine. Ce jour-là, l’Ancien rendait visite à notre kellion. Ses chaussures étaient particulièrement sèches et propres, tandis qu’il pleuvait à verse. Bien sûr, il tenait un parapluie, mais normalement avec une pluie aussi violente, il n’aurait pas fait dix pas sans que non seulement ses chaussures, mais aussi sa soutane fussent trempées. Cet événement nous impressionna beaucoup. Comment se faisait-il que, par une telle pluie, il n’ait pas été mouillé ? En outre, nous nous demandâmes comment il avait traversé le torrent ! Quand il partit, nous voulûmes l’accompagner pour comprendre ce fait étonnant, mais il ne nous le permit pas. »

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D’autres personnes vécurent aussi des événements semblables avec la bénédiction de l’Ancien, comme il ressort du témoignage de T. I., ancien élève de l’Athoniade : « Je partis de Stavronikita pour l’Athoniade avec un ami, mais nous devions passer par la calyve de la Précieuse-Croix pour recevoir la bénédiction de l’Ancien. Le temps se gâta brusquement. C’était là l’occasion, me dis-je, pour passer la nuit dans le kellion de l’Ancien et voir comment il y vivait et priait.

Il nous attendait devant la porte extérieure. “Bienvenue les enfants, nous dit-il, je vous attendais.” Nous entrâmes et nous entendîmes la pluie qui s’approchait. Il nous garda environ vingt minutes, puis il nous dit : “Allez, les enfants, il est temps que vous partiez pour remonter.” Nous sortîmes et nous prîmes le chemin de l’école. Nous entendîmes la pluie tomber à côté de nous, nous vîmes à notre droite les gouttes tomber à une distance de trois ou quatre mètres, mais, bien que la pluie tombât plus fort, pas une goutte ne nous atteignit. Nous arrivâmes à l’Athoniade ayant toujours la pluie qui tombait tout autour de nous et qui nous suivait sans nous mouiller. Puis, une fois rentrés, nous vîmes qu’il pleuvait partout autour de nous. La pluie s’était généralisée. »

Témoignage de M. Georges Courcouliotès, de Corinthe : « J’ai rendu visite à l’Ancien Païssios dans sa calyve de la Précieuse-Croix en février 1979. J’ai trouvé la porte ouverte. J’ai crié, encore et encore, depuis la porte de la barrière, je n’ai pas eu de réponse. Il était huit heures du matin. J’attendis. Tout d’un coup, je vis l’Ancien Païssios devant moi. Je sursautai, j’étais déconcerté. “J’étais, là Georges”, me dit-il calmement. Je rapportai la brusque apparition de l’Ancien à deux pères spirituels, et ils me dirent qu’il était devant moi et que, lorsqu’il l’a voulu, il s’est rendu visible.

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Témoignage de M. Eleuthérios Tamiolakis, de Crète : « Quand l’Ancien était à la Panagouda, je lui rendis visite parce que j’étais confronté à une situation très difficile et il fallait que je le voie de toute façon. Je me rendis à la porte de derrière et l’appelai. Pas de réponse. Je me rendis au kellion de Père Grégoire, je n’y rencontrai personne. Je revins au kellion en criant tant et plus. Je frappais la clochette, mais pas d’Ancien.

Je m’étais presque décidé à partir, mais j’hésitais et je restais indécis près du ruisseau dans le calme absolu, ne sachant que faire. Je ne voulais pas partir, parce que je dépendais littéralement de sa décision. Tout d’un coup, j’entendis à côté de moi une voix qui m’appelait : “Leufteris !” Je me retournai et vis l’Ancien qui se tenait à ma gauche, à une distance de trois mètres. J’eus peur et je sursautai, parce que je n’avais absolument rien entendu ni n’avais perçu le moindre mouvement tandis que j’étais absolument seul au bord du ruisseau, lequel, comme c’était l’été, ne coulait pas et ne faisait pas de bruit. Il régnait un calme absolu, on aurait entendu une mouche voler.

Lorsque je le vis, je restai un moment avant de réaliser que c’était bien lui qui était devant moi. Je m’approchai, je lui fis une métanie et je lui demandai où il était pour qu’il ne m’ait pas entendu pendant si longtemps, et comment il avait fait pour m’apparaître aussi soudainement. Évitant les longues explications, il me dit qu’il était parti loin dans la forêt et qu’il avait eu une certitude intérieure (plérophoria) que j’avais besoin de lui. Il me demanda de lui dire ce que je lui voulais et, comprenant que j’avais beaucoup de choses à lui dire, il me demanda de le suivre ; nous traversâmes la rivière et nous assîmes à une distance de deux mètres du sentier principal qui menait à la Panagouda.

Je commençai à lui raconter mon affaire, quand soudain j’entendis des voix de pèlerins et je baissai la voix. “Parle normalement, mon ami, n’aie pas peur”, me dit-il. Je continuai alors à lui parler. En entendant les voix, qui étaient beaucoup plus proches, je m’arrêtai de nouveau. “Parle, parle”, me dit l’Ancien. “Mais, Géronda, lui dis-je, ils vont nous entendre et ils vont tous venir ici et moi, je n’aurai pas le temps de vous dire tout ce que je veux.” “Ne crains pas, me dit-il, et ne baisse pas la voix.” Je parlai donc normalement et l’Ancien me répondit sur le même ton. Les visiteurs passèrent à deux mètres de nous sans nous voir ni nous entendre, continuant leur chemin vers la Panagouda.

L’apparition subite de l’Ancien, comme tout ce qui se passa, était quelque chose d’inexplicable et d’extraordinaire. Pour ma part, considérant sa sainteté comme un fait acquis, je considérais qu’étant donné sa personnalité ces événements étaient naturels, parce que dans sa grande simplicité il m’avait révélé une autre fois la présence de saints et d’anges dans son kellion. Il m’avait dévoilé l’existence d’un monde dont je savais qu’il était absolument véridique, parce que lui-même était authentique et saint. »

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Témoignage d’un Athonite, le hiéromoine B. G. : « En 1982, nous étions quatre frères à être allés, avec la bénédiction de notre higoumène, rendre visite à l’Ancien Païssios. Nous frappâmes sur le petit morceau de fer et nous attendîmes un peu. Comme la nuit approchait, les trois autres pères sont partis, et votre humble serviteur est resté à attendre, avec l’espoir de goûter à ce qu’il désirait.

J’attendais donc avec inquiétude et je vis soudain que l’Ancien était debout dans la cour à côté des billots qui lui servaient de sièges. Debout, un chapelet à la main, il répétait la prière à haute voix avec une componction particulière, insistant sur chaque mot. Je fus surpris parce que je ne l’avais vu sortir ou venir de nulle part et qu’il semblait littéralement surgir du lieu où il se trouvait. Deux ou trois minutes plus tard, il se tourna vers moi et, avec son sourire bien connu, il m’invita à entrer en m’appelant non pas par mon nom, mais par celui de la diaconie* particulière que j’exerçais cette année-là.

Essayant d’expliquer ce fait, je me rendis compte que l’Ancien, parmi ses très nombreux charismes, avait aussi ce charisme-là : devenir invisible. »

  1. Suspendu dans le vide.

Souvent, à l’heure de la prière, l’Ancien était élevé corporellement en l’air. Mais aussi pendant les moments où il travaillait, ou quand il marchait, on le vit qui ne touchait pas le sol.

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À la Précieuse-Croix, il vécut un grand événement. Il raconta : « Alors que je priais, je ne sais pas ce qui m’arriva, mais je fus élevé très haut et je vis la calyve tout en bas. Je ne me suis rendu compte ni de la façon dont j’ai été élevé, ni de celle dont je suis redescendu. »

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Un moine athonite témoigne : « Je rendis visite à l’Ancien à la Pana- gouda, et je le trouvai en train de construire un poêle avec des briques réfractaires. Il se déplaçait sur une planche qu’il avait mise pour s’appuyer sur les matériaux. Tandis qu’il travaillait, je vis qu’il était élevé au-dessus du sol à environ trente centimètres et, au début, je me suis demandé si je voyais bien. Il était effectivement suspendu en l’air et peu après je le revis à son endroit normal. »

  1. Il communique la grâce.

Où qu’il aille, l’Ancien transmettait de façon diffuse la grâce divine. « Celui qui a la grâce, où qu’il aille, cette douceur spirituelle qu’il possède se diffuse tel un courant électrique. Tandis que, si quelqu’un se trouve dans un état spirituel démoniaque, ce qu’il a en lui se répand derechef autour de lui. Notre état spirituel agit sur les autres. »

Il avait conscience de la grâce que Dieu lui avait donnée et pour quelque raison, il transmettait aux hommes un peu de cette richesse.

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  1. Basile Mourachidès de Konitsa raconte : « Quand j’étais un petit enfant, âgé de six sept ans, je montais au monastère du Stomion avec d’autres enfants de mon âge, et parmi nous se trouvait aussi le Père Païs- sios.

Comme le chemin était difficile et en pente, lorsqu’il vit que j’étais fatigué, il me dit : “Basile, quand tu seras fatigué, tu feras ton signe de croix, tu poseras ton bâton sur moi et tu avanceras.” À un endroit du sentier, nous nous trouvâmes devant une grosse pierre qui était tombée, d’un volume d’au moins un à un mètre cube et demi.

“Père Païssios, lui dis-je, si le portefaix venait, il pousserait la pierre sur le côté de la route.

  • C’est exclu, me répondit-il, où trouverions-nous un porteur ? C’est toi qui vas la pousser.
  • Moi, je ne peux pas, je suis trop petit.
  • Essaye donc, fais ton signe de croix, dis le Notre Père, et tu y arriveras. Moi aussi, je vais t’aider. Toi, tu vas pousser la pierre et moi je te pousserai.”

Il posa, lui aussi, un peu sa main, et la pierre partit. Elle n’était pas près du ravin pour pouvoir y tomber facilement, elle fit tout un virage, puis dégringola vers le ravin. Je la ressentis comme étant une pierre de trois kilos. Alors, je n’avais pas conscience de l’événement. Je réalisai mieux ce qui s’était passé quand je fus un peu plus grand. »

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Témoignage de M. Georges Courkouliôtos, de Corinthe : « Quand j’allais au kellion de l’Ancien, après l’entretien, il me raccompagnait jusqu’à la porte. Il avait l’habitude de me toucher légèrement la tête et l’épaule. Au début, je ne compris pas clairement l’aide que je recevais par ce simple attouchement. Je me rendis compte cependant par la suite que je reprenais alors des forces, du courage et de l’optimisme. Quand, parfois, il omettait de toucher la tête, je lui disais : « Géronda, fais-moi un signe de croix ! » Il me répondait : « Je ne suis pas prêtre, mais puisque tu le veux » et il me posait sa paume sur la tête. Alors, je sentais qu’une force sortait de lui pour venir en moi. Je partais réconforté, tous mes problèmes étaient résolus. L’Ancien était plein de grâce. »

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Témoignage de M. Angélos Chorozidos, officier de police, habitant Thessalonique : « Un jour, nous rentrions à Thessalonique avec le Père Païssios et le Père Grégoire du monastère de Métamorphosi. Nous nous trouvions à une distance de cent cinquante kilomètres de la ville, et j’étais complètement épuisé parce que je n’avais pas dormi depuis trente heures. Les deux Anciens étaient assis sur la banquette arrière de la voiture. Le papouli* (le Père Païssios), me dit alors : “Tu es fatigué ? Va t’asseoir et laisse-moi conduire.” Il passa entre les sièges et s’assit sur le siège avant, à côté du conducteur. Naturellement, l’Ancien ni ne conduisait, ni ne savait conduire, il l’avait dit en plaisantant : mais ce qui est extraordinaire, c’est que nous nous retrouvâmes sans que je m’en rende compte à Souroti et que j’étais totalement reposé. »

  1. Il soulève un rocher.

Lucas, frère de l’Ancien, raconta : « Pendant que le Père Païssios était au Stomion, un gros rocher tomba un jour sur le sentier. Nous avons dû former un groupe de plusieurs personnes pour le déplacer, en utilisant des bâtons comme levier, mais en vain. Comme ils étaient tous partis, il me dit : “Allez, pars toi aussi.” Je suis parti un peu plus loin et je me suis caché pour voir ce qu’il allait faire. Je l’ai vu faire son signe de croix, prendre le rocher, le soulever comme une chaise et l’enlever du passage ! »

  1. « En voilà une bénédiction ! »

Le Père Charalampos Anastasis, prêtre ordinaire de Kallithéa dans la région de Konitsa, rapporte : « Une année, après la fête de la Grande La- vra, je fis six heures de marche pour voir l’Ancien à la Panagouda. Il y avait vingt-cinq ans que je ne l’avais pas vu. Je le trouvai dans le bois. Il me reconnut tout de suite et, ce qui est notable, c’est qu’il me dit la date de mon accession au diaconat et à la prêtrise. Je lui dis : “Père, ne pourrions-nous pas manger un peu ? — J’ai de quoi”, me dit-il. Il me montra un sac en plastique, contenant trois toutes petites tomates et une biscotte et demie. Je me suis dit : “Voilà ce que l’on va manger ?” Je n’en pouvais plus et je lui dis : “C’est tout ce que l’on va manger ? Je suis à jeun depuis hier, même vingt de ces tomates ne me suffiraient pas.” Il me répondit : “Papa* Charalampos, nous dirons une prière, toi tu les béniras, et elles se multiplieront.” Il ouvrit le sac, le déchira en forme de croix et l’étendit comme une nappe. Il me donna deux tomates et une biscotte, il garda pour lui une demi-biscotte et une tomate. Nous nous levâmes donc, nous dîmes une prière normalement, puis il ajouta : “Bénis, Père.” Je les bénis, et nous mangeâmes. Où alla cette faim ? J’étais totalement rassasié. Comme si l’on m’avait gavé. J’étais rassasié et je ne pouvais pas venir à bout de la biscotte, j’en laissai un peu. Je voulais sans cesse de l’eau. L’Ancien me dit : “Mange, Papa Charalampos. — Comment pourrais-je manger ? je suis rassasié !” Toute la journée suivante, où que j’aille, je ne pus ni manger, ni grignoter. Je ne cessais de demander de l’eau. Cela m’impressionna et par la suite, alors que je marchais seul, je me suis dit : “En voilà une bénédiction ! Le Christ agit de même, il bénit cinq pains et deux poissons, et rassasia plus de cinq mille personnes, sans compter les femmes et les enfants.” »

  1. « Insaisissable ! »

Par humilité, non seulement l’Ancien évitait d’être photographié, mais il en ressentait de la contrariété et de l’aversion. Il y consentait uniquement lorsqu’il avait affaire à quelqu’un de sensible et humble qu’il ne voulait pas vexer par son refus en lui laissant croire que cela aurait pu être motivé par son indignité. Alors, l’Ancien préférait s’affliger lui-même, plutôt que de désespérer un frère. Par charité, il allait jusqu’à sacrifier son humilité.

Beaucoup essayèrent de le photographier en cachette ou ouvertement, dans des circonstances où il n’osait pas réagir en raison de la présence d’higoumènes, d’évêques, ou pendant des processions. Il est vrai que parfois on réussissait à le photographier, mais d’habitude les photographies étaient manquées, parce qu’il y avait sur le visage de l’Ancien un chagrin, une réaction, qui faisaient que l’on se sentait coupable.

Mais il y a aussi beaucoup d’autres témoignages, où à cause d’une telle photo faite sans permission, en cachette ou de façon forcée, l’Ancien demeurait insaisissable à l’objectif de l’appareil. Parfois, la pellicule brûlait ou l’appareil s’enrayait ou encore la photo sortait normalement, mais l’Ancien était absent !

  1. K., photographe professionnel, rapporte : « J’avais rendu visite à l’Ancien et j’avais beaucoup bénéficié de ses conseils éclairés. Mais ce qui me touchait surtout, c’était son immense amour et son abnégation. Non seulement il était complètement épuisé par sa maladie, mais en plus il souffrait beaucoup. Mais, dès qu’il se rendit compte que j’étais dans une grande détresse, “il oublia” ses problèmes personnels, il s’étendit dehors dans la cour – parce qu’il ne pouvait plus ni se tenir debout, ni assis et il s’occupa de moi. En partant, j’eus le désir de le photographier, de façon à pouvoir évoquer souvent avec cette photographie le souvenir de cette rencontre bénie. Sachant cependant que, si je le lui demandais, je me heurterais à son refus, je fis en cachette deux clichés de lui. Mais, sans que je m’en rendisse compte, l’Ancien m’en empêcha à sa façon : les deux clichés sortirent complètement noirs ! Comme si mon objectif avait photographié son capuchon protecteur ! »

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Voici le témoignage d’un autre pèlerin : « Je suis allé à la Panagouda, et il n’y avait personne. L’Ancien aurait dû s’y trouver, parce que le cadenas de la porte de bois pendait, ouvert. « C’est le moment», me suis-je dit. J’ai posé mon appareil photo entre les branches de la barrière, pour qu’on ne le voie pas, et je l’ai mis de façon à prendre la porte du kellion. J’ai frappé le petit bout de fer. Dès que l’Ancien est sorti, j’ai appuyé sur le bouton. J’étais tout content… Imaginez cependant ma stupéfaction quand, après le développement du film, je vis que l’on distinguait très nettement la porte, mais qu’il n’y avait pas l’Ancien ! »

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De telles choses se produisirent aussi quand on voulut enregistrer l’entretien. Il y a des cas où la cassette ne tourna pas, ou tourna sans enregistrer. Parfois, elle enregistrait tout le reste (les discussions des tiers, les oiseaux, les bruits), mais pas la voix de l’Ancien.

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Témoignage d’un étudiant : « Je me rendis chez l’Ancien en compagnie d’autres étudiants. Nous commençâmes la discussion, mais l’Ancien se rendit compte que nous avions des magnétophones. Il nous demanda de les éteindre. Les autres le firent, mais moi, comme je l’avais bien caché, je le laissai tourner. Puis, il nous dit que même si nous ne les éteignions pas, ils n’enregistreraient rien. En partant, je ne l’éteignis pas tout de suite. Quand je voulus écouter la cassette, je vis qu’elle avait enregistré avant et après la discussion, mais qu’elle n’avait rien enregistré de l’Ancien ! »

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Témoignage de M. Georges Kourkouliôtos : « Je suis allé voir l’Ancien avec un groupe d’étudiants, et l’un d’entre eux avait emporté un petit magnétophone pour enregistrer l’entretien. Après avoir discuté assez long-

temps, l’Ancien lui dit tout d’un coup : “Ce que tu as dans ta poche n’a rien enregistré.” Le petit était interloqué. Effectivement, quand nous écoutâmes la cassette, elle n’avait pas enregistré un mot. »

  1. Des loukoums faits avec de la neige.

Témoignage du Père S. A., ancien élève de l’Athoniade : « C’était le 10 février 1980. La neige tardant à fondre, seul un petit groupe descendit en direction du kellion le plus familier de la Sainte-Montagne, la Pana- gouda. C’était pour moi une occasion en or, parce que j’allais le trouver seul. Avec l’autorisation du directeur, je descendis vers la sobre calyve du Père Païssios pour en vendanger un peu d’ambroisie spirituelle. Arrivé devant la porte de la cour, je franchis la clôture de fil de fer et je sonnai. L’Ancien sortit, il me passa la clé, et j’ouvris la porte. Il m’accueillit et me dit de m’asseoir.

“Quelles sont les nouvelles, Géronda ? Comment allez-vous ? lui demandais-je.

  • Comment puis-je aller? Je suis fatigué, je suis aussi malade… (il avait la grippe). Le monde ne me laisse pas mourir…
  • Non, Géronda, nous avons besoin de vous, lui répondis-je.
  • Apparemment, j’ai encore des péchés (à acquitter), dit-il, des traites… Je n’ai rien du tout à t’offrir. Les quelques loukoums que j’avais, les derniers visiteurs, qui sont venus de Karyès cet après-midi, les ont mangés.
  • Je ne veux rien, Géronda, je suis venu ici pour discuter.
  • Non, attends un peu, dit-il.”

Sans perdre de temps il sortit dans la neige. Je le suivis par curiosité. Par la porte grande ouverte, je le voyais penché sur la neige. Son dos était tourné vers moi, et il semblait faire quelque chose. Peu après, il rentra en tenant une petite boîte en fer blanc dans laquelle il semblait y avoir des objets de taille inégale et marqués par des empreintes de doigts et des traces de paume. Tous irréguliers, les uns trop grands, les autres trop petits. Tous étaient blancs comme s’ils étaient recouverts d’une bonne couche de sucre glace, comme de la neige.

“Sers-toi, me dit-il. Mange donc.” J’en ai mangé un. Son goût était celui d’un loukoum, et c’était vraiment un loukoum.

“Prends-en encore un, me dit-il, mais pas plus.

  • Ils sont bons vos loukoums, Père Païssios, lui ai-je dit.
  • Quels loukoums ? C’est de la neige, me dit-il en riant.

— Écoute, ajouta-t-il, ne dis rien à personne. Combien de compagnons de chambrée as-tu ? Prends-les pour les leur donner. Mais fais attention de ne rien dire.”

Comme la nuit tombait, je suis parti de la calyve et j’ai agi comme l’Ancien me l’avait dit.

Trois autres élèves de ma chambrée mangèrent aussi des loukoums que l’Ancien m’avait donnés. Mais je ne dis pas un mot de leur provenance, parce qu’il ne m’en avait pas donné la permission. Maintenant que l’Ancien s’est endormi dans le Seigneur, l’interdiction est caduque, et je raconte l’histoire pour la gloire de Dieu. »

  1. Réconciliation avec la création.

L’Ancien avait reçu le charisme de pouvoir avoir des relations avec les animaux sauvages sans en être incommodé, comme ce fut le cas pour Adam avant la chute ainsi que pour beaucoup de saints. Les animaux sauvages ressentaient son grand amour et voyaient dans l’Ancien la pureté de l’homme d’avant la chute. On sait que, quand un homme acquiert la bonté initiale et originelle, la grâce divine perdue, il devient le maître de la création et domine tous les oiseaux du ciel, tous les reptiles et toutes les bêtes sauvages de la terre. Alors se produit la réconciliation avec la création, comme les saints Pères appellent cet état qui a précédé la chute. « Lorsque Dieu habite et Se repose en quelqu’un, tout se soumet à lui, comme à Adam avant qu’il ne transgresse le commandement de Dieu[1]… »

L’Ancien disait : « Dès que l’homme se met à la place de l’autre, se place après les autres, il peut les aimer, non seulement les hommes, mais aussi les animaux et les bêtes sauvages. Il contient toute chose en lui et sort de lui-même par amour des autres. Je vois une bête sauvage. Je me dis que je pourrais être moi aussi cette bête sauvage. Dieu est le maître de la maison et il aurait pu me créer bête sauvage. Quand je me mets à la place de la bête sauvage, je commence à l’aimer et je peux avoir de la compassion même pour les serpents. Est-ce que ça me plairait à moi d’être un serpent, de faire un tour dans la ravine pour me réchauffer et que soudain quelqu’un arrive et me frappe, me brise le crâne ? L’amour divin informe les animaux sauvages. Line bête sauvage est capable de discerner si un homme qui l’approche a de bons sentiments, ou si c’est un chasseur qui vient pour la tuer. Elle s’approche de l’homme qui l’aime, elle n’a pas peur de lui. Je pensais que cela était valable pour toutes les bêtes sauvages, sauf pour les serpents. Mais j’ai constaté qu’il en est de même pour eux. Même pour la vipère qui se comporte à l’égard des autres serpents un peu comme la chèvre avec l’agneau. ».

Un diacre lui demanda : « Géronda, j’ai entendu dire que vous aviez des serpents, c’est vrai ? » L’Ancien répondit : « Oui, diacre, des serpents (les passions), j’en ai là dans mon cœur et quand tu deviendras un confesseur, tu viendras et je te les montrerai. »

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  1. Georges Papathémistocléous, de Konitsa, rapporte par écrit ce qui suit : « Nous allions pratiquement tous les week-ends au monastère du Stomion. On aurait dit que nous étions attirés auprès du Père Païssios par une force inexplicable. Là, nous trouvions la sérénité. Auprès de lui, mon esprit et mon âme s’apaisaient. Ce faisant, nous essayions de l’aider dans ses diverses tâches. Un jour, il m’envoya chercher une pioche et une pelle dans la remise qui se trouvait juste après l’entrée centrale du monastère : “Georges, n’aie pas peur, les deux serpents qui sont à l’intérieur sont inoffensifs ”, me dit-il. J’allais accomplir sa commission, lorsque je me suis retrouvé devant deux énormes couleuvres qui se dirigeaient vers l’endroit où se trouvaient les outils. En les voyant, je reculai effrayé, prêt à déguerpir. La main osseuse mais robuste de l’Ancien me retint, tandis qu’en même temps il “réprimandait” les serpents d’une voix paisible et sereine : “Allez dans votre coin, vous ne voyez pas que vous faites peur à Georges !”

Il m’avait suivi, parce qu’il s’était rendu compte que le spectacle des serpents m’effrayerait. Je me tournai pour le regarder, mais je ne croisai pas son regard ; il regardait le sol. J’essayai de balbutier quelque chose, mais il était déjà parti, il était déjà loin, aérien, selon son habitude.

Une autre fois, en entrant dans la cuisine du monastère, j’entendis un ancien compagnon de classe qui lui disait : “Laisse-moi, Père Païssios, je vais tirer sur lui” ; en même temps, il épaulait son fusil de chasse. Le doux Ancien lui dit d’une voix sereine et tranquille : “Non, Yannis, il a une croix sur le front.” Je me suis penché par la fenêtre et j’ai vu un lièvre qui broutait avec insouciance, tout en ayant une croix noire sur le front.

Il appelait les lièvres, comme nous nous appelons les chats, et ceux-ci n’avaient pas peur de vivre avec lui. »

Ce lièvre, l’Ancien l’avait trouvé au milieu des haricots, il lui avait fait une croix sur le front et il demanda à son gendre Basile, ainsi qu’à d’autres chasseurs de ne pas le tuer.

Un jour, deux petits oursons pénétrèrent dans la cour du monastère de Stomion. L’Ancien les prit par le col et leur dit : « Ne rentrez plus dans la cour du monastère. Passez par derrière, par la cuisine pour que je vous nourrisse » et il leur montra où elle se trouvait. (Cette anecdote a été racontée par deux femmes de Konitsa au novice du Stomion, le Père Paul.)

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Un pèlerin chypriote, M. S., raconte : « Un groupe de Chypriotes était venu à la Panagouda pour voir l’Ancien. Il leur dit de prendre des loukoums. Dès qu’ils eurent enlevé le couvercle, ils firent la grimace. La boîte était pleine de fourmis. Apparemment, un pèlerin n’avait pas bien refermé la boîte et les fourmis étaient venues, bien que l’Ancien eût écrit sur le couvercle de fermer la boîte. Elles étaient si nombreuses que les loukoums en étaient entièrement recouverts et semblaient noirs. L’Ancien, dès qu’il se fut rendu compte de ce qui s’était passé, jeta un œil sur la boîte et immédiatement, avec naturel, prit un loukoum qu’il posa plus loin, et il dit aux fourmis sur un ton mi-tendre, mi-sévère : “Celui-ci, c’est pour vous. Allez le manger et laissez les gens prendre les autres.” L’étonnant, c’est que les fourmis obéirent : elles sortirent toutes de la boîte et se regroupèrent pour manger leur loukoum. »

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Témoignage du moine Alypios de Sainte-Anne : « Je connaissais l’Ancien depuis l’âge de quinze ans. Par la grâce de Dieu, je devins moine au saint monastère de Koutloumousiou. J’allais le voir quotidiennement. J’entendis parler de ses miracles et je conçus le désir de voir l’un d’entre eux. J’eus cette pensée durant environ un mois.

Un matin d’hiver, début novembre, j’allai le voir et je le trouvai en train de se laver les mains dehors dans un petit tonneau. Il était seul, il m’ouvrit et me dit d’attendre. Il prit derrière le tonneau un papier d’aluminium qui contenait des miettes, il l’ouvrit et regarda vers le ciel. Alors que, apparemment, il n’y avait pas d’oiseaux, une bande d’oiseaux s’assembla aussitôt. Comment se fit-il qu’il y eut soudain tant d’oiseaux ? Les uns se posaient sur sa tête, les autres sur ses épaules ou sur ses bras, et il les nourrissait. En voyant un tel spectacle, je fus envahi par la perplexité, mon cœur se mit à battre rapidement sous le coup de l’émotion et je riai, embarrassé. L’Ancien, souriant, dit aux oiseaux : “Allez vous poser aussi sur lui.” Il leur parlait comme si c’étaient des personnes. Tandis qu’ils étaient posés sur son bras, il leur dit : “Allez aussi sur le sien, il est des nôtres.” Cela dura environ deux minutes. À un certain moment, l’Ancien replia le papier d’aluminium, et les oiseaux disparurent. J’étais stupéfait et je le regardais. “Va, maintenant”, me dit-il. »

 

  1. Prière pour le monde

Sur la porte de la cour de la Panagouda, le pèlerin vit pendant un certain temps la note suivante : « Mettez par écrit ce que vous voulez, déposez la note dans la boîte, et je vous aiderai davantage par la prière, que par le bavardage. Ainsi, j’aurai le temps d’aider davantage d’affligés. Je suis venu ici pour prier et pas pour faire le maître d’école. »

La première impression qu’on en retire c’est que, en ce lieu, se trouvait un télégraphiste spirituel et que le moine qui était volontairement confiné au milieu des grillages avait une tâche qui impliquait une lourde responsabilité : celle d’envoyer des messages à Dieu, c’est-à-dire de prier. Il semble que c’est la raison pour laquelle l’Ancien accordait une telle importance à la prière pour le monde. L’estimant en fonction de ses résultats, il la considérait comme étant plus utile et plus efficace que la causerie ou la correspondance.

La prière de l’Ancien avait deux ailes. L’une était la souffrance du cœur. « Même un seul soupir équivaut à une prière, à des heures de prière, à une veille. » L’autre était la justice : « Sans justice, la prière n’est pas entendue[2]. »

La prière de l’Ancien pour le monde était fonction et conséquence de l’ensemble de son état spirituel, et en particulier de son grand amour.

Le charisme rare de prière pour le monde lui fut accordé après de rudes combats. C’était un orant pour le monde entier. Il priait pour tous comme pour lui-même. Cette prière était permanente, c’était une prière venue du fond du cœur, pure et efficace. Il la divisait en trois parties. La première pour lui-même, la deuxième pour les vivants et la troisième pour les défunts. Mais en réalité, il priait plus pour les autres que pour lui-même.

Il généralisait et étendait sa prière, pour y inclure tous les hommes. Quand il disait la prière pour différents cas, par exemple pour un jeune qui avait quitté le chemin de Dieu, il ajoutait : « Souviens-toi, Seigneur, et viens en aide à tous les jeunes ! » Ou encore quand il priait pour quelqu’un, par exemple pour un malade qui s’appelait Nicolas, il ajoutait : « Souviens-Toi aussi, Seigneur, de tous les Nicolas. »

Pour cela, il s’aidait de la lecture du Psautier adaptée à différentes circonstances, comme le lui avait indiqué saint Arsène, sauf qu’il généralisait les cas : par exemple, le premier psaume convient pour le cas où l’on plante la vigne ou des arbres, pour qu’ils aient des fruits. L’Ancien, après avoir lu le psaume, priait Dieu non seulement pour les arbres que l’on vient de planter, mais aussi pour les bébés qui sont encore dans le ventre de leur mère, afin qu’ils soient bénis par Dieu et portent du fruit. De même quand le psaume se rapportait à la tempête, l’Ancien disait : « Christ, ne vois-Tu pas la tempête du monde, à quel point le monde est perturbé ? » Il priait pour que Dieu apaise non seulement la tempête sur mer, mais aussi l’humanité égarée. C’est ainsi que sa prière embrassait le monde entier. Ensuite, il laissait le psautier, et son esprit s’absorbait dans une prière du cœur pour les hommes et pour toute la création.

L’Ancien disait : « On m’envoie des lettres d’Australie en me demandant de prier pour leurs affaires. Et moi de prier avec le psautier. Puis je reçois des lettres dans lesquelles on me remercie d’avoir prié et résolu leurs problèmes. Et, lorsque je vois cela, je prie encore d’avantage avec le psautier. Chaque fois que je prends le psautier, je le lis une ou deux heures. Et je constate que Dieu entend ces prières. »

Cette prière l’épuisait, parce qu’il participait totalement à la souffrance de l’homme quand il présentait à Dieu les tourments des hommes et qu’il demandait pour eux « ce qui est nécessaire au salut ». Il ressentait « une grande souffrance, mais aussi une grande consolation». Il faisait que l’abondante souffrance humaine qu’il voyait autour de lui sorte de lui- même. Il semblait parfois qu’il traînait les pieds d’épuisement, que ses genoux fléchissaient à cause des jeûnes, que le vase d’argile qu’était son corps était sur le point de se briser à cause de ses maladies, mais malgré tout, il n’interrompait pas sa prière pour le monde.

Il disait : « La prière aide beaucoup le monde quand il y a en outre une souffrance du cœur. On ne participe pas à la souffrance de l’autre quand on a les jambes croisées et que l’on est assis confortablement. »

Sa prière s’accompagnait de jeûnes, de labeurs, de prosternations, et surtout, d’humilité. Il disait : « Il faut que nous demandions humblement. Moi je dis : “Mon Dieu, je suis une brute. Aie pitié de moi et de tout l’univers.” »

Il croyait qu’il était responsable des infortunes des autres : « Si j’étais un saint et si ma prière était entendue, eux ils ne souffriraient pas. » Il écrivait dans une lettre (datée du 14 mars 1971) : « Du fait que le malheureux Païssios est malheureux, beaucoup d’âmes sont malheureuses à cause de lui, parce qu’il n’a pas acquis la grâce pour aider les hommes par l’aide de Dieu, eux qui humainement ne sont pas aidés. » Il disait : « Nous devons penser que c’est nous qui sommes responsables du fait qu’un malade n’ait pas la santé, parce que le Christ nous a dit qu’il nous donnait le pouvoir de faire des miracles et que nous, nous ne faisons rien. » Il ajoutait : « Que puis-je faire, Père ? Les gens viennent, ils demandent de l’aide, et je ne peux pas les aider. Mes défauts sont responsables du fait qu’ils ne font pas de moi un enfant bien-aimé de Dieu, de sorte que Celui- ci écoute ma prière.

  • Alors, Géronda, pourquoi les gens viennent-ils ?
  • Sais-tu ce qui se passe ? Ce que j’ai compris, c’est que les gens ont besoin d’amour. Il y a des âmes qui souffrent, et moi je prends un peu de patience à les recevoir. »

Mais là-dessus, les gens étaient d’une opinion différente et ne cessèrent pas de venir. Lui-même ressentant sa propre indigence, tel un bon mendiant, il tendait les bras vers Dieu et Le suppliait d’aider chacun. Il se répandait en discours de suppliants : « Mon Christ, je T’en supplie, aide même un peu Untel qui est paralysé pour qu’il puisse se débrouiller tout seul ». Ou : « Ma Toute Sainte, je vais te déranger une fois de plus… »

Il avait l’habitude d’allumer de petits et des gros cierges de cire pure devant les icônes de l’hôtellerie pour les visiteurs. La nuit, il allumait des petits cierges dans son kellion dans une boîte métallique avec des trous en forme de croix et il priait pour l’univers. Un jour, il ouvrit les Portes Royales et plaça devant elles un chandelier avec un cierge allumé. Sans doute était-ce là une sorte de « supplication intense » pour un cas très sérieux.

Quand il y avait des cas de ce genre ou lorsque de violentes crises agitaient la nation ou l’Eglise, il conseillait aux pères « de bien prendre leurs chapelets », c’est-à-dire de dire beaucoup de prières, parce qu’il y en avait grand besoin. Il faisait cela pour les encourager, mais avant tout pour mieux dissimuler les résultats de sa propre prière.

Lui-même priait beaucoup, mais il voulait aussi que d’autres y participent et se donnent du mal en priant. Il disait : « Si je le pouvais, je ferais une équipe de prière qui ne s’arrêterait jamais. Le monde en a grand besoin. »

Deux Pères se rendirent à une agrypnie, la veille de la Saint Spyridon (12 décembre). Ils vinrent voir l’Ancien pour recevoir sa bénédiction. Ils virent que son visage était cramoisi et il semblait très chagriné. Il dit aux Pères : « Faites la prière là où vous allez, dites aussi aux autres qu’il y a un grand trouble en Roumanie, qu’il y a une guerre civile et que beaucoup sont tués. » À cette époque, Ceausescu avait été renversé. L’Ancien apprit les événements grâce à sa « télévision spirituelle » personnelle, participait à l’épreuve que traversait le peuple roumain souffrant, et priait avec ardeur.

Il avait une pleine conscience que son devoir en tant que moine était de prier pour les autres. Quiconque venait à passer par sa calyve, il « l’attachait à son chapelet », selon son expression, c’est-à-dire qu’il priait pour lui avec son chapelet.

Un père demanda à l’Ancien de prier pour que son fils soit libéré de ses mauvaises fréquentations. Peu après, il vint le remercier pour la délivrance de son fils. L’Ancien lui répondit : « Il s’en est tiré, mais il n’est pas prêt de partir d’ici », et il lui montra son chapelet, voulant dire qu’il continuerait à prier pour lui. Avec étonnement, le fils devait reconnaître plus tard : « Je ne sais pas ce qui m’a pris. Sans raison, je ne voulais plus les fréquenter. »

Il priait pour tous, et Dieu donnait à chacun ce dont il avait besoin. Il disait : « Voyez donc, combien de personnes ont été secourues grâce aux prières ! On est secouru parce qu’on est jugé digne du secours divin, et Dieu trouve le moment approprié pour l’accorder. Quand la prière est faite avec ardeur, le Christ en personne descend pour aider l’âme en peine. Quand quelqu’un a de la familiarité auprès de Dieu (parrhèsia) dans sa prière, il ressemble à un ministre qui invoque le Premier ministre, et sa requête est agréée. »

Un athonite rapporte : « Avant d’être libéré de mon service militaire, je vins avec une permission à la Sainte-Montagne et, pour la première fois, je rencontrai l’Ancien Païssios. Je l’interrogeai sur des questions personnelles, puis je lui soumis le cas d’un ami proche. Celui-ci voulait épouser une jeune fille, mais les parents de celle-ci refusaient. Il tomba dans le désespoir et voulut se suicider.

Lorsque je le rencontrai après être revenu dans le monde, il me dit : “J’essaie de me détruire, mais je n’y arrive pas ; quelque chose me retient et ne me laisse pas me faire du mal.”

Après avoir quitté l’armée, je décidai de venir à la Sainte-Montagne pour devenir moine. Je passai en premier lieu par Souroti où je rencontrai l’Ancien. Sept ou huit mois avaient passé. Il me demanda avec intérêt : “Comment va ton ami untel ?” C’est alors seulement que je réalisai que, pendant tout ce laps de temps, l’Ancien n’avait pas cessé de prier pour mon ami, et que c’étaient ses prières qui l’empêchaient de se faire du mal. »

Il insistait beaucoup sur le fait que « la contribution du moine (à la société), c’est sa prière pour le monde. Au lieu de rendre visite aux prisonniers, il prie pour les défunts. »

On demanda à l’Ancien : « De quelle façon faut-il prier pour les défunts ? Peut-on faire sortir une âme de l’enfer ? » Et il répondit : « Ce que je sais par l’expérience, c’est qu’une âme peut passer des oubliettes au salon, tu trouves que c’est rien ? »

L’Ancien dit à un moine : « Tu n’as pas de travail ? Moi, je vais t’en trouver. Fais des prosternations pour les âmes des défunts. Sais-tu à quel point elles en ont besoin ? »

Alors que sa prière venait en aide à beaucoup de gens, le diable essayait de lui faire obstacle. Il disait : « Le Tentateur trouve des moyens de nous faire obstacle. Il m’envoie des gens pour me détourner de la prière. Mais aussi l’inverse. Je me rends compte quand c’est Dieu qui les envoie. »

Un Ancien d’un kellion voisin entendit certains soirs des chants dans le kellion de l’Ancien Païssios. Il lui demanda ce qu’étaient ces chants qu’il entendait le soir de telle à telle heure (c’étaient les heures où il priait). L’Ancien fut perplexe, il n’en savait rien. Il lui dit : « Non, je ne célèbre pas d’office, je les fais sur mon chapelet*. » Peut-être s’agissait-il de puissances célestes qui l’aidaient dans ses prières et les apportaient à Dieu ?

Il est vrai que le monde ne subsiste que par les prières des saints, comme on l’a écrit à propos de saint Antoine : « Tu as soutenu le monde par tes prières, Père saint. » Nous ne savons pas si, dans des circonstances précises, l’Ancien a affermi le monde par ses prières. Ce qui est sûr, c’est qu’il a conforté un nombre incalculable d’âmes qui ont beaucoup plus de valeur que le monde entier. En outre, par ses prières, il a guéri des malades, chassé des démons, et seul Dieu sait combien de gens il a aidé invisiblement à trouver Dieu pour être sauvés.

Maintenant que l’Ancien n’est plus auprès de nous pour allumer des cierges et prier pour le monde entier, la certitude qu’il nous aide encore mieux et plus efficacement depuis le ciel nous console. Nous avons des preuves des miracles et des apparitions qui se sont produits après sa dor- mition. Après s’être, durant toute sa vie, « consumé comme un cierge à la bonne odeur » en priant, désormais le cierge inextinguible de sa prière brille sans cesse devant la Sainte Trinité, en intercédant pour nous tous. [3]

 

 

  1. Un enseignant charismatique.

Tous ceux qui ont eu l’occasion de discuter avec l’Ancien ainsi que tous ceux qui ont lu ses textes sont d’accord sur le fait qu’il possédait le charisme du verbe et de la théologie, qui est le charisme le plus élevé du Saint Esprit.

Par principe, il évitait de donner des leçons aux autres, mais voici ce qui arriva, comme il le raconta lui-même : « Père Athanase du monastère d’Iviron était un bon moine et un homme spirituel, mais aussi un beau parleur. Oh là là ! En deux mots, il te retournait comme une crêpe. II vint un jour dans le kellion où j’étais et me dit : “Écoute, Païssios, mon enfant, aide donc les gens puisque tu en as la capacité.” C’est ainsi qu’il me persuada de recevoir les gens et de faire tout mon possible pour les aider. »

Sa parole était simple, comme celle des Apôtres pêcheurs d’hommes, pratique, vivante, expressive, attrayante, délicate et douce. C’était comme une rosée qui tombait sur des âmes assoiffées. Dans ses récits, il était incomparable. Il mêlait naturellement des histoires charmantes et des plaisanteries, pour que son discours soit agréable, expressif et pour en souligner le côté spirituel. Il parlait souvent avec des exemples – « en paraboles » – tirés de la nature ou de la vie. Ses paroles étaient claires, poétiques, et dans le style des Apophtegmes des Pères. Il était capable de parler à loisir pendant toute la journée sans préparation, et ses auditeurs étaient suspendus à ses paroles.

Il ne donnait pas de conférences, ni ne cherchait à jouer au professeur. D’habitude, il discutait avec ses visiteurs ou il faisait des réunions dans des monastères qu’il connaissait, quand on le lui demandait, ou répondait à des questions. Avec le peu qu’il disait, il subvenait aux intérêts de beaucoup. Il avait la manière et du discernement, et pouvait faire d’une chose insignifiante un enseignement spirituel hors pair.

Il avait la capacité de transformer les conversations banales en spirituelles. « Grâce à Dieu, nous avons réparé le toit de notre kellion », lui dit un athonite. Et l’Ancien, transposant la construction en édification spirituelle, ajouta : « De même que pour la maison, la chose la plus fondamentale, c’est le toit, pour que l’eau n’y pénètre pas, de même pour l’homme l’essentiel est d’avoir sa tête bien en sûreté pour qu’elle n’accepte pas les pensées. »

Sa parole touchait les âmes des hommes. Un drogué disait : « Ce qui m’impressionna, c’est que l’Ancien en deux ou trois mots réussissait à communiquer avec nous et à piquer notre attention. »

Selon leurs dispositions, les uns reprenaient leurs esprits et se repentaient, d’autres se posaient des questions, certains étaient enthousiastes et d’autres consolés. Il ne persuadait pas les gens logiquement, mais il les aidait spirituellement.

Sa grande diversité de qualités provoquait l’étonnement : ses connaissances pratiques, sa sagesse, sa mémoire infinie. Il avait la capacité de diriger spirituellement des moines et des monastères, de résoudre les problèmes des laïcs, des célibataires et des hommes mariés, de discuter avec des savants, qui étaient surpris par ses connaissances et sa souplesse. Il condescendait ou s’élevait jusqu’au niveau d’éducation et à l’état spirituel de son interlocuteur, en prenant en considération son caractère, son métier, son origine, ses intérêts, etc. D’habitude, « il édifiait, exhortait, encourageait[4] [5] » et proclamait « le Royaume de Dieu4 ». Il évitait de parler de théologie sans raison. Mais, quand il le fallait, il pouvait exposer des questions théologiques sans se tromper, exprimant avec des mots simples ses expériences divines. La vision de Dieu précède la théologie. C’est elle qui faisait reconnaître comme théologien le moine illettré qu’il était. Il disait que « la théologie sans l’expérience ressemble à une taupe qui essaye de décrire le soleil ».

Dans ses propos, il savait mêler les éléments humains issus de ses connaissances et de son expérience. Parfois il disait : « A mon avis, ceci et cela… » ou «je pense que… ». Parlant comme un homme au sujet des affaires courantes, il faisait aussi des erreurs. D’ailleurs, il ne pensait pas non plus être infaillible.

Mais quand il s’agissait d’états spirituels et de questions spirituelles qui touchent au salut, quand on l’interrogeait, il suivait son interlocuteur avec attention, fixant ses yeux de son regard pénétrant tout en priant mentalement. Après avoir compris précisément la question, « il disait ce que la grâce lui donnait de dire[6] ». Ses réponses étaient si parfaitement claires que l’on en était informé intérieurement et qu’elles étaient reçues comme des paroles d’Évangile. Les paroles de ce genre avaient une puissance particulière, étaient reçues sans le moindre doute, parce que ce n’étaient pas les siennes, mais celles de l’Esprit Saint. L’Ancien ne faisait que transmettre la parole de Dieu qui lui venait d’en haut et qui était dans son cœur. Cette parole est le « signe distinctif parfait et authentique des saints[7] ».

Dans de telles circonstances, il parlait d’autorité, avec certitude, sans laisser de place au doute. Quand Dieu ne lui donnait ni parole ni certitude intérieure, il ne répondait pas. Il disait : « Nous allons prier pour cela », et plusieurs jours plus tard il donnait la réponse.

L’Ancien était par nature un orateur éloquent, élégant, habile et persuasif. La valeur de son charisme venait non pas de la façon dont il s’exprimait, mais du contenu de ses propos. Ils avaient le pouvoir de révéler le Royaume de Dieu et de transformer les âmes des gens, parce que lui-même avait été transformé spirituellement par la grâce divine.

Le très vénérable métropolite de Xanthi, Mgr Pantéléimon, nota : « Les conseils de l’Ancien manifestaient la fermeté de sa pensée et de sa foi, car celle-ci s’appuyait sur une expérience vécue bien supérieure à celle que nous étions en état de percevoir… En entendant ses propos, j’admirais son esprit. C’était l’Esprit de Dieu qui parlait à travers son instrument. Ceci ne faisait que développer en moi une foi inébranlable et une certitude intérieure inamovible. L’Ancien Païssios était pour moi un guide vers le Christ, un commentateur des dons de l’Esprit, un indicateur de la voie céleste, une lumière dans ma dense obscurité. »

L’Ancien, même après sa dormition, continue d’aider les gens par ses écrits. Ses livres rencontrent un écho inouï, on les lit avidement, on les traduit dans de nombreuses langues étrangères, ils parlent au cœur, ils émeuvent les gens simples comme ceux qui sont cultivés.

Par l’enseignement que l’Ancien a laissé, il s’est révélé être un maître spirituel contemporain. Ses propos circulent dans la bouche des gens, ils agissent d’une façon charismatique et conduisent des âmes au salut.

  1. Charisme de la consolation.

Comme le soleil printanier dissipe le brouillard et réchauffe, ainsi l’Ancien, avec son charisme de consolation spirituelle, chassait l’affliction et consolait toute âme tourmentée qui l’approchait.

Beaucoup trouvaient refuge auprès de lui « à la recherche de la consolation ». Ils arrivaient chagrinés et repartaient complètement soulagés. Il suffisait de le voir pour reprendre courage et joie. Si l’on avait aussi la bénédiction de parler avec lui, alors on ressentait une joie inouïe et on partait transformé. Car les paroles de l’Ancien transmettaient la grâce de Dieu, elles avaient une autre puissance.

Quelqu’un d’autre aurait pu dire à peu près la même chose à un être en peine ; mais les paroles de l’Ancien transmettaient la grâce de Dieu, elles étaient d’une autre force. Il réussissait à prendre toute la souffrance humaine et à la remplacer par de la joie et du réconfort. Lui, éprouvait l’amertume tandis que les gens se remplissaient de joie et de douceur.

Il disait : « Tant et tant de gens viennent me voir ! Tous sont des âmes dans la peine et tous repartent joyeux et réconfortés. Mais ils ne se demandent pas où est passée leur souffrance. Elle vient tout entière en moi. Eux ne se rendent pas compte, quand ils repartent joyeux, de ce qu’ils laissent derrière eux. Mais jusqu’à maintenant ça va (c’est-à-dire, jusqu’à maintenant la situation est supportable), mais on peut se demander jusqu’où cela ira ? »

Par son amour sincère pour chaque homme, il faisait sienne la souffrance et les problèmes des autres, et terminait par une prière venue du fond du cœur pour les affligés. La grâce divine agissait par son intermédiaire, une grâce particulière de consolation.

En voyant son exemple, on était consolé. Tandis que lui-même souffrait de beaucoup de maladies, il prenait patience et rendait grâce. Il ne demandait pas à Dieu de lui accorder la santé. Il était toujours bien disposé, il débordait de joie et faisait la joie des affligés. Ceux-ci repartaient joyeux malgré leurs peines. Il ne donnait pas de consolation factice. Il mettait l’accent sur la foi en Dieu, la patience, la doxologie, l’affrontement spirituel de l’épreuve, et montrait quels étaient le but et le motif des épreuves. Il adoucissait les tribulations de la vie présente par l’espérance de la vie étemelle. Des moines arrivaient submergés sous les pensées et les tentations. Après un entretien rapide, ils se sentaient soulagés, comme si des ailes leur poussaient, et ils repartaient en s’envolant. Ils retrouvaient leur zèle de débutant, et il leur semblait qu’ils recommençaient leur vie monastique. Quand ils revenaient dans leur monastère, leur transformation était si visible que leurs compagnons la percevaient et leur demandaient : « Ne serais-tu pas allé voir le Père Païssios ? »

« Nous rendîmes visite à l’Ancien Païssios, rapporte un Athonite. Nous étions un petit groupe de jeunes moines venus pour qu’il nous conforte au début de notre vie monastique. Effectivement, il nous remplit d’enthousiasme avec ses paroles remplies de grâce et de sagesse. Au moment de partir, il hésita et nous dit une phrase que les autres ont probablement considérée comme étant sans rapport avec le reste de la conversation et à laquelle ils ne firent pas attention : “Ne venez pas à vous chagriner si la folie de la chair se manifeste lors de la doxologie, vers la fin de l’office des Matines. C’est probablement dû au fait que le sang descend lors de la station debout…” Or, c’était précisément mon souci à l’époque. Tout en voyant que je n’étais pas responsable de ces pensées, j’en éprouvais malgré tout une grande honte car elles survenaient dans l’église, pendant que tant de mystères divins et surnaturels ont lieu. Mon orgueil ne me laissait pas m’en confesser. Mais l’Ancien Païssios s’était rendu compte de mon problème et il me tranquillisa. »

Quand quelqu’un s’approchait de sa calyve, il ressentait une douceur ; « toute l’atmosphère l’amadouait », comme beaucoup en témoignent. Personne ne le quittait inconsolé.

Un moine Athonite* raconte : « En 1978, je suis descendu à la Précieuse-Croix pour voir l’Ancien. Mon nom était alors Nicolas. Je ressentais un malaise très profond, comme si la montagne de l’Athos m’était tombée sur la poitrine, et je ne pouvais respirer. J’étouffais. Je décris mon état à l’Ancien, lequel m’écouta attentivement, et quand j’eus terminé, il me dit : “Le tentateur t’a agressé. Attends donc pour voir ce que nous allons faire.” Et il se mit à chanter le tropaire du canon de saint Nicolas : “Bienheureux Nicolas, authentique disciple du Maître…” Il y mettait tant de cœur, qu’il était secoué de tremblements. Il mit ma tête sur sa poitrine. Avant qu’il n’arrive au milieu du tropaire, je fus saisi de crainte et je me mis à pleurer en priant. Quand il eut terminé, j’éprouvai une grande joie et une grande paix intérieures. Comment mon état avait-il pu changer aussi rapidement ? Désormais, je sentais que toute la Sainte-Montagne était pleine de douceur et que celle-ci provenait de l’Ancien. »

Des jeunes qui avaient des problèmes psychologiques et des tendances suicidaires étaient rassérénés et partaient avec la ferme résolution de se repentir et de mener une vie spirituelle.

Un réfugié grec du Pont ne réussissait pas à trouver du travail. Il était tombé dans le désespoir et avait décidé de se suicider. Un de ses amis lui conseilla d’aller voir l’Ancien Païssios, et il y alla. Il changea, devint un autre homme et partit rempli d’espoir. Finalement, il dit : « Même si une montagne devait me faire obstacle maintenant, je la pousserais sur le bord du chemin pour passer. » A la Panagouda, on amena « un paralytique, porté par quatre personnes » Ils ne virent que l’Ancien qui consola le paralytique, et ils repartirent joyeux.

L’Ancien raconta : « Ces jours-là (il était à la Précieuse-Croix) vint un jeune qui était un vrai diamant. Il avait de l’idéal, de la pureté ; je n’avais encore jamais vu un jeune comme lui. Ses proches, même eux, et tous ceux qui le connaissaient, le prenaient pour un idiot, on le conduisit même à l’asile de fous parce qu’il ne sortait pas avec des femmes et qu’il n’avait pas de vie mondaine. Il arriva préoccupé et repartit complètement soulagé.

Un autre qui avait l’intention de se faire du mal, repartit comme un papillon. Un autre avait été tracassé par les psychiatres. Il vint et nous discutâmes pendant une demi-heure et à la fin, tout content, il voulut me donner mille cinq cents drachmes, parce qu’il donnait mille drachmes aux psychiatres pour un quart d’heure et que cela ne lui faisait rien, tandis que cette conversation lui avait été utile, parce qu’il n’avait rien et qu’il fallait juste remettre de l’ordre dans ses pensées. »

Un pieux pèlerin, pleurant d’émotion, raconta : « J’étais arrivé désespéré du Canada en 1992. J’étais divorcé, je prenais de la drogue et quantité de médicaments. Il y avait trente-deux ans que je n’avais pas communié. L’Ancien discutait avec une quinzaine de personnes dans la cour. Il semblait être complètement épuisé. Il me dit : “Tu viens de bien loin, cela fait longtemps que je t’attendais.” Son amour m’a transformé. Je ressentis qu’il voyait tout. Il oublia son état et prit sur lui tous mes problèmes. Il me les remit en ordre. La santé (maintenant je ne prends qu’un cachet pour la tension), la famille (j’ai maintenant une petite fille Païssia), le travail et surtout ma foi dans le Christ. Ma mère toute joyeuse m’a dit : “Mon enfant, tu n’es qu’un miracle !” »

Un jour, l’Ancien rencontra à Thessalonique un clerc qui était son disciple. Alors qu’ils discutaient, une femme vêtue de noir s’approcha, et dit avec virulence et souffrance : « Dites-moi : pourquoi Dieu est-il injuste ? Il m’a pris mon mari et maintenant mon enfant. » L’Ancien ne dit rien, regarda à droite et à gauche et pria. Puis, il dit à la femme : « Ma chère, tu es comme une moniale maintenant. » La femme se calma, fit une métanie, embrassa sa main et partit contente. Même encore peu avant sa dormition, alors que les souffrances de la maladie étaient grandes et qu’il était presque mourant, il ne cessa pas de consoler le peuple de Dieu. Un jeune qu’il connaissait avait un grave problème de santé, qui lui causait une affliction insupportable. Il se réfugia auprès des psychiatres et prenait des médicaments. L’Ancien l’invita spécialement, il le vit pendant peu de temps, lui dit deux mots, mais la joie que le jeune reçut fut grande et indescriptible. Il partit comme un autre homme et jeta les médicaments.

Bien que lui-même souffrît, il n’en donnait pas moins de la consolation aux autres. Tant qu’il vécut, il consola les gens sur terre. Désormais, il les console depuis le ciel et il intercède auprès de Dieu.

  1. Ennemi et expulseur des démons.

Les apparitions du diable, ses tracasseries et ses agressions constituent un chapitre à part dans la vie de l’Ancien. Le Père Athanase Skliris avait dit à un ami : « Viens donc faire la connaissance d’un moine (le Père Païs- sios), qui se bat en première ligne contre les démons. » Un étudiant rapporta à l’Ancien qu’un professeur de théologie soutenait que le diable n’existait pas. Le Père Païssios se mit à rire et dit : « Mais qu’est-ce qu’il raconte? Ici, toutes les nuits, le diable me fait son cinéma. » Effectivement, le diable était pour l’Ancien une réalité concrète.

Il le voyait très souvent. Ceux qui sont passionnés et faibles combattent contre leurs passions, les forts, eux, combattent contre le diable. Comme il était fort, il combattait contre le diable en combat singulier et était vainqueur. Lors de ces « confrontations », il combattait corps à corps.

Le diable repartait vaincu et laissait l’Ancien les cheveux en bataille et la soutane froissée. Naturellement, il ne le terrassait pas en ayant recours à sa force physique. Parfois, l’Ancien combattait non pas contre un seul démon, mais contre une multitude. II voyait toute une phalange de démons qui se précipitaient sur lui pour le mettre en pièces. Parmi cette multitude, « le dernier de la colonne semblait être aussi petit qu’une tête d’épingle ». Quelqu’un lui apporta une cassette de magnétophone qui contenait des révélations d’une possédée. Le démon s’exprimait par sa bouche : « Dis à Païssios de se tenir tranquille et de ne pas s’agiter, sinon il le paiera cher ; nous l’attaquerons, comme la dernière fois. » L’Ancien, qui écoutait silencieusement, sourit et dit spontanément : « Mais laquelle d’entre toutes ? » De là, il semble que son pauvre corps malmené par l’ascèse fut souvent blessé par les démons. Quant au « se tenir tranquille », l’Ancien expliqua que le diable parlait des prosternations. Il n’échappera à personne, en considérant les multiples aspects de son influence charismatique, qu’il soustrayait des âmes aux filets du diable.

Il disait du combat contre le diable : « Le diable fait bien son travail. Un chien, on le frappe une fois, deux fois, et il s’enfuit. Le diable, on a beau le frapper encore et encore, il ne s’en va pas. Il faut simplement le mépriser et ne pas lui donner de prétextes. Alors, quand on le méprise et qu’on ne lui donne pas prise, il rit, fait son cirque sans ticket. Mais l’on n’a pas peur de lui, il ne ressemble pas à un chien enragé mais à un chiot inoffensif. »

Quand l’Ancien parle de « frapper le diable », il veut dire la prière, qui est selon saint Jean Climaque, « le fouet des démons ».

Il se manifestait à l’Ancien quand Dieu y consentait, non pas parce qu’il lui avait offert un prétexte. Le diable « n’en trouva aucun » chez l’Ancien, parce qu’il ne lui en fournissait aucun. Il faisait attention de ne pas offrir de prise au diable, et à ne pas l’insulter. Un moine lui apporta des douceurs et attendait qu’il les goûte. Il n’en mangea pas. « Cela vaut mieux ! », dit-il. « Sais-tu ce que le démon va me dire ce soir ? Il vaut mieux que je ne te le dise pas. » Un autre lui apporta des chocolats, il refusa en disant : « Le démon va se moquer de moi cette nuit. »

Quand il voulait raconter une tracasserie du diable, il disait en riant de bon cœur : « Viens voir ce que le démon m’a fait hier. » Mais, brusquement, il reprenait son sérieux, son visage exprimait le chagrin et, agitant tristement la tête, il disait : « La meilleure des créatures, comment a-t-elle pu tomber si bas par orgueil ? De sa place dans le premier ordre angélique, il a chu et est devenu un diable, plein de haine et de rancune. D’ange de lumière, il s’est transformé en un démon obscur. »

L’Ancien, après avoir été éprouvé un nombre incalculable de fois par les démons, devint leur adversaire expérimenté. Il n’avait plus peur du diable, mais sans toutefois le sous-estimer. Il n’ignorait pas ses « idées », ni ses tracasseries et ses pièges. Il le décrivait par expérience : « Le diable se transforme concrètement en homme, en animal, etc. On peut le toucher concrètement. C’est un autre état que nous ne connaissons pas. On le voit, on le touche, on le ligote et aussi il disparaît de notre présence. On ne peut pas dire qu’il se matérialise. C’est un autre état, intermédiaire. »

Un prosélyte orthodoxe demanda à l’Ancien la bénédiction de traduire en français son livre sur saint Arsène de Cappadoce. Il demanda d’omettre les passages parlant du diable, du fait que les Européens n’y croient pas. L’Ancien, qui avait eu tant d’expériences avec le diable, bien sûr refusa.

Les apparitions des démons.

Un soir, alors qu’il était au Stomion, il dit à un jeune qu’il hébergeait : « Reste ici, moi je vais aller quelque part. » Il partit pour aller dans une grotte qui était au bord d’un rocher et en bas d’un ravin à pic d’environ trois cents mètres. En descendant, il entendit le chant d’un coq dans la solitude. Il comprit de qui il s’agissait et s’arrêta. Il resta pendant toute la nuit à cet endroit en priant. C’était la première fois que le diable le tracassait durant son séjour.

*

Une nuit, il entendit de la musique et le son de violons et d’autres instruments de musique. Il regarda par la fenêtre et vit le diable qui dansait. Il lui fit signe de la main, l’invitant à danser lui aussi. Peu après, alors qu’il disait la prière, tout disparut.

*

Une autre fois, sous la lueur des étoiles et à l’extérieur du monastère, une foule de démons se manifesta qui criaient à l’Ancien de leur ouvrir la porte.

*

À la skite d’Iviron, pendant un certain temps, au début, le diable se présentait chaque jour et frappait à sa porte en disant : « Par les prières, de nos saints Pères[8]. » L’Ancien répondait : « Ô diable, c’est au Paradis que tu me mènes, tu m’y élèves pour que j’y prie. » Et il nous disait que si cette maison était sujette à de telles tentations, c’était parce que quelqu’un avait répandu de l’eau bénite de la Théophanie sur les murs[9].

*

À la Précieuse-Croix, quelqu’un frappa pendant la nuit à la porte. L’Ancien pensant que c’était un voleur alluma une bougie. Peu après, on frappa à la fenêtre. L’Ancien se rendit alors dans la chapelle et alluma des cierges pour faire croire qu’il y avait beaucoup de monde et le faire déguerpir. Puis, on entendit des coups sur le toit. Il se rendit alors compte que le voleur nocturne était le diable et il lui dit : « Ah, c’est toi ? Tu aurais pu me le dire, maintenant on peut se comprendre. »

*

Il se rendit de sa calyve de la Précieuse-Croix à Stavronikita pour une vigile. Pendant la lecture, il s’assit dans sa stalle et un léger sommeil le prit. Au « Gloire à Dieu au plus haut des cieux », alors que commençait l’Hexapsalme[10], il sursauta, se redressa et vit près de lui un chien noir sauvage, la langue pendante. Pendant quelques fractions de seconde il fut effrayé, puis il fit son signe de croix en disant la Prière de Jésus, et le chien sauvage, qui était le diable, disparut.

*

Un jour, il eut une pensée blasphématoire. L’Ancien réagit vivement, en agitant la tête. Comme il regardait vers la fenêtre, il vit un chevreau (le diable), aux pattes poilues qui essayait d’entrer. « Il ne me manquait plus que ta bobine », dit-il avec mépris.

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Témoignage de M. Élefthérios Tamiolakis, de Crète : « La première fois que je me suis rendu à la Précieuse-Croix, l’Ancien tarda à m’ouvrir, et j’étais sur le point de partir. Finalement, la porte s’ouvrit, je vis l’Ancien et je lui fis une métanie. Je remarquai qu’il était un tant soit peu préoccupé et fatigué. Avant que j’aie eu le temps de l’interroger, il m’expliqua que, la veille, il avait vu le diable en personne. Il me dit mot pour mot : « Mon cher, sais-tu que là où tu te tiens, c’est le diable qui, hier, s’y trouvait. Il était hideux, tout jaune avec des yeux rouges. Il ne m’a pas laissé tranquille de toute la nuit. Tout le kellion en a tremblé. L’Ancien avait passé la nuit en veillant et en priant, et il était très fatigué. Le diable ne pu pénétrer dans le kellion, ni lui faire du mal, parce que sa prière le brûlait. »

*

L’Ancien raconta : « J’ai vu le diable, qui m’a fait différentes révélations. Il a mentionné différentes personnalités et m’a dit : “Lui aussi est un des miens, et aussi cet autre”, en me donnant des noms. Les mensonges du diable sont nombreux, mais il dit aussi quelques vérités. »

*

En 1979, l’Ancien rendit visite à un monastère athonite. Le soir, il se rendit dans sa cellule pour y dormir. Dans son sommeil, il entendit que l’on frappait à la porte. Il pensa que c’était 1 ‘ ekklesiastikos*, il se leva et se rendit à l’église. Elle était fermée. Il n’y avait personne. Il retourna dans sa cellule. Il entendit de nouveau des coups, des pas pesants dans le couloir et des murmures, sans pouvoir comprendre le sens des paroles. Il regarda et ne vit personne. Il resta tranquille. La même chose se reproduisit une troisième fois. Alors l’Ancien comprit qui était celui qui frappait : c’était le démon, et il expliqua en outre pourquoi il faisait ceci. [11] que « quand le moine obtient un état spirituel et prie, le diable le craint, il se met en boule et s’enfuit ». Mais il ajoutait : « Cependant, des milliers de personnes qui viennent ici en croyant être possédées, il n’y en a que cinq seulement qui le soient vraiment. Pour que quelqu’un soit possédé, il faut qu’il ait donné des gages importants (qu’il ait commis de graves péchés). On aide les petits enfants en leur lisant les exorcismes et en leur donnant la sainte Communion, parce qu’ils ne sont pas responsables. Mais il n’en est pas de même pour les adultes. Le possédé est guéri par le repentir et la confession. Le prêtre se doit de trouver en premier lieu la cause et, ensuite, de lire les exorcismes pour tout mettre en ordre. »

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« Dans le Péloponnèse, il y avait quelqu’un dont l’enfant avait fait qu’il s’éloigne de l’Église. “Que veut dire Eglise, prêtres ?” Comment Dieu avait-il permis que l’enfant fut possédé ? L’enfant était un vrai monstre. Il persécutait aussi sa mère. La malheureuse fut obligée de s’enfuir de chez elle. Et le père se mit à fréquenter les monastères. Les médecins ne trouvèrent rien. Il vint aussi me voir, et il me demanda quand il se rétablirait. Je lui répondis : quand son état spirituel se sera stabilisé. Il étudia les Sy- naxaires, les monastères. On voit alors comment aide l’épreuve. Au début, il s’en prenait aux prêtres ! Comme les épreuves aident ! L’homme est obligé… Telle est la raison pour laquelle il y a des lois spirituelles, des épreuves : pour que les hommes se rapprochent de Dieu. »

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« On amena une possédée à Souroti pour que je la voie. La malheureuse était totalement épuisée et elle me montra une tumeur grosse comme une pierre qu’elle avait sur son côté droit. Je sortis alors un coquillage que j’avais pendu autour du cou et qui contenait une molaire de saint Arsène et je la posai sur la tumeur. Elle se mit à crier, et tout le monastère fut réveillé par ses cris. Elle essayait de vomir. Alors je mis la sainte relique sur son cou et sa tête se mit à bouger, d’avant en arrière, rapidement, si rapidement qu’elle risquait de quitter sa place, c’est pourquoi elle la tint de sa main. Finalement, le démon partit et, complètement épuisée, elle se calma. »

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L’Ancien racontait encore : « Un jour arriva un laïc qui se trouvait à la Sainte-Montagne depuis des années et qui était possédé sans le savoir. En le voyant, je compris qu’un démon le faisait souffrir. Je fis des signes de croix sur lui avec les reliques de saint Arsène, et le malheureux fut délivré sans pouvoir expliquer comment. »

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L’Ancien nous dit : « Un jour (à la Panagouda), un jeune malade vint, il avait des problèmes psychologiques et croyait être fou. Il parlait, parlait, et quand je lui répondais, il n’écoutait pas, mais pensait à ce qu’il allait dire d’autre. Il avait une grande instabilité psychique et une agitation diabolique. Tu vois, quand la grâce de Dieu a abandonné quelqu’un, alors les démons investissent la place. Ce jeune était sombre, il était tombé dans un grand désespoir. Comme le temps passait, j’essayais de ne pas bouger d’un pouce, pour ne pas lui donner l’impression que je m’ennuyais. J’étais assis à l’écouter depuis une demi-heure. Je sortais d’une vigile, j’avais des problèmes intestinaux, j’étais assis sur une pierre plate et j’étais gelé. Puisque je l’avais reçu, il fallait que j’aille jusqu’au bout. Si, par exemple, je le gardais huit heures et demie pour le chasser ensuite, c’était injuste et tout ce temps aurait été perdu. Le lendemain, j’appris de son frère que cet homme avait retrouvé ses esprits. Il est maintenant professeur et chef de famille digne de foi, et il vient me voir. »

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L’Ancien raconta : « On amena un possédé à Souroti. Le malheureux, au milieu de l’église, était en pleine crise ; il jurait, criait. On apporta le crâne de saint Arsène, et je le posai sur lui. Il hurla, tomba sur le sol. Alors je mis le crâne sur sa poitrine en disant la Prière de Jésus avec les moniales. Dès que je lui mis le crâne sur la poitrine, il se mit à faire de violents gestes spasmodiques et resta bouche bée, comme s’il était aphasique. Le démon partit. Quand il eut repris ses esprits, il remercia saint Arsène et nous tous. Par la suite, il vint régulièrement au monastère en apportant des cadeaux. Quand il trouvait la porte close, il les laissait entre les grillages et repartait.

Un jour, il fit un rêve, l’interpréta suivant sa conception, fut attristé et se mit à désespérer. Il recommença à vivre une vie de pécheur, pire que la première. Alors, il fut à nouveau possédé et, cette fois, plus gravement qu’auparavant. Il fit souffrir le martyre à sa famille (il était marié et avait des enfants). Il se battait contre les démons. Il les voyait de ses yeux. Mais c’était un gars hardi et très courageux. Les démons le frappaient, le jetaient à terre. Il leur disait : “Ne venez pas en groupe, mais un par un.” Il souffrait de crises démoniaques. On lui avait dit de dire la Prière de Jésus, ce qu’il faisait. Quand il la disait, les démons lui murmuraient : “Ne mentionne pas ce nom. Dis sans cesse : ‘Kazantzakis, Kazantzakis[12] [13]”’, et ils mentionnaient aussi d’autres noms, dont celui de Velouchiotis ». Il croyait qu’ils avaient besoin de prière et il écrivit leurs noms sur un papier, pour les faire mentionner à la Divine Liturgie.

Finalement, il se décida à venir au Mont-Athos pour me voir. En chemin, alors qu’il montait vers ma calyve, les démons lui dirent : “Ne va pas voir ce tas d’os, à quoi cela va-t-il te servir ?” Il arriva à mon kellion et me demanda de prier pour son rétablissement. Je lui proposai de l’héberger. Il mangea un peu, et je le fis se reposer. Nous étions dans la même cellule. Tandis que je disais la Prière de Jésus, on entendit tout d’un coup un sifflement comme celui d’un obus. Les démons se saisirent de lui et le jetèrent sur le sol à quatre ou cinq mètres plus loin (en dehors de l’hôtellerie, dans le couloir). Il se mit à hurler et à jurer. Les démons lui dirent : “Mon gars (suivirent des paroles grossières), maintenant on va te montrer qui nous sommes”, et ils soulevèrent ses vêtements. Je ne voyais pas les démons, mais je voyais ses vêtements qui se soulevaient tout seuls et j’entendais leurs paroles grossières. Les démons essayaient de le déshabiller. Je ne savais pas quoi faire dans cette situation. J’apportai le petit doigt de saint Arsène, je fis le signe de croix et je dis la Prière intérieurement. Il se calma un peu ; je le laissai, puis je recommençai. Cette situation se prolongea pendant deux ou trois heures. Puis il reprit ses esprits. Il pleura et me remercia. Il me dit que quatre démons s’étaient emparés de lui et l’avaient jeté sur le mur d’en face, et qu’un autre le tirait par le nez. Il partit en bonne santé et depuis lors se porte bien. Auparavant, cette personne occupait aussi une importante position dans l’État. »

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L’Ancien raconta : « Un laïc était tombé dans l’illusion spirituelle. Un possédé lui avait dit : “Tu as une croix sur la tête, va et deviens un prédicateur !” Il était venu pour recevoir ma bénédiction. Je lui dis : “Prends garde mon cher, tu es possédé, va à Stavronikita pour que l’on te lise les exorcismes.” Il se leva et partit. Il alla dans le monde et se mit à prêcher. Un jour, devant les gens, le démon s’empara de lui, et il se mit à insulter la sainte Mère de Dieu et à blasphémer. Les gens s’enfuirent terrorisés ; on l’amena dans un asile de fous. Il fut humilié, mais il tomba aussi dans le désespoir et voulut se suicider, parce que son péché était grave. Il revint me voir et je lui dis : “Dieu a condescendu à ce que tu l’insultes pour te sauver et pour en sauver aussi d’autres.” C’est ainsi qu’il redevint normal. »

  1. « Le parfum répandu. »

L’Ancien disait : « Dieu fait parfois exhaler du parfum à l’heure de la prière. Parfois aussi à un moment où l’on ne prie pas. Ceci a pour but de consoler, d’encourager et de donner une conviction intérieure à quelqu’un, toujours dans un but précis. Le parfum est fort. Il ne ressemble pas à celui des aromates. On ressent un grand soulagement, parfois on ne supporte pas une odeur aussi forte. »

Ce divin parfum est révélateur de la présence de l’Esprit Saint, dans des endroits sanctifiés ou là où se trouvent de saintes reliques.

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« Un jour, raconta-t-il, alors que je me trouvais à Philothéou, je me rendis au kellion de saint Dométios. Tout d’un coup, je fus submergé par un fort parfum. Je posai des questions et l’on me dit que quelque part près de là était enterré saint Dométios[14], mais que personne ne savait où précisément. »

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« Un jour, alors que je me trouvais à Katounakia et que je passais par un kellion en ruine où apparaissaient quelques morceaux de métal et de bois éparpillés, je sentis une forte odeur. Comme je l’appris plus tard, un vertueux ascète avait vécu dans ce kellion, il était dans un état spirituel élevé. »

Alors qu’il se trouvait à la Précieuse-Croix et qu’il passait devant le kellion russe en ruine de la Sainte-Trinité, il sentit un fort parfum. Une fois, il était accompagné d’un enfant spirituel auquel il demanda s’il sentait quelque chose. Ils descendirent dans l’ossuaire du kellion, car le parfum provenait du crâne d’un moine vertueux.

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Pendant la période où il préparait l’édition de son livre sur le Père Arsène de Cappadoce, il se trouvait avec quelques moniales à Souroti en train de faire quelques corrections au texte. Tout d’un coup, l’Ancien sentit un parfum indicible, mais ne dit rien pour voir si les moniales aussi le sentaient. Peu après, elles commencèrent l’une après l’autre à demander : « Qu’est-ce que ça sent ? Quel est ce parfum ? » L’Ancien avait reçu ce parfum comme l’agrément de saint Arsène pour l’édition de son livre.

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Non seulement l’Ancien sentait le parfum, mais lui-même était devenu « un parfum du Christ ». Un nombre incalculable de fois, la grâce divine le révéla et attesta de sa sainteté par du parfum qui, telle « une myrrhe qui se répand », s’exhalait de lui, de ses objets personnels, ou des endroits où il avait vécu.

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Un moine athonite raconte : « Le parfum, qu’exhalait l’Ancien, c’était une chose toute particulière. Souvent, quand je lui baisais la main, je sentais un parfum surnaturel, comme de la myrrhe. Je sentais que sa bouche exhalait le même parfum quand on lui parlait, alors que naturellement, en raison de son jeûne sévère, il aurait dû exhaler une mauvaise odeur. À plusieurs reprises, il était arrivé que je sente la même odeur au préalable, dès que j’avais traversé la ravine, et que celle-ci m’accompagne pendant tout le trajet jusqu’à son kellion, de la Panagouda. »

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Témoignage de Mgr Athanase, métropolite de Limassol : « Je rendis visite, alors que j’étais diacre, pour la première fois au Père Païssios en 1976 avec un ami qui était aussi diacre. Il se trouvait alors à la Précieuse- Croix. Nous frappâmes à la porte et nous attendîmes avec anxiété. J’avais entendu différentes choses concernant l’Ancien et je voulais faire sa connaissance. Il vint nous ouvrir. Il était maigre et enveloppé dans une couverture. C’était l’hiver. Au cours de notre discussion, il était très bien disposé et nous dit plusieurs plaisanteries. Pour dire la vérité, j’étais déçu, car je me disais : « Voilà le grand saint thaumaturge dont on parle ? » Je m’étais fait une image différente des saints. Il ne nous dit rien, ne fit que plaisanter et il nous offrit des loukoums et autres douceurs. En partant, arrivé au grillage, avant de prendre congé, nous lui dîmes : “Géronda, dites-nous quelque chose de spirituel.” Il nous répondit : “Que vous dire, mes enfants ? Faites beaucoup de prosternations.” Nous lui demandâmes alors : “Combien de prosternations devons-nous faire ?” Il ne répondit pas, mais son visage se transforma et il sembla différent, et à ce mo- ment-là tout l’endroit se mit à exhaler un très fort parfum. Tant de parfum ! Tout embaumait ! L’air, les pierres, les arbres, tout. L’Ancien nous dit rapidement : “Vite, vite, allez, partez maintenant, partez.” Nous le saluâmes et, sans rien dire, nous ressentîmes une grande joie intérieure et nous nous mîmes à courir. Je ne sais pas ce qui nous est arrivé. Du parfum et une grande joie. Nous partîmes ainsi en courant et en riant, et le parfum nous accompagna jusqu’à ce que nous eûmes dépassés le kellion de Bou- razéri. Alors que, peu auparavant, nos dispositions étaient exactement l’inverse, après cet événement nous ressentîmes une grande vénération à l’égard de l’Ancien. »

Le hiéromoine athonite A. témoigne : « Un matin, l’Ancien m’attendait pour que nous fassions un travail ensemble. Quand je lui ai baisé la main, je sentis un fort parfum, et de plus toute la cour était remplie d’une telle senteur. »

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Le moine X. sentit aussi que l’Ancien embaumait : « Un jour, alors que je parlais avec lui, je sentis qu’il embaumait. Je le lui ai dit, et il me répondit que cela arrivait parce que j’étais bon. Une autre fois, il m’offrit en plus une petite croix de bois, qui embaumait souvent. Je le lui ai dit, et il me répondit que, lorsqu’on se trouve dans un bon état spirituel, on embaume. »

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L’Ancien Grégoire du saint monastère du Vénérable Précurseur du village de Metamorphosi en Chalcidique, témoigne : « Je sentais du parfum, comme celui qui s’exhale des reliques des saints. Le bon Père (le Père Païssios) n’était pas loin. Au début, je me demandais d’où pouvait provenir ce parfum, mais en m’approchant de lui, je constatai que le parfum provenait de l’Ancien. »

  1. Il comprend des étrangers.

Comme on le sait, l’Ancien ne connaissait pas d’autre langue que le grec. Mais il se produisit à plusieurs reprises que, pour une raison quelconque, il communiqua avec la langue de la Pentecôte et qu’il s’entendit à merveille avec des étrangers.

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« Je me trouvais un jour, raconte le Père E. K., dans le kellion de l’Ancien en compagnie de trois visiteurs et d’un Français qui ne parlait pas un mot de grec. Quand vint son tour de parler avec l’Ancien, ils s’éloignèrent et, durant un quart d’heure, discutèrent assis sur les billots. Nous les regardions discuter avec intérêt. Comment pouvaient-ils communiquer puisqu’ils n’avaient pas de langue commune ? L’étranger repartit content. La satisfaction se voyait clairement sur son visage. »

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Un pèlerin français s’était mis d’accord avec un moine pour qu’ils aillent ensemble voir l’Ancien. Le soir, il y avait une vigile dans le monastère où il demeurait. Le moine, après la vigile, se rendit dans sa cellule pour se reposer. L’étranger, poussé par son désir de voir l’Ancien, partit seul vers sa calyve. Ils discutèrent admirablement et, à la suite de l’entretien, il eut l’impression que l’Ancien connaissait parfaitement le français. »

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Le Père Basile de Grigoriou témoigne : « J’étais allé au kellion de l’Ancien au beau milieu de l’après-midi. La porte était fermée, un jeune attendait allongé par terre. C’était un Grec d’Amérique, et il ne connaissait que l’anglais. “Comment vas-tu parler avec l’Ancien ?”, lui demandai-je. “Dieu enverra quelqu’un”, répondit-il. “Toi, par exemple”, ajouta-t-il. Finalement je me suis retrouvé en leur compagnie pour faire l’interprète avec mon anglais misérable, que de plus j’avais complètement oublié.

Mais je remarquai, avec une grande stupéfaction, que le Père Païssios comprenait mieux que moi tout ce que lui disait le jeune, et qu’il lui répondait en grec, bien sûr, que je traduisais, avec un grand nombre d’exemples simples et sensés. Ce qui demeure pour moi inoubliable, c’est la solution qu’il donna à un problème que le jeune lui soumit, laquelle témoignait de sa grande foi et de sa confiance dans la Providence divine. Voici ce dont se plaignait le jeune : “Ma mère me demande sans cesse de l’argent, et je lui donne tout ce que je peux avoir sur mes petites économies, qu’elle dépense sans retenue. Je ne sais pas quoi faire.” Le Père Païssios lui répondit : “Écoute, mon enfant. L’argent que tu donnerais à ta mère fais-en l’aumône à un pauvre, et à ce moment-là, dis cette prière : ‘Mon Dieu, voilà ce que je te donne pour ma mère, occupe-t’en’, alors Dieu se chargera lui-même d’elle, il trouvera un moyen.” »

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Témoignage du Père P. L. : « Je me suis trouvé à la Panagouda alors qu’un étranger attendait pour discuter avec l’Ancien. Je proposai de faire l’interprète. Au début, l’Ancien attendait d’entendre la traduction des questions. Par la suite, il répondit aux questions avant même que je ne les lui traduise. »

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Témoignage du Père P. L. : « Je suis allé avec Daniel, un Espagnol qui était devenu orthodoxe, voir l’Ancien Païssios. Il voulait discuter avec lui et que je traduise. Daniel lui posa une question et, avant même que je traduise, l’Ancien répondit. Daniel s’étonna et me demanda à deux reprises : “Comment est-ce possible, tu n’as pas traduit ?” Je lui ai répondu : “Je n’y suis pour rien, il t’a répondu correctement.” L’Ancien le tranquillisa en lui disant : “Ne t’occupe pas de lui (de moi le traducteur) et dis-moi ce que tu veux.” Ils commencèrent à parler, lui en espagnol et l’Ancien en grec. J’étais admiratif et je dis en souriant : “En quoi suis-je utile ? Je ferais mieux de partir.” L’Ancien me prit par la main en me disant : “Assieds-toi, mais ne le dis à personne.” Je me dis alors que l’Ancien était vraiment un très grand saint. Je suivis toute la conversation mais, par la suite, je ne pus rien en retenir, si ce n’est la fin : “Ce péché, il faut que tu le confesses”, lui dit l’Ancien. »

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Un enfant spirituel de l’Ancien raconte : « Un jour, je me suis rendu de bon matin à la Panagouda. Peu après l’aube, je frappai le bout de métal, et il m’ouvrit en souriant. Il me demanda : “Et toi, quel est ton avis, Père X. ? Quand saint Éphrem le Syrien rendit visite à Basile le Grand, il avait besoin d’un traducteur ? — Je pense que non”, lui répondis-je.

Je suis passé par l’hôtellerie et j’y ai trouvé un visiteur étranger. Tandis que l’Ancien préparait la collation, nous liâmes conversation avec le peu d’anglais que je connaissais, il me dit qu’il était arrivé la veille au soir, tard. Il était en retard, parce qu’il s’était perdu en chemin ; le temps avait passé et l’Ancien l’avait hébergé. Ils discutèrent sans le moindre problème, et l’étranger pensait que l’Ancien connaissait l’anglais. »

 

 

 

  1. Transferts surnaturels.

Alors que l’Ancien se trouvait dans son kellion à la Sainte-Montagne, il se transportait très loin pour aider quelqu’un qui était en danger ou pour quelque autre raison. Les gens le voyaient alors et l’entendaient. Parfois, il restait invisible et observait ce qui arrivait à quelqu’un, ou à une famille ou dans un monastère.

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Au monastère de Saint-Jean-le-Théologien à Souroti, on tonsura à la hâte une moniale âgée, en raison de sa mort prochaine. Le Père Païssios n’avait pas encore été informé de sa prise d’habit, cependant, alors qu’il se trouvait à la Sainte-Montagne, il fut présent et suivit les funérailles, sans savoir quelle moniale était enterrée.

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Durant la période où il se rendit en pèlerinage à Jérusalem, un groupe de jeunes vint le voir. Alors qu’il était absent de son kellion, ils le rencontrèrent ! L’Ancien leur ouvrit, leur offrit des loukoums, ils discutèrent et partirent tout contents. Ils passèrent la nuit au monastère de Philothéou où ils dirent qu’ils avaient vu l’Ancien. Les Pères s’étonnèrent de ce qu’ils l’aient vu alors qu’il était absent de l’Athos. Le lendemain, un moine de Philothéou se rendit à la Panagouda, mais il ne trouva pas l’Ancien. Il demanda dans un kellion voisin où on lui confirma son absence.

Le portier du monastère de Koutloumousiou, qui est désormais higou- mène du monastère de Vatopaidi, l’archimandrite Éphrem, fut informé, ainsi que d’autres pères, de cet événement, qui fut largement connu à la Sainte-Montagne.

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Le 15 août 1987, trois moniales du monastère du Vénérable Précurseur du village de Métamorphosi en Chalcidique vinrent au monastère de Souroti. Pendant l’agrypnie, elles chantèrent dans le chœur de droite. À trois reprises, au Plus vénérable que les chérubins[15], lors des Laudes et pendant l’Hymne des Chérubins, elles entendirent l’Ancien qui chantait depuis le sanctuaire, alors qu’il se trouvait à la Sainte-Montagne !

*

L’Ancien Grégoire, du monastère sus-mentionné, rapporte : « Un jour, alors que je rendais visite à l’Ancien à la Panagouda, il y avait beaucoup de monde. Finalement, il me dit de dormir dans sa calyve. Nous avons mangé de façon improvisée, puis il dit que nous allions nous reposer, parce qu’il était très fatigué et qu’il avait veillé. Il n’avait pas dormi depuis deux jours. Le matin, il m’appela pour l’office et me dit :

“On ne m’a pas laissé dormir de toute la nuit.

  • Qui donc, Géronda ?
  • Hé, il y avait une agiypnie à l’extérieur[16]. C’était très beau.”

Alors qu’il se trouvait à la Sainte-Montagne, il participa à une veille de toute la nuit qui avait lieu à l’extérieur de la Sainte-Montagne, dans le monde. »

*

Témoignage de Mme M. D. : « Il y a quelques années, alors que le bon Père vivait encore, je suis tombée malade. J’avais une petite tumeur. Mon fils vint le voir, et il lui dit de m’amener à l’hôpital Théageneio de Thessa- lonique. Ce qui fut fait. On me conduisit dans la salle d’opération et une biopsie rapide montra que j’avais un cancer. Six jours plus tard, les médecins me dirent que si le sang ne s’arrêtait pas de couler de la plaie, il faudrait que je retourne en salle d’opérations. Mon fils retourna voir le bon Père, qui lui répondit : “Que ta mère ne s’inquiète pas, ce n’est rien. Les chirurgiens ont eu tort de faire une opération.”

Il lui donna un chapelet* en lui disant : “Donne-le à ta mère et dis-lui qu’avec lui elle collera les médecins au mur.”

Le septième jour, alors qu’il se trouvait à la Sainte-Montagne, il se manifesta dans l’hôpital ! Je vis l’Ancien à côté de moi qui arrangeait les petits tuyaux qui drainaient le sang. Avant que j’aie eu le temps de le remercier, il disparut. Le soir, les médecins vinrent et ils constatèrent que le sang s’était arrêté de couler, l’incision s’était refermée et, par la suite, les examens furent tous négatifs. Je n’avais pas besoin du moindre cachet, ni de chimiothérapie. Plus tard, après ma sortie de l’hôpital, je rencontrai l’Ancien au monastère du Vénérable Précurseur et je l’ai remercié d’être venu à l’hôpital pour me voir. Il me répondit : “Mon enfant, je suis venu parce que les médecins t’ont maltraitée injustement.” »

*

Un jour, il apparut en rêve à des gens. Ce n’est pas cela qui est remarquable, mais bien plutôt le fait qu’il ait eu connaissance de cette manifestation. Et lorsqu’il rencontra les gens en question, il leur demanda s’ils avaient fait ce qu’il leur avait dit en rêve.

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Témoignage du Père Basile Vyrliou, prêtre ordinaire de l’église de Saint-Luc de Stavropole, à Thessalonique : « Un été des années 1980, ma santé s’était sérieusement détériorée. Je fus malade durant tout le mois de juillet. Quand arriva la période du jeûne de la Mère de Dieu[17], dans la confusion de mon manque de sommeil, j’eus la pensée que j’allais mourir. À l’aube, je dormis un peu et je vis en rêve l’Ancien qui me disait : “Mon gars, tu ne vas pas mourir.” Comme je lui demandais comment j’allais surmonter mes problèmes, il me répondit que l’humilité allait les guérir. Je ressentis une grande joie intérieure inexpliquée et un fort désir de rendre visite à l’Ancien. Le même jour, je partis pour la Sainte-Montagne en prenant comme aide un ami, en raison de mon état antérieur. À Koutlou- mousiou, nous demandâmes à un moine si l’Ancien se trouvait dans sa cellule. On nous répondit qu’on l’avait manqué, parce qu’il venait juste de partir. Je dis à mon ami que nous devions nous dépêcher d’y aller. En arrivant à sa cellule, nous l’entendîmes : “Eh ! Instituteur (je n’avais pas encore été ordonné) viens un peu ici, mon enfant. C’est toi que j’attendais, comment aurais-je pu partir ? Où en étions-nous dans notre conversation de ce matin ? — À l’humilité, Géronda… »

  1. Sens spirituel des prières.

Une pieuse femme rencontra l’Ancien dans un monastère et lui demanda : « Géronda, tu m’entends depuis la Sainte-Montagne lorsque je t’appelle ? — Eh, est-ce que je suis sourd ? » lui répondit-il.

Effectivement, il entendait d’une autre façon, spirituelle, les invocations et les prières de certains chrétiens qui l’invoquaient à des centaines de kilomètres de distance. Il les aidait invisiblement de ses prières ou leur faisait parvenir d’une façon ou d’une autre une réponse.

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L’Ancien notait (le 22 avril 1978) : « Il y a une âme que je n’ai jamais vue. Un jour alors que j’étais à l’extérieur (du Mont-Athos), je rencontrai son Père spirituel, tandis qu’elle suivait de loin tout ce que nous disions et le rapportait à celui-ci.

Cette âme m’envoya une lettre de trois pages en me rapportant une “discussion” que nous avions eue, alors que moi je me trouvais à la Sainte-Montagne et elle dans le monde. Ces trois pages, si je les recopiais de ma main et si je les envoyais à Souroti, les sœurs ne pourraient soupçonner qu’elles ne sont pas de moi. Parce que ce sont mes propres mots.

Comme si c’était moi qui les avais dits à cette âme. Je ne peux rien lui répondre. Je laisse sa lettre pour l’oublier peu à peu.

Je me sens souvent dans un état dans lequel j’ai tous mes sens, mais je ne suis pas complètement réveillé. Je réponds à des problèmes précis que me soumet une âme qui me sollicite et que je sens près de moi, alors qu’en réalité, je m’adresse à une âme qui est dans le besoin et qui se trouve au loin.

Je l’éprouve aussi quand des gens viennent ici, à ma calyve. Je me mets à dire des choses qui ne sont pas miennes. C’est parce que les gens viennent me voir avec une profonde piété. Ils croient que je suis un saint, et Dieu leur vient en aide. Il y a des gens qui, d’un billot[18] de bois peuvent recevoir la grâce de la Précieuse Croix. Et d’autres qui, de la Précieuse Croix, ne reçoivent aucune grâce de Dieu. Dieu n’est injuste envers personne. Il répand partout Son amour. Il suffit qu’il y ait de l’humilité. L’humilité attire la grâce de Dieu. Et je me dis combien il est dommage qu’on la dépense pour des choses insignifiantes, alors qu’avec elle on peut vraiment venir en aide aux hommes. »

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Une pieuse mère avait deux filles moniales dans un monastère connu et elle désirait aussi que sa plus jeune fille devînt moniale. Elle fit une prière en invoquant l’Ancien. Lui la vit depuis la Sainte-Montagne, qui tenait dans ses bras sa petite fille et qui la lui donnait en lui disant : « Prends celle-ci aussi. » Quand il sortit (du Mont-Athos) et qu’il la rencontra, il lui dit : « Celle-là, je la connais. »

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Pendant un carême, depuis la Sainte-Montagne, il sentit que Mme Hélène Patéras, de Konitsa lui donnait un pain chaud. Il sentit son parfum et sa chaleur, et il lui sembla qu’il s’en rassasiait. Il se dit qu’elle l’aimait encore beaucoup, comme s’il était son vrai fils. Celle-ci, à ce qu’il semble, sortit un pain du four et se dit qu’elle aimerait pouvoir lui envoyer un pain chaud, comme elle le faisait lorsqu’il se trouvait au Stomion. C’est cela que l’Ancien ressentit et qu’il raconta plus tard à sa fille, Kaiti.

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Durant l’année 1981, l’Ancien rendit visite à un enfant spirituel et passa la nuit dans son kellion. Le matin, il rapporta que, durant la nuit, une fraternité monastique de la Sainte-Montagne l’invoquait avec force et anxiété, parce qu’elle traversait une grande épreuve. Par la suite, tout le monde fut au courant à la Sainte-Montagne, de ce qui se passa dans ce monastère cette nuit-là. Et effectivement les Pères l’avaient appelé à l’aide, comme ils le lui dirent plus tard.

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Le Père Ch., athonite, rapporte : « Nous allâmes de bonne heure au kel- lion du moine Païssios, pour la vigile de l’Annonciation. Nous voulions voir l’Ancien, avant que les autres Pères n’arrivent pour la fête. L’Ancien était seul dans Phôtellerie. Quand je le vis, il me dit : “Une femme vient de m’apparaître en me demandant de l’aide. Elle semblait très malade, son visage était amaigri et jaune comme un citron. Elle souffrait beaucoup Souvent des gens m’apparaissent en me demandant de l’aide.” »

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Charilaos X., douanier habitant Thessalonique, témoigne : « Des pèlerins vinrent rendre visite au Père Païssios. Il dit à l’un d’entre eux : “Pourrais-tu aller à telle adresse pour donner ce cadeau à X. qui a un magasin là-bas ?” M. X. fut étonné en recevant la bénédiction*, parce que l’Ancien ne le connaissait pas et il se demanda comment il pouvait lui envoyer un tel cadeau. En fait, il faisait chaque soir un chapelet* pour l’Ancien, lequel le ressentait d’aussi loin, et la bénédiction qu’il lui envoyait était destinée à l’en assurer. »

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Témoignage anonyme : « En 1993, lors de la Vigile de la Saint Arsène, je vins, avec mon mari, voir l’Ancien à Souroti. Il y avait plus de trois mille personnes. Il faisait très froid. Nous attendîmes notre tour depuis 9 h du matin jusqu’à 5 h de l’après-midi. Je voyais mon mari qui transpirait, et son visage qui palissait, et j’avais peur. Il avait été opéré du cœur et il avait pris avec lui des médicaments et de la nourriture. Je craignais qu’il ne lui arrivât quelque chose. Que faire, mon Dieu ? Soudain, je vis arriver une sœur qui cria : “Je vous prie, qui est M. Aristide qui a un problème cardiaque ? Qu’il me suive, le bon Père le demande, il porte un blouson beige.” Alors, je compris que l’Ancien avait entendu ma prière et qu’il nous avait vus d’une autre façon ! Nous allâmes recevoir sa bénédiction. Il me sembla aussi grand que le plafond. Il souriait. Il donna un conseil à Aristide et lui tapa affectueusement sur le dos. “Et toi ?” me demanda-t-il. Je lui répondis : “Je veux en premier lieu votre bénédiction. Et sur une photographie que mon fils a prise en cachette quand il est venu à la Sainte-Montagne, que vous rendiez visible votre personne ou que vous déchiriez la photo. Il me regarda et me dit : “Que me veux-tu, à moi, ma chère ? — Vous le savez”, lui répondis-je.

En arrivant chez moi j’allai avec angoisse voir la photographie. La zone trouble avait disparu et on le voyait clairement ! Je le remercie. »

 

 

  1. Il connaît l’état spirituel des défunts.

L’Ancien, ayant un esprit pur, fut rendu digne, par la grâce de Dieu, de voir les âmes des personnes à l’heure de leur mort et accédant au ciel. Il savait aussi dans quel état spirituel se trouvaient d’autres personnes décédées. Quand on l’interrogeait, il répondait au sujet de l’âme du défunt selon l’état spirituel dans lequel il voyait qu’elle se trouvait. Par exemple : « Dieu a accordé le repos à ta mère », ou « faites des aumônes en son nom », ou « prions pour que le Seigneur lui accorde le repos ».

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Il raconta : « Je voulus connaître dans quel état spirituel se trouvait l’âme de la première moniale qui inaugura le cimetière de Souroti. On me la mit dans les mains (il fit avec ses mains le geste de prendre un petit enfant) et l’on me dit : “Voici l’âme de Madeleine.” Elle était dans un très bon état spirituel, le même que celui d’un ascète que je connaissais, qui pratiqua l’ascèse pendant des années. »

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Une autre fois, il vit l’âme d’une moniale extérieure, du monastère de la Sainte-Trinité à Koropi, qui montait aux cieux tel un petit enfant. Cette âme bénie était la fille du général Maroulis, et elle était très humble et vertueuse.

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Témoignage de M. Angelos Chorozidos, officier de police à Thessalo- nique : « Le 8 juin 1986, accomplissant une garde de protection près de l’Hôpital Central de Thessalonique, je fus blessé par un cocktail Molotov. J’avais de très graves brûlures. On me transporta à l’hôpital Hippocrate, où on me laissa, considérant que j’allais mourir rapidement. Je demeurais en vie, tout en ayant perdu tout contact avec mon environnement. Le bon Père, dès qu’il en eut connaissance, dit : “Il va beaucoup souffrir, mais il vivra.” Un jour, je dis à l’infirmière : “Ma sœur, je meurs, je meurs.” Je commençai alors à m’élever dans les airs, à quitter la terre et à me mouvoir parmi les étoiles et ensuite les galaxies. Telle était alors mon interprétation. Je montais, montais, et devant moi se trouvait une lumière, quelque chose comme un cierge allumé. Soudain, mon voyage s’arrêta. Le mouvement inverse commença, et je me dirigeai vers la terre. Je me suis retrouvé à l’hôpital avec une trachéotomie et des médecins qui, tout autour de moi, me regardaient. Cinq mois plus tard, je rencontrai le bon Père à Souroti. Il me serra dans ses bras, m’embrassa, et je commençai à lui raconter comment j’étais mort. Il m’interrompit en me disant : “Mon cher, nous avons été ensemble dans l’autre monde et nous sommes revenus. J’étais à tes côtés. Tu ne m’as pas vu ?” Alors, je compris ce qu’était cette lumière que je voyais. »

 

 

 

  1. Clairvoyance et prédictions.

L’Ancien avait le charisme de clairvoyance et de prédiction Parfois il prévoyait avec la grâce de Dieu, l’arrivée d’un visiteur, sa disposition, son état spirituel, son nom, son lieu de naissance, le sujet qui le préoccupait, son passé et son futur. Il avait sa télévision personnelle (spirituelle) et il pouvait même voir quelqu’un qui se trouvait loin de lui, comment il allait, comment il vivait et ce qu’il faisait. Parfois, il savait qui lui avait écrit une lettre qui lui était destinée et il y répondait sans la lire ; ce que contenait un paquet sans l’ouvrir.

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Il disait : « Lorsque la guerre du Golfe commença (1990), je ressentais une souffrance en dormant. J’entendis le grondement des canons, des bombes, des avions et je me réveillai. Je compris qu’une guerre avait commencé et qu’un grand mal se produisait. Lorsque, ensuite, un Père vint de Koutloumousiou et me dit que la guerre avait éclaté, je lui répondis qu’elle avait commencé depuis environ deux heures. Je ressentis encore la même chose le troisième jour. »

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L’Ancien raconta : « Un homme d’âge mûr vint me voir, il souffrait d’une violente migraine depuis un an, et les médecins ne pouvaient pas l’aider. En le voyant de loin, je me rendis compte qu’il était possédé. Après qu’il m’eut expliqué son cas, je lui dis : “Cela se produit parce que tu as trompé une femme et que celle-ci a eu recours à de la magie contre toi. En outre, tu as aussi déshonoré une autre jeune fille. Va leur demander pardon. Confesse-toi, qu’on te lise les exorcismes et ensuite tu iras bien.” »

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Le moine athonite, le Père G. témoigne par écrit : « En 1992, j’avais un problème. J’étais alors laïc. J’avais besoin d’argent, parce que je devais 300 000 drachmes à mes amis, et mon père devait signer pour que je puisse faire un prêt. Mais mon père refusa de signer. J’étais très contrarié. J’avais entendu parler de l’Ancien Païssios, et je me suis dit que j’allais aller le voir pour l’interroger sur mon cas. Dès que je le vis, l’Ancien me dit mon nom (sans que je mentionne quoi que ce soit), il poursuivit : “Ton père a signé et a reçu le prêt de la Banque Commerciale.” Je lui ai alors demandé : “Mais vous, Père Païssios, comment le savez-vous ?” Il me répondit : “Puisque tu ne me crois pas, va à Karyès, téléphone à ton père, il te le confirmera.” Je suis allé effectivement à Karyès, j’ai téléphoné à mon père, et il m’a dit qu’il avait eu le prêt de la banque, il y a une heure. Je suis redescendu immédiatement au kellion de l’Ancien, je l’ai remercié pour la joie qu’il m’avait causée, il m’a servi une collation et je suis parti. »

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« Alors que je me trouvais un jour chez le bon Père, raconta M. Évan- gélos Antipas, je discutai du problème de ma situation professionnelle :

“Bon Père, je n’ai pas les qualités requises pour être placé à l’E.S.Y.[19].” Il me répondit : “Toi, tu présentes tes papiers, et la Mère de Dieu sait comment faire.” Quinze jours plus tard, il me dit :

“Alors, tu as été nommé à Charakas ?

  • Non, mon bon Père, pourquoi Charakas ? J’ai fait une demande pour Moirés.
  • Tu as été nommé à Charakas, Évangélos.
  • À Moirés, bon Père”, insistais-je.

Je suis retourné chez moi et, deux jours plus tard, j’ai reçu une lettre recommandée du Ministère de la Santé, qui me nommait intendant de première catégorie au Centre de Santé de Charakas. L’Ancien l’avait su avant même d’avoir pris connaissance de la décision.

Quand je me trouvais en Crète, je vins en permission. Le bon Père me demanda :

“Évangélos, as-tu reçu ton transfert à l’hôpital de Saint-Démètre ?

  • Non, bon Père, de quoi parlez-vous ?
  • Tu as reçu un transfert.”

Je suis parti. Un mois plus tard, je suis revenu et je lui ai dit : “Bon Père, j’ai reçu mon transfert pour Chalastra.” J’avais, de plus, pris avec moi le Journal Officiel où c’était indiqué…

Mais le bon Père insista : “As-tu été nommé à Saint-Démètre ?” comme un mois auparavant.

Après quatre ou cinq pages, le Journal Officiel annonçait ma nomination à Saint-Démètre. Le papouli* savait que j’irai à Saint-Démètre, avant même que j’en fisse la demande. »

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  1. Basile Tsolakis, policier à Aridaia, raconte : « Un de mes amis était allé à l’étranger. Malheureusement, il s’était fourvoyé avec des protestants, et avait renié l’Orthodoxie pour devenir protestant. Un jour, il me rendit visite à mon bureau et, en y voyant la photographie du Père Païs- sios, me dit effrayé : “Celui-là, je le connais. Il y a dix ans, je suis allé à son kellion avec deux autres. Dès que nous arrivâmes, il m’interdit d’entrer en me disant que j’étais un hérétique, parce que je ne croyais pas à la Mère de Dieu et aux saints.” »

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Un pèlerin chypriote raconte : « Mon père était ailé voir l’Ancien. Mon épouse lui avait donné une lettre. L’Ancien l’accueillit en le nommant par son nom. Il en fut surpris et oublia de lui donner la lettre. Alors, l’Ancien lui demanda :

“As-tu quelque chose pour moi ?

  • De la part de ta fille ?
  • Quelle fille ?
  • Mais la femme de ton fils est bien ta fille. En tout cas, voici la réponse à sa requête.”

Et sa réponse correspondait à ce que mon épouse lui demandait dans sa lettre. »

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Témoignage du moine Jean du saint monastère de la Sainte Trinité aux Météores : « Alors que j’étais hospitalisé aux États-Unis, je reçus la visite d’une Chypriote nommée Catherine Kikis, qui me demanda de transmettre une lettre au Père Païssios. Lorsque je suis revenu en Grèce, je suis allé voir l’Ancien. Avant même que j’entre dans sa calyve, il me dit : “Pourquoi as-tu pris la lettre de Catherine qui contient cent dollars ?” Il ouvrit la lettre que je lui avais donnée et me rendit les cent dollars. Je ne les ai pas pris, en lui disant : “Géronda, que voulez-vous que j’en fasse ?” Il me rétorqua : “En chemin, tu trouveras le Père Z., donne-lui l’argent pour qu’il s’achète un habit monastique et devienne moine du Grand Habit*, et dis-lui de ne pas méjuger.” C’est effectivement ainsi que les choses se passèrent. Je l’ai rencontré, et je lui ai donné l’argent. Celui-ci fut stupéfait parce qu’il n’avait dit à personne qu’il allait devenir moine du Grand Habit et il vint demander pardon à l’Ancien, pour l’avoir critiqué si souvent. »

  1. T., habitant X., avait suivi, il y a peu, les conférences d’une de ces organisations qui poussent tant et plus comme des champignons vénéneux dans notre pays sous une couverture soi-disant philosophico-scientifique, mais dont le contenu est suspect ainsi que les intentions. Il avait aussi étudié certains de ses livres et brochures qu’on lui avait fournis. Plus il écoutait ou lisait, plus il se sentait mal, comme étourdi, troublé, perdu. Il se demandait s’il devait continuer. Il était partagé et perplexe. Un de ces amis qui s’était rendu compte de son problème, lui conseilla de se rendre à la Sainte-Montagne, pour demander conseil à l’Ancien Païssios. Il fut convaincu et partit pour la Sainte-Montagne. En outre, il mit dans la poche extérieure droite de son blouson la sainte Bible et dans sa poche intérieure gauche un livre et des brochures de l’organisation. Arrivant à la Panagou- da, il trouva l’Ancien entouré par une foule de personnes. Il attendit que tout le monde s’en aille, sauf deux personnes qui voulaient voir l’Ancien en particulier. Il réfléchit à la façon dont il allait présenter son problème, mais l’Ancien ne lui en laissa pas le temps et lui demanda :

“Comment ça va à X. ? (en mentionnant son lieu d’habitation)

  • Ça va bien, Père, répondit-il plein d’étonnement, en se demandant comment l’Ancien, qu’il voyait pour la première fois, pouvait connaître son lieu d’habitation.
  • Écoute Th. (nouvelle surprise parce qu’il l’avait appelé par son nom), le livre que tu as dans cette poche (et il lui montra la poche avec la sainte Bible) est un bon livre, tu peux l’étudier, mais ce que tu as là (et il lui montra sa poitrine gauche), jette-le vite, parce que… Est-ce qu’à X. (son lieu d’habitation) il y a un hôpital de fous ? S’il n’y en a pas, il faudra que tu ailles ailleurs.” »

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Témoignage de I. T. : « Une de mes tantes m’envoya chez l’Ancien pour lui demander de prier pour qu’elle ait un enfant. Il commença par me parler de beaucoup de sujets spirituels à sa façon à lui, bien connue, si pleine de charme. A un moment, je me levai pour partir, et il m’arrêta, en me disant : “Eh, où vas-tu ? Toi tu es venu pour quelque chose d’autre !” C’est alors que je me souvins de la demande de ma tante et que je l’évoquai. Il me répondit : “Si elle et son mari ne jeûnent pas, s’ils ne se confessent pas et s’il ne le demande pas, lui aussi, à Dieu, ils n’auront pas d’enfant.”

Je lui dis : “Il n’est pas croyant et se moque de la religion.” Il me dit : “S’il continue comme cela, ils n’auront pas d’enfant.” C’est ce qui s’est produit. »

*

Quelqu’un voulut rendre visite à l’Ancien, mais ne connaissait pas le chemin. Il rencontra un groupe qui s’y rendait et le suivit. Il était originaire de Serrés et demeurait en Amérique. Il avait une petite sacoche. Dès que l’Ancien le vit, il lui dit : « Mon grand, assieds-toi sur un fauteuil (en fait un billot). Est-ce que tu es venu pour me demander s’il y aura la guerre comme l’écrit ce livre ? » (On notera que le livre était écrit en anglais).

*

  1. D. C., Crétois, travaillait en Allemagne. Il amena son fils pour étudier à l’Athoniade. Après l’avoir installé, il descendit à la Panagouda pour voir l’Ancien, comme le lui avait conseillé son confesseur, le Père G. P. Après l’entretien, l’Ancien le frappa amicalement sur le dos et, sur un ton un peu tendu, il lui dit : « Maintenant que tu vas à Karyès, téléphone donc à ta femme en Allemagne pour la rassurer. On lui a dit des choses alarmantes concernant son enfant et, en tant que mère, elle en est bouleversée.

Moi aussi je vais téléphoner de là à ma Mère » (c’est-à-dire prier la Toute Sainte). M. D., obéissant à l’Ancien, monta aussitôt à Karyès et contacta sa femme. Il Ta trouva complètement bouleversée. Des amis lui avaient dit qu’elle allait perdre son fils, parce que, prétendument, les moines allaient le séduire et le garder pour en faire un moine. Celle-ci inquiète, téléphona au Père G., lequel se rendit chez elle pour la rassurer, mais sans résultat. Mais, dès qu’elle fut informée par son mari de l’extraordinaire « télévision » de l’Ancien et qu’il lui eut rapporté ses paroles, elle se calma aussitôt et admira son charisme qui lui permettait depuis la Sainte- Montagne de connaître ce qui se passait chez elle en Allemagne. Bien sûr, le « coup de téléphone » de l’Ancien à sa Mère contribua aussi à calmer son cœur troublé. »

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L’archiprêtre Constantin N. Papadopoulos, professeur à la Faculté de théologie de l’Université d’Athènes, rapporte : « L’été 1981 ou 1982, je débarquais à Daphni, en tenant mon fils par la main ; celui-ci était alors âgé de sept ans. Aussitôt, un laïc inconnu m’aborda, en me disant de ne pas me rendre ce jour-là chez le Père Païssios, mais le lendemain. Je m’étonnai de ce qu’il connaisse mes intentions et, en l’interrogeant, j’appris qu’il était allé chez l’Ancien qui l’avait envoyé dire ce message au Père qu’il verrait descendre du bateau en tenant un enfant par la main. Ce jour-là, l’Ancien avait l’intention d’aller quelque part et il avait prévu de m’avertir pour m’épargner de la fatigue inutile. Puissions-nous avoir sa bénédiction. »

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Alors que l’Ancien était assis dans « l’hôtellerie » de la Panagouda en compagnie d’enfants spirituels, l’Ancien, entendant le son de la clochette, dit sans regarder : « Va ouvrir, c’est un jeune qui vient de Larissa», ou « Voilà le Père Nicodème », et il ne se trompait pas. Ce n’était pas là de l’exhibition pour susciter l’admiration, mais il parlait spontanément, ou il voulait renforcer leur foi et leur confiance dans ses conseils spirituels, ou pour une raison quelconque.

Au Stomion, alors qu’il était assis avec d’autres personnes, il dit : « Voilà Basile et Dimitri qui arrivent », et il se leva pour faire la cuisine ou préparer du café. Les gens se demandèrent comment il l’avait su.

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Alors qu’il marchait avec des gens sur le chemin, sans regarder, il dit : « Voilà trois jeunes qui arrivent. » Et, une heure plus tard, ils rencontrèrent trois jeunes qui descendaient vers son kellion.

Quelques visiteurs, par discrétion, pour ne pas déranger l’Ancien, vinrent sans faire de bruit et s’assirent à l’extérieur de la Panagouda, derrière les branchages, jusqu’à ce que l’Ancien sorte, car ils ne voulaient pas interrompre sa prière. Peu après, il ouvrit la porte et les appela par leur nom, sans les avoir vus et sans les connaître.

Il y en avait aussi qui cherchaient à avoir la preuve que « le Christ parlait en lui[20]». Ils voulaient avoir la certitude que l’Ancien avait le charisme de clairvoyance et de prophétie. Un officier, qui s’occupait des radars, voulait s’assurer que le « radar » de l’Ancien fonctionnait bien, mais il « le coinça ». C’est-à-dire qu’il le « prit » et découvrit ses pensées.

*

La même chose arriva au pieux Père Jean, qui était prêtre, comme il le confesse lui-même : « J’ai fait la connaissance de l’Ancien et je lui ai rendu visite en 1979 pour la première fois comme prêtre, alors que je lui avais déjà rendu visite plus de dix ans auparavant. Il y avait beaucoup de pèlerins. Je pensais que j’allais attendre pour être le dernier, afin de rester davantage avec lui, et je me suis dit que je n’allais pas me manifester, pour voir s’il me reconnaîtrait. Au même moment, j’entendis l’Ancien qui me disait : “Viens donc mon cher ! Cela fait bien longtemps que j’attends ta venue à la Sainte-Montagne, Père Jean ! Maintenant tu es à Serrés. Mais dis-moi, comment va ton épouse (avec emphase) Théopisti ?” Je restai sans voix. L’Ancien, à cet instant même, répondait à ma pensée et me réprimandait indirectement. L’Ancien connaissait le vrai nom de mon épouse alors que tous la connaissaient sous son surnom de “Pistévoula”. Humainement, il ne la connaissait pas, et je ne lui avais jamais parlé d’elle, ma précédente rencontre avec l’Ancien datant de 1969, alors que je ne connaissais pas même l’existence de mon épouse. Mais aussi comment pouvait-il connaître mon lieu de résidence, puisque je ne lui en avais jamais parlé ? Cela faisait peu de temps que j’avais été nommé à Serrés. »

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Il dit à une moniale qu’il connaissait : « Je te vois (depuis la Sainte- Montagne) en train de lire sans cesse la Vie de saint Arsène. Tu fais bien de la lire. »

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Quelqu’un fit sonner la clochette, tandis que l’Ancien faisait des icônes à la presse. Il regarda par la fenêtre et vit un jeune. Il n’ouvrit pas. Il poursuivit son travail. Il se rendit trois fois à la fenêtre et examina attentivement le jeune. À la troisième, il dit tout haut : « Bonne route, mon gars », et il expliqua au moine qui se trouvait là : « Ça ne sert à rien de lui ouvrir : il a fait de son cœur une porcherie. »

*

Un jour, la clochette sonna à la Précieuse-Croix. L’Ancien regarda par la fenêtre et vit un laïc qui attendait. Il l’observa quelque temps et dit tout haut : « Il a une étole, sans être prêtre. » Après lui avoir ouvert et discuté avec lui, le visiteur révéla qu’il était sorcier et qu’il portait une étole directement sur la peau.

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Une fois, il prédit la venue de jeunes qui n’avaient aucun intérêt spirituel et qui venaient le voir par pure curiosité. Pour ne pas perdre sa journée, il prit son petit sac avec son psautier, ferma son kellion, et partit dans les bois, après avoir laissé un mot sur la porte où il y avait : « Le jardin zoologique est fermé. Le singe est parti », c’est-à-dire lui-même qui était devenu pour certains un objet de curiosité. L’étonnant, c’est que les visiteurs furent touchés par le mot, reprirent leurs esprits, allèrent se confesser et désormais ils viennent régulièrement en visite à la Sainte-Montagne pour des raisons spirituelles.

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Un élève de l’Athoniade vint voir l’Ancien et celui-ci lui demanda combien il avait de frères et de sœurs. « Huit », répondit-il. L’Ancien lui répondit qu’il se trompait, parce qu’il en avait neuf. Sa mère était enceinte, et l’élève l’ignorait.

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Témoignage de M. I. Moschos, médecin militaire : « En juillet 1989, je fis la connaissance de l’Ancien Païssios alors que j’attendais de passer le concours d’entrée à l’école militaire, où je fus admis en septembre 1989. Le premier jour, parmi les nouveaux admis, l’un des soldats chargés de l’administration[21] me demanda en m’appelant par mon nom. Je ne le connaissais pas et lui ne me connaissait pas non plus. Après avoir discuté, il me dit que l’Ancien Païssios lui avait demandé de me prendre dans sa chambrée et de me protéger. Il me demanda depuis quand je connaissais l’Ancien et, lorsqu’il apprit que je ne l’avais rencontré que l’été qui venait de s’écouler, il me dit, stupéfait, que c’était humainement impossible, parce que lui l’avait rencontré avant moi, en avril. »

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Récit d’un pèlerin : « Ma fille était sur le point de se marier, mais elle fut soudain atteinte par un cancer. Son futur mari en fut très attristé et vint à la Sainte-Montagne pour voir l’Ancien Païssios. Dès qu’il arriva à la Panagouda, l’Ancien lui dit : “P., dans quatre jours le Seigneur va rappeler

Maro auprès de Lui.” Et effectivement, quatre jours plus tard, Maro, ma fille, mourut, comme l’Ancien l’avait prédit. »

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Témoignage de M. K. D., médecin à Serrés : « Je rendis visite pour la première fois au vénérable Ancien durant l’été 1991. J’étais confronté à un dilemme : devais-je acheter un appartement avec les économies que nous avions faites, et ainsi ne plus être obligé de payer un loyer, ou donner l’argent à des œuvres humanitaires ? Dès qu’il me vit, avant même que j’aie eu le temps de l’interroger, il me demanda :

“Dis-moi, docteur, les oiseaux n’ont-ils pas un nid ?

  • Oui, lui répondis-je spontanément.
  • Bon, alors nous sommes d’accord. Que cela soit béni* !”

Il avait répondu à mon dilemme et, lui faisant obéissance, j’achetai un appartement. »

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Témoignage anonyme : « Je travaillais dans un restaurant en Allemagne. De temps en temps, je volais mon patron. J’avais malgré tout des remords de conscience. Entendant parler de l’Ancien Païssios, je me rendis à la Sainte-Montagne pour lui exposer mon problème et recevoir ses conseils. Dès que j’arrivai à la Panagouda, j’y trouvai aussi d’autres pèlerins. Dès que l’Ancien me vit, il me prit en particulier, derrière le kellion et, avant que j’aie eu le temps de dire quoi que ce soit, il prit les paumes de mes mains, y fit un signe de croix en me disant : “Désormais, ne fais plus ce que tu faisais, et va voir ton confesseur pour te confesser.” J’étais profondément ému, je me suis confessé et depuis lors, avec l’aide de Dieu, je n’ai plus volé. »

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Témoignage de M. Angélos Chorozidos, originaire de Thessalonique et officier de police : « Allant voir l’Ancien, je rencontrais à deux reprises, à Ouranopolis et à Karyès, mon supérieur de la Direction de la gendarmerie de Polygiros. C’était un homme bon mais sévère et excessivement pointilleux. Il fallait que je sois à dix heures du matin le lendemain à mon poste à Kassandra, en Chalcidique, ce qui était impossible. Je l’évitai, mais je ne savais pas s’il m’avait vu ou pas. Sans tarder, je me rendis auprès du bon Père. Comme je recevais sa bénédiction, il me dit :

“Sois le bienvenu, ne crains rien, il ne t’a pas vu.

  • Qui donc, Géronda ?
  • Ton grand patron, ton supérieur de Polygiros.” »

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Le prêtre Paul Trigonidis, du village de Perasma de la région de Flori- na, témoigne : « Je rendis visite à l’Ancien Païssios avec le Père Théocli- tos, devenu depuis métropolite de Florina. L’Ancien nous reçut et nous offrit une collation, et nous entamâmes une conversation très intéressante. Nous étions tous suspendus à ses lèvres. Entre autres, il nous dit que le Président de la Turquie allait mourir dans dix jours, ce qui se produisit effectivement. Il nous dit que les Américains allaient bombarder la Serbie, que cela allait faire beaucoup de dégâts, mais que la Grèce ne subirait aucun dommage. Après l’avoir remercié et pris sa bénédiction, les autres partirent, mais j’avais une question à lui poser et je l’ai suivi. Se retournant, il me dit : “Mon Père, je connais ton problème au sujet de ton fils et de l’Australienne. Celle-ci ne reviendra pas en Grèce, malgré mes prières. C’est plutôt Satan qui l’a gagnée, parce qu’elle ne se repent pas[22]. Dis à ton fils d’attendre encore six mois et de se marier.” De fait, cette fille ne revint jamais. Mon fils s’est marié et il a maintenant deux enfants. »

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  1. Georges Papaihémistocléous raconte par écrit : « Nous rencontrâmes l’Ancien à Thessalonique. Nous étions trois étudiants venant de Konitsa. Il était sorti de l’Athos pour des raisons de santé. II nous embrassa et, se tournant vers moi, il me dit : “Le Père Paul (mon père) est hors de danger. Maintenant il va bien.” Cela me sembla bizarre. Je ne savais pas que mon père était malade. Ni que l’Ancien connaissait quelqu’un à Konitsa. Lorsque je joignis ma sœur par téléphone, j’appris que mon père avait failli mourir le jour où nous avions rencontré l’Ancien. »

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  1. Dimitri Bouroulidis, commerçant à Kordelio, dans la région de Thessalonique, raconte par écrit : « En janvier 1991, j’étais tombé malade. Je ne pouvais pas articuler les mots. Chaque jour ma santé empirait. Je fis un scanner de la tête, qui montra que j’avais une tumeur au cerveau de 1,6 cm de diamètre. Cinq jours après mon entrée à l’hôpital, mon frère ainsi que mon beau-père décidèrent d’aller voir le Père Païssios. Quand ils arrivèrent, le papouli* les accueillit, et ils attendirent, parce qu’il y avait du monde. Leur tour arriva et, avant même que mon frère ait eu le temps de lui dire quoi que ce soit, et sans rien connaître sur cette affaire, le bon Père leur dit : “Ne soyez pas affligés. Dimitri va se remettre. Ce n’est qu’une bourrasque qui passera. Dites-lui d’aller se confesser et de communier.” Quinze jours plus tard, je fis à l’hôpital un IRM pour que l’on puisse voir plus nettement ce qui se passait. Lorsque le résultat fut connu, le médecin vint et me dit que d’habitude on voyait des tumeurs avec des métastases, mais que dans mon cas, la tumeur avait changé d’aspect après la thérapie et qu’elle allait disparaître. Effectivement, quarante-cinq jours plus tard, je sortis de l’hôpital et, aujourd’hui, je me porte comme un charme et je remercie Dieu quotidiennement, Lui qui, par l’intermédiaire du Père Païssios, m’a protégé. »

Dans son magasin, il avait une photographie de l’Ancien, qu’il embrassait quotidiennement avec piété et reconnaissance.

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Dieu a révélé Sa volonté à Ses prophètes de différentes façons, y compris par des rêves. Mais l’explication des songes n’est pas chose facile. Seul, celui qui a la grâce du prophète Daniel et du noble Joseph, peut discerner un « rêve crédible[23] ». « Car beaucoup de rêves sont le fruit de l’anxiété, et le diable peut s’en servir», soulignait l’Ancien. Parfois, il recevait la certitude intérieure d’un événement ou de quelqu’un qui venait le voir, durant son sommeil, et il connaissait son nom, son visage, son problème et son évolution.

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A la Précieuse-Croix, l’Ancien vit, durant son sommeil, son père selon la chair qui lui disait de nettoyer l’église. Il chercha dans la petite chapelle, qui était propre, et il trouva dans un coin du mur une figue qui venait de germer à cause de l’humidité.

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L’Ancien raconta : « A la Précieuse-Croix, je fis un rêve et vis un jeune, ainsi que le problème qui le préoccupait. C’était un brave petit, mais il s’était fait avoir et avait même perdu le bénéfice de ses études. Le lendemain, je l’attendis. Il vint effectivement, je l’aidai et il repartit apaisé. Il était originaire de Macédoine. J’étais si ému et j’eus tellement de compassion pour lui, que, dès que je connus son problème, j’éclatai en sanglots. »

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L’Ancien recevait une certitude intérieure concernant différentes personnes, surtout au moment où il priait. Un jour, il eut la certitude intérieure dans sa prière que le lendemain un possédé allait venir le voir. Il prépara une coupelle d’eau, dans laquelle il plongea en faisant une croix une relique de saint Arsène. Dès que le possédé arriva, il lui offrit un loukoum. Celui-ci lui demanda de l’eau. L’Ancien lui offrit un deuxième loukoum, puis un troisième, et jusqu’à sept. Il cherchait ainsi à assoiffer le plus possible le possédé pour qu’il boive l’eau qu’il avait préparée. Après avoir bu un peu, il s’en rendit compte et ne voulut pas boire le reste.

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Une connaissance de l’Ancien raconte : « Un jour, je suis allé l’accueillir à son arrivée d’Ouranopolis. En chemin, nous discutâmes des accidents. Il se tourna vers moi en me disant :

“Toi aussi, tu as eu un accident, mais n’aie pas peur, tu as encore de beaux jours devant toi.

  • Mais, Géronda, qui vous l’a dit ?
  • Personne ne me l’a dit, mais à ce moment-là, je priais et je t’ai vu. Alors que je priais pour ceux qui sont mis en danger par des accidents, je t’ai vu. Ne crains rien, tu vivras pendant de longues années.”

Effectivement, un autobus m’avait renversé. Je suis allé à l’hôpital, je n’avais pas de fractures, mais mes jambes étaient devenues toutes noires à cause des contusions. Je suis resté deux ou trois jours à l’hôpital et, cinq ou six jours après l’accident, je suis allé accueillir l’Ancien. »

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Une connaissance lui apporta des cadeaux (bénédictions), mais l’Ancien lui dit :

« Pourquoi les as-tu transportés jusqu’ici, ne pouvais-tu pas les donner à des pauvres là où tu te trouvais ?

  • Il n’y a plus de pauvres aujourd’hui.
  • Si je prends mon chapelet*, je pourrai même te donner leurs adresses. »

Un beau matin, l’Ancien frappa à la porte d’un kellion occupé par un hiéromoine de sa connaissance. Dès qu’il eut ouvert, l’Ancien, inquiet, lui dit : « Dis-moi, qu’as-tu fait hier ? Pendant la nuit, quelque chose m’est arrivé : j’ai ressenti un poids et je t’ai vu en rêve portant un tablier comme un épicier. » L’Ancien de la calyve se souvint alors que, la veille, un malade était venu pour lui demander de lui faire une onction avec de l’huile. Avant de partir, il insista pour laisser un peu d’argent en reconnaissance. Le hiéromoine n’accepta pas l’argent, mais finalement pour ne pas le vexer, il garda l’argent. Le Père Païssios lui dit impérativement : « Va tout de suite rendre l’argent, pour que ton péché soit pardonné. » Pendant deux jours, il rechercha l’homme en question dans les monastères. Finalement, il le trouva, et lui rendit l’argent. Ainsi l’Ancien fut rassuré et satisfait, lui qui ne voulait pas que les prêtres acceptent de l’argent des malades et des âmes en peine.

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Témoignage d’un confesseur : « Je me suis rendu auprès de l’Ancien et je lui ai signalé qu’une âme était comme tombée en dépression, elle était perdue, désespérée et ne pouvait dormir depuis plusieurs jours. En entendant l’exposé du problème, l’Ancien, qui était assis sur un lit de bois, ferma les yeux et sembla s’endormir, mais en fait il priait. Tout d’un coup, il sourit, son visage brilla de joie et il dit : “Ce n’est rien, cela va passer. Elle a été prise par telle et telle chose, elle a épuisé ses forces et en est arrivée à être dans cet état.” Aussitôt, il avait reçu une certitude intérieure, après une courte prière. Il parlait avec assurance. Tout ce qu’il avait dit était exact, elle avait été très préoccupée par quelque chose, et maintenant elle va très bien. »

Souvent, il recevait des illuminations. Alors qu’il marchait, discutait ou travaillait manuellement, il recevait un message, une certitude intérieure au sujet de quelque chose qui arrivait à quelqu’un très loin de là. Le Saint- Esprit l’informait et, suivant les circonstances, l’Ancien ou allumait un cierge puis se mettait à prier, ou se hâtait de se porter à son secours.

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. Témoignage anonyme : « Nous nous rendions à Souroti en compagnie de l’Ancien. Soudain il me dit : “Retournons en arrière, en ce moment une famille divorce.” Nous allâmes dans une ville, entrâmes dans une maison et y trouvâmes un couple qui se disputait et qui était en train de répartir ses affaires. L’Ancien parla aux époux, et ils se réconcilièrent.

Il s’ensuivit une intéressante discussion spirituelle. La femme demanda à l’Ancien :

“Si moi je suis au Paradis, et que j’aie un fils qui est en enfer. Le verrais-je ? Et lui, me verra-t-il ?

  • Quand nous sommes dans un salon éclairé alors que dehors il fait nuit, nous ne voyons pas ce qu’il y a dehors, tandis que ceux qui sont dehors nous voient. Il en est de même pour le Paradis, car si l’on voyait depuis le Paradis ceux qui sont en enfer, il n’y aurait plus de Paradis.
  • Est-ce qu’il y a des différences au sein de ceux qui sont au Paradis ?
  • Il y a des catégories. Disons que l’un a un doigt de joie, l’autre un verre, l’autre un tonneau et l’autre encore une citerne. Mais tous ressentent une plénitude indépendamment de la catégorie dans laquelle ils se trouvent.” »

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« Lors d’une de mes nombreuses visites à l’Ancien, rapporte M. Matthieu Golias, de Ioannina, j’étais en compagnie de mon fils Constantin, je dis à l’Ancien :

“Constantin fait de l’alpinisme, mais aussi de l’escalade très risquée sur les rochers.

  • Constantin, dit l’Ancien, monte donc sur de hautes montagnes, parce qu’ainsi on se trouve plus près de Dieu. Mais n’escalade plus les rochers, parce que tu cultives ton égoïsme.”

Il lui donna aussi un conseil argumenté en prenant des exemples de son expérience militaire. En partant, il nous accompagna jusqu’à la porte de la cour. Après lui avoir embrassé le crâne, il lui redit : “N’escalade donc plus les rochers, mais si un jour tu le fais, moi je prierai pour toi.” Profitant de cette ouverture, Constantin continua de pratiquer la varappe en cachette.

C’était en septembre, et je me retrouvais une fois de plus chez l’Ancien. Il y avait beaucoup de monde, et dès qu’il me vit, il me dit : “Assieds-toi au bout, il faut que je te dise quelque chose d’important.” Ensuite, il lui dit : “Constantin était tombé du rocher qu’il escaladait. D’un maillon à l’autre, il y avait vingt mètres, mais la Toute Sainte l’a pris sur son sein. Je l’ai vu de mes yeux.”

Dès que je fûs revenu dans le kellion où je demeurais près de Karyès, je téléphonai à Constantin à Athènes, où il faisait ses études, et je lui demandai :

“Costa, tu es tombé d’un rocher à pic ?

  • Comment le sais-tu ?
  • Je le sais.
  • Tu es chez l’Ancien ? me demanda-t-il aussitôt.
  • Oui, lui dis-je.
  • Va donc le remercier et l’assurer que je vais vendre tout mon matériel d’escalade et que je n’en ferai plus.” C’est ce qui se passa. »
  1. Charisme de guérison.

Saint Maxime le Confesseur considère que le charisme de guérison est une conséquence de la charité : « La réalisation de l’amour naturel pour les autres, après la totale suppression de l’amour de soi, reçoit le charisme de guérison . » Ce sont de tels charismes que l’Ancien avait reçus. Il guérit beaucoup de gens qui souffraient de maladies incurables comme le cancer, la leucémie, les affections cardiaques, la paralysie, la cécité, et il guérit beaucoup de femmes de leur stérilité. D’habitude, il connaissait d’avance le problème et son évolution. S’il voyait qu’il y avait de la foi chez le malade, et que la guérison ne lui serait pas nuisible spirituellement, par ces simples mots : « Tu n’as rien, tu vas bien », le malade repartait en bonne santé. Parfois, il faisait un signe de croix sur les malades avec les saintes reliques et il l’oignait avec l’huile de la veilleuse de la Toute Sainte.

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L’Ancien raconta ceci : « Hier (en juillet 1992), on m’a amené un petit enfant de dix ans, complètement aveugle. Dès que je l’ai vu, je lui ai demandé : “Mon enfant, que veux-tu que le Christ te donne ?” Voici ce qu’il m’a répondu : “Je veux devenir un bon garçon”, et avant que j’aie eu le temps de prier, l’enfant avait recouvré la vue. » [24]

L’Ancien a raconté cela, pour venir en consolation à un autre aveugle, mais il dissimulait son conseil, comme pour d’autres cas, où il disait simplement qu’Untel n’avait rien, et qu’il se porterait bien.

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  1. Matthieu Golias de Ioannina témoigne : « La fille d’un de mes amis, âgée de 17 ans, était atteinte de sclérose en plaques et, progressivement, était paralysée. Nous nous rendîmes auprès de l’Ancien et nous lui parlâmes de ce cas. Il dit à son père : “Géorgia se remettra et fera des études.” En l’espace d’un an, l’amélioration fut spectaculaire. Géorgia fut tout à fait rétablie, et fit des études à Athènes. Depuis lors elle n’a plus été ma- . lade. »

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  1. P., scaphandrier professionnel, était complètement désespéré. Son fils aîné était né avec un grave problème respiratoire. Les médecins ne lui donnaient que très peu de chances de survie. Quelqu’un lui proposa d’avoir recours au Père Païssios. Il arriva à la Panagouda plein d’angoisse mais aussi avec un secret espoir. Il trouva l’Ancien malade, qui s’appuyait à la porte en fils de fer de la cour, en l’attendant. Dès qu’il le vit, il lui dit : « Mon gars, je ne peux pas te voir. Je suis dans un piteux état. Va chercher ton fils à l’hôpital, il n’a rien. »

Stupéfait, il fut même incapable de le remercier. Il était secoué par des sanglots et il se mit à courir vers Kaiyès. Il téléphona à sa femme et celle- ci, étonnée, lui confirma le miraculeux changement. Cet événement se produisit en 1993. Aujourd’hui, après tant d’années, le petit Thanasakis est en parfaite santé. Cependant M. P. n’eut pas le temps de remercier l’Ancien, car peu après celui-ci quitta définitivement l’Athos. Mais il lui manifeste souvent sa reconnaissance sur sa tombe et, une fois par an, à la Panagouda. La première fois qu’il vint, il demanda aux Pères la permission de rester un peu dans la chapelle pour y prier. Peu après, il sortit très ému et en larmes, criant : « L’Ancien est là ! L’Ancien est là ! Alors que j’étais en train de le remercier, le plancher de la chapelle a tremblé. »

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Témoignage de P. D. de Thessalonique, ex-élève de l’Athoniade : « En 1989, un élève de l’Athoniade, I. M., était atteint du cancer. On trouva une tumeur derrière l’œil. Avant de se faire opérer, il alla voir un samedi l’Ancien en compagnie de son père. Celui-ci, en larmes, supplia l’Ancien de prier et lui demanda avec insistance si son fils se rétablirait. L’Ancien avec confiance, leur dit : « Ne vous en faites pas, ce n’est rien. » Ils repartirent un peu consolés. Quand, le mercredi suivant ils se rendirent à l’opération, les médecins après un examen constatèrent que la tumeur avait disparu et qu’il n’y avait plus rien ; et bien sûr, ils étaient stupéfaits. Le père et son fils comprirent ce qui s’était passé, et le samedi suivant, retournèrent à l’Athos et se rendirent joyeux auprès de PAncien pour le remercier. Le père éclata de nouveau en sanglots, mais cette fois, c’était des larmes de joie, parce que les prières de PAncien avaient sauvé l’œil de son enfant. »

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Témoignage de Jean Kortsinoglou, de Konitsa : « En 1991 ou 1992, je me trouvais à la Panagouda en compagnie d’un pays, Polycarpe Kypa- rissis. Il y avait beaucoup de pèlerins et nous attendions notre tour. J’observais quelqu’un qui était assis à une extrémité, et qui regardait PAncien avec émotion. Je lui demandai s’il lui était arrivé quelque chose. Ému, il me raconta que sa petite fille, qui ne parlait pas depuis sa naissance, s’était mise à parler à l’âge de sept ans grâce à PAncien. Auparavant, il était allé voir beaucoup de médecins, y compris à l’étranger, et avait dépensé beaucoup d’argent. Ce monsieur était instituteur à Préveza.

L’Ancien confirma l’événement quand on l’interrogea. Pendant près d’un an, il dit la prière, mais les parents contribuèrent aussi à la guérison. La Toute Sainte lui avait révélé que la petite fille parlerait, et il prépara le père pour qu’il ne fût pas surpris. Le Grand Vendredi[25], la petite fille embrassa son père en lui disant : “Bonne Résurrection[26], papa.” »

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Témoignage d’un pèlerin : « Je m’appelle K. et ma femme A. Nous nous sommes mariés en 1989 et pendant des années nous n’avons pu avoir d’enfant. Nous sommes allés voir beaucoup de médecins, mais aucun n’a pu nous aider. Cette stérilité est la raison pour laquelle je rendis visite à l’Ancien au printemps 1993, pour lui demander de prier à ce sujet. Le Père Païssios recevait les visiteurs à l’extérieur. Quand vint mon tour de lui parler, il me prit par le bras et me demanda ce que je voulais. Je lui exposai notre problème et il me répondit en disant : “Regarde, mon garçon, ta femme va enfanter. C’est comme l’arbre qui a trop de sève. A cause de cela, on excise un peu son tronc, pour qu’il puisse porter des fruits.” Mon âme s’apaisa, et il me semblait que je ne touchais plus le sol. Je sentis une telle certitude dans ses propos, que désormais ma femme et moi nous n’éprouvâmes plus d’angoisse quant au fait que nous allions avoir un enfant. Un an après la dormition de l’Ancien, le médecin dit à ma femme qu’il devait lui faire une petite intervention pour qu’elle s’ouvre au sens propre. Puis elle fut enceinte et nous eûmes Stella. Désormais, nous avons aussi deux autres enfants, Dimitra et Basile-Païssios. »

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Le hiéromoine A. rapporte : « Une femme était mariée depuis quatorze ans sans avoir d’enfant. Elle était exaspérée et disait : “Pourquoi Dieu ne me donne-t-il pas d’enfant ?” Je mentionnai le cas à l’Ancien et il me dit : “Eh, elle va enfanter, qu’elle arrête de rouspéter.” De fait, elle conçut un enfant dans l’année. »

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Témoignage de Mme Anastasie : « … Mon grand désir était d’avoir un enfant, de devenir mère. J’avais entendu parler du Père Païssios, de ses prières et de ses intercessions pour des âmes en peine. Au printemps 1989, nous rendîmes visite au monastère de Saint-Jean-le-Théologien à Souroti, parce que le Père Païssios s’y trouvait. L’Ancien recevait des gens depuis l’aube sans arrêt. Nous attendîmes notre tour. On nous informa qu’il ne pouvait continuer à recevoir chacun en particulier, mais qu’il allait juste donner sa bénédiction à tous ceux qui étaient présents. Il fallait pourtant que je le voie et que je lui parle ! Je n’étais pas inquiète. J’allai trouver la moniale qui était à l’extérieur de la sobre chambre où l’Ancien recevait, et je lui dis : “J’ai grand besoin de le voir, je ne le dérangerai pas longtemps.” Elle me conduisit à l’Ancien. Il vit que j’étais bouleversée et me dit : “Tiens-toi bien, mon enfant. Je vais prier pour toi. Tout ce que tu as écrit suffit[27], et tu vas concevoir un enfant.” Deux ou trois mois plus tard, j’étais enceinte. Le 13 juillet 1990, un petit garçon vint au monde, qui fut baptisé sous le nom d’Arsène. »

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Témoignage de Mme Sophie Stéphanou, de Kardia : « Un jour de 1986, j’ai remarqué sur la petite tête de mon fils Constantin, âgé de deux ans et demi, que ses cheveux étaient tombés, pas tous, mais il était chauve par endroits. Naturellement je m’en inquiétai, et lorsque l’Ancien sortit de la Sainte-Montagne pour se rendre au monastère de Souroti, nous y sommes allés en famille pour lui demander de prier.

L’Ancien regarda sa petite tête, fit un signe de croix sur elle, l’embrassa, et la prit contre sa poitrine. Ensuite, il éleva les mains et regarda le ciel, il se signa et dit quelque chose à voix basse. Nous partîmes et, pendant notre trajet vers notre maison, qui était distante de dix minutes du monastère, je sentis que quelque chose me poussait à regarder la tête de mon fils. Pleine d’étonnement et avec une joie indescriptible, je vis que, aux endroits dépourvus de cheveux du duvet avait repoussé. Aujourd’hui, Constantin a vingt-trois ans et il a une riche et abondante chevelure. »

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Le prêtre Paul Trigodinis, du village de Perasma, dans la région de Flo- rina, entendit l’Ancien dire que la femme d’un général d’Athènes était atteinte du cancer. Le général vint voir l’Ancien et, les lamies aux yeux, sollicita son aide car, le jour même, sa femme devait être opérée. L’Ancien lui répondit : « Mon bon et cher Monsieur, ne sois pas inquiet, ta femme va bien. » Le général crut dans les paroles de l’Ancien, il demanda sa bénédiction et partit pour Athènes. À l’hôpital, le chirurgien lui dit: « Un saint vous protège. Votre femme est tout à fait saine et en parfaite santé. » Le lendemain, il revint à la Sainte-Montagne pour remercier l’Ancien.

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Témoignage de L. K. de Thessalonique : « En 1993, j’étais gravement malade. Les médecins diagnostiquèrent un cancer des ganglions. C’est alors que commencèrent mes tribulations dans les hôpitaux, les interventions chirurgicales, les chimiothérapies, une constante décrépitude et une fatigue permanente. Après tout cela, comme il n’y avait aucune amélioration, les médecins me conseillèrent de rentrer chez moi, étant donné que, sur le plan médical, on ne pouvait rien faire de plus. Lorsque je suis revenu chez moi, j’étais une loque humaine, plein de découragement devant la mort qui s’approchait.

C’est dans cette situation tragique que je me suis tourné vers Dieu, lui demandant son aide. C’est alors que me vint l’idée d’aller à la Sainte- Montagne pour y rencontrer l’Ancien Païssios. Un espoir était apparu en moi et, accompagné d’un proche, nous arrivâmes à la Panagouda avec les peines et souffrances causées par mon état physique.

Là se trouvaient trente autres personnes qui attendaient. On me donna un billot pour m’asseoir, car mon apparence montrait que j’étais malade et souffrant. Une demi-heure plus tard, la porte du kellion s’ouvrit et l’Ancien sortit. Il salua les pèlerins avec une phrase pleine de bonté, qui me fit grande impression. Nous nous assîmes sur les billots, et l’Ancien s’assit à côté de moi. La discussion commença, et l’Ancien répondait aux questions, plein d’amour et de patience. C’était une bénédiction qu’il se soit assis à côté de moi, mais surtout que, par la suite, il pose sa main sur moi. Ce que j’éprouvai alors est indescriptible, car je ressentis dans mon corps un soulagement inattendu. Je me suis dit que je n’aurais pas à exposer mon cas, puisque j’avais reçu sa bénédiction de façon inattendue.

Lorsque nous nous levâmes pour partir, l’Ancien, s’adressant à moi, me dit : “Toi, mon enfant, ne pars pas, je veux que tu restes. Entre dans mon kellion…” J’étais surpris, et je suivis l’Ancien. Nous nous rendîmes dans la chapelle et il me dit : “Constantin, je connais la raison de ta visite, ainsi que ton problème.” J’étais abasourdi. Lorsque, ensuite, il me demanda à voir sur mes jambes les cicatrices des opérations que j’avais subies, j’étais prêt de perdre la raison car, rationaliste, je ne pouvais expliquer comment tout cela arrivait.

L’Ancien prit de l’huile de la veilleuse et fit le signe de croix sur mes jambes qui avaient été opérées. Il me dit d’attendre et il pria quelques minutes devant les icônes. Puis il me dit : “Constantin, Dieu a eu pitié de toi. À partir d’aujourd’hui, tu n’auras plus aucun problème de santé, et en plus, quel que soit le travail que tu fasses pendant ta vie, il sera béni.”

Effectivement, depuis ce jour beaucoup d’années ont passé, je ne suis jamais allé voir le médecin ni n’ai pris un médicament quelconque, pas même de l’aspirine, et mon travail va admirablement bien. Gloire à Dieu.

Malheureusement, je ne suis pas retourné voir l’Ancien. Mes affaires et ma négligence ne m’ont pas laissé revenir ni à la Sainte-Montagne ni même à Souroti, au monastère où il demeurait quand il sortait de la Sainte-Montagne. Mais ma sœur Hélène est allée le voir une fois à Souroti. Il y avait des milliers de pèlerins qui voulaient le voir pour recevoir sa bénédiction. Alors qu’il était malade et qu’il voyait les gens un par un, lorsque ma sœur se trouva devant lui, elle l’entendit se plaindre en lui disant : “Pourquoi est-ce que Constantin ne vient pas me voir ?” Ma sœur fut abasourdie et ne put s’expliquer comment l’Ancien s’était rendu compte qu’elle était ma sœur.

Ma sœur me raconta l’événement et me réprimanda. Plusieurs mois plus tard, je suis allé à la Panagouda et je fus déconcerté d’apprendre que l’Ancien était mort. Je me suis blâmé intérieurement de ma négligence et je me suis dit que pour la corriger il fallait que j’aille vénérer sa tombe. Avec contrition, je me suis rendu sur sa tombe et, comme bénédiction, j’y ai pris un peu de terre et une fleur coupée. J’ai mis la terre dans une petite boîte de bois et dessus j’ai déposé la fleur. Ce jour-là, la pièce se remplit de parfum. Il fut si fort et persistant pendant toute la journée que nous ne supportions pas de rester longtemps dans la pièce. Mais, le plus important, c’est que, après tant d’années, la fleur reste vivace, elle ne se fane pas. »

*

En réalité, les malades qui cherchèrent refuge auprès de l’Ancien ne furent pas tous guéris. Alors que souvent, avant même qu’il se mette à prier, le malade recouvrait la santé, pour quelques-uns, il pria beaucoup sans être entendu. Les raisons en étaient variées. Dans quelques cas, après avoir beaucoup prié sans résultat, il se rendait compte qu’il se passait quelque chose ; en interrogeant le malade, il trouvait la cause et, après l’avoir aidé en premier lieu à se reprendre spirituellement, par la suite celui-ci recouvrait la santé.

À quelques personnes, il disait qu’elles n’iraient jamais bien. Malgré ses prières insistantes, Dieu laissait la maladie, comme une forme supérieure d’ascèse, pour qu’à force de patience, le malade obtienne le paradis. Il disait que « dans quelques cas, Dieu ne guérit pas les malades pour qu’ils ne perdent pas leur récompense, comme un père qui ne donne pas ses biens à ses enfants pour qu’ils ne les dissipent pas ». « Quand les médecins ne peuvent plus être utiles, il faut alors prier Dieu qui rend possible “ce qui est impossible aux hommes”. Dieu sait de quoi nous avons besoin. Quand bien même Dieu ne nous écoute pas, il faut savoir que Dieu, qui est bon par nature, veut que quelque bien en sorte. Prions-Le seulement de nous donner la patience. »

*

Témoignage de Constantin Melitsos, d’Argos : « Voilà maintenant plus de trente ans que je souffre d’un syndrome neurologique chronique qui me paralyse et provoque mon incapacité, en sorte que je suis cloué dans un fauteuil roulant. L’été 1981, j’étais hébergé au saint monastère de Grègo- riou à la Sainte-Montagne. Un pèlerin grec m’aborda, un homme d’affaires important, et me proposa de couvrir les dépenses d’un voyage en Amérique, où la médecine avait fait des progrès et procède à des greffes de cellules nerveuses. Le désir de me retrouver sur mes pieds et de marcher se ranima en moi, ce qui eut pour résultat de m’embraser l’esprit, et je me suis demandé si je ne devais pas avoir recours à l’intervention sus-mentionnée. J’ai exposé mes pensées aux pères du saint monastère qui m’hébergeait, mais ils m’en dissuadèrent en disant :

“Costa, reprends tes esprits… Il ne faut pas réveiller le chat qui dort…

— Si, si, je vais le réveiller ! Vous, vous ne savez pas ce que je supporte.”

Le lendemain, accompagné du Père Timothée, je pris la direction de Karyès pour rencontrer le Père Païssios. Je voulais lui demander s’il fallait que j’aille en Amérique. À cinq heures du matin, dans l’enceinte de l’ancien dispensaire de Karyès, eut lieu la rencontre avec le Père Païssios. L’Ancien était venu à Karyès, parce qu’il m’était très difficile de descendre jusqu’à la Panagouda, à cause de ma paralysie.

L’Ancien écouta ce que j’avais à lui dire et fit sur ma tête un signe de croix avec la relique de saint Arsène de Cappadoce qu’il avait avec lui. Puis, il prit mes jambes paralysées et atrophiées et les embrassa en disant : “Ces gambettes, ces gambettes, ce sont elles qui vont te conduire au paradis et toi, tu ne t’en rend pas compte.” Et il ajouta : “Ne va pas en Amérique, ils vont faire de toi un cobaye ! ”

Dès que j’eus entendu la parole de l’Ancien, je fus soulagé. Puis il me regarda dans les yeux et me dit : “Lève-toi que nous marchions ensemble.” Je me suis dit que l’Ancien plaisantait. Il me le redit : “Allez, tu vas finir par te lever ?! — Géronda, lui dis-je, je ne peux pas ! Je ne sais même pas comment on fait pour marcher…”

Il me prit contre lui, me souleva du lit et nous commençâmes à marcher, alors qu’il priait les larmes aux yeux en disant quelque chose que je ne comprenais pas. Je me sentais marcher comme si j’avais des ailes et, en me voyant debout, je fus si ému que j’éclatai en sanglots. Puis, il me fit asseoir sur le fauteuil roulant, s’assit à côté de moi et me dit : “Écoute, mon enfant, Dieu ne veut pas que tu ailles bien, jamais. Tu te porteras plus mal, mieux non. Mais sache que tous les hommes qui s’assemblent autour de toi et qui te servent seront sauvés de cette façon, en te venant en aide et en étant aidés, sans qu’ils s’en rendent compte. Ainsi toi, tu deviens un moyen de salut pour les âmes. C’est ce que Dieu attend de toi. C’est pour cela que tu ne dois jamais quitter Argos.” »

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Témoignage anonyme : « J’avais beaucoup entendu parler de l’Ancien et je lui rendis visite en 1991, car ma fille était tombée malade. On lui avait trouvé une tumeur dans le cerveau. On me dit qu’elle était bénigne et les médecins m’assurèrent que l’opération serait facile. Arrivé au kellion de l’Ancien, j’y trouvai beaucoup de gens. Dès qu’il me vit, il m’appela par mon nom – alors qu’il ne m’avait jamais rencontré auparavant -, il quitta les autres et me conduisit dans la chapelle. “Viens donc prier, me dit-il, parce que la Toute Sainte requiert Marie et va la prendre.” Je suis resté sans voix. Avec difficulté je balbutiais : “Mais les médecins…”. Mais l’Ancien m’interrompit : “Laisse les médecins.” Nous nous rendîmes ensemble dans la chapelle ; il me fit entrer, et je fis une prière avec des métanies*. À la fin, il me dit : “Sois courageux.” Je m’étais effondré en larmes. Je me suis retourné et je l’ai vu. Lui aussi était triste. Il m’embrassa et me redit : “Dieu donne la vie, Dieu la reprend. La Toute Sainte va prendre Marie.”

En partant il me dit : “Ceci doit rester entre nous. Tu ne dois rien dire à Marie ni à ta femme.” Lorsque l’opération eut lieu, les médecins constatèrent que la tumeur était maligne, comme l’avait dit l’Ancien, et quelques mois plus tard, Maria s’endormit. La Toute Sainte l’avait prise. »

*

Il y avait aussi d’autres cas, plus difficiles, que l’Ancien mentionnait : « Je dis des prières pour certains depuis des années, et cela ne sert à rien parce qu’ils font preuve d’entêtement, de volonté propre, d’égoïsme. Ils disent : “Pourquoi Dieu ne me donne pas cela ?” Pourquoi le leur don- nerait-Il ? Pour les rendre plus égoïstes, plus attachés à leur volonté propre ? Les exaucer ne leur servirait à rien. C’est comme si de cette façon on commandait à Dieu. Tandis que s’ils disaient : “Si Tu le veux, donne-moi cela ” (ce serait différent). Il faut que la façon de prier soit humble. »

Il écrivait dans une lettre (le 18 septembre 1967) : « Souvent j’ai insisté dans mes prières sur différents sujets (des demandes), soit pour moi- même, soit pour d’autres frères et ensuite j’ai été obligé de demander pardon à Dieu pour Lui demander le contraire. Désormais, je Le prie de donner tout ce qui est dans l’intérêt de l’âme de la personne, comme un bon

Père, car tout Son sacrifice eut lieu pour que nos âmes puissent acquérir le paradis auprès de Lui. »

L’Ancien n’était pas partial ni ne faisait de discriminations. La volonté de Dieu diffère pour chaque homme. Ce qui est sûr, c’est que tous étaient consolés et réconfortés par l’Ancien. Si la guérison de l’âme n’est pas mise en préalable, la guérison corporelle à elle seule ne convient pas, parce qu’alors ceux qui sont guéris retournent à la même vie pécheresse qu’ils menaient auparavant. Les miracles ont une fonction sotériologique, c’est ce que l’Ancien a montré. Il faut non seulement que le malade soit guéri, mais surtout que son âme soit sauvée, c’est pour elle que Dieu en personne est devenu homme et a répandu son sang. Naturellement, le plus grand miracle était que ceux qui étaient guéris étaient fortifiés dans leur foi, devenaient des fidèles conscients, guérissaient leurs âmes des passions et louaient Dieu jour et nuit. C’est cela qui a une valeur infiniment plus grande que leur guérison et une durée étemelle. Il voulait que les malades collaborent à leur guérison, qu’ils fassent ne serait-ce qu’un petit sacrifice pour le Christ, par exemple qu’ils se débarrassent d’une de leurs passions, la cigarette, la boisson ou quelque chose d’autre. Quand ceux qui avaient été guéris voulaient offrir quelque chose pour témoigner leur reconnaissance, l’Ancien ne l’acceptait pas. Il demandait seulement qu’ils mettent de l’ordre dans leur vie spirituelle, qu’ils se confessent, qu’ils communient et qu’ils vivent comme des bons chrétiens. Il ne leur demandait pas de faire de grandes aumônes, de construire des églises, etc. ; il ne leur imposait pas des fardeaux trop lourds à porter. Il laissait cela à leur libre appréciation. La joie de l’Ancien était grande quand, en même temps que la guérison corporelle, l’âme des malades était elle aussi soignée ; il aidait toute sa famille (spirituelle), et louait le nom du Seigneur.

  1. Apparitions de saints.

Comme on l’a dit, l’Ancien vit de nombreux saints, son Ange Gardien, la Toute Sainte et le Christ en personne. Il ne les vit pas en rêve, mais parfois dans la pleine lumière de midi. Ils discutèrent ensemble, ils l’embrassèrent et lui les embrassa, ils lui donnèrent de la nourriture de leurs mains, ils le guérirent, lui firent des promesses, lui révélèrent des mystères.

Il disait à quelqu’un : « Alors que depuis ma jeunesse, je lisais beaucoup les Synaxaires[28], désormais, les Vies de saints ne m’aident plus tant que cela (il voulait dire comme lecture), parce que je les vis. » Il n’avait plus besoin de cette nourriture spirituelle, parce qu’il vivait quelque chose de supérieur.

Il évitait de raconter ses expériences, le faisant uniquement quand il estimait que c’était nécessaire pour aider une âme. Et, tandis que pour d’autres récits il était captivant et prolixe, dans la description des événements qui concernaient les saints, il était très réservé, sobre et disert. En écoutant de telles révélations, on restait stupéfait devant la simplicité, le naturel et le caractère unique de tels événements. Il disait par exemple : « Quelque chose m’est arrivé », et il voulait dire qu’un saint lui avait rendu visite. Ou «j’ai ressenti quelque chose», et l’on aurait pu croire qu’il voulait simplement dire qu’il avait ressenti une émotion, mais c’était quelque chose de plus profond, une révélation, une vision, un ravissement en contemplation, ou quelque chose de ce genre.

Lors de son évolution spirituelle, il se produisit un événement important, comme lui-même le raconta. « Autrefois je pensais qu’un charisme me serait très utile dans ma vie, et je me suis mis à le demander à Dieu. Je l’ai demandé pendant trois ans et, finalement, je l’ai reçu. C’était un charisme qu’il accorde aux grands saints. Mais pourquoi l’avais-je demandé ? Il m’apporta une telle anxiété, une telle confusion ! Je me rendis compte qu’il ne me serait pas utile et je me mis à demander à Dieu de m’enlever le charisme. Mais Dieu me le laissa pendant trois ans et je fus sur des charbons ardents jusqu’à ce qu’il me l’enlève. Maintenant, est-ce que je vais avoir l’audace de demander des charismes à Dieu ? »

Les jours où il lui arrivait quelque chose, il le signalait d’habitude dans ses livres liturgiques sous une forme voilée.

Souvent, au moment de la prière, son esprit était ravi en contemplation, et cela déjà avant qu’il ne devienne moine. Par expérience, il disait : « Quand quelqu’un est en contemplation, il peut, disons, entendre le réveil. Au maximum. Il n’a plus de contact avec son environnement. » Quant aux visions, il expliquait : « Quand quelqu’un a une vision, il voit avec les yeux de l’âme. Souvent lors de telles visions, j’avais les yeux fermés et pourtant je continuais à voir. Donc, je voyais avec les yeux de l’âme. Lorsqu’un saint apparaît à quelqu’un, un tiers peut parfois le voir, entendre sa voix, ou rien du tout. Il n’y a pas de règle. » Il soulignait en outre que, « au début, le moine connaît de petits événements et, plus tard, des événements plus importants qui deviennent par la suite encore plus grands » (bien sûr, s’il combat correctement et régulièrement).

Lui-même était devenu un réceptacle de la grâce. Il disait : « Souvent, quand arrive une grande grâce, on n’en peut plus, on ne la supporte pas. Comme les batteries ne peuvent supporter une charge trop forte, ainsi souvent j’en arrive à dire : “Mon Dieu, ne me donne pas davantage de grâce, parce que je ne le supporterai pas.”

Ce qui impressionne, c’est comment son esprit, après tout ce qu’il avait vu et vécu, alors « qu’il avait perdu la raison », au bon sens du terme, sous l’effet de l’amour divin et de la douceur céleste que lui avaient laissés ses visiteurs célestes, comment donc son esprit pouvait s’arracher des cieux. Car il n’est pas facile de descendre brusquement du Thabor, pour se rendre dans une vallée de larmes, en sacrifiant un état spirituel paradisiaque pour s’occuper des problèmes des gens. Ce fait est digne d’admiration et constitue un combat supplémentaire et un haut fait de l’Ancien.

Grâce à des allusions de l’Ancien et des témoignages d’autres personnes, on peut présumer que, outre ceux rapportés dans la première partie, il vécut aussi d’autres événements divins. Je voudrais en rapporter quelques- uns.

*

Durant sa convalescence à Konitsa, il vit les trois Saints Hiérarques[29]. Il le raconta à Kaki Patéras, qui le transmit ainsi : « Le soir, comme d’habitude, il s’enferma dans son kellion et célébra les Complies. Au matin, il me dit :

“Pardonne-moi, sœur, de vous avoir beaucoup dérangé pendant la nuit.

  • Nous ? Pourquoi ?
  • Parce que les trois Saints Hiérarques sont venus et que nous avons eu une discussion. Je n’arrêtais pas de leur dire : ‘Moins fort, moins fort, nous dérangeons la famille.’ Je ne voulais pas vous inquiéter.”

Moi, je n’avais rien remarqué ! Lui, il avait discuté toute la nuit avec les saints, et moi je ne m’étais aperçu de rien. »

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Il est sûr qu’il a vu même sainte Catherine. Il l’a rapporté à quelqu’un pour le consoler, quand celui-ci lui en a donné l’occasion. « Aussitôt, je l’ai vénérée et je tenais ses pieds. Sainte Catherine est grande de taille. »

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L’Ancien se trouvait à Souroti le 14 octobre 1979, ce qui correspond, avec le nouveau calendrier, au 27 octobre, veille de la fête de la sainte Protection de la Mère de Dieu. Le soir, il eut une vision – et pas en rêve : il vit la protection de la Toute Sainte qui, telle un nuée lumineuse, couvrait de son ombre quelques moniales de Serbie qui étaient venues le voir.

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Il vit aussi saint Jean le Théologien. Comme on lui demandait comment il était et avec quels yeux il l’avait vu, il répondit : « Il faisait très noir, mais je l’ai vu. C’est un mystère. Saint Jean le Théologien, n’a pas autant cette chose sur la tête, comme on le représente sur les icônes », voulant dire apparemment une protubérance sur le front.

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On demanda à l’Ancien pourquoi il avait écrit le livre sur Hadji- Georgis, et il répondit : « S’il ne s’était pas produit quelque chose entre Hadji-Georgis et moi, je n’aurais pas écrit. » Il ne mentionna pas son apparition dans son livre, parce que comme il le dit : « J’en ai souffert avec Hadji-Effendi ! », voulant dire la diffusion des apparitions de saint Arsène. Mais il tenait Hadji-Georgis en grande vénération. Personnellement, il considérait que c’était un saint et il l’invoquait sur son chapelet. Il estimait en outre qu’il fallait attendre son tour pour être reconnu officiellement comme saint par l’Église.

  1. Luminaire de la Lumière incréée.

Souvent, l’Ancien contempla la Lumière incréée, mais en outre à plusieurs reprises, il fut lui-même le diffuseur de la Lumière incréée.

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Le hiéromoine Maxime Psilopoulos, l’Ancien du kellion de l’Entrée de la Mère de Dieu au Temple, à Kerasia, raconta par écrit ce qui suit : « C’était la fête de la Transfiguration du Sauveur, le 6 août 1977. La veille au soir, l’Ancien était venu dans le kellion où j’étais moine, alors à Kapsala. J’avais hébergé deux théologiens, professeurs en activité, M. G. Dilboi, conseiller d’éducation, et M. Athanase Vista (qui est maintenant le moine Arsène, dans notre kellion). Après avoir célébré la vigile, où l’Ancien chanta avec son style monastique plein de componction bien connu, nous mîmes la table, et ensuite il partit pour sa caly ve. Au moment où je prenais congé de lui, avant le lever du soleil, je vis vraiment son visage qui brillait “comme de la lumière”. Il rayonnait d’une lumière blanche qui n’éblouissait pas. Il ressemblait à ce que l’on voit lorsqu’il y a un brouillard épais et que l’on regarde les pleins phares d’une voiture sans en être ébloui. Je n’y accordai pas d’importance. Mais ma pensée me disait que c’était peut-être une lumière céleste, un don de Dieu pour la fête de la Transfiguration. Je me calmai. Quand les deux théologiens, que j’avais invités à le suivre jusqu’au kellion du Prophète Élie, revinrent, j’entendis qu’ils parlaient entre eux en disant : “Mais qu’était donc cette lumière ?”, et ils me demandèrent : “Avez-vous quelque chose sur le Père Païssios ?” Alors, je suis entré à mon tour dans la conversation, je leur ai dit : “Je l’ai vu.” Et eux de me dire qu’ils avaient vu son visage lumineux et éclairé par une lumière qui n’était celle ni du soleil ni d’un astre. Nous crûmes donc tous les trois que le Seigneur transfiguré avait récompensé son serviteur Païssios, parce qu’il était le héros de sa propre transfiguration. Nous rendîmes gloire au Seigneur, Lui qui glorifie ceux qui Le glorifient. Nous ne dîmes rien au Père Païssios, ni eux, ni moi. Nous hésitions… Nous n’osions pas… Nous avions peur… Il est parti au ciel sans « savoir » que nous l’avions vu dans la lumière de la Transfiguration nous, méprisables et indignes. Mais nous sommes sûrs qu’il se trouve maintenant dans la lumière du Royaume de Dieu. »

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Témoignage écrit d’un frère avec la recommandation de ne pas publier son nom :« Fin août, début septembre 1984, en compagnie d’un frère spirituel et de son fils, âgé de six ou sept ans, nous nous entendîmes pour nous rendre à la Sainte-Montagne. Nous fûmes hébergés par le saint monastère de Koutloumousiou. Après la collation traditionnelle à l’hôtellerie, le moine responsable nous conduisit à la chambre où nous allions demeurer. Nous posâmes nos affaires et nous sortîmes sur le balcon d’où nous vîmes au loin le saint monastère d’Iviron et, plus près de nous, le petit kellion du bon Père (le Père Païssios). Il était trois heures et demie ou quatre heures de l’après-midi, et le soleil éclairait crûment tout l’espace et l’horizon. Nous discutâmes de différentes choses avec mon ami tout en surveillant son fils qui, plein d’énergie, escaladait le grillage de protection en bois du balcon. Soudain, je vis qu’une vive lumière, d’une autre nature, jaillissait des fenêtres du kellion du bon Père. Sa différence tenait à son intensité plus forte que celle de la lumière du soleil, ainsi que de la nuance de sa couleur. Celle-ci était plus translucide, plus pure, mordorée tout en étant un peu azurée. Cet événement surprenant dura environ dix minutes. Depuis son commencement jusqu’à ce qu’il cesse, je me suis demandé si je voyais bien, si je me portais bien. Sans interrompre le fil de ma discussion avec mon interlocuteur, je suivis cet événement extraordinaire sans piper mot. Remué, je l’ai gardé pour moi. Pour la dernière fois, c’était en septembre 1993, je rendis visite au bon Père dans son kellion. Je l’ai trouvé très abattu. Alors que nous discutions, mon désir de lui mentionner l’événement que j’avais vécu en 1984 l’emporta. Quand je le lui en parlai, son aspect se modifia. Son visage se fit passablement joyeux et doux. Puis, quelques minutes plus tard, il me dit humblement et avec retenue : “Il y a eu beaucoup d’événements comme celui-là, mais je préfère ne pas en parler.” En partant, je lui ai demandé si j’avais sa bénédiction pour le raconter. Il me répondit : “Eh, laisse cela, mon cher.” »

*

Le métropolite de Xanthi, Mgr Pantéléimon, fut le témoin visuel des faits suivants : « Les Matines avaient déjà bien commencé, alors que j’avais passé la nuit dans la calyve de la Panagouda. Nous lisions l’office dans la chapelle du kellion. En tant que prêtre, je célébrais la liturgie et l’Ancien Païssios chantait. Puis, eut lieu la Divine Liturgie, et le moment de la communion arriva. L’Ancien s’approcha avec beaucoup de piété et de réserve pour communier aux très purs Mystères. Lorsqu’il se pencha, il retira son bonnet, libérant ses cheveux. Stupéfait, je constatai que son visage, reflétant une transformation divine, était devenu lumineux. Il irradiait une lumière joyeuse et vive ! Spectacle inattendu pour moi, qui me transmettait intérieurement la douceur de cette divine lueur. Je n’ai rien voulu dire. J’ai conservé dans ma mémoire, comme un cadeau de Dieu, l’image de son visage radieux s’apprêtant à recevoir le Seigneur de gloire, et je la transmets, car elle n’appartient pas à mon insuffisance, mais à tous ceux qui attendent une consolation du lumineux visage de l’Ancien. »

L’Ancien avait dit un jour : « Je connais beaucoup de gens qui, au moment de la communion, pourraient rayonner à ce moment. Mais Dieu ne le permet pas, sans doute parce que les autres qui alors les verraient en seraient envieux. » Peut-être que derrière ces « beaucoup » s’inclut-il lui- même ? Car, à d’autres reprises aussi, on l’a vu rayonner de lumière au moment de la sainte communion.

*

Deux mécaniciens de l’armée de l’air rendirent visite à l’Ancien. Celui- ci leur demanda :

« Où allez-vous loger ?

Ils ne purent se rappeler le nom du monastère en question.

  • Bon, cela va vous revenir. Quelle est votre profession ?
  • Mécaniciens dans l’armée de l’air.
  • Je connaissais moi aussi un mécanicien que l’on appelait Xénophon.

Et l’Ancien baissa la tête.

  • Ah oui ! C’est au monastère de Xénophontos que nous devons loger, répondirent-ils. »

Il était deux heures de l’après-midi, et le soleil brillait. L’un de ceux qui raconta cet événement, vit une auréole autour de la tête de l’Ancien, qui était plus lumineuse que le soleil ! En partant, à peine s’étaient-ils éloignés de la porte, il demanda à son collègue :

« Dis donc Georges, je voudrais te demander quelque chose.

  • Quoi donc ? A propos de l’auréole ? »

*

Témoignage du hiéromoine Étienne, de la skite roumaine de Lakkou, à la Sainte-Montagne : « C’était la deuxième fois que j’allais voir l’Ancien, c’était durant l’automne 1993, avec le Père Dosithée le Roumain. Nous passâmes par la porte de derrière, il y avait beaucoup de monde dans la cour. L’Ancien, debout, discutait avec quelqu’un et il nous tournait le dos. Dès qu’il nous entendit marcher, il tourna son visage vers nous pour nous regarder. Mais qu’avions-nous en face de nous ? Je vis son visage devenir

 

lumineux. On voyait son visage, mais baigné par la lumière. Devant ce spectacle inattendu, je me suis arrêté, tandis que mon cœur débordait d’amour et de joie. L’Ancien semblait très doux. Je n’avais jamais ressenti un tel amour. Puis, son visage retrouva son état normal. »

*

Témoignage du moine Alypios, de Sainte-Anne : « Il y avait la tonsure d’un moine au kellion voisin de Saint-Jean-le-Théologien. L’Ancien Païs- sios était présent. Je me trouvais à côté de lui. Au moment de la communion, alors que c’était lui qui chantait, je l’ai regardé et j’ai vu sa tête briller comme une lampe. Je ne pouvais pas le regarder ! Cela dura quelque temps. »

*

Témoignage d’un clerc anonyme : « Lors de ma première visite au petit kellion de l’Ancien, alors que je ne l’avais jamais vu auparavant et sans le connaître, je me suis arrêté un peu devant sa fenêtre, alors qu’il était en train de prier. Je l’ai entendu parler et en plus d’une voix forte. Cela ressemblait plus à une discussion et à un dialogue qu’à un monologue. Je l’ai vu, littéralement baigné par une lumière bleutée. Plus précisément, un rayon bleuté le recouvrait entièrement. En même temps, ses dimensions étaient plus grandes que celles qu’il a naturellement. Son visage aussi était transformé, lumineux et en tout cas agrandi. En voyant ce spectacle, je n’ai pas reconnu le Père Païssios, bien qu’il y ait moins d’une heure que je l’eusse vu, quand je constatai qu’il n’y avait personne d’autre que lui dans son kellion. Après ces événements, plus je m’éloignais de la calyve de l’Ancien, plus je me rendais compte quel grand don m’avait été accordé, et cette constatation me donnait un sentiment de joie et de douceur. »

*

Témoignage du Père P. L. : « En 1992, nous avions une agrypnie* dans le kellion du Père Grégoire. J’étais alors laie. Au moment de l’Hymne des Chérubins, je vis soudain se déverser une forte lumière qui venait de derrière moi. Je me retournai et je vis alors le visage de l’Ancien Pai’ssios qui était dans la lumière, qui irradiait de la lumière. Juste derrière moi se trouvait le Père Isaac. Il me dit : “Regarde devant toi !” Je lui demandai spontanément: “Où est le devant?” J’avais perdu le sens de l’orientation, j’étais stupéfait. La lumière dura jusqu’à la Grande Entrée. J’étais dans l’admiration et l’étonnement et des larmes de componction ruisselaient sur mon visage car moi, pécheur, j’avais été jugé digne de voir cela. »

*

Bien que l’Ancien ait vu la gloire de Dieu et ait contemplé La lumière incréée qui, à plusieurs reprises rayonna aussi à l’extérieur de lui, lui- même faisait tout ce qu’il pouvait pour dissimuler ces états spirituels et n’en parlait pas. Quelqu’un l’interrogea au sujet de la Lumière incréée. Suivant sa manière plaisante, il répondit : « Moi, je n’ai qu’un poêle dans mon kellion, et il est bâti. »

 

 

 

 

 

[1] S. Cyrille de Scythopolis, Vie de saint Euthyme le Grand, 13, éd. E. Schwartz, Leipzig 1993, p. 23 ; traduction de A.-J. Festugière, Les Moines d’orient, III, 1, Paris 1962.

[2] « Si j’avais de la malice dans mon cœur, le Seigneur ne m’aurait pas exaucé » (Ps 65, 18).

 

[4]  Cf. 1 Co 14,3.

[5]  Le 9, 2.

[6]  S. Isaacle Syrien, Discours, 76, p. 382.

[7]  S. Syméon le Nouveau Théologien, Discours, 80, p. 441 (éd. grecque)

[8]  Expression usuelle dans les monastères quand on frappe à une porte.

[9] L’eau bénite du jour de la Théophanie (6/19 janvier) n’est utilisée pour l’aspersion des champs et des maisons que ce jour-là ; dans d’autres occasions, on utilise dé l’eau bénite au début de chaque mois, et répandre de l’eau de la Théophanie est considéré comme une impiété.

[10]      Au début des Matines.

[11] guérit des possédés.

Comme l’Ancien « avait combattu contre les puissances et les pouvoirs des ténèbres » et en était sorti vainqueur, il reçut de Dieu la grâce de chasser les démons, le charisme de « frapper les démons ». Il sentait si quelqu’un était possédé ou avait eu une expérience démoniaque ou avait une maladie mentale. Il disait que « souvent, le psychopathe est aussi un possédé. Le diable le possède, fait de lui sa maison de campagne ». Comme un médecin expérimenté, il faisait un bon diagnostic et délivrait l’ordonnance appropriée. Par la prière, il guérissait les possédés. Il croyait

[12]    Écrivain grec, célèbre d’origine crétoise (1883-1957). Ses œuvres, en particulier la dernière tentation du Christ, furent condamnées par le Saint-Synode de l’Église de Grèce.

[13]    Sans doute Aris Velouchiotis, dirigeant communiste notoire qui joua un rôle important dans la guerre civile qui suivit la fin de la seconde guerre mondiale.

[14] S. Dométios vécut en ermite dans les environs du monastère de Philothéou au xvie s. Il est commémoré le 7 août.

13.9′ ode du Canon.

[16] Sous-entendre : à l’extérieur de la Sainte-Montagne, dans le monde.

[17] Du 1er au 15 août.

[18] Il fait référence à lui-même.

[19]  « Système national de la santé », organisme grec de la santé publique.

[20] 2Co 13,3.

[21] Dans les écoles militaires, certains soldats font leur service dans l’administration.

[22]  Ou : parce qu’elle ne change pas d’avis, c’est-à-dire ne revient pas en Grèce.

[23]  Voir 2 M 15,11.

[24] S. Maxime le Confesseur, Questions à Thalassios, 59, PG 90, 617 C.

[25]  Le vendredi de la Grande Semaine, qui précède Pâques.

[26]  Souhait traditionnel au moment de Pâques.

[27]  La requête que j’avais écrite en demandant d’avoir un enfant.

[28] Recueils de Vies de saints.

[29] Saint Basile de Césarée, saint Grégoire de Nazianze et saint Jean Chrysostome, que l’Église orthodoxe commémore ensemble le 30 janvier /12 février.