À TOUS NOS CHERS ET TRÈS-AIMÉS FRÈRES EN L’ESPRIT-SAINT VNÉRABLES ÉVÊQUES DE TOUS PAYS,
À LEUR PIEUX CLERGÉ ET À TOUS LES ORTHODOXES,
ENFANTS FIDÈLES DE L’ÉGLISE UNE, SAINTE, CATHOLIQUE ET APOSTOLIQUE,
FRATERNEL SALUT EN L’ESPRIT-SAINT ET BÉNÉDICTION DIVINE !
Article 1
II importerait que le saint et divin enseignement évangélique de notre rédemption soit par tous pareillement prêché dans son intégrité et reçu avec foi, jusqu’à la fin des temps, dans cette pureté dans laquelle notre Sauveur, qui s’est volontairement « abaissé » prenant « l’apparence d’un serviteur », et est descendu du sein de Dieu le Père, l’a révélé à ses divins et saints disciples ; pureté dans laquelle ces témoins oculaires ont annoncé, telles des trompettes sonores, cet en-seignement à l’univers entier, car « leur voie s’est répandue sur la terre entière et leurs paroles ont coulé jusqu’aux confins de l’univers » ; il importerait enfin que cet enseignement soit prêché dans la forme immuable qu’ont reçue les très grands et nombreux Pères de l’Église Catholique universelle qui nous l’ont transmis lors des Conciles et dans leurs écrits.
Mais l’esprit malin, ennemi traditionnel du salut de l’homme, comme jadis dans l’Éden, prenant le masque d’un conseiller bienveillant a amené l’homme à transgresser le commandement manifeste de Dieu ; de même dans cet Éden spirituel qu’est l’Église de Dieu, continue-t-il à abuser les hommes en leur suggérant des pensées malignes et impies et, se servant d’eux comme d’instruments, il distille le poison de l’hérésie dans les flots purs de la doctrine orthodoxe, et de ces coupes couvertes en apparence d’or évangélique, il étanche la soif d’une foule de personnes. Il l’étanche à ceux qui, par simplicité, mènent une vie inconséquente et ne s’attachent pas d’autant plus fermement au message reçu (Hébr. 2 :1) ni à ce que leurs pères leur ont appris (Deut. 32 :7), conformément à l’Évangile et à tous les anciens Pères, ceux qui ne considèrent pas suffisantes pour le salut de leur âme les paroles écrites et non écrites du Seigneur et les témoignages de t’Église, mais, courant après les nouveautés impies comme s’il s’agissait de nouveaux atours, reçoivent la doctrine évangélique sous une forme totalement altérée.
Article 2
Et c’est ainsi qu’apparurent des hérésies variées et monstrueuses que, dès son berceau» l’Église catholique s’étant revêtue de toutes les armes de Dieu et s’armant du glaive de l’Esprit qui est la parole de Dieu (Eph. 6 :17) dut combattre et vaincre. Elle les a toutes vaincues jusqu’à présent, elle les surmontera toujours avec gloire dans les siècles et elle apparaîtra, après chacune de ses victoires, chaque fois plus lumineuse et plus puissante.
Article 3
Or, parmi les hérésies, certaines ont complètement disparu, d’autres tendent à disparaître ou ont perdu de leur vigueur, d’autres encore fleurissent avec plus ou moins de bonheur jusqu’au moment de leur chute définitive : certaines, enfin, réapparaissent afin de parcourir à nouveau leur cycle complet de la naissance à l’extinction. Misérables spéculations de misérables humains, elles tombent inévitablement un jour, même s’il leur arrive de durer mille ans, car elles sont, en même temps que leurs promoteurs, foudroyées par l’anathème des sept Conciles Œcuméniques. Seule l’Orthodoxie de l’Église Catholique et Apostolique inspirée par la parole vivante de Dieu, demeurera éternellement selon la promesse infaillible du Seigneur : Les portes de l’enfer ne prévaudront pas contre elle (Mat. 16 :18). C’est-à-dire que, selon l’explication des Pères, quoi que les bouches des impies et des hérétiques puissent répandre — horreur et interdictions ou bien paroles doucereuses ou persuasives, — elles ne l’emporteront pas sur la doctrine paisible et sainte de l’Orthodoxie. Mais pourquoi cependant les méchants réussissent-ils tout ce qu’ils entreprennent (Jér. 12 :1), et les impies se glorifîent-ils et s’élèvent-ils comme les cèdres du Liban(Ps. 36 :35), pourquoi induisent-ils en tentation ceux qui servent paisiblement Dieu ? La raison en est impénétrable et la sainte Église prie quotidiennement que cette écharde dans la chair, cet ange de Satan, s’éloigne d’elle, mais elle entend sans cesse la voix du Seigneur lui dire : Ma grâce te suffît ; c’est dans l’infirmité que Ma force s’accomplit : c’est pour-quoi elle préfère se glorifier de ses faiblesses, afin qu’habite en elle la puissance du Christ (2 Cor. 11 :9) et que ceux qui sont éprouvés puissent se révéler (Héb. 2 :1).
Article 4
Parmi les hérésies qui se sont répandues, selon les desseins que Dieu seul connaît, sur la plus grande partie de l’Univers, émergeait jadis l’arianisme. De nos jours c’est le papisme. Mais ce dernier, de même que le premier qui a com-plètement disparu (et bien qu’il soit encore vigoureux), ne tiendra pas, il passera et s’effacera et une voix forte venue du ciel dira de lui : il a été précipité (Apoc. 12 : 10).
Article 5
La doctrine nouvelle voulant que « l’Esprit-Saint procède du Père et du Fils » est inventée contrairement à la parole claire et formelle de notre Seigneur : qui procède du Père (Jn 15 :26) et contrairement à la confession de toute l’Église catholique confirmée par les sept Conciles Œcuméniques dans ces paroles : et qui procède du Père (Symbole de la Foi) ;
1. — Cette doctrine transgresse le témoignage confirmé par l’Évangile de l’émanation d’un seul principe {enikin) mais diversement {eteroeidi) des hypostases divines de la Sainte Trinité.
2. — Elle implique des rapports hétérogènes et inégaux entre ces hypostases de même puissance et dignes d’une même adoration en les confondant ou les mêlant.
3. — Elle présente comme imparfaite, obscure et non satisfaisante la confession adoptée jusqu’alors par l’Église Une, Sainte, Catholique et Apostolique.
4. — Elle rabaisse les saints Pères du Premier Concile Œcuménique et du Second de Constantinople, en impliquant que ceux-ci auraient exposé de manière imparfaite renseignement relatif au Fils et au Saint-Esprit en passant sous silence une si importante particularité des deux hypostases divines, alors qu’il était néces-saire d’exposer tous les attributs divins pour lutter contre les ariens et les macédo-niens.
5. — Elle offense les Pères des Troisième, Quatrième, Cinquième, Sixième et Septième Conciles Œcuméniques qui ont proclamé devant tout l’Univers le divin Symbole de la Foi, parfait et complet en tout point, et qui ont, pour eux-mêmes et pour tous les autres, interdit sous peine d’anathèmes irrévocables, toute addition ou soustraction, toute modification ou transposition, ne fût-ce que d’un iota ; alors qu’il a fallu (selon la doctrine catholique romaine) rectifier et compléter ce Symbole et altérer ainsi tout renseignement théologique des Pères Œcuméni-ques, puisque un nouvel attribut disrinctif serait apparu à l’intérieur des trois hy-postases de la Sainte Trinité.
6. — Elle s’est tout d’abord glissée dans les Églises d’Occident comme un loup déguisé en agneau. Nous voulons dire par là qu’elle ne s’est pas manifestée sous le nom de « procession » {tis ekporeuseos) selon le terme grec utilisé dans l’Évangile et le Symbole mais d’« envoi » {tis apostolis) ainsi que l’expliquait à Maxime le Confesseur le pape Martin pour se justifier auprès de lui et ainsi que l’avait fait Anastase, bibliothécaire de Jean VIII.
7. — Avec une audace grossière et inconcevable jusqu’alors, elle a touché au Symbole même de notre foi et altéré ce dépôt commun du christianisme.
8. – Elle a introduit des troubles considérables dans la vie paisible de l’Église en divisant les nations.
9. – Elle a été publiquement réprouvée à sa première apparition par deux papes d’éternelle mémoire, Léon III et Jean VIII ; ce dernier, dans sa lettre au bienheureux Photius, a même traité de complices de Judas ceux qui, les premiers, l’avaient introduite dans le Symbole.
10. – Elle a été condamnée par plusieurs saints Conciles des quatre patriarches orientaux.
11. — Elle a été frappée d’anathème en tant qu’innovation et addition au Symbole lors du (prétendu) Huitième Concile Œcuménique, tenu à Constantinople dans le but de réconcilier les Églises d’Orient et d’Occident.
12. —À peine avait-elle fait son apparition dans les Églises d’Occident qu’elle engendra immédiatement les pires engeances ou introduisit à sa suite peu à peu d’autres innovations qui, la plupart du temps, contredisaient les préceptes de notre Seigneur clairement exprimés dans les Évangiles et que ces mêmes Églises observaient jusqu’alors scrupuleusement ; ainsi en était-il, par exemple, de l’aspersion au lieu de l’immersion, de la privation du Saint Calice pour les fidèles et de la communion sous la seule espèce du pain, de l’utilisation d’hosties azymes au lieu de pain levé, de l’omission de l’invocation du Saint Esprit lors de la Liturgie. Innovations qui transgressaient les antiques rites apostoliques de l’Église catholique comme, par exemple, de ne pas oindre du Saint Chrême les petits enfants après le baptême et de ne pas leur accorder la Communion, d’interdire le Sacerdoce aux hommes mariés, de reconnaître dans le pape une personne infaillible et le vicaire du Christ, etc. Ainsi cette doctrine a détruit tout l’antique rituel des Apôtres, elle a aboli la quasi-totalité des sacrements et des institutions ecclésiales que conservait l’antique, sainte et orthodoxe Église romaine qui était alors le membre le plus digne de l’Église Sainte, Catholique et Apostolique.
13. — Elle a amené les théologiens occidentaux, ses défenseurs, faute de trouver des appuis dans les Ecritures ou chez les Pères, à recourir à d’innombrables sophismes ; non seulement à des exégèses erronées des Ecritures que l’on ne saurait trouver chez aucun des Pères de la Sainte Église Catholique, mais encore en l’altération des textes sacrés et intangibles des divins Pères d’Orient et d’Occident;
14. – Elle a paru étrange, inouïe et blasphématoire à d’autres communautés chrétiennes qui, avant son apparition, avaient été, pour de justes raisons, excommuniées depuis des siècles de l’Église Catholique.
15. – Elle n’a pas encore pu alléguer, malgré les efforts de ses défenseurs, la moindre preuve tant soit peu convaincante et fondée tirée des Saintes Écritures ou des Pères contre une seule des preuves que nous produisons.
Dans sa nature et dans son essence même une telle doctrine présente tous les symptômes d’un enseignement hétérodoxe. Et attendu que tout enseignement erroné concernant le dogme de l’Église Catholique sur la Sainte Trinité, sur l’origine des hypostases divines, de même que sur la procession du Saint Esprit est et doit s’appeler hérésie, de même, ceux qui adoptent un tel enseignement, sont et s’appellent hérétiques selon la décision même de saint Damase, pape de Rome : « Celui qui pense sainement sur le Père, mais a une opinion erronée sur le Saint Esprit, est un hérétique » {Confession de la Foi Catholique, envoyée par le pape Damase à l’évêque de Thessalonique Paulin).
Pour toutes ces raisons, l’Église Une, Sainte, Catholique et Apostolique, suivant en cela les saints Pères d’Orient et d’Occident, annonce aujourd’hui conciliairement, de même qu’elle le fît jadis du temps de nos Pères, que cette innovation doctrinale faisant procéder l’Esprit Saint du Père et du Fils est par son essence même une hérésie, et que ses partisans, quels qu’ils soient, des hérétiques selon la décision formulée en Concile par le saint pape Damase. Les communautés qu’ils forment sont des communautés hérétiques et toute communion spirituelle ou religieuse des enfants orthodoxes de l’Église catholique avec eux est illicite, principalement en vertu du canon sept du Troisième Concile Œcuménique.
Article 6
Cette hérésie avec, comme nous l’avons dit, une foule d’autres innovations qui lui sont liées apparut vers le milieu du 7ème siècle. D’abord inconnue et anonyme, elle se propagea secrètement et sous différentes formes dans les diocèses de l’Occident européen durant quatre ou cinq siècles et finit par l’emporter sur l’orthodoxie de ces pays grâce à l’incurie des pasteurs d’alors et de la protection des autorités civiles. Peu à peu elle égara non seulement les Eglises jusque-là orthodoxes d’Espagne, mais encore celles de Germanie, de Gaule et même d’Italie dont l’Orthodoxie rayonnait jadis dans le monde entier. Nos saints Pères, tels Athanase le Grand et le divin Basile, communiquaient fréquemment avec certaines d’entre elles ; leur union et leur relation avec nous permirent de conserver intacte la doctrine de l’Église Catholique et Apostolique Jusqu’au Septième Concile Œcuménique. Lorsque, par la convoitise de l’ennemi de tout bien, les nouveautés relatives à la doctrine saine et orthodoxe sur le Très-Saint-Esprit (contre lequel le blasphème selon la parole du Seigneur ne sera point pardonné aux hommes ni dans ce siècle, ni dans le siècle à venir (Mat. 12 :31-32), les nouveautés successives touchant aux mystères divins, tout spécialement au sacrement du salutaire Baptême, à la sainteté de la Communion et du Sacerdoce, lorsque toutes ces inepties venant les unes après les autres conquirent l’antique siège de Rome lui-même, cette hérésie, ayant acquis une célébrité certaine au sein de l’Église, se revêtit du vocable caractéristique de « papisme ».
En effet, si au début, parmi les évêques de Rome, appelés papes, certains, tels Léon III et Jean VIII (que nous avons déjà mentionnés) se sont bien élevés contre l’innovation et l’ont condamnée à la face de l’Univers entier (l’un par ses fameuses tables d’argent, l’autre par sa lettre au bienheureux Photius lors du (prétendu) Huitième Concile Œcuménique et par sa lettre à Sphendopulchre au sujet de Méthode, évêque de Moravie), la plupart de leurs successeurs furent séduits par les prérogatives, contraires aux canons des Conciles, que cette hérésie leur fournissait pour dominer les Églises de Dieu, er ils y trouvèrent de grands avantages humains et de grands bénéfices. Ayant inventé la monarchie au sein de l’Église conciliaire, le monopole quant à la répartition des dons du Saint Esprit, ils ont non seulement altéré le culte antique qui existait auparavant chez eux, s’étant par de telles innovations retranchés du reste de l’antique société anthentiquement chrétienne, mais encore ils ont tenté, non sans subterfuges honteux ainsi que nous l’apprend une Histoire véridique, d’entraîner dans leur apostasie contre l’Orthodoxie les quatre autres patriarcats et d’assujettir ainsi l’Église catholique aux volontés et aux ordres d’un homme.
Article 7
Nos prédécesseurs et Pères d’éternelle mémoire, voyant l’antique doctrine évangélique foulée aux pieds et la tunique sans couture du Christ déchirée par des mains impies, mus par un amour paternel et fraternel pleuraient la perte de tant de chrétiens pour qui le Christ était mort. Mais cela ne les empêchait aucunement de déployer beaucoup d’effort et de zèle, conciliairement et à titre individuel, afin d’unir à nouveau, autant que faire se pouvait, ce qui avait été séparé, tout en préservant la doctrine orthodoxe de l’Église sainte et catholique : tels d’habiles chirurgiens, ils essayaient d’un commun effort de guérir le membre souffrant, tout en supportant quantité d’afflictions, d’outrages et de persécutions, avec pour unique souci d’éviter que le corps du Christ ne fût divisé, que ne fussent foulées les règles des saints et divins Conciles. Mais, comme le témoigne l’histoire, l’Occident s’obstina dans son erreur. Et nos Pères de glorieuse mémoire purent se convaincre de la justesse des paroles de notre Père parmi les saints Basile le Grand qui, de sa propre expérience disait des évêques d’Occident, et tout spécialement du pape de son époque : « Ils ne connaissent pas la vérité et ne désirent pas la connaître ; ils entrent en lutte contre ceux qui la leur font connaître et consolident par eux-mêmes l’hérésie » (à Eusèbe, évêque de Samosaie — Lettre 239) ; et ainsi, après une première admonestation puis une seconde, constatant leur obstination dans l’erreur, ils secouèrent la poussière de leurs chaussures et, les désavouant, les « livrèrent » à leur « esprit inepte » (attendu que « la guerre est préférable à une paix qui nous sépare de Dieu » ainsi que l’écrivait notre Père parmi les saints Grégoire au sujet des ariens). Depuis lors, il n’y a plus aucune communion spirituelle entre eux et nous, car ils ont, de leurs propres mains, creusé l’abîme profond qui les sépare de l’Orthodoxie.
Article 8
Cependant le papisme ne s’en tint pas là dans ses atteintes à la paix de l’Eglise. En envoyant partout ses missionnaires, hommes perfides, il traverse les terres et les mers pour en convertir ne serait-ce qu’un seul, pour séduire des orthodoxes, pour altérer renseignement de Notre Seigneur, pour falsifier par une addition le Symbole de notre foi, pour présenter comme superflue l’immersion baptismale qui nous vient de Dieu et inutile la communion au calice, ainsi que quantité d’autres choses que l’esprit de nouveauté suggérait à des scolastiques du Moyen-Âge capables des pires audaces et à des évêques de l’ancienne Rome habités par l’esprit de domination et qui se croyaient tout permis. Bien qu’ils fussent de multiples façons et à maintes reprises offensés et opprimés par le papisme, dans leur pays comme à l’extérieur, directement et indirectement, nos prédécesseurs et Pères, vénérables et pieux, ont malgré tout réussi, en se fiant au Seigneur, à préserver et à nous transmettre intact l’inesrimable héritage reçu de leurs Pères et qu’avec l’aide de Dieu nous transmettrons tel un trésor aux générations futures, et ainsi jusqu’à la consommation des siècles. Malgré cela les papistes ne peuvent se rasséréner, et ils ne se tranquilliseront pas, tant est coutumière leur haine de l’Orthodoxie, cette foi de leurs Pères qu’ils ont reniée et qui est sans cesse devant leurs yeux comme une preuve vivante de leur méfait. Si seulement ils concentraient leurs efforts pour combattre l’hérésie qui s’esr propagée et qui règne en Occident ! Il ne fait aucun doute que s’ils employaient le même zèle que celui qu’ils mettent à combattre l’Orthodoxie, pour détruire l’hérésie et les inno-vations, conformément aux intentions pieuses de Léon III et de Jean VIII (ces derniers papes orthodoxes d’éternelle mémoire), il n’en resterait plus, et depuis longtemps, la moindre trace dans l’univers, et aujourd’hui « nous tiendrions le même langage » selon le précepte de l’Apôtre. Mais le zèle de leurs successeurs ne fut pas, à l’image de celui du bienheureux Léon III, dirigé vers la préservation de la foi orthodoxe !
Article 9
Depuis quelques temps les attaques venant de la personne même des papes avait cessé et elles ne venaient que de la part de missionnaires ;
mais celui qui, en 1846, est monté sur le siège de Rome sous le nom de Pie IX a publié le 6 janvier 1848 une Lettre Encyclique adressée aux « Chrétiens d’Orient ». composée de douze feuillets dans sa traduction grecque, et que son messager répandit comme une contagion importée parmi notre troupeau orthodoxe. Dans cette Encyclique il s’adresse tout d’abord à ceux qui se sont à différentes époques détachés des diverses communautés chrétiennes pour passer au papisme et qu’il considère, par conséquent, comme siens. Il s’adresse ensuite aux orthodoxes, sans en citer un seul, mais en évoquant nommément nos divins et saints Pères, et en proférant des mensonges manifestes tant en ce qui les concerne qu’en ce qui nous concerne, nous, leurs successeurs et descendants. Ainsi, pré-sentent-ils nos Pères recevant les ordres et les décisions des papes, guides prétendus de l’Église universelle. Nous-mêmes, ils disent que nous transgressons cet exemple et par la suite ils nous accusent, auprès du troupeau que Dieu nous a confié, de nous être séparés d’eux et de ne pas tenir compte de notre devoir sacré et du salut de nos enfants spirituels. Ensuite, faisant de l’Église universelle son bien personnel sous prétexte qu’il occupe, comme il s’en vante, le siège episcopal de saint Pierre, il veut tromper les simples et les inciter à renier l’Orthodoxie en ajoutant ces paroles étranges pour quiconque connaît l’enseignement théologique (p. 10, 1.9) : «Vous n’avez aucune raison pour ne pas revenir dans le sein de l’Église véritable et dans la communion de ce saint Siège ».
Article 10
Chacun de nos frères et de nos fils en Christ, élevé et instruit dans la piété, comprendra aisément en lisant avec discernement et à la lumière de la sagesse reçue de Dieu, que les paroles de l’actuel évêque de Rome, au même titre que celles de ses prédécesseurs, ne sont pas, comme il le dit (p. 7,1.8), des paroles de paix et d’amour, mais des paroles de flatterie et de mensonge n’ayant d’autre but que sa propre glorification ; et telle était l’habitude de ses prédécesseurs qui ont toujours agi au mépris des Conciles. C’est pourquoi nous sommes certains que les orthodoxes ne se laisseront pas plus séduire à l’avenir qu’ils ne l’ont été Jusqu’à présent, car juste est la parole du Seigneur : Ils ne suivent pas celui qu’ils ne connaissent pas, mais ils le fuient, car ils ne connaissent pas la voix de l’étranger (Jn 10 :5).
Article 11
II en résulte que nous avons cru de notre devoir paternel et sacré de vous raf-fermir, par la présente Encyclique, dans l’Orthodoxie que vous tenez de vos an-cêtres et de vous signaler par la même occasion la faiblesse des raisonnements de l’évêque de Rome. Du reste, il doit très bien la sentir lui-même. Car ce n’est pas d’une confession apostolique qu’il orne son siège, mais c’est par le siège apostolique qu’il essaie d’affermir sa prééminence dont il déduit l’autorité de sa confession. Or la réalité est autre : non seulement le siège de Rome, auquel on ne re-connaît que par simple tradition d’avoir reçu le primat de saint Pierre, n’a jamais été en situation de ne pas être jugé par les Saintes Écritures et les décisions des Conciles. Ce droit n’a jamais été reconnu même au siège qui, d’après les Saintes Écritures, a principalement été celui de saint Pierre, à savoir le siège d’Antioche, dont l’Eglise, selon le témoignage de saint Basile (Lettre 48 à Athanase le Grand) est appelée : « La plus importante de toutes les Églises de l’Univers ». Qui plus est, le Deuxième Concile Œcuménique, dans sa lettre au Concile des Occidentaux (Aux très honorés et très pieux frères Damase, Ambroise, Briton, Valérien, etc) porte le témoignage suivant : « La très vénérable et véritablement apostolique Église qui est à Anrioche en Syrie et qui la première vit naître en son sein la glo-rieuse dénomination de chrétien ». Est-il besoin d’en dire davantage, alors que saint Pierre fut en personne jugé à la face de tous selon la vérité de l’Évangile (Gal. 12) et, selon le témoignage des Écritures, fut trouvé digne de blâme et ne marchant pas dans la voie droite. Que faut-il donc penser de ceux qui s’enorgueillissent et se vantent de son siège qu’ils imaginent posséder ? Saint Basile le Grand, ce maître universel de l’Orthodoxie au sein de l’Eglise catholique, auquel les évêques de Rome sont contraints de nous renvoyer (p. 8, 1.3), nous a clairement notifié l’opinion que nous devions avoir des jugements de l’inaccessible Vatican (cf. plus haut article 7) : « Ils ne connaissent pas la vérité et ne veulent pas la connaître ; ils cherchent querelle à ceux qui leur annoncent la vérité et ils affermissent l’hérésie ». Ainsi donc, ces mêmes saints Pères que Sa Sainteté nous cite en exemple avec une juste admiration, comme ayant éclairé et enseigné l’Occident, ces saints Pères nous enseignent qu’il ne convient pas de juger de l’Orthodoxie d’après le siège, mais que le siège et celui qui l’occupe doivent être jugés selon les divines Écritures, les règles et les décisions des Conciles selon la foi confessée, autrement dit selon l’enseignement éternel de l’Eglise. C’est ainsi que nos Pères ont jugé et condamné en Concile Honorius, pape de Rome, Dioscore, pape d’Alexandrie, Macédonius et Nestorius, patriarches de Constantinople, Pierre, patriarche d’Antioche, etc. Car si, suivant le témoignage des Écritures (Dan. 9 :27 et Mat. 24 :15) l’abomination de la désolation était dans le lieu saint, pourquoi l’innovation et l’hérésie ne seraient-elles pas sur le saint Siège ? Cet exemple à lui seul montre toute la faiblesse et l’insuffîsance des autres arguments (p. 8 1.9, 11 et 14) en faveur de la suprématie de l’évêque de Rome. Car si l’Eglise n’avait été fondée sur la pierre inébranlable de la confession de Pierre : Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant (qui fut une réponse commune de tous les apôtres à la question qui leur était posée : Et vous, qui croyez-vous que je sois ? (Mat. 16 :15-16) selon l’explication de tous les Pères d’Orient et d’Occident), Céphas lui-même serait un fondement bien chancelant, et à plus forte raison les papes qui, après s’être approprié les clés du Royaume, en ont fait l’usage que nous montre l’Histoire. Quant à la triple injonction : Pais mes brebis, nos Pères communs enseignent unanimement qu’il ne s’agissait pas d’une prérogative quelconque accordée à saint Pierre à l’égard des autres apôtres, et encore moins à ses successeurs, mais simplement de sa réhabilitation dans la dignité apostolique, dont il avait été déchu après son triple reniement. Saint-Pierre lui-même comprit exactement ainsi le sens de la triple interpellation du Seigneur : M’aimes-tu ? et des paroles : Plus que ceux-ci ? (Jn 21 :15) car il se souvenait de ses paroles au Seigneur : Si tous se scandalisent à Ton sujet, moi, Je ne me scandaliserai jamais (Mat. 26 :33) il s’affligea de s’entendre questionné une troisième fois : M’aimes-tu ?. Mais ses successeurs, poursuivant leur propre but, comprennent cette parole dans un sens qui ne leur est que trop favorable.
Article 12
Sa Sainteté dit encore (p. 8 1.12) que Notre Seigneur dit à saint Pierre : J’ai prié pour toi, afîn que ta foi ne défaille pas et lorsque tu seras revenu, affermis tes frères(Luc 22 :32). La prière de Notre Seigneur ne fut pas proférée pour la raison que Satan cherchait à tenter la foi de tous les disciples : le Seigneur ne le lui permit qu’à l’égard de Pierre, à cause des paroles présomptueuses qu’il avait prononcées et parce qu’il se sentait supérieur aux autres disciples (Mat. 26 :33) : si tous se scandalisent à Ton sujet, je ne me scandaliserai pas ; mais cette tentation fut momentanée, lorsque Pierre se mit à jurer avec force imprécations : je ne connais pas cet homme (Mat. 26 :74) tant est faible la nature humaine lorsqu’elle est livrée à elle-même, car l’esprit est fort, mais la chair est faible (Mat. 26 :41) ; sa tentation, disons-nous, fut momentanée afin que, revenu par la suite à lui et s’étant purifié par des larmes de repentir, il pût mieux encore confirmer ses frères dans la confession de Celui qu’ils n’avaient, eux, ni trahi ni renié. Oh ! que les desseins du Seigneur sont pleins de sagesse ! Combien divine et abondante en mystères fut la dernière nuit terrestre de Notre Seigneur ! Cette même Cène mystique s’accomplit, nous le croyons, chaque jour conformément à la parole du Seigneur : Vous ferez ceci en mémoire de Moi (Luc 22 :19) et ailleurs : Chaque fois que vous mangez de ce pain et que vous buvez de cette Coupe, vous annoncez la mort du Seigneur, jusqu’à ce qu’il vienne (1 Cor. 11 :26). L’amour fraternel qui nous a été recommandé avec tant d’insistance par notre Maître à tous : C’est en cela que tous reconnaîtront que vous êtes mes disciples, si vous vous aimez les uns les autres (Jn 13 :35), cet amour que les papes ont, les premiers, brisé en protégeant et en acceptant les innovations hérétiques, au mépris de ce qui nous a été annoncé et confirmé par les dispositions de nos Pères communs, c’est ce même amour qui agit sur les âmes des peuples chrétiens et tout particulièrement sur celles de leurs pasteurs. Car nous osons dire devant Dieu et devant les hommes que la prière de Notre Sauveur (p. 7, 1.3) à Dieu Son Père, demandant que l’amour règne entre les chrétiens et les maintienne dans l’Église Une, Sainte, Catholique et Apostolique à laquelle nous croyons pour qu’ils soient tous un comme nous sommes un (Jn 17 :22), cette prière-là agit sur nous comme sur Sa Sainteté ; ici notre aspiration à l’amour fraternel et notre zèle se confondent avec ceux de Sa Sainteté, avec pour seule différence que nous appliquons ce zèle à préserver pur et intact le divin, irréprochable et parfait symbole de la foi chrétienne conforme à l’Évangile, aux décisions des sept Conciles Œcuméniques et à la doctrine ininterrompue de l’Église Universelle, alors que Sa Sainteté l’applique à renforcer et augmenter le pouvoir et la suprématie des souverains pontifes et à imposer leurs innovations doctrinales. Telle est, en peu de mots, la réalité des dissensions et de la discorde entre nous, tel est le mur de séparation que, selon la prédiction divine et avec le concours de la sagesse tant réclamée par Sa Sainteté, nous espérons voir s’écrouler sous son pontificat (ibid. 10. 16) : J’ai d’autres brebis encore, qui ne sont pas dans cet enclos, celles-là aussi je dois les mener, elles écouteront ma voix(elles entendront la véritié : Qui procède du Père).
Venons-en au troisième point : si l’on admet, conformément aux paroles de Sa Sainteté, que la prière de Notre Seigneur en faveur de Pierre, qui allait le renier et se parjurer, est intimement liée au siège de Pierre et qu’elle transmet son influence à tous ceux qui, à travers les siècles, occupent ce siège, quoique nous ayons déjà dit (article 11) que rien ne confirme une telle opinion (comme nous pouvons nous en convaincre en lisant les Écritures, par le propre exemple de saint Pierre, et ce même après la descente du Saint Esprit), nous croyons fermement, en vertu des paroles du Seigneur, que viendra le temps où cette prière, faite en prévision du parjure de Pierre, agira sur l’un de ses successeurs qui, tout comme lui, pleurera amèrement et, se repentant, nous confirmera encore plus, nous ses frères, dans la confession orthodoxe que nous avons reçue de nos Pères. Plût au Ciel que Sa Sainteté fût ce successeur authentique de saint Pierre ! Pourrions-nous ajouter à cette humble prière un conseil sincère et cordial au nom de la sainte Église universelle ? Nous n’osons pas dire, comme le fait Sa Sainteté, que ce retour doit se faire immédiatement ; nous disons, au contraire, que cela se fasse sans hâte, après mûre réflexion et s’il le faut, après concertation avec les évêques et les théologiens les plus savants et les plus pieux qui, aujourd’hui encore, par les desseins de Dieu, se trouvent chez tous les peuples d’Occident.
Article 13
Sa Sainteté écrit que saint Irénée, évêque de Lyon, dit à la louange de l’Église de Rome : « II est indispensable que toute l’Église, c’est-à-dire les croyants de tout l’univers, s’accordent avec elle à cause de la prééminence de cette Église qui a préservé, sur tout ce que croit l’ensemble des fidèles, la tradition des Apôtres ». Quoique ce saint Père dise tout autre chose oue ce que pensent les évêques du Vatican, nous les laissons libres de leurs conclusions, mais nous leur demandons seulement : qui nie le fait que l’antique Église de Rome ait été apostolique et orthodoxe ? Personne parmi nous n’hésite même à la dire modèle de l’Orthodoxie, et pour sa plus grande louange nous citerons les paroles de l’historien Sozomène (Livre III, chap. 12) sur la manière dont elle a pu, jusqu’à une certaine époque, préserver l’Orthodoxie, ce que Sa Sainteté omet de signaler : « L’Église d’Occident, conservant dans sa pureté les dogmes transmis par nos Pères, est exempte de toute dissension et de vaines discussion ». Qui de nous ou de nos Pères, a jamais nié sa primauté dans l’ordre hiérarchique, conférée par les canons de l’Église, tant qu’elle « conservait dans sa pureté les canons transmis par nos Pères » et qu’elle se laissait guider par la doctrine infaillible des Saintes Écritures et des Conciles ? Mais nous constatons aujourd’hui qu’elle n’a préservé ni le dogme de la Sainte Trinité suivant le Symbole des Saints Pères réunis la première fois à Nicée puis à Constantinople, Symbole qui fut confirmé par les cinq Conciles suivants en soumettant à l’anathème, comme hérétiques, ceux qui en modifieraient ne serait-ce qu’un iota. Elle n’a pas, non plus, préservé le rite apostolique du saint Baptême, ni l’invocation de l’Esprit Saint sur les Saints Dons. Nous observons au contraire que l’Eucharisrie est conférée sans que l’on communie au saint Calice qui est (oh ! horreur) considéré comme superflu, ainsi qu’une multitude d’autres choses inconnues non seulement de nos saints Pères d’Orient qui furent de tout temps la règle universelle et infaillible de l’Orthodoxie, comme le souligne Sa Sainteté par respect pour la vérité (p. 2), mais également inconnues des saints Pères d’Occident. Nous observons encore cette primauté, pour laquelle Sa Sainteté à l’image de ses prédécesseurs combat de toutes ses forces, et qui, de rapport fraternel et de prérogative hiérarchique, s’est transformée en suprématie. Que penser de ses traditions orales alors que ses traditions écrites présentent un si grand changement et une telle altération ? Quel est l’homme assez confiant dans la dignité du siège apostolique pour oser dire que, si notre saint Père Irénée revenait à la vie et voyait l’Église de Rome déroger de façon si manifeste à l’anrique doctrine apostolique sur des articles si essentiels et universels de la foi chrétienne, il ne serait pas le premier à s’élever contre les innovations et les décrets arbitraires de cette même Église, si justement louée alors par lui pour sa stricte observation des dogmes de nos Pères ? S’il voyait, par exemple, que l’Église romaine, sur l’instigation des scolastiques, non seulement a rejeté du rite de sa Liturgie l’anrique et apostolique épiclèse, mutilant ainsi pitoyablement le service divin dans sa partie la plus essentielle, mais qu’en outre elle s’efforce par tous les moyens de l’exrirper des Liturgies des autres communautés chrétiennes en alléguant, de manière si indigne du Saint Siège dont elle se glorifie, que cet usage se serait « introduit après la séparation » (p. 11. 1-11). Qu’aurait-il donc dit de cette innovation, lui qui nous assure (Irénée, Livre V, ch. 34, éd. Massuet, 18) que : « Le pain terrestre après que s’accomplisse sur lui l’invocation de Dieu n’est plus du pain ordinaire » etc., entendant par le terme “ekklisin” précisément cette invocation par laquelle s’opère le mystère de la Liturgie. Que telle était bien la croyance de saint Irénée, un moine catholique de l’ordre des Frères mineurs François feu Ardendus nous l’apprend dans son édition commentée des œuvres de saint Irénée, publiée en 1639, (cf. § 18, Livre 1, p. 114) : « Panem et calycem commixtum per invocationis verba corpus et san-guinem Christi vere fieri » (« le pain de l’eucharistie et le vin mêlé d’eau devien-nent véritablement par les paroles de l’invocation de corps et le sang de Jésus-Christ »). Que dirait-il encore à l’annonce du vicariat et de la suprématie des papes, lui qui, à l’occasion d’un différend minime sur la date de la célébration de la Pâque (Eusèbe, Histoire ecclésiastique, V, 26), par des remontrances si fermes et victorieuses s’opposa au ton impérieux du pape Victor, ton tellement déplacé dans l’Église libre de Jésus-Christ. Ainsi, ce même Père que Sa Sainteté évoque au témoignage de la primauté de l’Église de Rome, confirme que sa dignité ne réside ni dans sa souveraineté ni dans sa suprématie, qui n’ont jamais été l’apanage de saint Pierre lui-même, mais bien plutôt dans une préséance fraternelle au sein de l’Église universelle accordée aux papes par égard à la célébrité et l’ancienneté de leur ville. C’est ainsi que le IVème Concile Œcuménique, tout en préservant l’indépendance des Églises réglée par le IIIème Concile Œcuménique, suivant les principes du IIème Concile Œcuménique (canon 3) et par lui du Ier (canon 6) appelle seulement “coutume” le pouvoir dirigeant des papes sur les Églises de l’Occident et déclare que « les Pères ont avec raison attribué des privilèges à l’Église de Rome, parce que cette ville était la capitale de l’empire » (canon 28) et ne dit mot sur la filiation remontant à l’apôtre Pierre que s’arrogent les papes et encore moins sur le vicariat des évêques de Rome et leur pastorat universel. Un si profond silence sur des prérogatives aussi importantes, une interprétation de la primauté des évêques de Rome fondée non sur les paroles : Pais mes brebis ou encore sur cette pierre je bâtirai mon Église, mais tout simplement sur une coutume par égard à la capitale de l’empire et une primauté, en outre, octroyée non par le Seigneur, mais par les Pères, paraîtra, nous en sommes certains, d’autant plus étrange à Sa Sainteté, qui explique tout autrement ses prérogatives (p. 8, 1.16), qu’elle considère décisif le témoignage du IVème Concile Œcuménique en faveur de son siège (cf. article 15). Saint Grégoire le Grand1 avait coutume de dire que ces quatre Conciles Œcuméniques (Livre I, lettre 25) étaient les quatre Évangiles et la pierre angulaire sur laquelle est bâtie l’Église Catholique)
Article 14
Sa Sainteté dit (p. 10, 1.12) que les Corinthiens, à l’occasion d’un désaccord qui survint chez eux, s’en rapportèrent au pape Clément qui, après avoir jugé cette affaire, leur envoya une épître qui fut lue dans les églises. Mais c’est là un argument bien faible quant à l’autorité des papes dans la Maison de Dieu : attendu que Rome était alors le centre de direction, la capitale impériale, il était naturel que toute affaire tant soit peu importante, comme l’était ce désaccord parmi les Corinthiens, fût jugée dans cette ville, surtout si une des parties voulait soumettre le différend à une médiateur étranger. Il en est de même de nos jours encore. Les patriarches d’Alexandrie, d’Antioche et de Jérusalem, pour des affaires sortant de l’ordinaire et difficiles à démêler, écrivent au patriarche de Constantinople, parce que cette ville est la capitale des empereurs et qu’elle possède, en outre, des privilèges octroyés par les Conciles. Si, par ce concours fraternel, ce qui doit être rectifié l’est, l’affaire en reste là ; sinon, on s’en remet au pouvoir temporel, selon la règle. Mais ce concours fraternel dans les affaires de la foi chrétienne ne s’exerce jamais au détriment de la liberté des Églises de Dieu. La même remarque doit être faite à propos des exemples présentés par Sa Sainteté (p. 9, 1.5, 17) et tirés de la vie des saints Athanase le Grand et Jean Chrysostome ; ce sont là des exemples d’une aide fraternelle normale découlant des privilèges des évêques de Rome Jules et Innoncent ; cependant leurs successeurs voudraient aujourd’hui que nous acceptions docilement leur altération du Symbole de la foi alors que le même pape Jules avait manifesté son irritation à l’encontre de ceux qui, à son époque, « troublaient l’Église en dérogeant aux dogmes de Nicée » (Sozomène, Histoire Ecclésiastique Livre III, § 7) et avait menacé de « ne plus les tolérer s’ils ne cessaient d’introduire leurs innovations ». Dans l’affaire des Corinthiens, il faut en outre noter que des trois sièges patriarcaux existant alors, celui de Rome était le plus proche et le plus important pour les Corinthiens, c’est donc à ce siège qu’ils devaient, conformément aux canons, s’en remettre. Ainsi donc, nous ne voyons rien là de particulier qui puisse démontrer l’autorité absolue des papes dans l’Église libre de Dieu.
Article 15
Sa Sainteté dit enfin (même page, 1.20) que le IVème Concile Œcuménique (que par erreur, sans doute, il transporte de Chalcédoine à Carthage) après la lec-ture de la lettre du pape Léon Ier, s’exclame : « Pierre a parlé par la bouche de Léon ! » C’est parfaitement exact. Mais Sa Sainteté n’aurait pas dû passer sous silence comment et après quelle mûre réflexion les Pères prononcèrent ces paroles à la louange de Léon. Mais comme Sa Sainteté, soucieuse peut-être d’abréger, a omis de signaler une circonstance des plus importantes prouvant à souhait que le Concile Œcuménique est supérieur en dignité non seulement au pape, mais aussi au Synode qui l’entoure, nous allons brièvement exposer l’affaire telle qu’elle a réellement eu lieu. Parmi les six cents Pères réunis à Chalcédoine, près de deux cents parmi les plus savants furent désignés par le Concile afin d’examiner l’esprit et la lettre de l’épître en question (de Léon) et de présenter par écrit et muni de leur signature leur avis sur ce document, de dire s’il est ou non orthodoxe. Ainsi, les opinions motivées de près de deux cents Pères se trouvent consignées dans l’exposé de la quatrième séance du Concile. Leur contenu est le suivant ; voici, par exemple, le paragraphe 600 :
« Maxime, évêque d’Andoche en Syrie, dit : la lettre du vénérable archevê-que de la ville capitale de Rome est conforme à la doctrine de la foi exposée par les 318 Pères saints de Nicée, par les 150 Pères réunis à Constantinople, Nouvelle Rome, et par le saint évêque Cyrille à Éphèse, en vertu de quoi je signe. »
Et encore :
« Théodoret, évêque de Cyr, dit : la lettre du vénérable archevêque Léon est conforme à la doctrine exposée à Nicée par nos saints et vénérables Pères et au symbole de la foi dicté à Constantinople par les 150 Pères et avec les lettres du vénérable Cyrille ; approuvant la susdite lettre, j’ai signé. »
Et ainsi, l’un après l’autre, tous déclarent : « la lettre s’accorde », « la lettre est en accord », « par sa pensée, la lettre ne contredit pas » etc. Ce n’est qu’après l’avoir ainsi minutieusement comparée à renseignement des Conciles précédents et à cause de la parfaite orthodoxie de sa pensée, et non pour la simple raison que c’était une lettre du pape, qu’ils proférèrent, sans ménager leurs louanges, ces paroles mémorables dont Sa Sainteté se vante aujourd’hui. Mais si Sa Sainteté nous envoyait une confession de foi conforme à la doctrine des sept saints Conciles Œcuméniques, plutôt que de s’enorgueillir de la piété de ses prédécesseurs, auxquels nos Pères ont rendu hommage en Concile, elle pourrait, à juste titre, s’enorgueillir de son orthodoxie, et plutôt que de proclamer la gloire de ses prédécesseurs, montrer la sienne propre. Si, aujourd’hui même, Sa Sain-teté voulait bien nous envoyer une profession de foi telle que 200 Pères, après l’avoir examinée, la trouvent en accord avec les Conciles antérieurs, elle pourrait, nous l’affîrmons, entendre de nous, humbles pécheurs, non seulement ces paro-les : « Pierre a parlé par sa bouche » et autres semblables louanges, mais en-core : « Baisons la main vénérable qui a essuyé les larmes de l’Église Catholique !»
Article 16
Certes, il est permis d’attendre de la sagesse de Sa Sainteté une œuvre qui aurait été digne d’un vrai successeur de saint Pierre, de Léon I ou de Léon III qui, pour préserver intacte la foi orthodoxe fit graver le divin symbole inaltéré sur des tables indestructibles ; une telle œuvre aurait permis la réunification des Égli-ses d’Occident à la sainte Église Catholique au sein de laquelle restent vacants non seulement le siège de Sa Sainteté, premier selon les canons, mais encore tous les sièges des évêques d’Occident. Car l’Église catholique, espérant toujours la conversion des pasteurs tombés avec leurs troupeaux, n’ordonne pas (de tels ac-tes seraient vides de sens) de nouveaux évêques sur des sièges déjà occupés par d’autres, afin de ne pas abaisser le sacerdoce. Et nous attendions précisément des « paroles de réconfort », espérant qu’elles nous permettraient « de réintégrer les traces antiques de nos Pères », ainsi que l’écrivait saint Basile à saint Ambroise de Milan (Lettre 55). Mais grande fut notre stupéfaction quand, lisant ladite Lettre Encyclique aux Orientaux, nous vîmes avec douleur et tristesse Sa Sainteté, pourtant si vantée pour sa sagesse, suivre la voie choisie par ses prédécesseurs depuis la séparation et parler le langage de la corruption, c’est-à-dire en nous en-joignant à modifier le symbole parfait de notre foi fixé par les Conciles Œcuméni-ques, à altérer les saintes Liturgies dont la composition céleste, les noms de leurs auteurs et la vénérable antiquité consacrée par le VIIème Concile Œcuménique (Acte 6) auraient pu, à eux seuls, faire reculer la main sacrilège et impie qui osa frapper le Seigneur de gloire. Nous avons pu constater par là dans quel inextricable labyrinthe d’erreurs et dans quel abîme de fausses spéculations, le papisme a jeté même les plus sages et les plus pieux évêques de l’Église romaine, lorsque, pour « préserver l’infaillible et par conséquent obligatoire pouvoir vicarial et la primauté absolue sur tous les sujets », il est contraint de toucher et d’attenter à tout ce qui est divin et intangible montrant, il est vrai, en paroles du respect pour « la vénérable antiquité » (p. 11, 1.16), mais en réalité nourrissant une implacable passion pour les innovations en matière de choses saintes, comme on le voit dans ces paroles : « II faut rejeter des Liturgies tout ce qui a été adopté après la séparation » (ibid. p. 11) répandant ainsi le poison de l’innovation jusque sur la Sainte Cène. De ces paroles, on pourrait déduire que Sa Sainteté pense qu’il est arrivé dans L’Église orthodoxe ce qu’il sait être arrivé dans l’Église romaine, c’est-à-dire des modifications dans tous les sacrements et leur altération par les spéculations scolastiques par lesquelles elle tente de prouver les imperfections de nos saintes Liturgies, de nos sacrements, de nos dogmes, même si c’est avec respect pour leur vénérable antiquité qu’elle en parle. Ne dit-elle pas, faisant montre d’une indulgence toute apostolique, qu’elle ne veut pas « nous affliger par leur proscription rigoureuse » ! (p. 11, 1.5). C’est de la même ignorance de nos coutumes apostoliques et catholiques que provient cette autre assertion : « Vous n’avez même pas pu garder parmi vous l’unité de doctrine et de gouver-nement ecclésiastique », par laquelle Sa Sainteté, de façon étrange, nous attribue sa propre maladie, de même que, jadis, le pape Léon IX dans une lettre à Michel Cérulaire de sainte mémoire accusait au mépris de sa dignité et de l’histoire, les Grecs d’avoir altéré le symbole de l’Église Catholique !
Mais nous sommes certains que si Sa Sainteté se rappelle l’archéologie er l’histoire ecclesiastique, la doctrine des Saints Pères, les antiques Liturgies des Gaules et de l’Espagne, ainsi que le bréviaire de l’Église antique de Rome, elle verra alors avec effroi à combien d’autres inepties toujours existantes le papisme a donné le jour en Occident ; tandis que chez nous, l’Orthodoxie a préservé l’Église catholique comme une fiancée immaculée pour son Epoux, bien que nous ne pos-sédions aucun pouvoir séculier pour nous soutenir {astinomian kosmikin) ni, comme l’appelle Sa Sainteté, aucun « gouvernement ecclésiastique » (p. 7, 1.23). Nous n’avons d’autre lien que celui de l’amour et du zèle pour notre mère commune, dans l’unité de la foi scellée par les sept sceaux de l’Esprit (Apoc. V, 1), c’est-à-dire les sept Conciles Œcuméniques et dans l’obéissance à la vérité. Par contre, Sa Sainteté constatera alors combien « il faut rejeter de dogmes et de sa-crements de la papauté » comme étant des « commandements humains » afin que l’Église d’Occident, qui a innové en tout, puisse se rapprocher de l’immuable foi catholique orthodoxe de nos Pères communs, pour laquelle (selon ses propres paroles, p. 8, 1.30) nous nous efforçons « de conserver la doctrine de nos ancê-tres » (ibid. 1.31) ; aussi fait-elle bien de nous recommander de « suivre les antiques évêques et les fidèles des diocèses d’Orient ». Comment ces antiques évêques comprenaient-ils l’autorité magistrale des archevêques de l’ancienne Rome (et par conséquent quelle idée devons-nous nous faire d’eux) et comment devons-nous recevoir leur enseignement, nous, fils de l’Église orthodoxe ? La réponse, ils nous l’ont donnée en Concile (article 15) et le divin Basile nous l’a clairement expliqué (article 7). Pour ce qui est de la suprématie des évêques ro-mains, et pour ne pas entrer dans une étude trop détaillée, contentons-nous de produire ces quelques mots du même Basile le Grand : « Je voulais écrire à “leur”chef » :. {auton korifeo : ibid.)
Article 17
De tout ce qui précède, toute personne éduquée dans la saine doctrine catholique, à plus forte raison Sa Sainteté, peut conclure combien il est impie et contraire aux canons d’attenter à nos dogmes, Liturgies, et autres actes sacrés dont l’origine remonte à la prédication chrétienne elle-même et qui ont toujours été entourés de respect et considérés comme inviolables même par les anciens papes orthodoxes, qui possédaient alors tout en commun avec nous. Combien, par contre, il serait salutaire et digne de rectifier les innovations dont l’époque d’apparition nous est parfaitement connue et contre lesquelles nos Pères de sainte mé-moire s’étaient, en temps voulu, élevés. D’autres raisons font également que Sa Sainteté pourrait sans peine réaliser de telles réformes. Tout d’abord tous nos dogmes, canons, etc., étaient jadis vénérés aussi par les Occidentaux qui possédaient les mêmes pratiques religieuses et confessaient le même Symbole. Alors que les innovations étaient inconnues de nos Pères, ne peuvent être attestées par des écrits, même des Pères orthodoxes d’Occident, et ne trouvent justification ni quant à leur ancienneté, ni à leur universalité. Ensuite, ni les patriarches, ni les Conciles n’ont jamais pu introduire quelque innovation que ce soit car, chez nous, le gardien de la foi {uperaspistis tis thriskias) est le corps de l’Eglise, c’est-à-dire le peuple lui-même, qui vient préserver sa foi immuable et conforme à celle de ses Pères, comme ont pu s’en convaincre de nombreux papes et patriarches latinisants qui, depuis la séparation n’ont jamais réussi à mener à bien leurs tentatives. Tandis que dans l’Église d’Occident les papes ont à diverses époques, parfois sans peine, parfois en usant de violence, canonisé de nombreuses innovations par souci d’arrangement {dia iconomian), comme ils le disaient à nos Pères pour se justifier, alors qu’en réalité ils créaient des troubles dans le corps du Christ ; de même, et cette fois effectivement par « souci d’arrangement », le pape pourrait raccommoder non seulement « les mailles », mais la tunique déchirée du Sauveur et rétablir les vénérables pratiques religieuses anciennes, seules « susceptibles de préserver la piété », comme le dit Sa Sainteté (p. 11, 1.16) et pour lesquelles il prétend (ibid. 1.14) avoir de la vénération au même titre que ses prédécesseurs en rappelant les paroles mémorables de l’un d’eux (Célestin, lors du IIIèmee Concile Œcuménique) : « Que l’innovarion cesse de s’élever contre l’antiquité » {Desinat novitas incessere vetustatem). Que l’infaillibilité des papes, que l’on ne cesse de confesser, serve, ne serait-ce qu’en cela, l’Église catholique ! Un pape aussi grand par la sagesse, la piété et le zèle pour l’unité chrétienne dans l’Église universelle que l’est Pie IX selon ses propres paroles peut, il est vrai, rencontrer dans une telle entreprise d’innombrables obstacles et difficultés venant de toutes parts. Mais sur ce point nous devons attirer l’attention de Sa Sainteté, qu’elle nous pardonne cette audace, sur ce passage de sa Lettre : « Dans tout ce qui regarde la confession de la sainte religion, il n’est pas de mal que l’on ne doive supporter pour la gloire de Jésus-Christ et en vue de la rémunération de la vie éternelle » (p. 8, 1.32). Il est donc du devoir de Sa Sainteté de prouver devant Dieu et les hommes que, prenant l’initiarive d’une entreprise agréable à Dieu, il est aussi un défenseur zélé des vérités persécutées de l’Evangile et des saints Conciles et qu’il est prêt à faire le sacrifice de ses propres intérêts afin d’apparaître, conformément aux paroles du prophète Isaïe : « Souverain dans la paix, et pontife dans la justice ». Qu’il en soit ainsi ! Mais en attendant ce retour si souhaité des Églises détachées du Corps de l’Église Une, Sainte, Catholique et Apostolique dont « Jésus-Christ est la tête » (Eph. IV, 15) et chacun de nous « les membres », toute tentative ou exhortation de leur part tendant à altérer la foi irrépréhensible qui nous vient de nos Pères doit être tenue par nous non seulement pour suspecte et dangereuse, mais encore comme impie et funeste pour l’âme et être à ce titre justement condamnée en Concile. La lettre encyclique Aux Orientaux de l’évêque de Rome Pie IX tombe sous le coup d’une pareille condamnation et nous la proclamons telle dans l’Église catholique !
Article 18
C’est pourquoi, frères très-chers et coopérateurs de notre humilité, à l’occasion de la publication de ladite Lettre encyclique et suite à notre décision patriarcale et conciliaire, nous pensons présentement et plus que jamais qu’il est de notre devoir absolu de veiller à ce qu’aucun ne se perde hors de l’enceinte sacrée de’l’Église orthodoxe catholique, notre très-sainte Mère à tous, et de rappeler quotidiennement à notre propre souvenir et de vous demander de méditer les paroles et les exhortations de saint Paul à nos prédécesseurs réunis à Éphèse : Prenez donc garde à vous-mêmes, et à tout le troupeau sur lequel le Saint-Esprit vous a établis évêques, pour paître l’Église du Seigneur, qu’il s’est acquise par Son propre Sang. Je sais qu’il s’introduira parmi vous, après mon départ, des loups cruels qui n’épargneront pas le troupeau, et qu’il s’élèvera du milieu de vous des hommes qui enseigneront des choses pernicieuses pour entraîner des disciples après eux. C’est pourquoi, veillez. (Actes XX, 28-31). Ayant entendu ces admonitions divines, nos Pères versèrent des larmes abondantes et, se jetant au cou de Paul, l’embrassèrent. De même devons-nous faire ; écoutons son enseignement et jetons-nous par la pensée à son cou et, les larmes aux yeux, consolons-le par notre ferme promesse que jamais personne ne parviendra à nous séparer de l’amour de Jésus-Christ ; jamais personne ne nous détournera de la doctrine évangélique ; jamais personne ne parviendra à nous écarter loin de la ligne tracée par nos Pères, de même que nul n’a jamais pu les séduire, eux, malgré tous les efforts déployés, à diverses époques, par des hommes mus par le tentateur. Afin que, ayant atteint l’objectif de notre foi, c’est-à-dire le salut de nos âmes et du troupeau sprirituel dont l’Esprit Saint nous a établis pasteurs, nous puissions entendre le Seigneur nous dire : C’est bien, bon et fidèle serviteur !
Article 19
Par votre intermédiaire nous transmettons cette exhortation apostolique à toute la société orthodoxe des croyants, où qu’ils se trouvent dans l’univers : aux prêtres, hiéromoines, hiérodiacres, moines, – en un mot à tout le clergé et le peu-ple fidèle ; aux gouvernants et aux gouvernés, aux riches et aux pauvres, aux parents et aux enfants, à ceux qui sont instruits et à ceux qui ne le sont pas, aux maîtres et aux serviteurs afin que, nous renforçant mutuellement, nous puissions résister aux machinations du diable. Car c’est ce que nous enseigne à tous le saint apôtre Pierre : Soyez sobres, veillez car votre ennemi le diable, comme un lion rugissant, rôde, cherchant qui dévorer. Résistez-lui en vous affermissant dans la foi (1 Pierre, 5 :8-9).
Article 20
Notre foi, frères, ne nous vient pas des hommes ni d’un homme, mais de la révélation de Jésus-Christ proclamée par les divins apôtres, affermie par les saints Conciles Œcuméniques et transmise successivement par les grands et les sages docteurs de l’Univers et scellée par le sang des saines martyrs ! Tenons-nous en, dans toute sa pureté, à la confession que nous avons reçue d’une telle multitude et repoussons toute innovation comme une suggestion diabolique, car celui qui ad-met un nouvel enseignement considère comme imparfaite la foi orthodoxe qui lui est donnée. Étant déjà pleinement révélée et scellée, cette foi n’est plus susceptible de soustraction, d’addition ou de quelque altération et quiconque ose exécuter, conseiller ou méditer un pareil acte a déjà renié la foi de Jésus-Christ et s’est déjà de lui-même mis sous le coup de l’anathème éternel comme blasphémateur du Saint-Esprit, supposant que Celui-ci a, de manière imparfaite, parlé dans les Écritures et lors des Conciles Œcuméniques. Cet anathème terrible, frères et fils très-aimés en Jésus-Christ, ce n’est pas nous qui le prononçons aujourd’hui, noire Sauveur l’a prononcé le premier (Mat. 12 :32) : Quiconque parlera contre le Saint-Esprit, il ne lui sera pardonné ni dans ce siècle ni dans le siècle à venir. Le divin apôtre Paul dit (Gai. 1, 6-8) : Je m’étonne que vous vous détourniez si promptement de celui qui vous a appelé par la grâce de Jésus-Christ pour passer à un autre évangile. Non pas qu’il y ait un autre évangile, mais il y a des gens qui vous troublent et qui veulent renverser l’évangile de Jésus-Christ. Mais, quand nous-mêmes, quand un ange du ciel annoncerait un autre évangile que celui que nous vous avons prêché, qu’il soit anathème ! Les sept Conciles Œcuméniques, ainsi que la cohorte des Pères Théophores proclamèrent la même chose. Ainsi donc, tous les novateurs, qu’ils soient papes, patriarches, clercs ou fidèles qui inventent une hérésie ou un schisme, se revêtent volontairement, selon le psalmiste (PS. 108 :18) de la malédiction comme d’un vêtement . Même si c’est un ange descendu du ciel, qu’il soit anathème s’il vous annonce un autre évangile que celui que vous avez reçu. Ainsi pensaient nos Pères en pensant aux paroles salutaires de Paul ; c’est pourquoi ils sont restés fermes et inébranlables dans la foi qui leur a été transmise par succession, ils l’ont préservée immuable et pure au milieu de tant d’hérésies et nous l’ont transmise intacte et inaltérée comme elle était sortie de la bouche des premiers serviteurs du Verbe. Pensant de la même façon qu’eux, nous la transmettrons telle que nous l’avons reçue, sans altération, afin que les générations à venir puissent elles aussi parler sans honte ni reproche de la foi de leurs ancêtres.
Article 21
Ainsi, frères et fils bien-aimés en Jésus-Christ, ayant purifié nos âmes en obéissant à la vérité (I Pierre, î, 22) nous nous attacherons aux choses que nous avons entendues, de peur que nous ne soyons emportés loin d’elles (Héb. 2 :1). La foi que nous confessons est irrépréhensible ! Elle est enseignée dans les Évangiles par la bouche même de notre Seigneur, attestée par les saints Apôtres et les sept saints Conciles Œcuméniques, proclamée dans tout l’univers, attestée même par ses ennemis qui, avant de se détacher de l’Orthodoxie pour sombrer dans les hérésies l’ont confessée, soit directement, soit par leurs pères et leurs ancêtres. L’Histoire témoigne que cette même foi a toujours vaincu les hérésies qui de tout temps l’ont attaquée et, comme vous pouvez le constater, continuent à le faire jusqu’à nos jours. Nos prédécesseurs, les saints et divins Pères qui se sont succédés depuis les apôtres et ceux que les apôtres ont établis pour leur suc-céder jusqu’à ce jour forment une chaîne indissoluble et constituent une enceinte sacrée, dont Jésus-Christ est la porte, à l’intérieur de laquelle tout le troupeau orthodoxe paît dans les pâturages fertiles de l’Éden mystique et non, comme l’affîrme Sa Sainteté (p. 7,1.12) « sur des sentiers tordus et sans issue ». Notre Église garde intacts et inaltérés les textes de l’Écriture Sainte, l’Ancien Testament dans une traduction précise et fidèle, quant au Nouveau, nous disposons du texte original ; les rites de célébration des saints Mystères, tout spécialement de la divine Liturgie, sont ceux-là mêmes, lumineux et émouvants, qui nous furent transmis par les apôtres. Aucun autre peuple, aucune autre communauté chrétienne ne peut s’enorgueillir de posséder Jacques, Basile et Chrysostome ; les sept Conciles Œcuméniques, ces sept colonnes de la maison de la Sagesse, furent convoqués chez nous et notre Église garde les originaux de leurs saints décrets. Ses pasteurs, prêtres et moines conservent l’antique et irréprochable gravité des premiers siècles du christianisme dans le respect des dignités, le mode de vie et jusque dans la simplicité des vêtements. Oui, en vérité, dans cette sainte enceinte qu’est l’Église des loups ravissants faisaient sans cesse, et continuent à faire, des irruptions selon la prédiction de l’apôtre, ce qui prouve bien qu’elle est ce bercail où sont rassemblées les vraies brebis du Pasteur Suprême. Mais elle a toujours chanté et continuera à chanter ce cantique : Ils m’ont environné et enserré, mais au nom du Seigneur, je les ai repoussé (Ps. 117 :11). Rappelons encore une circonstance qui, quoique pénible, nous permettra d éclairer et de confirmer la vérité de notre propos. Tous les peuples chrétiens qui aujourd’hui confessent une foi au nom de Jésus-Christ, y compris l’Occident et Rome elle même, ainsi que nous le constatons en lisant la liste des premiers papes, ont tous été instruits dans la vraie foi de Jésus-Chrisc par nos saints Pères ec prédécesseurs. Mais par la suite, hélas, des hommes perfides parmi lesquels de nombreux prêtres et évêques ont osé, par des raisonnements pitoyables et des opinions hérétiques, souiller l’Orthodoxie de ces peuples ainsi que l’apôtre Paul l’avait prédit et que l’Histoire véridique l’enseigne.
Article 22
Soyons donc conscients, frères et fils spirituels, combien est grande la grâce accordée par Dieu à notre foi ainsi qu’à son Église, Une, Sainte, Catholique et Apostolique qui, telle une mère fidèle à son époux, nous élève afin que sans honte ni reproche nous puissions donner une réponse convenable de l’espérance qui est en nous (I Pierre, III, 15). Mais que rendrons-nous donc, nous, pécheurs, au Seigneur pour tout ce qu’il nous a donné ? Intarissable de bienfaits, notre Sei-gneur et Dieu, qui nous a racheté par son propre Sang, n’exige rien de nous, sauf un attachement de tout notre cœur et de tout notre esprit à l’irrépréhensible foi de nos Pères, un dévouement et un amour pour l’Église orthodoxe qui a nous régé-nérés non par une aspersion nouvellement inventée, mais par la divine immersion du baptême apostolique et qui nous nourrit, selon le testament éternel de notre Seigneur, de Son propre Corps précieux et qui étanche notre soif abondamment, comme une mère véritable, de Son Sang précieux versé pour notre salut et celui de l’univers entier. Embrassons-la donc en esprit, (comme des petits oiseaux leur mère), où que nous nous trouvions, au Nord, au Sud, en Orient ou en Occident ; fixons nos regards et nos pensées sur sa face divine et resplendissante et sur sa bonté ; agrippons-nous des deux mains à la tunique lumineuse dont son Époux, resplendissant de bonté , l’a revêtue de ses mains très pures lorsqu’il la délivra de l’esclavage du péché et en fît sa Fiancée pour l’éternité. Ressentons dans nos âmes le douloureux sentiment d’amour mutuel d’une mère pour ses enfants alors que des rapaces insolents et mal intentionnés s’ingénient soit à l’entrainer en es-clavage, soit à lui arracher ses enfants des bras. Fortifions en nous ce sentiment, clercs et laïques, principalement lorsque l’ennemi spirituel de notre salut, présen-tant des facilités trompeuses (p. 11, 1. 2-25) met en œuvre tous fes moyens en son pouvoir et erre de tout côté cherchant une proie à dévorer, selon les paroles de saint Pierre, et spécialement à présent qu’il se trouve sur la voie où nous mar-chons paisibles et sans haine, et qu’il étend ses filets perfides.
Article 23
Que le Dieu de paix qui a ramené d’emre les morts le grand pasteur des bre-bis (Hebr. 13 :20) qui ne sommeille pas et ne s’endormira pas en gardant Israël garde vos cœurs et vos pensées et dirige vos pas vers toute action bonne. Demeu-rez en santé et réjouissez-vous dans le Seigneur !
Le sixième jour du mois de mai de l’an 1848.
Ont apposé leur signature :
ANTHIME, par la grâce de Dieu archevêque de Constantinople, nouvelle Rome, et patriarche œcuménique, votre frère bien-aimé en Christ
HIÉROTHÉE, par la grâce de Dieu patriarche d’Alexandrie et de toute l’Égypte, votre frère bien-aimé en Christ et qui prie Dieu pour vous.
MÉTHODE, par la grâce de Dieu patriarche de la Théopolis d’Antioche et de tout l’Orient, votre frère bien-aimé en Christ et qui prie Dieu pour vous.
CYRILLE, par la grâce de Dieu patriarche de Jérusalem et de toute la Pales-tine, votre frère bien-aimé en Christ et qui prie Dieu pour vous.
LE TRÈS-SAINT SYNODE DE CONSTANTINOPLE
L’évêque de Césarée PAISSIOS
L’évêque d’Ephèse ANTHIME
L’évêque d’Héraclée DENYS
L’évêque de Cysique JOACHIM
L’évêque de Nicomédie DENYS
L’évêque de Chalcédoine HIÉROTHÉE
L’évêque de Derca NÉOPHYTE
L’évêque d’Adrianopolis GUÉRASSIME
L’évêque de Néo-Césarée CYRILLE
L’évêque de Bérrhoé THÉOCLITE
L’évêque de Pisidie MÉLÈCE
L’évêque de Smyrne ATHANASE
L’évêque de Mélénique DENYS
L’évêque de Sofia PAISSIOS
L’évêque de Lemnos DANIEL
L’évêque d’Andrinople PANTÉLÉIMON
L’évêque d’Erséquie JOSEPH
L’évêque de Vodène ANTHIME
LE TRÈS-SAINT SYNODE D »ANTIOCHE
L’évêque d’Arcadie ZACHARIE
L’évêque d’Emèse MÉTHODE
L’évêque de Tripoli JOANNIQUE
L’évêque de Laodicée ARTÈME
LE TRÈS-SAINT SYNODE DE JÉRUSALEM
L’évêque de Pétra MÉLÈCE
L’évêque de Bethléem DENYS
L’évêque de Gaza PHILÉMON
L’évêque de Naplouse SAMUEL
L’évêque de Sébaste THADDÉE
L’évêque de Philadelphie JOANNIQUE
L’évêque du Mont Thabor HIÉROTHÉE
(Traduction Germain Ivanoff-Trinadtzaty)