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NIL CABASILAS, ARCHEVEQUE DE THESSALONIQUE

SUR LA PROCESSION DU SAINT-ESPRIT

 

 

Traduit du grec par hiéromoine Théophile Kislas

 

 

 

PREMIER DISCOURS CONTRE LA CONCLUSION DES LATINS

Principes méthodologiques.

  1. Et voilà ce que l’Église latine défend comme étant son opinion elle utilise les prémisses ci-dessus et elle en tire la conclusion que le Fils aussi est la cause du Saint-Esprit. Quand les prémisses ne sont pas saines, cela n’entraîne pas que la conclusion soit un mensonge, car quel­quefois on saisit la vérité même quand les prémisses ne contiennent pas la vérité. Par contre, quand la conclusion n’est pas saine, cela entraîne de toute nécessité que les deux ou que l’une des prémisses s’accompagne de mensonge. Il faut donc d’abord dire que la conclusion elle-même est totalement contraire à la théologie ancienne des Pères. Après avoir mon­tré cela, nous essayerons de prouver que ce que les Latins ont déjà dit n’est pas exempt de mensonge. Ensuite, avec l’aide de Dieu et par un examen minutieux [1], avec patience, nous allons prouver que de telles paroles sont fausses et qu’il n’y avait aucune nécessité préalable pour pousser les Latins à la conclusion mentionnée.
  2. Basile : l’Esprit n’est pas issu du Fils.
    Basile le Grand, dans son quatrième livre contre Eunome, dit : «Dieu engendre mais pas comme un homme ; il engendre véritablement et celui qui a été engendré à partir de lui manifeste un verbe non-humain, mais il manifeste un Verbe véritable issu de lui ; il souffle l’Esprit [2] par sa bouche, non pas comme l’être humain ; parce que la bouche de Dieu n’est pas corporelle ; mais l’Esprit est issu de lui et pas d’ailleurs. Dieu travaille avec des mains non corporelles. Il travaille et il façonne les créatures non pas à partir de lui-même, mais opérativement, comme celui qui travaille de ses mains ne produit pas l’œuvre à partir de lui- même [3]». Mais le fait de ne pas être issu d’ailleurs, le grand Basile ou bien l’a inutilement proféré, ou bien l’a défini comme relatif au Verbe ou aux créatures. Mais il ne l’aurait pas proféré inutilement, car ce n’est pas dans ses habitudes, et il ne construit pas non plus son discours en le rapportant aux créatures : comment est-il permis, si l’on a du bon sens, de penser de pareilles choses ? Il reste donc à comprendre simplement la parole comme visant le Fils et rien d’autre. Par exemple, quand quelqu’un dit de Pierre «qu’il est issu de Jonas et non d’ailleurs», il réfè­re nécessairement l’expression non d’ailleurs au fait qu’il s’agit d’une parenté ; par conséquent, il entend comme sa cause Jonas et personne d’autre parmi les hommes. Il ne fait pas appel au cheval, ni au bœuf, ni au chien. Une telle manière de penser serait ridicule. Et en plus, un rai­sonnement pareil serait contraire à l’usage commun de la raison, car per­sonne ne ferait appel à de telles choses. En outre, si quelqu’un disait pour un cheval ou l’un des animaux que «ce cheval-ci provient de ce cheval-là et non d’ailleurs», nous devrions certainement comprendre qu’il ne provient pas d’un autre cheval, car il ne provient bien sûr pas d’un lion, d’un aigle ou d’un olivier. Et cela est un raisonnement com­mun à tous les hommes. De la même manière, l’affirmation théologique qui dit que «l’Esprit est issu de Dieu», signifie qu’il est issu du Père et pas d’ailleurs ; il ne faut donc pas rapporter l’expression non d’ailleurs aux créatures, car ceci est complètement absurde et contraire à la logique des cas semblables ; il faudra nécessairement élever la pensée vers ce qui est de la même nature comme au sujet des autres cas. Il en va ainsi : [celui qui est de la même nature] c’est le Fils et rien d’autre. Car celui qui s’occupe de théologie pourrait éventuellement se demander si jamais le Fils n’est pas aussi la cause de l’Esprit.

 

  1. [Objection :] Et s’ils répondaient qu‘au contraire ceux qui combat­taient le Saint-Esprit, le considéraient comme une créature, et que c’était là la signification de la parole du divin Basile, [Solution :] l’argu­ment serait sans valeur. Car même s’ils croyaient que l’Esprit était une créature, il serait tellement plus parfait que les autres créatures qu’on ne pourrait pas faire de comparaison. Car pour l’un (l’Esprit), ils permet­taient de sonder jusqu’aux profondeurs de Dieu, et pour les autres (créa­tures) ils ne permettaient même pas de s’en approcher. Ensuite, même pour les pires des créatures, ils ne professaient pas qu’elles proviennent les unes des autres, mais que tout provient de Dieu. Qui donc, disant que tout provient de Dieu, pourrait croire que le Saint-Esprit tire son existen­ce de la terre ou du vent ou du feu ? Par conséquent le divin Basile, voyant ceci, a professé que «l’Esprit provient de Dieu et pas d’ailleurs». Si l’on voulait donc interpréter ses paroles comme si elles se référaient aux créatures, on s’opposerait à l’usage commun de la raison et au sens commun des hommes aussi bien qu’à la doctrine des hérétiques sur le Saint-Esprit. Pourtant, si quelqu’un ne considère pas son intellect comme digne de s’adapter à l’usage commun de la raison et s il objecte nue le pas d’ailleurs doit être attribué aux créatures, qu’il sache claire­ment ceci ‘ le pas d’ailleurs est un attribut commun et apophatique qui inclut tout ce qui entoure Dieu le Père, soit que l’on parle du Fils soit nue l’on parle des créatures. Par conséquent, quand on pose d’une manière générale l’expression non d’ailleurs, elle exclut les créatures comme cause de l’Esprit, tout comme le Fils. Si donc la profession doc­trinale est celle-ci, comment pourrait-on justifier l’opinion que le Saint- Esprit provient du Fils ?

 

  1. [Objection :] Et si quelqu’un disait qu’il faut comprendre que la phrase «il provient de lui» concerne la bouche [Solution :] je ne sais pas ce qu’il pense en disant ceci ou comment il interprétera le pas d’ailleurs. Il ne pourra pas s’en sortir. Car il ne pourra pas répondre de la bouche et pas d’ailleurs, c’est-à-dire des oreilles ou des yeux. Il n’est pas donc permis d’inventer cela, même si leurs paroles entraînent de toute néces­sité ce genre de choses. S’il faut comprendre la phrase il provient de quelqu’un comme d’une cause, de même l’expression d’ailleurs qui en est le contraire doit nécessairement suivre la même logique. Par contre, si l’on comprend de quelqu’un non pas comme d’une cause mais comme d’un lieu – car c’est cela qu’ils répondent directement, ceux qui prétendent que la phrase il provient de lui se réfère à la bouche – il s’ensuit que le pas d’ailleurs indique et le lieu et un autre membre, peut- être les oreilles ou les mains ou les paupières ! Celui qui parle en vue de la vérité ne se permet pas de penser cela.

 

  1. Par ailleurs, les doctrines théologiques s’opposent à ceux qui inter­prètent faussement et contre l’esprit du théologien [4] [Basile] l’expression issu de lui comme signifiant le lieu. Car son but était clair : montrer que Dieu le Père est la cause du Fils, la cause de l’Esprit, la cause des créa­tures. Et sur ce sujet la différence n’est pas insignifiante ; il ne semble pas omettre que le Père est la cause du Fils et de l’Esprit par nature et la cause de la création par opération. De la même manière qu’il avait dit du Fils, «l’engendré issu de lui», il dit de nouveau : «il manifeste un Verbe véritable issu de lui». Aussi pour les créatures suit-il le même ordre quand il dit que Dieu opère et quand il ajoute qu’«il opère mais pas à partir de lui», et encore que «l’œuvre qu’il émet n’est pas issue de lui». Et à plusieurs reprises il fait appel au Père, pour accomplir ainsi ce qui manque et éclairer le sommet de la doctrine. Il parle de la même manière pour l’Esprit. Il dit qu’il «envoie l’Esprit par sa bouche», c’est-à-dire le Père, «non pas comme l’être humain [le souffle] ; parce que la bouche de Dieu n’est pas corporelle» ; et il ajoute dans le même ordre harmonique : «le souffle (l’Esprit) provient de lui et pas d’ailleurs», c’est-à-dire [qu’il provient] du Père. Ici, il utilise directement les mêmes principes qu’il avait utilisés pour le Fils et partout il attribue le «issu de» au Père, car il accorde manifestement à lui seul d’être la cause.La théologie de l’unité et de la distinction en Dieu.6. Ensuite, parmi les noms divins on distingue ceux qui se réfèrent à l’essence et ceux qui se réfèrent à la personne. Lorsqu’on parle des noms qui se réfèrent à l’essence, on entend ceux qui sont communs aux hypostases théarchiques et singuliers à la Trinité, comme les attributs d’un seul Dieu, par exemple Dieu, roi, créateur, bon et toutes les propriétés divines qui s’appliquent à la nature divine et pure. Par contre, par noms personnels on entend tous ceux qui ne sont pas ainsi, mais se réfèrent d’une façon propre à une personne, ou qu’on peut apercevoir en deux ou en trois et qui ne s’expriment jamais au singulier mais au pluriel. Comme par exemple le fait d’être inengendré, d’engendrer, d’être engendré et de procéder et d’être causé, et la vie, la lumière, la bonté, la gloire, le fait d’être incréé, la sainteté, la perfection, l infinité. Parmi ces appellations, les unes [l’inengendré, le fait d’engendrer, être engen­dré procéder] conviennent à une seule personne, tandis que le fait d’être causé convient à deux, le Fils et le Saint-Esprit, que l’on ne professe pas comme un seul causé mais comme deux. De la même manière, quand on rapporte «la vie» et «la lumière » et «le bon» et «la sainteté» et les autres, non à l’essence mais aux hypostases, on parle de la Trinité comme de trois vies, et réalités incréées, et lumières, et réalités bonnes et saintes ainsi que de trois gloires.

 

  1. Saint Jean Damascène, dans le quatorzième chapitre de ses Écrits théologiques, témoigne clairement que cette doctrine est vraie en ce qui concerne ce qui se rapporte essentiellement à Dieu. Là, comme d’ailleurs le titre [5] le fait connaître, il a l’intention d’énumérer les propriétés de la nature divine. De plus, dans le centième chapitre du même ouvrage il s’exprime ainsi : «L’ageneton” et le “geneton” écrits avec un n sont des propriétés de la nature qui indiquent l’incréé et le créé. L’ “agenneton” et le “genneton” avec deux “nn” sont des propriétés non pas de la nature mais de l’hypostase, c’est-à-dire le fait d’être engendré et le fait de ne pas être engendré.» Et encore : « “inengedré” convient au Père, car il n’a pas été engendré ; “engendré” convient au Fils, car il est engendré par le Père éternellement ; “effet de procession” convient au Saint-Esprit.» Et de nouveau : «Par conséquent on connaît que “le fait d’être engendré” n’est pas une propriété de la nature mais de l’hypostase.Car si c’était une propriété de la nature on ne pourrait pas considé­rer dans la même nature “l’engendré” et “l’inengendré”. Les Latins aussi sont de la même opinion. On voit qu’eux aussi distinguent les noms divins en deux sortes, ceux qui concernent la nature et ceux qui concernent les personnes. Cela est manifeste en ce que le premier repré­sentant de leur théologie expose. Thomas [d’Aquin], dans le deuxième livre, Sur le nom de l’image et du don, cherche s’ils sont personnels [6], et aussi dans les chapitres du même traité si même le nom «Dieu», qui concerne l’essence, peut être exprimé au pluriel pour les trois Personnes [7].8. Les théologiens en plusieurs endroits s’accordent à dire que le fait d’être causé est commun au Fils et à l’Esprit. Le divin Grégoire l’a clai­rement montré à Héron le philosophe en disant : «En effet Père, Fils et Saint-Esprit ont en commun le fait de n’être pas venus à l’existence, et la nature divine. Fils et Saint-Esprit ont en commun de tirer leur origine du Père. [8]» Sur la vie, la lumière, la bonté et l’infinité et les choses semblables qui peuvent être formulées au pluriel, le même Grégoire dans le deuxième de ses Discours iréniques, loue la nature divine et en parle comme étant «dépourvue de quantité et de durée déterminée, incréée et non limitée, jamais inférieure à elle-même ni dans le présent ni dans le futur ; elle est plusieurs vies et une vie, plusieurs lumières et une lumiè­re, plusieurs biens et un bien, une gloire et plusieurs gloires, véritable et vérité et esprit de la vérité, plusieurs êtres saints et la sainteté en soi. [9]» Et ailleurs il parle de la Trinité comme «cohésion infinie des trois réali­tés infinies [10]» et de nouveau dans le deuxième de ses Discours iréniques il dit : «Trinité parfaite issue de trois réalités parfaites. [11]»

 

La cause : attribut de la Personne et non de la nature.

  1. Étant donné tout cela, le fait d’émettre et celui d’être causé dans le domaine de la Théologie ne conviennent pas à chacune des trois per­sonnes, et ne sont pas attribués comme des noms qui conviennent aux trois personnes comme à une seule ; ils se référeraient donc dans tous les cas à ce qui est de la personne et pas à ce qui est de la nature ou de l’essence. De plus, les Latins, aussi [avec nous], distinguent le Père et l’Esprit Saint par le fait d’émettre et d’être émis. Ils distinguent les personnes divines par le fait d’être causé et le fait d’être issu de et c’est la seule dis­tinction qu’ils connaissent convenant à la théologie. Il est donc évident que les attributs qu’ils utilisent pour distinguer les personnes divines entre elles se réfèrent à ce qui est personne. De plus, Thomas dans le … dit : «le Saint Esprit provient du Père et du Fils dans la mesure où ils sont des personnes qui ont été distinguées ; mais pas comme la création, puisque le Père et le Fils sont un par essen­ce. [12]» Par conséquent, il connaît lui aussi le fait d’émettre et également celui d’être causé comme attributs personnels et en aucun cas comme [attributs] essentiels. Ensuite, il n’y a aucun attribut personnel qui ait un rapport avec un attribut essentiel, c’est-à-dire qui ait une relation [avec lui] ; au contraire il s’oppose au semblable, selon un rapport de relation, comme par exemple le fait d’être engendré par rapport au fait d’engendrer. Le fait d’être émis est une propriété personnelle ; s’il n’en était pas ainsi, l’effet de procession ne serait pas non plus une propriété de l’Esprit ; par consé­quent le fait d’émettre est nécessairement tel ; car c’est avec cela que le fait de procéder est en rapport.

 

Deux principes du Saint-Esprit ?

  1. Le fait de causer est personnel car il n’appartient pas aux trois. S’il appartient à une personne, au Père seul, il n’est pas nécessaire qu’il appartienne au Saint-Esprit ou à une personne ou à deux. Voilà ce qu’on cherche. On ne peut pas l’accorder non plus au Fils seul, lorsqu’on entend le Père qui dit au Fils «de (mon) sein avant l’aurore je t’ai engendré [13]», et le Fils [qui dit :] «l’Esprit de vérité qui procède du Père [14]». Nous avons déjà montré qu’aucun attribut personnel qui peut s’aperce­voir en deux ou en trois personnes n’a une formule au singulier mais [qu’elle est] au pluriel. Par conséquent, si la cause n’appartenait pas à une seule personne mais au Père et au Fils, ils ne pourraient pas être considérés comme une seule cause de l’Esprit. Le nombre des causes est égal au nombre des personnes. S’il existe deux personnes, le nombre de causes, par conséquent, est équivalent. Cette conclusion, même les Latins ne pourraient pas la supporter. Pour éclaircir ce qui a été dit, voici un exemple : ce qui est causé existe en deux personnes ; par conséquent il nous fait entendre deux réalités causées. C’est la doctrine commune à notre Église et à l’Église latine. De la même manière, lorsqu’on attribue le fait d’être causé au Père et au Fils, cela indique deux causes de l’Esprit : le Père et le Fils. Et si l’on admet deux causes, on entend aussi deux principes. Pourtant, je ne connais aucun chrétien qui pourrait supporter de tolérer deux principes de l’Esprit.

 

Réponses aux objections.

  1. [Objection :] Et s’ils répondent pour se justifier qu’il existe néces­sairement deux réalités causées car ce qui est causé s \applique différem­ment au Fils et à l’Esprit, mais au contraire dans le cas de la cause ce n’est pas pareil, parce que le Fils est aussi émetteur comme le Père ? [Solution :] L’argument n’est pas contraignant ; on dirait plutôt qu’il est faux. Il a été déjà montré que le fait d’être causé est commun au Fils et à l’Esprit. S’il est commun, il n’est pas différent ; par conséquent ils ne se différencient pas en tant que réalités causées. Mais ce sont de cette maniè­re-là des réalités causées, l’une comme engendrée, l’autre comme émise. On pourrait trouver le même ordre sauvegardé dans d’autres exemples. L’homme et le cheval sont appelés animaux ; et en vérité ces animaux entre eux ne se différencient pas car pour les deux la raison essentielle de l’animal reste identique. La différence est que l’un est un animal doué de raison et le cheval un animal sans raison. Revenons à notre sujet. Par conséquent, en se fondant aussi sur la doctrine des théologiens, la com­munion selon le fait d’être causé, peu importe sa définition, appartient aux deux personnes. La différence est pour l’une le fait d’être causée en étant engendrée comme Fils, et pour l’autre le fait d’être causée en procédant.
  2. Ensuite, que pourraient-ils répondre sur le bon, l’incréé, la lu­mière et les autres choses, pour lesquelles on ne peut pas établir de diffé­rence et qui pourtant, lorsqu’on parle des trois personnes ensemble, sont exprimées non au singulier mais au pluriel, justement parce qu’elles sont rapportées aux personnes ?

 

  1. Il est absurde de considérer que la communion selon le fait d’être causé est seulement nominale ; car une communion pareille convient plutôt aux grammairiens et aux habiles qu’à ceux qui s’occupent de théologie. Par conséquent, soit le fait d’être causé s’applique seulement au Père et on n’a rien à contredire, soit on attribue la dénomination aussi au Fils et on n’est pas délivré des absurdités qui naissent.

 

  1. [Objection :] Et s’ils répondent de nouveau que le Fils est la cause de l’Esprit, puisqu’il l’a obtenue auprès du Père, comme d’ailleurs son propre être et que c’est ainsi que, grâce au rapport (du Fils) avec le Père, la cause reste une [15], l’argument est absurde. [Solution :] Car ce type d’argumentation n’a pas sa place en ce qui concerne les personnes. Ainsi Par exemple l’hypostase du Fils tire son existence de l’hypostase du Père, mais personne qui veut rester dans la foi orthodoxe ne dira qu’il n’у a qu’une hypostase du Père et du Fils, grâce au rapport (du Fils) avec le Père ou de n’importe quelle autre façon.

 

 

  1. [Objection :] Et s’ils disent : en tant que vous dites trois réalités incréées et trois réalités bonnes, vous introduisez également trois principes, puisque l’incréé, le bon et le principe sont identiques, l’argument n’est pas valable. [Solution :] Car s’ils étaient identiques, les théologiens d’un côté ne penseraient pas qu’eux-mêmes raisonnent sainement tout en ajoutant foi aux autres, et d’un autre côté rejetteraient les fables des grecs. Tout d’abord, ils ont bien dit pour Dieu trois réalités incréés et autant de biens et de vies ; mais ils ne supportaient guère de parler de trois principes ou causes ou Dieux. Par conséquent, si nous voulons mener sainement le discours à son terme, nous croyons que parler de trois principes ou de trois réalités incréées ne revient pas au même, mais que cela est différent.

 

Deux émetteurs du Saint-Esprit signifient deux principes.

  1. De plus, Thomas, là où il parle du Saint-Esprit, dans son deuxiè­me livre, chapitre quatrième, dit : «on peut dire qu’il existe deux émet­teurs, le Père et le Fils, en raison du nombre des sujets. Il n’y a pas deux personnes qui émettent puisqu’il n’y a qu’une seule procession. [16]» O mon très cher, si le Père et le Fils, d’une certaine manière, étaient un émetteur unique de l’Esprit, il serait nécessaire d’avoir un principe unique pour l’Esprit ; de la même manière, donc, quand on a deux émetteurs, le Père et le Fils, on a aussi de toute nécessité deux principes. Car si un émet­teur, le Père ou le Fils seul, est un principe, comment les deux émetteurs, le Père et le Fils, ne sont-ils pas deux principes ?

 

Le danger du sabellianisme.

  1. [Objection :] Et s’ils répondent : parce qu’il existe en tous les deux une seule capacité d’émission, le Père et le Fils sont vraiment un seul principe, car unique est celui qui émet, l’argument est absurde [17]. [Solution :] Car ce n’est pas parce qu’il existe une seule capacité d’émis­sion, le Père et le Fils, qu’il faut admettre un seul sujet. Car, si la capaci­té d’émission se réfère à la personne, comme d’ailleurs on l’a déjà mon­tré, d’après ce principe le Père et le Fils seraient un seul, liés d’une manière personnelle ; et cela est complètement sabellien. Car, de même que, en raison de l’identité des attributs qui s’appliquent selon l’essence au Père et au Fils, on reconnaît pieusement leur unique nature, de même, nécessairement il s’ensuivra l’unicité selon la personne, si le père et le Fils sont un par la capacité d’émission qui est de l’ordre de la personne.

 

 

Absurdités de la thèse thomiste.

  1. Comment ne serait-il pas absurde d’affirmer que le Père et le Fils tantôt sont deux émetteurs, à cause du nombre des sujets, et tantôt que les mêmes sont un, par la capacité d’émission ? Comment ne s’ensuit-il pas que les deux émetteurs, le Père et le Fils, ne sont pas deux qui émet­tent ? Il faut du moins rapporter les opérations aux sujets ; si donc les sujets sont deux, ceux qui émettent seront du même nombre.

 

Émetteur et celui qui émet dans la Trinité sont identiques.

  1. De plus, si l’on pouvait saisir l’hypostase, qui a en soi la capacité d’émission, à partir de l’émetteur, et à partir de celui qui émet non l’hypostase mais le fait d’émettre ceci, l’argument pourrait avoir une valeur. Mais en réalité il n’est pas non plus possible de saisir l’hypostase à partir de l’émetteur, selon la capacité d’émission qui opère. Le bien­heureux Jean (Damascène) dans son cinquante huitième chapitre des Écrits théologiques dit : «La nature a une capacité d’opérer, de laquelle l’opération provient ; l’opération est le mouvement actif et essentiel de la nature ; celui qui opère, c’est-à-dire l’hypostase, a à sa disposition l’opération. [18]» Si cela est vrai et si celui qui a à sa disposition l’opération est aussi celui qui émet, c’est-à-dire l’hypostase, pourquoi donc, d’une part par celui qui opère peut-on saisir l’hypostase qui a en sa disposition l’opération, et d’autre part par celui qui émet ne peut-on pas saisir l’hypostase qui a à sa disposition la capacité d’émission, mais seulement le fait d’émettre en soi ?

 

  1. De plus, celui-ci dit en termes précis que l’opération est totale­ment différente de celui qui opère. Par conséquent, le fait d’émettre, c’est-à-dire la capacité d’émission, est totalement différent de celui qui émet, c’est-à-dire l’hypostase qui opère selon la capacité d’émission. Et si à partir de celui qui émet comme également à partir de l’émetteur, on peut saisir l’hypostase et si, comme d’ailleurs Thomas le prétend, les émetteurs sont deux parce que les hypostases sont deux, il faut nécessai­rement admettre que sont aussi deux ceux qui émettent.

 

  1. De plus, dans les autres choses où on trouve une ressemblance, on Peut apercevoir une différence, comme par exemple entre le géomètre et celui qui fait de la géométrie, ou le copiste et celui qui copie. Et rien n’empêche le géomètre de ne pas faire de géométrie, d’avoir la capacité mais de ne pas l’exercer. Mais au sujet des personnes divines, comment ne serait-il pas totalement absurde de raisonner d’une telle manière ? Car Dieu, qui est émetteur éternel et par faculté, n’émet pas après avoir exer­cé son intelligence. En ce qui concerne ces réalités, si celui qui émet et l’émetteur sont la même chose et si on ne peut pas inventer une différen­ce entre eux, les émetteurs sont deux et deux sont aussi ceux qui émettent.

 

  1. De plus personne jamais n’a eu l’audace de considérer que le prin­cipe de l’Esprit est la capacité d’émission, ou que le principe du Fils est la capacité d’engendrement. Car c’est l’hypostase qu’on considère comme la cause de l’hypostase et non la capacité. Les Latins enseignent que le principe de l’Esprit est les deux hypostases, du Père et du Fils. Et si on est d’accord pour considérer la capacité d’émission comme cause de l’Esprit, ou la puissance d’engendrement comme (cause) du Fils, beaucoup d’absurdités vont suivre, et avec un tel raisonnement on ne peut pas écarter la dualité de principe que différente est la capacité d’engendrer et différente celle d’émettre.

 

 

Deux hypostases distinctes produisent deux causes et non pas une.

  1. De plus, saint Grégoire de Nysse, dans son livre Sur connais­sance de Dieu, dit : «Esprit qui procède de l’hypostase du Père [19]». Si donc l’Esprit est aussi issu du Fils, comme aussi du Père, il procède donc aussi de l’hypostase du Fils. De même, donc, que l’hypostase du Père est principe de l’Esprit, de même sans doute en est-il de celle du Fils. C’est ce que Thomas veut dire : «l’Esprit-Saint provient du Père et du Fils, en tant qu’ils sont des personnes distinctes ; mais pas comme la création, en tant que le Père et le Fils sont un selon l’essence. [20]» Si donc cela est vrai, puisque le Père et le Fils sont deux personnes distinctes par rapport à un attribut personnel, ils ne pourraient en aucune façon être considérés comme un, mais comme deux ; il faudra donc nécessairement admettre que les principes de l’Esprit sont de même nombre. Si l’on croit donc, d’après l’enseignement des théologiens, que Dieu est un parce que le Fils et l’Esprit se rapportent à une seule cause, alors que dans ce cas-là, il a été déjà bien montré que l’Esprit se rapporte à deux hypostases, comment donc n’est-il pas clair que les Latins rejettent la très renommée monarchie ? Dans les deux cas donc il y a naufrage, lors­qu’on dit soit que le Père et le Fils sont deux principes de l’Esprit, soit que les deux personnes sont un seul principe. Mais en aucun cas le Fils n’est la cause de l’Esprit, car cela c’est le début des blasphèmes.

 

Le Père et le Fils se confondent en une personne.

  1. De plus, si le Saint-Esprit procède du Père et procède aussi du Fils, d’après l’enseignement des Latins, est-ce comme issu d’une seule cause et principe ou de deux ? [21] S’il est issu de deux, l’absurdité est évi­dente et il n’y a pas besoin d’argumentation supplémentaire. Et si on pré­tend qu’il est issu d’une seule cause, qu’en pensent-ils : que cette cause pourrait être issue d’un seul Dieu ou d’un seul engendreur ou d’un seul émetteur ? En dehors de ces cas, il n’en existe pas d’autres. S’il était issu d’un seul Dieu, l’Esprit ne serait pas Dieu. Car l’Esprit n’est pas issu de lui-même et n’est pas non plus la cause de quelqu’un d’autre, sinon il serait en même temps créature. Car c’est la Trinité, c’est-à-dire un seul Dieu, qui est la cause des créatures. Si (la cause) était issue d’un seul Père, l’argument serait absurde. Car dans la Trinité il y aurait deux Pères et deux Fils. Et si elle était issue d’un seul émetteur ? Puisque le nom d’ »émetteur » concerne la personne, il résulterait que par rapport à cela le Père et le Fils seraient une réalité unique, unis par un lien personnel, un être unique, à la fois Père et Fils [22]. Et on risquerait de considérer le Père et le Fils en ce qui concerne l’inexprimable engendrement comme deux personnes, mais, en ce qui concerne la provenance merveilleuse, puis­qu’elle se réfère à la personne, de considérer le Père et le Fils comme une personne. On dit le Père et le Fils un seul éternel, un seul bon et tout le reste, propre à l’essence, et nécessairement chacun de ces noms suit l’identité naturelle des personnes. Pourquoi donc, si on dit le Père et le Fils un seul émetteur, une seule cause et un seul principe de l’Esprit, ces noms qui concernent la personne ne conduiraient-ils pas également à l’identité personnelle [23]? Si donc en aucune des façons ci-dessus énumé­rées le Père et le Fils ne sont un seul principe de l’Esprit, et s’ils ne peu­vent pas être deux — même les Latins ne le pensent pas – il reste donc qu’il faut forcément ne pas amener le Fils au niveau de la cause de l’Esprit. Car c’est ainsi qu’arrivent les absurdités.

 

  1. [Objection :] Et s’ils répondent que nous aussi nous tombons dans le même piège, c’est-à-dire que l’être causé, qui se réfère à la personne, nous le disons commun à l’Esprit et au Fils [24], le propos n’est pas le même. [Solution :] Car l’être causé est bien commun, mais on ne prétend pas que l’Esprit et le Fils sont un seul être causé, mais deux. Étant donné cela, il n’y a rien d’absurde. On déduit donc que le Fils et l’Esprit sont en communion d’une manière personnelle, sans abolir le fait que les per­sonnes restent deux.

 

Le fait d’émettre se réfère à une personne unique de manière abso­lue.

  1. [Objection :] Et s’ils répondent ceci : le fait d’émettre, nous n’en faisons pas simplement un nom qui concerne la personne, mais un nom qui concerne la personne avec une addition, c’est-à-dire [le nom] de deux personnes ; si cela est établi, il ne s ’ensuivra rien d’absurde. Mais l’argument est vain. [Solution :] Car si nous prétendions que le fait d’émettre se réfère à la personne de la manière suivante, c’est-à-dire qu’il soit le propre d’une seule personne, et si cela était joint à la propo­sition, nous aurions pris pour réponse ce que nous cherchons et l’objec­tion aurait raison ; elle renverserait l’argument et elle accorderait au Père et au Fils le fait d’émettre, et l’interlocuteur n’aboutirait pas à l’absurde ! Mais si nous disons que le fait d’émettre se réfère à la personne et si vous aussi vous dites qu’il se réfère à la personne, ne faisant aucun cas de cette proposition, de laquelle des deux manières est-il personnel, comme étant issu d’un seul ou de deux ? Si la phrase reste telle quelle, l’absurde s’ensuit. Il est évident que l’impiété demeure en eux tant qu’ils utilisent aussi l’autre proposition. Parce qu’ils réagissent comme si, quelqu’un disant que l’homme est un animal, ils prétendaient, en faisant un reproche semblable à cette proposition : « nous n’appelons pas l’homme animal, mais animal raisonnable ». Mais cela n’est pas une opposition, car les deux sont vrais. Comment la vérité pourrait-elle se contredire elle-même, par laquelle le reste demeure sain ? De plus, si quelqu’un interprétait la parole de la façon suivante : le fait d’émettre est-il personnel ou le contraire ? N’est-il pas forcement obligatoire de répondre l’un des deux ? Si l’on répond négativement, comment affirmer ce que même vous, ne croyez pas ? Et si l’on répond positivement, com­ment vous opposez-vous à ce que vous êtes obligés de professer ? De plus, même si l’on accepte cela, l’absurdité ne s’ensuit pas moins. Car on déduit qu’un attribut personnel étant commun à deux personnes, le Père et le Fils ne peuvent pas être deux personnes mais une seule. Élabo­rer ces choses d’une autre manière est donc un prétexte sans valeur.

 

  1. [Objection :] Face à l’absurde qui en résulte et frappés gravement par les difficultés, ils consentent une sorte de différence entre le Père qui émet sans avoir reçu d’aucun le fait d’émettre, et le Fils qui l’a reçu par le Père. C’est ainsi que le fait d’émettre reste un attribut personnel et que le Père et le Fils ne deviennent pas un seul. [Solution :] Tout d’abord, avec la différence qu’ils introduisent et lorsqu’ils prétendent que le Père émet d’une manière différente de celle du Fils, ils arrivent nécessaire­ment à dire que le Père et le Fils sont comme deux émetteurs. Cela signi­fie clairement qu’ils introduisent deux principes. Ensuite, 1 argument n’est pas non plus raisonnable. Car, pareillement, le Père et le Fils ne seraient pas un seul bon ni un seul créateur ni un seul Dieu, puisque le Père n’a reçu cela de personne alors que le Fils l’a reçu du Père.

 

L’engendreur et l’émetteur sont-ils différents ?

  1. De plus, si le Père et le Fils sont une seule cause de l’Esprit-Saint, comme un seul émetteur, et si le Père seul est la cause du Fils, comme un seul engendreur, étant donné ceci, il faudra de toute nécessité considérer deux principes et deux causes de la divinité. Voilà pourquoi : le seul et unique engendreur, c’est-à-dire le Père, n’est pas du même nombre que l’unique émetteur, c’est-à-dire le Père et le Fils. Pourquoi ? On ne peut pas non plus les inverser. Car on ne peut inverser entre eux que ceux qui sont du même nombre. Il est donc évident qu’on ne peut pas les inverser. C’est ainsi que l’un, c’est-à-dire le Père, est nécessairement unique engendreur et émetteur, bien que l’autre, c’est-à-dire le Fils, ne soit pas aussi émetteur. L’unique engendreur et l’unique émetteur ne sont donc pas identiques selon le nombre. S’ils ne sont pas identiques, ils sont dif­férents. Et si ce n’est pas la même chose, c’est une autre chose. Par conséquent il y en aura deux en nombre, l’un l’engendreur et l’autre l’émetteur. Et chacun de deux est principe, source et cause de la divinité. Étant donné cela, comment ne pourrait-on pas arriver à deux principes et sources de la divinité différents entre eux selon le nombre [25]?

 

  1. [Objection :] Et s’ils répondent que nous pouvons aussi conclure l’équivalent en disant que le Père est unique créateur de la création et la Trinité aussi unique créateur de la même création, et que ce même et unique Père n’est pas la même chose que l’unique créateur, la Trinité, que par conséquent il est un autre ; ce qui amène à dire que les créa­teurs de l’univers sont deux ? [Solution :] L’argument n’a pas une valeur contraignante et il n’est pas non plus équivalent. Parce que chaque per­sonne crée et la Trinité aussi comme un seul Dieu à partir de l’unique et commune nature selon laquelle chaque personne n’a rien de plus que les trois ensemble, comme d’ailleurs Augustin le déclare dans son livre Sur la Trinité. Au contraire, le Père et le Fils émettent et le Père engendre [26], comme on l’a déjà montré, chacun selon son hypostase propre. D’après ces hypostases la Trinité n’est pas dualité et la dualité n’est pas unité, c’est-à-dire comme une unicité qui se réfère à la personne. Par consé­quent, si on tient compte de la distinction en ceux-ci, il ne faut pas dire que celui qui est engendreur est le même en nombre que celui qui est émetteur. En ce qui concerne le fait de créer, l’argument ne tient pas, car la nature commune existante des hypostases divines est une seule et la même en nombre.

 

Le risque de la dualité en Dieu.

  1. De plus, si le Père et le Fils sont l’unique cause du Saint-Esprit et si l’Esprit Saint est unique causé, Dieu ne sera pas seulement unité et trinité, mais aussi dualité. Car une seule cause plus un seul être causé, cha­cun se référant à la personne, cela introduit en tout cas la dualité. Que Dieu est trinité et unité, on le sait bien, mais qu’il soit dualité je ne sais pas si quelqu’un considère cela comme sain. Car l’erreur est sabellienne et contraire à l’Église depuis longtemps et n’est pas supportable aux oreilles des chrétiens. [Objection :] Et s’ils répondent : mais cette unique cause nous rappelons deux personnes et pas une ? [Solution :] Qu’ils sachent aussi clairement ceci : que nous ne sommes pas faciles en tout ; nous ne céderons pas facilement à ceux qui agissent méchamment et ten­tent de rester inaperçus. Voilà ce que nous disons : dans le cas où une personne divine a engendré et où l’autre est engendrée, on a sans contes­te deux personnes. Et dans le cas où chacun de ceux-ci est la cause de l’Esprit non comme Père et non plus comme Fils mais ces deux comme une seule cause de l’Esprit, comme un seul émetteur, il y aura aussi cer­tainement une seule personne, tant que le fait d’émettre se réfère à la personne.
  2. Et s’ils disent qu’il n’y a qu’une seule cause mais deux émet­teurs ? Avec l’un ils anéantissent l’autre et ils se brisent contre eux- mêmes. Car si on accepte deux émetteurs, comment ne pas accepter deux causes ? Si l’unique émetteur est la cause, la cause est nécessaire­ment une. Et s’il existe une seule cause, comment pourrait-on l’interpré­ter autrement que comme un seul émetteur ? Voilà comment le men­songe se contredit lui-même et, à cause de l’unique cause, on risque de dire que le Père et le Fils sont un seul émetteur et d’introduire la fusion des personnes. Et si l’on accepte deux émetteurs, les causes de l’Esprit seront du même nombre. Or, si un enfant essayait d’argumenter d’une telle manière, il devrait naturellement en rougir.

 

 

La cause se réfère-t-elle à l’essence ou à la personne ?

  1. De plus, lorsque vous dites que le Père et le Fils sont une seule cause de l’Esprit, comment l’entendez-vous ? Comme la Trinité qui est une seule cause de la création, en comprenant l’unique comme se réfé­rant à la nature et pas à la personne, comme par exemple «Écoute Israël, Dieu est ton Seigneur, il est un Seigneur», ou comprenez-vous que l’unique cause de l’Esprit se réfère seulement au Père ou seulement au fils l’unique se rapportant ici clairement à la personne, comme par exemple lorsque l’apôtre dit : «Un seul Dieu le Père, duquel tout vient, et un seul Seigneur Jésus Christ par lequel tout existe ? [27]» Il n’existe pas d’autre possibilité. En ce qui concerne la première possibilité, le blas­phème est évident, puisque de cette façon on sépare l’Esprit de la nature commune. Car si le Père et le Fils possèdent la cause, due à la nature commune, l’Esprit Saint ne la possédant pas, puisqu’il ne peut pas être la cause de lui-même, mais seulement d’une autre personne, comment n’est-il pas étranger à l’essence commune du Père et du Fils ? Selon la deuxième possibilité, le Père seul ou le Fils est une seule cause de l’Esprit, car nécessairement [celui qui est la cause] est une seule person­ne. Ceux qui disent donc que le Père et le Fils sont une seule cause de l’Esprit, arriveront à considérer les deux personnes comme une seule. Et si pour eux l’unique cause n’est pas comprise selon la nature commune et si elle ne se réfère pas non plus à la personne – à part cela il n’est pas permis à la théologie d’inventer aucune autre façon [de concevoir les choses] – comment n’est-il pas mensonger de dire que le Père et le Fils sont une seule cause de l’Esprit ? [Objection :] Et s’ils répondent qu’il reste une autre façon de concevoir l’unité, d’après laquelle le Père et le Fils sont ensemble une seule cause de l’Esprit ? [Solution :] D’abord qu’ils nous la montrent. Ensuite qu’ils sachent clairement qu’ils nous avancent deux principes de l’Esprit, concevant différemment l’unicité, l’un qui se réfère à la personne et l’autre qui n’est pas tel. Cela, même pour eux, est absurde.

 

La communauté entre le Père et le Fils plus forte qu’entre le Père et l’Esprit.

  1. De plus, ceux qui disent que l’Esprit Saint procède du Fils aussi, accordent inévitablement plus d’identité entre le Père et le Fils qu’entre le Père et l’Esprit ; et le Père et le Fils sont davantage un que le Père et l’Esprit Saint. Car tout ce qui est commun au Père et à l’Esprit est aussi commun au Père et au Fils. De surcroît, ils possèdent le fait de l’émis­sion dans une telle mesure, que d’après les dires [des Latins], le Père et le Fils deviennent une seule réalité, ce à quoi l’Esprit ne peut pas partici­per. On se met donc en danger de considérer d’une part que le Père et l’Esprit Saint constituent une seule réalité uniquement par rapport à l’essence, d’autre part que le Père et le Fils forment une seule réalité non seulement par rapport à l’essence mais également par rapport à un attri­but personnel, c’est-à-dire la cause. Il paraît donc que, d’une part, l’unité entre le Père et le Fils est double par rapport à l’unité du Père et de l’Esprit et que, d’autre part, le Père a plus de différences avec l’Esprit que le Fils avec le Père [28]. Si tout cela est absurde et si la difficulté est grande et si ce qui en ressort est opposé aux traditions apostoliques, il faudra donc attribuer au Père seulement la cause de l’Esprit, si au moins on s’intéresse, bien sûr, à trouver un moyen pour sauvegarder la théolo­gie ancienne. Car saint Basile, en luttant contre Eunome, a dit : «tout ce qui est commun au Père et au Fils est commun aussi avec l’Esprit [29] » et la parole divine aussi professe : «tout ce qui est en commun au Père et au Fils et en unité avec eux, l’est aussi avec le Saint-Esprit [30]». Par conséquent, si le fait d’émettre était commun au Père et au Fils, il en serait de même pour l’Esprit. Si cela est complètement absurde, [le fait d’émettre] ne sera pas non plus commun au Père et au Fils.

 

  1. [Objection :] Et s’ils répondent que l’argument n’est pas contrai­gnant, parce que, avec cette interprétation, ce qui est commun au Père et au Fils n ‘est pas plus important que ce qui est commun au Père et à l’Esprit, puisqu’en échange du fait d’émettre n’appartenant pas à l’Esprit, le fait de ne pas être engendré est commun au Père et à l’Esprit et que c’est absolument intolérable de l’attribuer au Fils ; le Père n’est pas engendré et le Saint-Esprit non plus [31]. S’ils prétendent cela, ils disent la vérité, mais cela n’ajoute rien à notre propos.

 

  1. [Solution :] Premièrement, notre propos ne porte pas sur une com­munauté de ce genre. Car qui a dit que le Père et l’Esprit Saint sont une seule réalité dans la mesure où ils ne sont pas engendrés, de la même façon que vous prétendez que le Père et le Fils sont une seule cause ? Et s’il n’y a personne qui le prétend, quelle nécessité l’argument entraîne-t-il, de ne pas professer le Père et l’Esprit Saint comme deux personnes non engendrées ? C’est cela que vous respectez tellement, jusqu’à prétendre que le Père et le Fils sont deux principes et deux causes de l’Esprit. Par conséquent, la communauté qui se réfère à la personne nous la considé­rons comme vraie et vous le pensez aussi, et elle ne fait pas que le Père et l’Esprit Saint soient un seul. Par contre, vous accordez au Père et au Fils celle qui est relative au fait d’émettre, qui se réfère clairement aux personnes, et qui, d’après vos dires, fait du Père et du Fils une seule cause. Par conséquent la communauté n’est pas identique dans les deux cas. L’une conduit à l’absurde, car elle caractérise forcément l’identité comme personnelle et établit comme une seule réalité plutôt le Père et le Fils que le Père et le Saint-Esprit. Par contre, dans l’autre cas aucun de ces attributs personnels n’est parmi les deux autres personnes et la com­munauté maintient les personnes théarchiques, c’est-à-dire le Père et l’Esprit Saint. Voici donc le premier argument.

 

  1. Deuxièmement, en ce qui concerne le Père, comment comprends-tu le fait de na pas être engendré ? Si tu le comprends de la façon dont les théologiens parlent du fait d’être inengendré, c’est-à-dire comme identique au fait de ne pas avoir un principe et une cause, il est donc clair qu’en aucun cas le fait de ne pas être engendré ne peut être com­mun avec l’Esprit. Car cela convient seulement au Père et, par conséquent également en ce qui concerne le fait de ne pas être engendres, le Père et l’Esprit Saint sont largement deux. Et peut-être accordes-tu cela, car c’est contraignant, mais tu prétends que le fait de ne pas être engen­dré est commun au Père et à l’Esprit, avec le sens de la privation du fait d’être engendré. Sur ce point, Aristote prétend avec raison qu’il ne s’agit pas d’un nom, ni d’un verbe, mais d’un verbe indéfini, car il convient aussi au non-être [32]. Et comment serait-il raisonnable d’attribuer l’indéfini en ordre et en détermination aux personnes divines qui mènent les autres à l’ordre ? Car la définition a la même valeur ici que dans les autres cas.

 

  1. Ensuite, il n’est pas juste, face à la communauté, d’émettre, d’introduire un usage commun très dissemblable. Par contre, face à cette communauté- c’est-à-dire face au fait de ne pas être engendres le Père et l’Esprit – il est cohérent de considérer que le fait de ne pas procéder convient au Père et au Fils. Le fait de ne pas procéder est également pri­vatif, ainsi que le fait de ne pas être engendré, et personne ne pourrait dire que, par rapport à ceci [le fait de ne pas procéder], le Père et le Fils sont un seul. De la même manière, par rapport à cela [le fait de ne pas être engendré], le Père et l’Esprit ne sont pas non plus une seule person­ne. Dans ce cas comme dans l’autre, presque semblablement, on dira que le Père et le Fils sont deux personnes qui ne procèdent pas. Par consé­quent, même si la communauté du Père et du Fils due aux attributs priva­tifs est égale à la communauté du Père et de l’Esprit, c’est la capacité d’émission qui rend le Père et le Fils comme une seule réalité et établit la communauté du Père et du Fils plus forte que la communauté du Père et de l’Esprit. Par conséquent, pour fuir les absurdités qui se produisent, on ne peut trouver d’autre solution satisfaisante que de ne pas prétendre du tout que le Fils soit la cause de l’Esprit.

 

Le Père et le Fils : cause sans cause ou cause causée ?

  1. De plus, si le Père et le Fils forment une seule cause du Saint- Esprit, puisque la cause ici se réfère à la personne et que, comme on l’a déjà montré, pour le Père et le Fils le fait d’émettre se rattache l’hypostase, alors que l’on cherche, lorsqu’on dit que le Père et le Fils sont une seule cause de l’Esprit, ce qu’il faut entendre par cette cause. Que c’est une cause sans cause, sans avoir une cause antérieure, comme si l’on disait le Père une seule cause de l’Esprit ? Ou que celle-ci provient d’une combinaison des principes, comme si l’on disait que le Fils est une seule cause de l’Esprit ? Ou que chaque cause en partie est sans cause et en partie provient d’un principe, une fois ceci, l’autre fois cela ? Ou aucun des deux ? Si c’est le premier cas, le Fils sera l’héritier de la propriété d’être sans cause. Si c’est le deuxième cas, allons-nous abaisser le Père, en le privant de la propriété d’être inengendré et en lui attribuant la place qui convient à un être causé. Si c’est le troisième cas, comment le même pourrait-il être sans cause et causé ? C’est la même chose si l’on dit sans cause et non sans cause, et issu de quelqu’un et non issu de quelqu’un. Voilà la contradiction en elle-même. Et pareillement le quatrième cas est impossible, sinon impie, et les absurdités se multiplient. Voilà le mal, car celle-là (la cause qui appartient au Père et au Fils) n’est pas bien sûr sans cause, si l’on ne veut pas devenir Manichéen, et elle n’est non plus sou­mise à un principe, car le mal ne provient pas du bien. Si donc tout cela est impossible et que la déraison est grande avec le blasphème, il n’est non plus pieux de dire que le Père et le Fils sont une seule cause de l’Esprit.

 

Le Père et le Fils sont un seul Dieu mais ne forment pas un prin­cipe unique du Saint-Esprit.

  1. [Objection :] Mais que répondent-ils ? Nous professons que le Père et le Fils sont un seul Dieu. Et ce Dieu unique nous ne le disons ni cause ni causé, ni chacun des deux en partie, ni aucun des deux. Car à partir de chacune de ces affirmations va suivre le point de départ des blas­phèmes en entraînant la même production d’absurdités. Cependant, pour autant aucun homme pieux ne s’abstient de dire un seul Dieu le Père et le Fils. S’il est donc absurde de dire le Père et le Fils une seule cause de l’Esprit, cela l’est aussi. Et si cela [dire un seul Dieu le Père et le Fils] n’est en aucun cas absurde, comment ceci [dire une seule cause le Père et le Fils] le serait-il ?

 

  1. [Solution :] Mais, mon très cher, la proposition n’est pas pareille ni non plus proche. Car lorsque tu dis le Père et le Fils un seul Dieu, tu entends l’essence incompréhensible, et tu n’entends pas l’unité comme nombre ni non plus comme si elle se référait à la personne – car ceci est judaïque -, mais tu la rapportes à la nature à laquelle – puisqu’elle est une seule et la même – on n’attribue pas la cause ni l’être causé ; car l’essence divine n’est ni cause des hypostases divines, ni non plus cau­sée. Car si on suit ce que certains disent, à savoir que l’essence du Père est la cause de l’essence du Fils et de l’Esprit, il faudra nécessairement professer plusieurs essences au sein de la Trinité, l’une cause, celle du Père, et les autres causées, celles du Fils et de l’Esprit. Mais si on accep­te ceci nous ne serons pas loin de la folie d’Arius. Car nous savons que l’essence divine est sans cause, et une seule et la même pour les trois hypostases ; au contraire, la cause et l’être causé sont propres aux hypostases, pour lesquelles, si on veut rester dans la foi orthodoxe, il faut toute nécessité professer des choses différentes. Par conséquent, lorsqu’on dit un seul Dieu le Père et le Fils, et que quelqu’un demande si le Dieu unique est cause ou causé, il n’est pas obligatoire de répondre l’un des deux, mais plutôt il ne faut répondre aucun des deux. Et de cette façon aucune absurdité ne s’ensuit. Par contre, lorsqu’ils disent que le Père et le Fils sont un seul principe de l’Esprit, ce seul principe rattache à la personne est-il une cause sans cause ou une réalité causée ? Et là il faut répondre. Et pour ceux qui ne nient pas les principes de la théologie [33], toute réponse est absurde.

 

  1. Saint Jean [Damascène] témoigne de la vérité de ces propos-ci. Dans le centième chapitre de ses écrits théologiques il dit : «l’inengendré (“agenneton”) et l’engendré (“genneton) ne concernent pas la nature mais l’hypostase ; c’est-à-dire l’être engendré et l’être non engendre, qui se prononce avec deux “nn”. [34]» Il dit aussi dans le même chapitre. «Par conséquent nous connaissons que le fait d’être engendré ne concerne pas la nature mais l’hypostase ; car s’ils concernaient la nature, l’engendré et l’inengendré ne pourraient pas être observés dans la même nature. [35]» Et le divin Maxime dit : «on parle de l’essence comme de quelque chose de commun et de non circonscrit et elle ne peut jamais être circonscrite dans une personne ; car elle ne se manifeste jamais comme la cause de l’hypostase. [36]» Vois-tu que la cause et l’être causé ne s’affirment pas de l’essence ? Car il dit que le fait d’être engendré n’est pas un attribut de la nature et il dit aussi que l’essence ne se manifeste­rait jamais comme cause de l’hypostase. Tout ceci montre clairement que les deux [inengendré et engendré] sont exclus de l’affirmation de l’essence.

 

  1. Et les Latins aussi paraissent depuis longtemps de la même opi­nion. Car Augustin dans le premier livre sur la Trinité parle de l’essence divine comme cela : «rien ne s’engendre soi-même ; et si l’essence engendre l’essence, elle n’aurait engendré qu’elle-même, car en Dieu il n’y a rien de séparé de l’essence divine. [37]» Et Thomas utilise cette parole, et voici la conclusion : «par conséquent l’essence n’engendre pas l’essence. [38]» Et aussi dans le même livre, au chapitre … là où il parle des noms divins, il dit : «la nature divine dans le Fils n’est pas engendrée, ni par elle-même, ni par accident.» Et Hugues, même s’il n’a pas raison pour les autres choses, sur ce point paraît sain, car il dit : «l’essence elle- même n’émet pas, n’engendre pas et n’est pas engendrée non plus ; car ce qui est propre en la nature divine suit toute personne ; par conséquent, si la nature était propre à la génération, le Fils et l’Esprit engendreraient, ce qui est loin de la vérité. Il est donc de toute évidence que le Père engendre non comme essence, mais comme Père. [39]»

 

  1. [Doute :] Et si quelqu’un a un doute sur la signification de ce que les théologiens disent «essence issue de [l’]essence», c’est-à-dire le Fils issu du Père, ou «sagesse issue de [la] sagesse», ou que le Fils est engen­dré issu de l’essence du Père, voilà ce qu’on répond : [Solution :] Tout d’abord pour montrer le consubstantiel, qui indique à plusieurs reprises l’issu de l’essence. Car s’il n’était pas cela, le Père ne serait pas par na­ture Père. Ensuite, sur certains passages des théologiens, le nom d’essen­ce et celui d’existence sont employés à la place d’hypostase, comme ils en dorment eux-mêmes l’explication. Car saint Cyrille écrit aux Asians : «la nature du Dieu Verbe s’est incarnée [40]», c’est-à-dire l’hypostase. [Sur cela cherche ce que le Théologien dit à Héron [41]]. Et Thomas, qui interprète les théologiens, ajoute minutieusement : «le Fils, en tant qu’essence et sagesse du Père, est issu de Lui, qui est essence et sagesse véritable [42]». Par conséquent, il serait sain de considérer que l’exemple n’est guère pareil et que ceux qui disent le Père et le Fils un seul Dieu ne tombent pas dans les mêmes absurdités que les Latins qui prétendent qu’ils sont principe unique de l’Esprit.

 

Dieu possède les attributs hypostatiques d’une manière propre.

  1. De plus le Père est proprement cause ; car il est seulement cause, et bien sûr il n’est pas causé. L’Esprit Saint est proprement causé car il est seulement issu du principe et bien sûr il n’est pas principe. Saint Grégoire dit donc, dans son premier discours sur le Fils : «Il est Père au sens propre parce qu’il n’est pas aussi le Fils. De même, le Fils l’est au sens propre parce qu’il n’est pas aussi le Père. En ce qui nous concerne ces mots ne se disent pas au sens propre, parce que nous sommes à la fois père et fils : nous ne sommes, en effet, pas plus l’un que l’autre [43]». Et le même dit à Héron : «le Fils n’est pas inengendré, car le Père est unique, et l’Esprit ne se confond pas avec le Fils, car un seul, le Fils- unique, est unique : en effet, ils doivent aussi posséder ce caractère propre au divin, l’unicité – le Fils, celle de la filiation l’Esprit, celle de la procession, qui est différente de celle de la filiation. Et le Père est véritablement Père, et beaucoup plus véritablement que ce qui est parmi nous, car il est Père d’une manière unique, c’est-à-dire d’une façon propre et pas comme les réalités corporelles ; et seul, c’est-à-dire sans union conjugale ; et il est le Père d’un seul, car il est seul Père du Fils unique, et il est Père seulement, car il n’était pas d’abord fils. [44]»

 

  1. Le Père donc possède proprement la cause et l’Esprit possède l’être causé. Si l’Esprit Saint n’est pas issu du Fils, le Fils aussi comme l’Esprit sera proprement un être causé, par rapport à celui qui l’a engen­dré, et à son Esprit apparenté, et en cela il va conserver la ressemblance d’être ainsi de manière propre, ne s’en écartant jamais. Si l’Esprit procè­de aussi du Fils, il est nécessaire que ce dernier ne soit pas proprement être causé. Car il est aussi cause de l’Esprit, sans être proprement cause ; et il est aussi être causé issu du Père de même que l’Esprit Saint. Mais cela est bien sûr absurde. Car qu’est-ce que Dieu peut avoir quant à l’hypostase sans l’avoir proprement ?

 

  1. De surcroît, si l’on concédait cela, il y aurait un changement et une altération de l’hypostase du Fils-unique. Saint Cyrille écrit dans ses Trésors: «Nul homme sensé ne dirait que le Fils paraît dissemblable au Père, parce que lui n’a pas engendré et n’est pas devenu Père d’un Fils ; mais justement pour cela il va observer dans le Fils une merveilleuse et parfaite image du Père. De même que le Père, en étant sans changement et sans altération, reste toujours Père et ne se transforme pas en Fils, de même le Verbe Fils issu de lui reste ainsi – il s’agit de la qualité du Père d’exister sans altération – et il se manifeste à travers cette qualité tout en étant en cela aussi semblable au Père [45]».

 

  1. Si tout cela est vrai, nous disons aussi avec raison que le Père existe sans changement ni altération, reste toujours cause et ne se trans­forme pas en être causé. De la même manière, celui qui provient de lui reste ce qu’il est, à savoir être causé ; il montre en lui-même la non-alté­ration du Père ; par conséquent, le Fils n’est pas aussi cause mais seule­ment être causé. S’il était aussi cause, ce serait un changement en lui et une altération ; mais cela serait absurde. Car le Fils-unique est Dieu, «chez qui il n’existe aucun changement, ni l’ombre d’une variation [46]», comme le disent les paroles.

 

Le Fils est-il en même temps cause et être causé ?

  1. De plus, si le Fils est aussi cause, pour cela il ne peut pas être pro­prement un être causé, ni le Père proprement cause envers lui. Car ce qui ne convient pas à l’un des opposés, de toute nécessité l’autre ne peut pas non plus l’avoir proprement. Et si le Père n’est pas proprement cause, il est possible que quelquefois il ne le soit pas ; c’est la signification u «pas proprement». Devant cette surabondance d absurdités, il suffit d’une seule chose pour y remédier : c’est, lorsqu’on cherche la cause de la divinité, de dire le Fils proprement être causé et seulement être causé, et que la cause ne lui convient nullement et en aucune façon.

 

  1. [Objection :] Et s’ils répondent que le Fils possède tous les deux proprement, sans être pour la même personne être causé et cause, mais en étant pour l’une cause et pour l’autre être causé ? L’argument n’est pas juste. [Solution :] Ce n’est pas de cette manière que les théologiens ont défini le proprement par rapport au non proprement. Ils disent «ce qui nous concerne n’est pas proprement, parce que c’est aussi les deux [47]». Et nous, nous ne sommes pas appelés l’un de deux par rapport à la même personne, mais ceci par rapport à une et cela par rapport à l’autre. Et saint Cyrille écrit que «nul homme sensé ne dirait que le Fils paraît dissemblable au Père, parce que lui aussi n’a pas engendré et n’est pas devenu Père d’un Fils.» Il n’a pas dit «parce que lui aussi n’a pas engendré le Père», mais qu’«il n’est pas devenu Père d’un Fils [48]». Il a compris la différence de la relation par rapport à l’un et à l’autre.

 

  1. [Objection :] Et s’ils ajoutent ceci : le Fils est proprement être causé mais en tant qu’engendré n’est pas Père mais émetteur, ce n’est pas contraignant. [Solution :] Car même si le Fils est un être causé en tant que Fils, il est cependant différent d’être Fils et d’être un être causé. Comme par exemple il est différent pour l’homme d’être un ani­mal et d’être un animal raisonnable. Pour le Fils et l’Esprit le fait d’être causé — peu importe sa définition — est commun, et il est affirmé de la même manière pour chacun des deux. Par contre, comme on l’a déjà montré plus haut [49], le fait d’être Fils ou d’être Émis n’est pas une qualité commune aux deux personnes mais une qualité propre à chacune d’elles.

  1. [Objection :] Et s’ils disent cela : le Fils en tant que créateur est proprement cause de tout et en tant que Fils il est proprement être causé ; par conséquent il a proprement chacun des deux attributs, et pour cela il n’y a rien d’absurde ; dans notre cas cela revient au même. Mais même avec cette explication l’argument n’est pas contraignant. [Solution :] Tout d’abord ils ont accepté que la cause soit relative à la création et l’être causé relatif à la divinité. Ces affirmations ne sont pas contradictoires ; si l’argument est raisonnable, il faut soit les accepter comme si elles se réfèrent aux créatures, soit les accepter comme si elles se réfèrent à la divinité. Ensuite, le Fils possède le fait d’être causé selon l’hypostase ; mais il ne crée pas selon sa propre hypostase. C’est pour cela que le Père ou l’Esprit Saint ne sont créateurs que selon la nature commune d’après laquelle la Trinité est un seul créateur. Et sur cela Thomas est d’accord, car il dit : «la création provient du Père et du Fils, en tant qu’un, par rapport à l’essence. [50]» Par conséquent, le Fils d’une certaine manière est la cause de tout et d’une autre manière possède le fait d’être causé, c’est-à-dire l’hypostase. Et l’hypostase est une chose et l’essence une autre chose, et elles ne sont absolument pas la même chose. Et cela n’est pas absurde.

 

  1. Nous avons montré plus haut qu’il est absurde de croire que le Fils possède les deux réalités – l’être causé et la cause – en tant qu’hypostase. Si on acceptait cela, le Fils lui-même n’aurait rien des deux «proprement», et il en subirait un changement et une altération. Si donc quel­qu’un prétend que l’Esprit Saint procède également du Fils, cela implique plusieurs accusations, et par cette hypothèse une multitude d’absurdités afflige l’Église de Dieu. [51] Notre propos l’a rendu clair.

 

 

 

DEUXIÈME DISCOURS CONTRE LA CONCLUSION (DES LATINS) OU SUR LE SAINT-ESPRIT

 

Introduction.

  1. La tradition apostolique est hostile à l’innovation latine, car elle connaît seulement le Père comme émetteur du Saint-Esprit. Voilà les preuves. Commençons par les paroles du Seigneur dans l’ordre qu’il faut et examinons ce qui concerne le dogme. Dans l’Évangile selon Jean, le Seigneur dit : «Lorsque viendra le Paraclet, que je vous enverrai auprès du Père, l’Esprit de vérité qui procède du Père. [52]» Et le bienheureux Paul, dans la première épître aux Corinthiens : «Pour nous, nous n’avons pas reçu l’esprit du monde mais l’Esprit qui vient de Dieu. [53]» Cherchons donc de quelle façon il a été dit qu’il procède du Père : comme s’il n’y avait rien de mal si quelqu’un disait qu’il procède du Fils aussi, ou comme si la nouvelle procession en aucune manière ne se référait au Fils. On pourra parvenir à la réponse si on trouve comment les bienheu­reux apôtres ont accepté la parole du Seigneur, ensuite comment eux- mêmes ont transmis directement à leurs disciples la parole du mystère, et par la suite comment eux aussi ont laissé le rayon lumineux de la foi orthodoxe à ceux qui en avaient besoin, sans rien ajouter et sans s’écar­ter de cette ancienne théologie, et comment les Latins se sont comportés à son égard.

 

Le Filioque implique des unions et des distinctions dans la Trinité que Denys l’Aréopagite ignore.

  1. Ces derniers, dans la mesure où ils disent que l’Esprit Saint procè­de aussi du Fils, n’iraient pas nier que ce dernier est aussi émetteur du Saint-Esprit. Ceci, diraient-ils aussi, revient à distinguer ces personnes théarchiques par la cause et ce qui provient d’elle. Et si quelqu’un leur demande d’où ils sont parvenus à ce genre de distinction, ils répondront sûrement que les Écritures divines sont à la source de cette opinion. Cependant, Denys et Hiérothée, dont les paroles ont été appelées par des hommes apostoliques des secondes Écritures [54], ne connaissent pas du tout cette distinction. Et c’est évident, car il est impossible de l’apercevoir quelque part parmi leurs paroles, ou si les Latins montrent e contraire, nous nous tairons. Si l’on n’aperçoit pas parmi leurs paroles union ou distinction ni tout ce qu’on croit parmi les choses divines sur- naturellement convenable à la Trinité, de toute nécessité les Ecritures aussi s’en abstiennent. Pourquoi ? Parce que leur intention et principe constant demeuraient immuablement de ne rien omettre en fait d’union ou de distinctions divines qu’on puisse trouver dans les Écritures, et pour celles-ci (les unions et les distinctions) ils ont bien examiné ce qu’ils pourraient dire. Ils disent dans le chapitre sur la théologie commu­ne et la théologie particulière : «la théologie nous livre certaines vérités communes [aux trois Personnes], d’autres particulières [à l’une des Personnes]. Or il serait sacrilège de séparer ce qui est commun ou de confondre ce qui est distinct. Mais, dociles à l’enseignement reçu, il nous convient selon nos forces de nous élever vers les splendeurs divines. Car c’est là-haut que, recevant les révélations divines comme la plus belle règle de vérité, nous veillerons avec zèle sur le dépôt de ces révélations, sans les augmenter ni les diminuer ni les altérer d’aucune façon [55]».

 

  1. Ces hommes saints, alors, ont pris soin de ne pas ajouter eux- mêmes ce qu’apparemment la théologie réfute aussi, et également de n’omettre aucune union ou distinction qui se trouve dans les Écritures. Leur principe le plus sûr était ceci : de maintenir les vérités qui se trou­vent dans les Écritures sans les augmenter ni les diminuer ni les altérer. Mais cette nouvelle distinction qui prétend que l’Esprit procède du Fils et qui est grande et importante et, d’après cette nouvelle doctrine, seule capable de distinguer les personnes théarchiques, ces hommes saints ne paraissent nulle part l’affirmer. Comment n’est-il pas évident qu’une telle distinction n’apparaît en aucun endroit de la divine Écriture ? Et si les Latins concèdent la vérité aux successeurs des apôtres, même eux n’attribueront pas cette distinction à leurs paroles, mais diront qu’ils peuvent la connaître et en persuader les autres d’après certains docteurs de l’Église. Mais l’argument est dangereux et ne suffit pas à se persuader lui-même de telles choses. Car la doctrine théologique et la tradition apostolique disent qu’«il ne faut rien oser ni même penser sur Dieu en dehors des dits sacrés exprimés pour nous d’une manière divine».

 

  1. Les mêmes (Hiérothée et Denys) disent dans le même opuscule : «mais il importe, croyons-nous, de revenir en arrière pour mieux exposer toutes les sortes d’union et de distinction divines, afin que notre raisonnement soit parfaitement évident, qu’il ne laisse place ni à l’équivoque ni à l’obscurité et que l’objet propre en soit défini de façon précisé, clai­re et méthodique. [56]» Ils ont promis de dire toutes les sortes de distinction et d’union divines et en plus de définir les réalités divines, c’est-à-dire de ne pas ajouter ni omettre quoi que ce soit de ce qui convient. Par contre, ils paraissent omettre les sortes de distinction et d’union que les Latins maintenant introduisent : la distinction selon laquelle l’Esprit se distingue du Fils par la cause et par le fait d’être l’issu de Lui, et l’union selon laquelle le Père et le Fils sont un seul émetteur. Comment donc n’est-il pas facile de reconnaître qu’une telle union et une telle distinc­tion sont trompeuses et fausses et sans aucun rapport avec l’esprit apos­tolique ?

 

Les inconvénients de la théologie latine par rapport à celle du Denys.

  1. De plus les Latins, lorsqu’ils prétendent que le Père et le Fils sont une seule cause de l’Esprit et un seul principe («unum principium» [57]), ne pourraient pas nier qu’ils accordent une certaine union au Père et Fils que l’Esprit Saint n’a pas. Cependant, il paraît que ces bienheureux (Hiérothée et Denys) ignorent cette union une fois pour toutes, et cela au moment où ils se proposent tant d’exposer les distinctions que de parler de toute forme d’union. Car s’ils la connaissaient, ils ne diraient pas : «tout ce qui est commun au Père et au Fils, est sans doute commun à l’Esprit. [58]» Le même auteur écrit dans le même chapitre : «Tout ce qui appartient ensemble au Père et à lui-même, le Verbe l’attribue également à l’Esprit théarchique comme une réalité commune et unique. [59]» Et si les deux opinions sont vraies, la leur et celle des Latins, qui s’opposera à ce qu’on fasse également de l’Esprit un émetteur ? Ou peut-être devons- nous leur demander une autre personne dans la Trinité ? Car l’Esprit bien sûr ne peut pas s’émettre lui-même. Et qui pourrait supporter de telles absurdités ou d’où viendrait la nécessité de soutenir une chose impossible ? Mais pour la prémisse majeure ce n’est pas le cas ; car c’est la parole théarchique qui l’a professée. Il reste donc l’autre ; car celle-ci, ces hommes ne la connaissaient pas, ou plutôt ils la connaissaient et ils savaient qu’elle mène à l’absurde. Car si celle-ci était justifiée, soit on risquerait de ne pas croire au Dieu Trinitaire, soit, si on ne renonçait pas à la très renommée Trinité, on priverait l’Esprit Saint de la parfaite union avec le Père et le Fils. Et bien sûr, on attribuerait au Dieu Verbe qui est vérité en soi et source de la vérité en soi, tout le contraire de ce qu’il est. Par conséquent, le fait d’émettre n’est pas commun au Père et au Fils, le Fils n’est pas émetteur et l’Esprit Saint ne procède pas de lui.

 

  1. De plus, les mêmes auteurs dans le chapitre sur l’union et la distinction divines tirent la conclusion suivante : «C’est ainsi que nous tâchons dans nos raisonnements d’unir et de distinguer les propriétés divines selon que ces mêmes propriétés divines correspondent en Dieu à l’union ou à la distinction. [60]» Et s’ils paraissent distinguer le Fils et l’Esprit par une procession différente et notamment par ce qu’ils reçoi­vent et par rien d’autre, et s’ils ont surtout bien pris soin [de définir] ce qui appartient à la théologie parfaite et accomplie, et si leur affirmation est que les choses divines sont telles qu’ils les ont transmises, quel être raisonnable et intelligent ira chercher une autre distinction des personnes théarchiques, ou s’il en apparaît une, n’ira pas la juger comme étrangère à l’Église et n’ira pas l’еn chasser, puisqu’elle éloigne beaucoup de Dieu ?

 

  1. De plus, le docteur a promis d’exposer toutes les sortes d’union et de distinction divines, c’est-à-dire de ne pas omettre une union ou une distinction qui se trouverait dans les Écritures, mais de les maintenir non multipliées, non diminuées et non changées. Par exemple, la distinction selon laquelle le Verbe de Dieu se distingue du Père et de l’Esprit en devenant homme, il ne la passe pas sous silence. Elle a été bien manifes­tée pour nous en plusieurs occasions et elle a été tellement claire que les apôtres l’ont presque touchée de leurs mains [61]. Par contre, la distinction selon laquelle le Fils se distingue proprement de l’Esprit d’après les Latins, elle, est sans cause avant tous les siècles et incompréhensible, et elle requiert la révélation de Dieu. Il semble qu’il ait oublié ses pro­messes et qu’il l’ait omise pour le mal de la théologie chrétienne parfai­te. Mais non, ce n’est pas le cas, mais l’une (distinction), bien qu’elle fût claire et connue, il ne s’est pas abstenu de la transmettre, car il la savait bien établie dans les Écritures, tandis que l’autre il n’a pas osé la profes­ser car elle n’existe pas dans la sainte Écriture. Parce que lui-même dit qu’«il ne faut tolérer de dire ou de penser sur la divinité supersubstan­tielle rien du tout en dehors des paroles divines sacrées qui nous ont été professées».

 

  1. De plus, si le bienheureux Denys visait d’autres choses et avait parlé de l’union et de la distinction divine comme une sorte de paren­thèse, il serait bien sûr évident pour quelqu’un de penser qu’il avait rap­porté certaines sortes de distinction ou d’union et omis certaines autres. Puisqu’il se situe dans le cadre apostolique, il paraît que c’est bien à ce propos qu’il se tient et que tout son effort consiste à énumérer toutes les sortes et à n’omettre aucune de celles qui sont transmises par l’Écriture, ainsi qu’à développer, à dire davantage et à mettre en lumière ce que le divin Hiérothée avait dit brièvement, à rendre la parole claire et cohéren­te et, chose la plus importante, à déterminer, comme il le dit, ces réalités. Et il est évident que plus que personne il a approfondi et pousse jusqu’au bout cela, dans une mesure telle qu’aucun de ceux qui ont médité les choses divines n’a osé monter à son niveau ou même s’en approcher. Comment donc est-il raisonnable pour lui qui est inspiré par Dieu, d’ignorer ou d’omettre volontairement une sorte soit de distinction soit d’union, surtout après tellement d’engagements et de promesses et après une telle étude et une telle méditation des choses divines ?

 

  1. De plus, Denys et Hiérothée n’ont pas seulement passé sous silence cette distinction comme ne se trouvant nulle part dans les Écritures, mais en plus ils y renoncent et la rejettent très loin de l’Église en disant tout à fait le contraire. Si donc l’hypothèse des Latins continue à être valable, de toute nécessité elle rejette l’enseignement apostolique. Et si on vou­lait la sauver, il ne faudrait pas mettre celle-là en relation avec celui-ci. Il est évident que si l’Esprit tire son existence du Fils aussi, comme ils le diraient, il est impossible que celui-ci ne soit pas également émetteur du Saint-Esprit. Et s’il en est ainsi, de toute nécessité il faudra le nommer aussi source et cause de l’Esprit. Et s’il est source de l’Esprit, il s’ensuit qu’il faudra le considérer comme source de la divinité, si, du moins, l’Esprit-Saint est divinité suressentielle. Et si le Fils est source de la divi­nité et si le Père l’est aussi, ces personnes théarchiques ne pourront pas être distinguées par le fait d’être source [c’est-à-dire par le fait que l’une est source (le Père) et que l’autre ne l’est pas (le Fils)]. Ou alors ce sera pure folie de croire que le Père et le Fils ont une communauté et se dis­tinguent par les mêmes choses. Mais Hiérothée et Denys qui ont apporté toute leur attention aux enseignements apostoliques ne le croient pas. Car ils distinguent clairement le Père et le Fils par le fait d’être source. Le divin Denys dit dans le même opuscule : «dans les théologies de la suressence, la distinction, comme je l’ai dit, ne consiste pas seulement en ce que chacune des Personnes qui sont principes d’unité subsiste dans l’Unité même sans se confondre avec les autres et sans aucun mélange, mais en ceci également que les propriétés qui appartiennent à la sures­sentielle génération au sein de la divinité ne sont aucunement interchan­geables. Dans la suressentielle divinité, le Père seul est source, et le Fils n’est pas père, ni le Père fils ; à chacune des Personnes théarchiques convient l’inviolable privilège de ses louanges propres. [62]» Voilà comment l’enseignement de la tradition apostolique est opposé aux Latins.

 

  1. Et s’ils veulent sauver les deux vérités, croire l’Esprit issu du Fils et distinguer le Père et le Fils par la source de la divinité, comme cela a été dit plus haut, il s’ensuit qu’il faut soit résoudre la contradiction en elle-même, soit bannir l’Esprit-Saint de la divinité. Car le Père et le Fils ne pourraient pas ainsi être distingués par le fait d’être source. Et si, cha­cun étant cause de la divinité, on y ajoutait une distinction, cela serait manifestement décrié par l’affirmation apostolique. Cela reviendrait à ce que la contradiction se résolve et que tout soit mêlé. Et si cela leur paraît insoutenable — car même chez eux cela n’est pas accepté par leurs prin­cipes — de toute nécessité, s’ils continuent à avoir la même opinion, ils s’opposent à la divinité de l’Esprit. Car si le Père est source de la divini­té, et si c’est par cela qu’il est distinct du Fils, il est impossible pour le Fils de l’être aussi. De même que le Fils se distingue du Père par le fait d’être inengendré et par le fait d’engendrer [propres à ce dernier] et qu’il n’est pas permis de l’appeler soit inengendré, soit Père, de la même manière, le Fils se distingue du Père en tant que [ce dernier est] source de la divinité, et il lui est impossible d’exister en même temps comme source de la divinité. Et s’il n’est pas source de la divinité et si l’Esprit Saint procède de lui, de toute nécessité il ne faut pas croire que l’Esprit Saint est divinité. C’est une production d’absurdités de croire que l’Esprit est issu du Fils ; il faut donc plutôt s’éloigner de cette opinion que de tomber dans le gouffre. Par conséquent, il est impossible que l’Esprit procède du Fils.

 

La doctrine orthodoxe : le Père seule source, seul engendreur et seul émetteur.

  1. Et vraiment, de même que si l’on suppose ce que les Latins croient, beaucoup d’absurdités émaneront de leur hypothèse, de la même manière, si quelqu’un suppose ce que nous, nous croyons, aucune diffi­culté ne viendra de cette dernière hypothèse. Car si l’Esprit ne procède pas du Fils, le Fils ne sera non plus émetteur de l’Esprit. Et s’il n’est pas émetteur, il ne sera pas du tout non plus source de l’Esprit. Et s’il en est ainsi, il s’ensuit qu’il ne faut pas non plus le croire source de la divinité. Et s’il n’est pas source de la divinité, cela, bien sûr, aura comme consé­quence pour le Fils d’être parfaitement distinct du Père. C’est la conclu­sion de ceux qui veulent veiller sur la divinité de l’Esprit et préserver simplement l’enseignement apostolique.

 

  1. De plus, la vérité des doctrines apostoliques nous est bien parve­nue, à nous qui trouvons là nos solutions. De la même manière, puisque nous progressons à partir de là, tout suit justement, car l’harmonie s’étend à travers tout. Car si nous distinguons le Père et le Fils par la source divine, comme le diraient les apôtres, lorsque le Père dispose de la source comme sa propriété, aucun esprit sain n ira surnommer aussi Fils source de la divinité, comme on vient de le montrer plus haut. Et si cela n’est pas possible, comment pourrait-on le nommer émetteur de l’Esprit ? Car si l’émetteur est nécessairement aussi source, celui qui n’est pas source n’est pas non plus émetteur, diraient fort sainement les lois de la conversion. De même que quelque chose qui, à l’origine, n’est pas triangle, ne pourra être triangle isocèle, ou de même que quelqu’un qui n’est pas homme à l’origine ne pourra être philosophe, ou de même que quelqu’un qui nie une fois pour toutes être un animal n’est un homme d’aucune manière, de la même façon celui qui, à l’origine, n’est pas source de la divinité de toute nécessité n’est pas émetteur de l’Esprit. C’est ce qu’on voulait montrer dès le début.

 

  1. De plus, dire que le Père est la source unique de la divinité sures­sentielle, c’est affirmer que, de même qu’il est l’unique engendreur, il est l’unique émetteur. Car la source inclut les deux affirmations, selon ce que Basile le Grand dit dans le traité contre les Sabelliens et les Anoméens : «Le Père existe en ayant l’être parfait et sans manquer de rien, racine et source du Fils et du Saint-Esprit [63].» Par conséquent, si l’Esprit Saint est divinité suressentielle, comme d’ailleurs le Fils, si on ne veut pas être atteint de l’hérésie de Macédonius [64] et si le Père demeure seule source de la divinité suressentielle, selon ce que l’affirmation théo­logique requiert explicitement, pourquoi donc ne pas croire le Père seule source de l’Esprit selon toute nécessité ? Et si le Père est seule source de l’Esprit, il sera aussi seul émetteur. Et s’il est seul émetteur et seule sour­ce de la divinité, il est impossible que le Fils le soit également. Car si le Fils aussi est émetteur et source de la divinité, le Père ne sera pas la seule source de la divinité, et le Fils ne pourra pas être distingué par cela du Père, mais plutôt à cause de cela ils deviendront un seul. Mais l’enseignement apostolique requiert les deux points suivants : d’une part, distinguer les personnes par la source, d’autre part, que seul le Père soit reconnu source de la divinité. Comment donc les Latins ne sont-ils pas adversaires des apôtres, s’ils ne tiennent pas ces affirmations ?

 

  1. Et sûrement, si le fait d’émettre l’Esprit est égal à celui d’être source de la divinité, comme on l’a déjà montré [65], si cela est à la fois un attribut personnel et un attribut qui appartient au Père seul, si cela sert à distinguer le Père et le Fils, suivant ce que les successeurs des apôtres ont pieusement affirmé, si de telles choses sont des propriétés du Père et si alors on croit que le Fils les possède aussi, cela revient à détruire le christianisme ou à se réjouir de l’impiété de celui qui vient de Libye [66] [Sabellius]. Qui serait tellement adversaire de lui-même pour croire le Fils émetteur de l’Esprit ?

 

Quelques exemples de logique.

  1. En outre, de même que quelqu’un, s’il prétend que seul l’homme est animal, en le distinguant des autres animaux, ment de toute nécessite puisque cette qualité convient aussi au lion et au cheval et à d’autres, de même n’y a-t-il aucun déni des successeurs des apôtres tant que l’on pré­tend que le Père est seule source de la divinité pour le distinguer du Fils, mais si l’on attribue aussi au Fils le fait d’être source de la divinité, eh bien, c’est absurde.

 

  1. Et sûrement de même que quelqu’un, voulant distinguer l’homme de la pierre par la qualité d’animal, n’affirme pas en même temps que la pierre est d’une certaine manière un animal, ou voulant distinguer l’homme du cheval d’après la qualité de rieur, prétend que l’homme seul est porteur de la qualité de rieur, ne laissant pas au cheval d’être porteur de la qualité de rieur, de même il s’envole vers des espérances impos­sibles et vaines celui qui estime que le Fils est aussi source de la divinité, alors que le Père est seule source de la divinité et que c’est en cela qu’il se distingue du Fils.

 

Unité et distinction en Dieu.

  1. De plus, pourquoi cacher le blasphème soit de celui qui distingue le Père et le Fils selon la divinité, soit de celui qui prétend le Père seul Dieu pour le séparer du Fils ? D’autant plus que le Père est Dieu comme le Fils et que les deux personnes sont un seul Dieu, et que distinguer ainsi les deux personnes, c’est bannir le Fils de la divinité. C’est pour cette raison que Denys et Hiérothée sont liés par des propositions sem­blables et que, distinguant le Père et le Fils par la source dans la divinité, ils attribuent le fait d’être source uniquement au Père, puisque si le Père est source de la divinité de l’Esprit, et si le Fils aussi est source de la même manière, les deux personnes seront une seule source et un seul principe de l’Esprit. Et pour distinguer ainsi les hypostases surnaturelles, il faudra bannir le Fils de la source divine. Mais il n’y a pas de chrétiens qui pourraient penser de telles choses à propos de la théologie des apôtres. Elles conviennent seulement à ceux qui chassent le christianis­me sous prétexte de piété. Par conséquent, le Fils n’est pas émetteur, et le fait d’être source de la divinité ne lui est d’aucune façon attribué de manière hypostatique.

 

  1. En outre, le même auteur écrit dans le même traité : «la théologie nous livre certaines vérités relatives à l’union, d’autres relatives à la dis­tinction. Or il serait sacrilège de diviser ce qui est uni ou de confondre ce qui est distinct [67]». Tu l’as entendu ? Oser diviser ce qui est uni est aussi grave que confondre ce qui est distinct. Selon ce que dit le même auteur, le Père se distingue du Fils par le fait pour le Père d’être source et seule source de la divinité. Et si le Fils devient source, cela va entraîner une confusion dans la divinité, cette divinité qui a amené à l’ordre aussi le reste. C’est ainsi que les Latins mettent en relation avec la source le Père et le Fils, puisqu’ils les considèrent comme un seul émetteur, un seul principe et une seule source de l’Esprit («unum principium»). La tradi­tion apostolique rejette la confusion et dit qu’elle est sacrilège, car elle la connaît comme la meilleure espèce de l’athéisme.

 

Résumé : Denys est un critère d’orthodoxie.

  1. Pour résumer brièvement le tout, on vient de montrer [68] que les Latins unissent le Père et le Fils par le fait de la source, en disant que l’Esprit Saint procède du Père et du Fils comme d’une seule source. Par contre, ceux qui ont immédiatement reçu les sentences divines par la voix des apôtres, ont appris leurs écritures par ceux-ci et ont médité avec les apôtres sur les vérités apostoliques, ceux-là distinguent le Père et le Fils par rapport à la source [69]. Ainsi les uns [les Latins] prétendent égale­ment le Fils source de la divinité, tandis que les autres [les successeurs des apôtres] reconnaissent seulement le Père [70]. Et les uns soutiennent que cette distinction, selon laquelle le Fils se distingue de l’Esprit par la cause et le fait d’être issu de lui [le Fils étant considéré comme cause de l’Esprit et l’Esprit comme issu du Fils], se trouve abondamment dans les Ecritures, tandis que les autres ont promis d’exposer toutes les sortes d’unité et de distinction divines [71] et de les maintenir de la même façon qu’elles se trouvent dans les Écritures, sans les augmenter ni les dimi­nuer ni les altérer [72], en les exposant de façon claire et méthodique [73], afin que chacune soit bien définie, disant que le Père est seule source de la divinité et sans distinguer le Fils et l’Esprit par le fait [pour celui-là] d’être causé et [pour celui-ci] d’être issu de lui [74]. Il est en tout cas mani­feste qu’ils n’ont pas lu les Écritures ni entendu les apôtres comme les Latins les ont compris. Et les uns [les Latins] ne distinguent pas le Fils et l’Esprit par une procession différente, car ils confessent que cette dis­tinction est imparfaite et insuffisante pour distinguer les personnes divines d’une manière digne de Dieu, tandis que les autres [les succes­seurs des apôtres] la croient tout à fait convenable. Ils distinguent le Fils de l’Esprit par la procession différente et concluent ainsi leur propos : «c’est ainsi que nous tâchons dans nos raisonnements d’unir et de distin­guer les propriétés divines selon que ces mêmes propriétés divines correspondent en Dieu à l’unité ou à la distinction [75].» Voilà comment les Latins ont entamé une guerre non déclarée contre les traditions apostoliques.

 

  1. De plus, si l’Esprit Saint procédait aussi du Fils et s’il fallait nécessairement déduire cela des Écritures, selon ce que disent les Latins, il faudrait retenir de nombreuses accusations graves contre les disciples de Denys et Hiérothée. Comme si ceux-ci n’étaient pas des disciples des apôtres, ni des docteurs ni des maîtres de la foi orthodoxe, ni des martyrs de la vérité jusqu’à donner leur sang, mais comme s’ils étaient trompeurs et grossiers, plutôt sophistes que sages pour les choses divines, et faux témoins de Dieu et des Écritures, pour la raison que le Père et le Fils ne se distingueraient pas par le fait d’être source, et que le Père ne serait pas non plus seule source de la divinité. Les (personnes) divines ne se distin­guent pas d’après les distinctions qu’ils posent, mais celles qui se trou­vent dans les Écritures, et dont nous parlons, ils ne les ont pas mainte­nues sans les augmenter et sans les diminuer selon leurs promesses. Mais tout leur discours sur l’union et la distinction divines se déroule au mépris des conventions. Au contraire, le respect envers leurs écrits théo­logiques dépasse tout, et ces commandements augustes concernant la théologie ne sont que jeu d’acteur et pièce de théâtre. Et à l’œuvre de leur tromperie ils font participer Timothée et Tite et tout apôtre du Seigneur qui dépend de leur pensée et de leur langue. Mais si cela est absurde et conduit à l’impiété et si l’on y aperçoit une source éminente de blasphèmes, car l’Église a honoré leur théologie comme secondes Écritures [76], alors ce que les Latins pensent n’est pas vrai. Et l’Esprit n est non plus issu du Fils et pour l’émission du Fils ce n’est pas non plus le Père qui l’a transmise au Fils ni le Fils qui est associé avec le Père. Et il n’est pas permis de nier que l’Église a été couronnée de leurs paroles comme d’une sorte de seconde Écriture adjointe à celle que dicta Dieu lui-même. Ces hommes, deuxième chœur après les apôtres, sont deve­nus maîtres et précepteurs de la théologie. Le divin Denys, dans le cha­pitre sur la prière, dit : «Aussi bien croyons-nous que le traité de Hiérothée, maître des raisons parfaites et accomplies, doit être réservé à une élite, comme une sorte d’Écriture nouvelle adjointe à celle que dicta Dieu lui-même. Pour nous, notre rôle est d’expliquer, à notre façon et en usant de l’analogie, les vérités divines aux intelligences qui restent à notre niveau [77].» Et le même Denys témoigne qu’il n’écrit pas dans un autre esprit que celui de Hiérothée. Il conclut le chapitre sur la prière de la façon suivante : «Nous sommes descendus nous aussi dans la lice théologique, sans prétendre apporter rien de nouveau, mais simplement, par des recherches plus méticuleuses et plus poussées dans le détail, pour analyser et exposer aux autres tout ce que l’excellent Hiérothée a su réduire à l’essentiel [78]».

 

  1. En outre, en ce qui concerne la théologie des distinctions, on a tort de penser que les bienheureux auraient laissé de côté quelque élément commun, car ils avaient peur de voir surgir une confusion. Le même auteur dit : «mais il existe aussi des noms distincts correspondant à des réalités distinctes, les uns et les autres également suressentiels : le Père, le Fils et le Saint-Esprit, car ces termes ne sont ni interchangeables ni communs [79].» Si donc, parmi les noms qui distinguent la divinité, il ne convient en aucun cas d’introduire de communauté et si les personnes divines se distinguent par le fait d’être source et si le Père est seule sour­ce de la divinité, alors il n’est pas juste d’attribuer au Fils aussi le fait d’être source d’une certaine manière. Car la communauté est strictement interdite. Et si le fait d’être source n’appartient pas au Fils, comment est-il possible (pour le Fils) d’être de nouveau source de la divinité et émet­teur de l’Esprit et pour l’Esprit de procéder de lui ?

 

  1. [Objection :] Et s’ils disent que dans la distinction brièvement exposée il n’avait pas exclu définitivement le fait de la communauté, leur pensée n’est pas saine. [Solution :] Car il ne voulait pas ici distinguer et là confondre les hypostases suressentielles. Mais pourquoi en a-t-il com­plètement exclu la communauté ? Bien sûr, à cause de la confusion. Car il dit qu’«il n’est pas permis de diviser ce qui est uni, ni de confondre ce qui est distinct». Par conséquent il appartient à ceux qui confondent d’attribuer au Fils aussi le fait d’être source. Et certes en ce qui concerne la distinction brièvement exposée, même s’il n’existe dans les noms divins aucune spécification supplémentaire, je veux dire la mention de «seul», cependant le fait que cela est appelé «théologie de distinction» entraîne l’interdiction totale de penser une communauté, quelle qu’elle soit. Comment donc la même chose ne serait-elle pas encore plus valable dans cette distinction que lui-même a appelée «théologie parfaite» et à laquelle il a assigné la spécification du mot «seul» ?

 

  1. Et certes, de même que lorsqu’on dit que seul l’homme est apte à rire ou capable d’intelligence ou de science, on n’indique aucun autre animal en dehors de l’homme qui soit apte à rire ou capable de science car on peut intervertir les propositions et cela revient au même. Or, cela, les réalités mêmes l’affirment ainsi que l’usage commun de la raison, et celui qui a goûté, si peu que ce soit, à la méthode logique aussi bien que ceux qui ont enseigné aux autres les méthodes logiques ont souvent, dans leurs propos, pris une affirmation au lieu de l’autre parce que cela revient au même. C’est ainsi que lorsque quelqu’un dit que seul le Père est source de la divinité, de toute nécessité il n’attribue pas dans la Trinité à une autre personne qu’au Père le fait d’être source de la divinité. Et les bienheureux (Denys et Hiérothée) affirment que les personnes divines se distinguent comme eux-mêmes l’ont transmis [80]. Par consé­quent ce n’est pas de toute nécessité que le fait d’être source soit attri­bué au Fils. Si donc le Fils n’est pas de toute nécessité source de la divi­nité, et si, pour Lui, le fait d’être émetteur signifie sans aucun doute être source de la divinité, comment donc le Fils pourrait-il être émetteur ?

 

Le sens du monopatrisme latin.

  1. Mais que répondent les Latins ? [Objection des Latins :] Ce que l‘on peut conjecturer d’après les enseignements du bienheureux Denys, à savoir que l’Esprit Saint ne procède pas aussi du Fils, n’est pas contrai­gnant. En effet, tout d’abord, lorsqu’on dit que le Père est seule source de la divinité, cela renvoie seulement au Fils et non à l’Esprit. Cela revient à dire que le Père seul est source du Fils. Et cela est évident du fait qu’il appelle ici le Père «origine de Dieu», et le disant seule source de la divinité, il déduit : le Père n’est pas Fils et le Fils n’est pas non plus Père. Deuxièmement, supposons que quelqu’un force l’expression pour montrer que lorsqu’on dit le Père seule source de la divinité, cela s’étende aussi à l’Esprit ; eh bien voilà comment le Père est seule source de la divinité : il est seule source des deux personnes ensemble et en commun, mais pas seule source de l’une d’elles. Parce que le Père n’est pas seule cause de l’Esprit mais que le Fils l’est aussi. Troisièmement, voilà comment on peut aussi dire le Père seule source de la divinité : le Père est seulement source et non bien sûr issu d’une source ; le Fils est source et issu d’une source. Si l’on accepte de croire le Père seule sour­ce de la divinité en ces divers sens, rien n’empêche de croire le Fils aussi source de la divinité. Ceux qui aiment bien la vérité ne doivent pas rejeter les uns et introduire celui qui de toute nécessité prive le Fils du plus grand des biens qu’il possède pour l’avoir reçu du Père. Ce n’est pas juste.

 

Solution pour la première objection : Le Père seul est-il source du Fils ?

  1. Voilà donc ce qu’ils disent. Mais nous, pour nous défendre, voilà ce que nous répondons : d’abord il faut examiner le fait que les Latins reconnaissent que leur interprétation n’est pas du tout contraignante. Il nous reste à démontrer qu’elle n’est même pas recevable, mais plutôt qu’elle ajoute au mensonge l’impossible. Et voilà que déjà on l’a démontré, non seulement dans le premier discours, lorsque l’hypothèse latine étant exposée, on en a tiré beaucoup d’absurdités, mais aussi dans le présent discours, où les affirmations apostoliques ont été exposées. La rai­son a montré l’impossibilité d’attribuer la source de n’importe quelle manière au Fils ou au contraire de concevoir quelque sorte de commu­nauté que ce soit entre les noms divins qui distinguent, car une telle chose serait une grossière confusion et le début de nombreuses absurdi­tés. Comme je l’ai dit, c’est ce qu’on a déjà montré. Et maintenant on va le montrer avec plus de détails, pour des raisons de clarté et pour ne lais­ser nulle place à l’hérésie.

 

  1. D’abord, voilà ce qu’on répond au sujet de la première objection. Nous connaissons le Père comme engendreur et émetteur. On a déjà montré [81] que le nom de «source» inclut les deux. Lorsqu’on entend que le Père est seule source de la divinité, c’est sans complément qui le définis­se. Nous savons aussi qu’il se rattache en tant que source à la capacité d’être source et que, pour les théologiens, la parole visait la procession existentielle des personnes théarchiques et que, de même que le Fils est divinité suressentielle, l’Esprit Saint l’est de la même manière. Avec la source nous en venons à la mention du Fils et de l’Esprit en reconnais­sant clairement non seulement la divinité qui fait jaillir le Fils, mais éga­lement celle qui fait jaillir le Saint-Esprit. Et lorsque nous ajoutons «la seule», nous croyons qu’aucune autre personne dans la Trinité [que le Père] n’a à sa disposition la source sans rien ajouter à ce qui a été écrit ni non plus enlever, et également sans souiller la théologie avec les idées de certains esprits mesquins. Par contre les Latins, même si ces arguments sont bien contraignants, ne reconnaissent pas, selon la nécessité de la rai­son, le Père seule source de la divinité de manière absolue et sans com­plément qui le définisse, mais ils ajoutent : seule source de la divinité du Fils. C’est procéder comme ceux qui mettent à égalité le général et le particulier, mais c’est absurde. Car si le Père est simplement seule source de la divinité, il est aussi nécessairement seule source de la divinité du Fils. Mais s’il était seule source du Fils, il ne serait pas du tout vrai de l’appeler source de la divinité sans complément qui le définisse, comme ce bienheureux l’a appelé.

 

  1. De plus, si le théologien disait que le Père était seule source du Fils et si, à cause de cette déclaration, nous estimions que cela est digne de la divinité tout entière, est-ce qu’ils ne s’indigneraient pas et est-ce qu’ils ne diraient pas que nous nous dressons contre l’usage commun de la raison et contre l’enseignement de l’Esprit ? Qu’ils l’entendent de notre part, eux qui tolèrent des affirmations de cette sorte. Car le blas­phème est égal lorsqu’on prétend que le Père, seule source de la divinité sans complément qui le définisse, est seulement source de la divinité du Monogène, et lorsqu’on dit simplement qu’il est source de la divinité, alors qu’il est seulement source du Fils. [Objection :] Et si quelqu’un accuse pour la même raison, en disant que même nous nous n’interpré­tons pas sans complément qui définisse, la parole que le Père est simplement seule source de la divinité ? Car il n’est certes pas seule source de propre divinité, mais seulement source de la divinité qui jaillit de lui, voilà ce qu’on a à répondre : [Solution :] il n’y a pas du tout lieu ici de penser à la divinité du Père. Car le Père est appelé source de la divinité et la source se rapporte à ce qui est issu de la source ; elle ne se retourne pas vers elle-même. Par conséquent, la cohérence de la parole oblige à accepter que si c’était ajouté, ce serait superflu.
  2. Ensuite, parmi les noms divins, on distingue ceux qui se réfèrent à l’essence et ceux qui se réfèrent à la personne. Lorsqu’on parle des noms qui se réfèrent à l’essence, on entend ceux qui appartiennent à chaque personne théarchique et aux trois Personnes ensemble. De tels noms sont exprimés au singulier et pas au pluriel. Par contre, par noms personnels, on entend tous ceux qui ne sont pas ainsi, mais, comme on l’a déjà dit [82], d’une manière différente. Parmi ces noms personnels, ceux auxquels est ajouté le mot « seul», se rapportent à une seule personne et il est impossible de les rapporter à plusieurs. Les noms auxquels on n’ajoute pas le mot «seul», ne se rapportent pas à une seule personne mais à plu­sieurs. Il est évident qu’on dit du Père seul qu’il est inengendré et le fait d’être inengendré ne se rattache à aucune autre personne. C’est aussi la même chose lorsqu’on dit le Père seul engendreur, le Fils seul être engendré et l’Esprit Saint seul être qui procède. Mais en ce qui concerne la personne causée ou le Paraclet, aucune personne ayant une piété saine n’ajouterait le mot «seul». En effet tu ne peux pas observer quelque part l’adjonction du mot «seul» ; il n’existe pas de place pour cela. Car le Fils est causé, et l’Esprit Saint aussi est causé. Le Fils est un Paraclet, selon ce que l’Apôtre dit [83], et le Seigneur veut que l’Esprit Saint soit un autre Paraclet [84]. Les noms de la source et de la cause que nous examinons maintenant sont parmi les noms divins et sont personnels. Ils ne sont pas exprimés pour les trois personnes. Par conséquent, la précision du «seul», leur a été attribuée de façon appropriée. Il est impossible que de tels noms appartiennent à plusieurs personnes. Que reste-t-il donc, sinon à croire qu’il est impossible d’attribuer le nom de source ou de cause a deux personnes et à croire nécessairement que la dénomination se rap­porte à une personne théarchique et que ceux qui ne sont pas de la même opinion font la guerre contre eux-mêmes ? Si cela est vrai, de toute nécessité ni le Fils ni l’Esprit Saint ne doivent être considérés comme sources de la divinité, puisque le Père seul est nommé source de la divinité. Et si le Fils n’est pas source de la divinité, il est vain d’interpréter l’affirmation théologique de telle manière que le Père soit seule source de la divinité du Fils mais non pas aussi de l’Esprit.

 

  1. De plus, cela étant posé, on annule en conséquence la promesse du bienheureux Denys et on prétend des choses contraires à l’évidence. Voici comment. Auparavant il avait transmis la parole de l’union et de la distinction en Dieu d’une façon brève et non pas parfaitement et pleine­ment. Dans la suite il a promis de la transmettre complètement, de sorte que la parole soit facile à comprendre et claire et que la théologie soit assurée par certaines définitions, afin qu’il ne soit permis à personne de penser de son propre fonds [85]. Voilà ce qu’il dit dans l’enseignement bref à propos de la distinction : «mais il existe aussi des noms distincts cor­respondant à des réalités distinctes, les uns et les autres également sures­sentiels : le Père, le Fils et le Saint-Esprit, car ces termes ne sont ni inter­changeables ni communs [86].» Dans ce passage bref, il a donc transmis trois distinctions en nombre [87] et il a distingué toutes les personnes divines entre elles, même s’il n’avait pas exposé entièrement son propos sur la distinction. C’est ainsi que le Père, qui a engendré le Fils, est dis­tingué du Fils et de l’Esprit ; l’un (le Fils) parce qu’il est engendré de lui, et l’Esprit parce qu’il n’a pas la capacité d’engendrer. Néanmoins l’Esprit n’est pas non plus Fils, car en eux il n’y a ni communauté, ni inversion car l’Esprit n’est pas engendré non plus. Et la troisième dis­tinction, nous la connaissons fort sainement. Voilà les distinctions que nous avons apprises dans son enseignement bref. Dans l’autre nous allons voir quel est le but de son discours, ce que le docteur promet et ce que la nouvelle théologie désire. Voilà la promesse : «mais il importe, croyons-nous, de revenir en arrière pour mieux exposer toutes les sortes d’unité et de distinction en Dieu, afin que notre raisonnement soit parfai­tement évident, qu’il ne laisse place ni à l’équivoque ni à l’obscurité, et que l’objet propre en soit défini autant que possible de façon précise, claire et méthodique. [88]» C’était donc la promesse. Et voici le contenu de la promesse : «Dans les théologies de la suressence, la distinction ne consiste pas seulement, comme je l’ai dit, en ce que chacune des Personnes qui sont principes d’unité subsiste dans l’Unité même sans se confondre avec les autres et sans aucun mélange, mais en ceci également que les propriétés qui appartiennent à la suressentielle génération au sein de la divinité ne sont aucunement interchangeables. Dans la suressentielle divinité le Père seul est source, et le Fils n’est pas père, ni le Père fils ; à chacune des Personnes théarchiques convient l’inviolable privilège de ses louanges propres [89].» Voilà les unions et les distinctions selon l’inex­primable union et existence.

 

  1. Si donc, selon cette nouvelle distinction, le Père est jugé être seule source de la divinité suressentielle, le Père se distingue seulement du Fils par la cause [propriété du Père] et le fait d’être issu de [propriété du Père] et non pas de l’Esprit, ces distinctions risquent d’être aussi nom­breuses que celles qu’il avait énumérées auparavant dans son discours bref et de leur être identiques. Et cela étant posé, il s’ensuit que la propo­sition du théologien est détruite. Non seulement la parole complète sur la distinction en Dieu qui est anéantie, sans apporter ici quelque chose de plus original, mais encore, si cette interprétation prévalait, ce qu’il a transmis dans la parole brève ne serait plus évident. Et là, dans la suite du raisonnement, avec des noms propres, il nous a tout rendu clair et facile à connaître [90]. Ici, par contre, selon ce que veut l’interprétation, ayant pris les noms généraux au lieu des noms particuliers, le courage même de demander ce que la parole signifie nous manque, car (les Latins) comprennent que la source est l’équivalent du Père et que la divi­nité qui fait jaillir est l’équivalent de la divinité du Fils. Et il arrive que le premier enseignement contienne un raisonnement plus parfait sur la distinction en Dieu, car là toutes les personnes théarchiques ont été dis­tinguées de façon claire et méthodique. Et la distinction que celui-ci caractérise comme la plus parfaite, exposée de façon claire et métho­dique et parfaitement évidente, se trouve être la plus indigne de toutes et la moins claire, les personnes divines ayant été distinguées sans aucun espoir de faire mieux faire perfectionner cette distinction. Mais c’est absurde. Celui qui s’avancera vers une interprétation devra au moins ten­ter par tous les moyens de sauver le but du discours afin de ne pas res­sembler à celui qui porte sans honte les vêtements du médecin, alors qu’il agit comme un bourreau.

 

  1. De plus, la distinction brève nous a transmis d’un côté le Père des personnes divines, de l’autre le Fils, de l’autre l’Esprit. Il en ressort que le Père n’apparaît nulle part comme cause de l’Esprit. Il l’est bien sûr du Fils ; c’est la raison commune qui le nécessite. Mais comment peut-il l’être de l’Esprit ? Si l’Esprit n’est pas Fils, il n’a jamais eu de Père. Voilà ce dont saint Maxime dans son dialogue [91] témoigne : «L’Esprit n’a pas de Père car il n’est pas engendré non plus. [92]» Si donc, selon la pre­mière distinction, nous ne connaissons pas le Père comme cause de l’Esprit et si nous ne le faisons pas non plus selon la distinction plus par­faite, comme le veut l’interprétation en suspens — car elle ne croit pas non plus que l’affirmation théologique doive s’étendre aussi à l’Esprit, mais seulement au Fils [93] — ces raisonnements nous amènent à la conclusion que le Père ne se distingue pas de l’Esprit selon la cause et le fait d’être issu de. Il paraît que le bienheureux Denys ignorait la divine voix du Seigneur lorsque celui-ci dit que l’Esprit Saint procède du Père. Sa préoccupation la plus grande était de n’omettre aucune union ou distinc­tion qu’on peut trouver dans les Écritures, mais de les maintenir sans les augmenter ni les diminuer ni sans les altérer [94], et en plus de transmettre pleinement ce qui est dit de la distinction transcendante [95] Cependant lui, il est évident qu’il aurait omis de rattacher l’existence de l’Esprit au Père ! S’il est complètement irréfléchi même d’envisager tout cela, de toute nécessité on a affaire à un mensonge lorsque quelqu’un soutient cette affirmation théologique qui a accordé le fait d’être source au Père seul, envers le Fils seul et sans se rapporter aucunement à l’Esprit. Et s’il arrive que l’exposé de l’argument soit annulé aussi sur ce point, je ne sais pas où la nouveauté va pouvoir se fonder.

 

  1. De plus, si on garde leur interprétation, on ne sauvera en aucune manière — et surtout pas celle-là — ce que veut le théologien, à savoir que chacune des hypostases garde sa propriété propre, tant qu’ils affir­ment que l’unique source de la divinité s’applique seulement au Fils seul, mais aucunement à l’Esprit. Car ce qui s’applique à chacune des hypostases ne peut pas s’appliquer à deux d’entre elles.

 

  1. Et si, leur interprétation étant solide, il arrive que cette proposition précise soit anéantie, de toute nécessité notre interprétation maintient elle-même la santé [de la foi], afin de sauver l’objectif du théologien, de chasser les absurdités précédemment dites, de restituer toute raison de distinction divine, de distinguer toutes les personnes théarchiques et non seulement de contenir les trois distinctions comptées auparavant mais encore d’en récapituler sept en tout. Voilà comment la proposition origi­nelle du discours sera sauvée, tout en maintenant bien ce qui a été reçu auparavant et en dévoilant ce qui avait été omis. C’est ainsi que toute sorte de distinction en Dieu sera connue. Car voici ce qu’il en est.

 

 

  1. Si le Père est ainsi seule source de la divinité suressentielle, c’est-à-dire du Fils et de l’Esprit, de l’un comme son seul engendreur et de l’autre comme son seul émetteur, tout d’abord nous ne distinguons pas le Père et l’Esprit seulement par le fait d’engendrer, ce qu’on avait dit, mais encore selon la cause et le fait d’être issu de.

 

  1. Ensuite, puisque le Père est seule source de l’Esprit, nous allons distinguer le Père et le Fils selon la capacité d’émettre, car le Fils ne possède pas aussi cette propriété. Si les personnes divines sont seulement trois et si le Père possède seul la cause et la source de la divinité, de toute nécessité le Père sera aussi seul inengendré, c’est-à-dire sans cause. Et si le Père n’était pas sans cause, mars était issu d’une cause, il le serait du Fils, soit de l’Esprit, soit de quelque chose d’autre. Mais s issu du Fils ou de l’Esprit, ce serait absurde. Car les mêmes personnes ne courraient pas être pour elles-mêmes et causées et causes. Il est également impossible de considérer que le Père soit issu de quelqu’un d’autre. Car ainsi les personnes théarchiques ne seraient pas trois et Dieu ne serait pas non plus Trinité, ni même le Père seule source de la divinité, car il serait beaucoup plus juste que cette autre [personne ou chose] dont le Père serait issu, fut source de la divinité. Mais cette autre [personne ou chose] ne serait pas issue d’elle-même ; car il lui arriverait d’être à la fois causée par elle-même et cause d’elle-même. Si tout cela est absurde, de toute nécessité il faudra également que la seule source de la divinité soit sans cause, c’est-à-dire inengendrée, et il faudra la distinguer du Fils et de l’Esprit par rapport au fait d’être inengendré.

 

  1. La distinction brève ne comportait pas cela. Car le Père n’était pas mentionné comme seule source de la divinité, ou seule source de l’Esprit. Et cela bien sûr ne résulte pas nécessairement du fait que l’un c’est le Père, l’autre le Fils, l’autre l’Esprit, comme on vient de le mon­trer plus haut. C’est ainsi que cette théologie révèle encore quatre sortes de distinctions divines. Avant, il y en avait trois et maintenant elles sont en tout sept [96]. Toutes les sortes de distinction divines sont comprises, selon ce que nous avions dès le début promis de démontrer [97]. Et si l’on se souvient aussi de notre nature que le Verbe de Dieu a assumée, c’est également à partir de celle-ci qu’il est distingué du Père et de l’Esprit. Et les bienheureux (Denys et Hiérothée) n’avaient pas non plus passe cette dis­tinction sous silence parce que c’est une contrainte des Ecritures et a cause de leur promesse d’exposer toute sorte de distinction surnaturelle. Denys va augmenter le nombre de distinctions en Dieu, et il dira ce qui s’accorde avec nous aussi et avec l’enseignement de l’Esprit. Ici il a dénommé l’engendrement et l’émission «génération au sein de la divini­té». Par conséquent, les termes de l’engendrement sont «l’engendreur» et «l’engendré» et ceux de l’émission sont «l’émetteur» et «l’émis». Et il est tout à fait inadmissible de les mélanger. Car l’engendreur ne pourrait pas se changer en engendré, ni l’émis en émetteur [98].

 

  1. Et que personne ne se trouble si l’on caractérise l’émission comme génération au sein de la divinité. Car la génération, comme d’ailleurs la dignité d’être issu de la source et de la cause, se réfèrent aussi à l’Esprit. Car le divin Denys écrit dans le même traité : «nous louons saintement Dieu comme Trinité, à cause de la manifestation en trois hypostases de la génération suressentielle, d’où toute paternité au ciel et sur la terre reçoit son être et son nom [99].» Et si la génération se rat­tachait seulement au Fils et non à l’Esprit, Dieu ne serait plus Trinité mais dualité. Mais le théologien a appelé Dieu «Trinité» à cause de la génération. Et même si l’on parle comme eux, puisqu’ici la génération au sein de la divinité évoque principalement le Père, de même que nous disons qu’est issu du Père non seulement le Fils mais aussi l’Esprit et qu’avant nous c’est Dieu le Verbe Lui-même qui le dit, de même il n’y a aucun obstacle à professer que l’Esprit est issu de la génération au sein de la divinité, comme d’ailleurs le Fils en est aussi issu, tout en sauve­gardant la différence des modes [dont l’un et l’autre l’est]. Et la préci­sion que le Père n’est pas Fils, ni le Fils Père a servi d’exemple pour rendre la parole claire, afin de maintenir presque semblablement le rai­sonnement pour les autres distinctions. Qui, voulant vivre selon la piété, n’approuverait pas cela ? Voilà ce qu’on avait à répondre à la première objection.

 

Solution pour la deuxième objection : Le Père est-il seule source des deux Personnes ensemble ?

  1. En ce qui concerne la deuxième objection, après ce qu’on vient de développer, la solution n’est pas difficile. En vérité, s’il a été démontré que le fait pour le Père d’être seule source de la divinité se rapporte aussi à l’Esprit, et si cela n’a pas de valeur, toute raison de distinction en Dieu se détruit et les successeurs des apôtres ne distinguent plus le Père du Fils par le fait [pour le premier] d’être causé et [pour le second d’être] issu de [lui]. Et le Père se sépare et du Fils et de l’Esprit par le fait d’émettre, de la même façon qu’il se sépare des deux personnes ensemble par le fait d’engendrer. Il est impossible que la source et la cause dans la Théologie appartiennent à deux personnes. Il est donc vain de prétendre croire le Père seule source de la divinité de façon que Lui seul soit la source du Fils et de l’Esprit ensemble, sans qu’il soit Lui seul la source de chacun d’eux, mais en étant pour l’un [le Fils] seule source, alors que pour l’Esprit il le serait avec le Fils.

 

  1. En outre, voilà un exemple : il est impossible de lier la phrase : «seul l’homme est animal» à la phrase : «seul l’homme est animal apte à rire» [100], parce que l’une est toujours mensonge et l’autre toujours vérité. De la même façon il est impossible au lieu de la phrase : «le Père est seule source de la divinité», d’entendre la phrase : «il est seule source de la divinité des deux Personnes ensemble». Parce que la première a été dite de manière absolue, afin de séparer du Fils le fait d’être source ce nui selon les Latins, est un mensonge, — alors que la deuxième n’a pas été dite de manière absolue. Et donc, comment pourrait-on attribuer éga­lement au Fils la qualité de la source ? Voilà leur première préoccupa­tion. Et s’il est impossible de prendre une phrase au lieu de l’autre, les Latins, par conséquent, ne se reconnaissent pas unis à l’enseignement apostolique, ni à l’utilisation commune de la raison et aux règles dialec­tiques, mais plutôt forcent la règle vers leur propre interprétation.

 

  1. Et sans compter cela, si le Père est cette seule source de la divini­té il s’ensuit de toute nécessité qu’il ne faut pas le considérer simple­ment comme seule source de la divinité. Parce que, par exemple, lors­qu’on dit que l’homme est seul animal apte à rire, il s’ensuit qu’il n’est pas le seul animal. Si donc la phrase «être seule source de la divinité» acquiert une interprétation pareille, il s’ensuit qu’on ne croit pas à une seule source de la divinité et qu’on risque d’arriver à la conclusion que la seule source de la divinité n’est pas seule source de la divinité. Et cela signifie qu’on mélange toutes les choses, jusqu’à croire que l’être n’est pas différent du non-être. Voilà comment les Latins parlent avec facilité et imprudence.

 

  1. En outre, l’argument fameux que les Latins essayent par tous les moyens d’éviter se retourne contre eux de manière souterraine, tant que cette exégèse est manifeste. Si le Père est la seule source du Fils et de l’Esprit d’une telle manière, en tant qu’uni aux deux personnes à la fois, il n’est certainement pas source de chacun ; et l’adjonction du mot «seul» entraîne vers le Fils la distinction par opposition ; Lui aussi est source, certainement pas des deux Personnes mais de l’Esprit seul. Par conséquent, d’après ces paroles, jaillissent nécessairement deux sources de la divinité. Elles sont en nombre tellement différentes entre elles, que l’une se distingue clairement par opposition avec l’autre.

 

  1. Et cela mis à part, une telle interprétation de l’affirmation théolo­gique ne fait rien d’autre qu’attester que seul le Père est principe du Fils, alors que l’on considère que le Père et le Fils ensemble sont principe de l’Esprit. L’un et l’autre, on l’a déjà montré [101], Thomas, dans un chapitre du quatrième livre Contre les Gentils, les appelle principes différents [102]. Et si ces principes sont différents et si la différence est personnelle et se trouve dans des hypostases différentes, alors un principe est une chose et l’autre en est une autre, non pas en parole mais sans aucun doute dans la réalité. Et si de cette manière un principe est une chose et l’autre une autre, comment ces paroles n’enrêneraient-elles pas deux principes ? Et s’ils veulent éviter les deux principes en disant que la précision ne distingue pas par opposition le Fils, qu’ils nous disent la Personne que cette distinction concerne. Ils ne diront pas l’Esprit. Le mot « seul » est superflu car même chez eux l’Esprit n’est en aucun cas source. Il reste alors que l’adjonction a été proférée en vain. Mais en ce qui nous concerne, puisque nous croyons le Père seule source du Fils et seule source de l’Esprit, ces choses, bien sûr, n’arrivent pas. Puisqu’on évoqué l’hypostase du Père seul, on sauvegarde parfaitement l’unicité de la cause et l’unicité en nombre de la source. Et la précision du mot « seul », on ne la profère pas en vain. Car le Père est seule source du Fils — et non pas, bien sûr, aussi l’Esprit — et seule source de l’Esprit — et non pas, bien sûr, aussi le Fils.

 

  1. En outre, Thomas, face à cette interprétation, ne se comportera pas avec calme, mais il va s’irriter et crier, ne pouvant point supporter de voir sa théologie mutilée. Et d’abord il va confesser qu’il ne connaît pas cette sorte d’interprétation. Car l’interprétation (de Thomas) ne distingue pas le Père et le Fils selon la source et l’issu de, mais ce sont les per­sonnes que cette expression « source » divise : le Père qui est la seule source des deux ensemble, et le Fils qui est source, mais pas source de cette façon. Mais personne n’ignore que, de toute nécessité, il s’agit d’une autre distinction que celle qui a été mentionnée plus haut, à savoir la division des personnes selon la source et ce qui est issu de celle-ci. Et cela Thomas ne l’accepte pas dans le vingt-cinquième chapitre du qua­trième livre Contre les Gentils, en soutenant avec rigueur qu’il n’y a pas d’autre distinction entre le Père et le Fils, que la cause et l’issu de. Il dit que les personnes divines se distinguent entre elles «seulement par l’opposition du rapport avec. [103]» Et encore : «Les (personnes) divines ne peuvent être distinctes que par le rapport de l’opposition selon la cause. [104]» Et encore : «Le Père et le Fils ne se distinguent point selon l’unité de l’essence, mais seulement dans la mesure où l’un est Père et l’autre Fils. [105]» Si nous ne sommes pas satisfaits de cette interprétation, ni nous, ni les plus distingués parmi les Latins, alors qui pourrait l’approuver ?

 

Arguments et syllogismes.

  1. En outre, voulant prouver qu’aucune de leurs interprétations, avec lesquelles ils ont le courage de nous attaquer, est valable, qu’il soit per­mis de raisonner aussi avec des syllogismes. Voilà : si le Père est seule source de la divinité et par celle-ci se distingue du Fils, le Fils ne sera absolument pas source de la divinité. Il en sera ainsi, soit parce qu’il n’est pas source de sa propre divinité, soit parce qu’il n’est pas la source de la divinité du Père ou de l’Esprit. Et il n’est pas permis d’inventer la divinité d’une autre personne !

 

  1. [Objection :] Et s’ils répondent que de même que le Père est appelé seule source de la divinité parce qu’il est Lui seul cause des deux ensemble ; ainsi le Fils n’est-il pas source de la divinité parce qu’il n’est pas cause de lui-même et de l’Esprit ensemble, mais seulement de l’Esprit ? [Solution :] Il est de nouveau nécessaire de revenir aux mêmes points. [Les Latins] n’appellent pas le Fils source de Lui-même et de l’Esprit conjointement, puisqu’il n’est pas source de Lui-même. Mais ils le veulent d’une manière mesurée source de l’Esprit, sans le croire bien sûr source de la divinité, puisqu’il n’est pas cause de Lui-même. N est- ce pas complètement ridicule ? De tels raisonnements conviennent bien mieux aux acteurs de la scène et aux sophistes qu’aux théologiens. Et certainement le Père non plus ne reste pas indemne d’une telle dénomi­nation, car même Lui n’est pas la cause de Lui-même. Il s’ensuit qu’il pourrait être dit que Lui non plus n’est pas la source de la divinité. Par conséquent, celle-ci conviendrait au Fils plutôt que d’être séparée de Lui. Mais ce n’est pas le cas ici. Car le but de cette parole c’est bien la distinction. Par ailleurs, étant donné cela, pour l’opinion théologique le Père serait aussi seule source, alors que pour cette interprétation éton­nante il serait aussi non source et ni l’un ni l’autre au sens propre !

 

  1. En outre, voilà le piège où ils tombent : dans leur troisième type d’interprétation [106], ils prétendent le Père seule source, car il est le seul qui fait jaillir mais n’est pas issu d’une source. Si donc le Père est seulement source, et également non-source puisqu’il n’est pas la cause de Lui- même, le Père serait seule source et aussi pas seule source. Et outre cela, on va risquer d’expulser la cause en dehors, parce qu’elle n’est pas cause d’elle-même. Et certes, dire le Père non-source, parce qu’il n’est pas source de Lui-même, cela revient à le dire non-Père, parce qu’il ne s’est pas engendré Lui-même, et aussi non-émetteur, parce qu’il ne s’est pas émis Lui-même. Et s’il est vrai de dire que le Père n’est pas Dieu de Lui- même, la suite du raisonnement oblige à dire qu’il est non-Dieu. Ainsi, la première cause sera Père et non-Père, émetteur et non-émetteur, et Dieu et non-Dieu. Et pour le Fils on dira la même chose. Car si le Père est non-source, parce qu’en aucune manière il n’est pas source de Lui- même, le Fils non plus ne sera pas issu de la source, parce qu’il n’est pas issu de lui-même ; c’est-à-dire, qu’il est Fils, parce qu’il est issu du Père, et non-Fils, parce qu’il n’est pas issu de lui-même. Mais qu’est-ce qui serait plus absurde ou plus impudent ou plus sénile que cette théologie ? Car, aucun homme sain d’esprit ne dirait le Père non-Père ou non-Dieu parce qu’il n’est pas Père ni cause ni Dieu de Lui-même ni non-source de la divinité parce qu’il ne fait pas sourdre sa propre divini­té Par conséquent, aucun homme doué d’intelligence n’appellerait saine­ment le Fils non-source de la divinité parce qu’il n’est nullement cause de sa propre divinité. En outre, si le Père est loué comme source de la divinité parce qu’il est source de lui-même, que cela ne saurait s’appli­quer au Fils, car il ne s’est pas engendré Lui-même. Et si cela est ab­surde, parce qu’il a obtenu cette appellation grâce à sa richesse, com­ment le Fils pourrait-il en toute justice écouter de telles choses ?

 

  1. Mais certes, ce n’est pas parce que le Fils ne fait pas sourdre la divinité du Père, qu’il est à bon droit appelé non-source de la divinité. Car s’il était apte à faire sourdre, par rapport à elle, comme le Seigneur en témoigne, il faudrait attendre tout autre chose que cela. Que chaque Personne ne se fasse pas jaillir elle-même ou ne soit pas elle-même sa propre cause, c’est tout à fait vrai. Mais considérer que, pour cette rai­son elle n’est pas source, c’est ridicule. Raisonner pareillement va contre la réalité, contre l’usage de la langue et contre toute vraisem­blance. Lorsqu’on dit de quelqu’un qu’il n’est pas devenu Père ce n’est pas parce qu’il ne s’est pas engendré lui-même ou n’a pas engendre son Père, car cela convient aux fous ; mais on le dit parce qu’il n’a pas engendré quelqu’un d’autre qui soit issu de lui-même. Et alors, lorsque nous disons pour le Fils qu’il n’est pas source de la divinité, nous devons refuser de l’entendre de sa propre divinité ou de celle du Père, mais nous devons chercher une divinité suressentielle d’une autre personne qui est issue du Père et pour laquelle le Fils n’est pas source et, qui se distingue ainsi par rapport à Lui. Le Fils, qui ne la fait pas sourdre, ne sera pas appelé source de la divinité. Car si le Père se distingue du Fils par rap­port à la source et si le Père est seule source de la divinité, de toute nécessité le Fils n’est pas source de la divinité, et ce que l’on a dit plus haut est impossible. Par conséquent, pour cela, il est impossible de considérer le Fils comme source de la divinité. Il reste de toute nécessite que le Fils n’est pas source de la divinité parce qu’il ne fait pas sourdre l’Esprit Saint. De même que chaque personne est appelée source ou cause, non parce qu’elle est cause d’elle-même ou de sa cause, mais parce qu’elle fait sourdre une autre personne issue d’elle. Car la source se rattache à ce qui est issu de la source, elle ne se retourne pas vers elle- même, de la même manière le Fils n’est pas lui aussi source de la divini­té, non parce qu’il ne se fait pas sourdre lui-même ni ne fait sourdre son propre Père, mais parce qu’il n’est pas source de la divinité de l’Esprit. Cette divinité de l’Esprit qui reste, est donc autre que Lut, et n’est pas non plus identique au Père hypostatiquement. Par conséquent, les Latins devraient choisir l’une ou l’autre de ces deux propositions : soit ne pas professer le Fils non-source de la divinité, soit ne pas croire que l’exis­tence de l’Esprit provient par Lui. Mais la première [proposition] convient à ceux qui nient la théologie apostolique. Par conséquent il reste la deuxième, qui est juste : ne croire en aucune manière que le Fils aussi soit émetteur de l’Esprit. Car autrement, nous trahirions l’enseigne­ment apostolique, et ce serait par ailleurs absurde.

 

  1. En outre, il n’est pas permis de référer à la même chose la cause de la relation et la distinction par l’opposition du seul ; car cela n’est pas possible. Car, lorsqu’on dit le Fils engendré par le Père seul, le mot seul ne vise pas le Fils, mais c’est l’engendrement qui le vise, alors que la distinction par opposition vise l’Esprit parce que le Fils n’est pas issu aussi de l’Esprit. Par conséquent, s’il y avait seulement deux personnes divines, on dirait bien sûr et sans aucun doute que le Père engendre le Fils, mais pas du tout que le Père seul engendre le Fils. Car la distinction par opposition au sein des Personnes vise ces mêmes Personnes divines et non pas autre chose. Tout cela étant donné ainsi, lorsque la source se rattache à ce qui est issu de la source, pour que la précision du seul ne soit pas vaine, elle nécessite la distinction par opposition à quelqu’un d’autre. Si, d’après la nouvelle interprétation, le Père est seule source du Fils et de l’Esprit comme étant celle des deux ensemble, mais non pas seule source de chacun séparément, examinons le mot seul, que pourrait- il distinguer par opposition ? Soit les deux qui sont en relation, soit l’un des deux, c’est-à-dire le Fils ou l’Esprit, soit quelque chose d’autre. Mais faire la distinction par rapport à ceux qui sont en relation ensemble, cela n’est pas possible. Car la raison réclame la distinction par opposition par rapport à l’un et non par rapport à ceux dont on parle ; car les mêmes Personnes ne peuvent pas être issues d’elles-mêmes. Et si la distinction est par rapport au Fils seulement, n’étant pas source des deux ensemble, mais seulement de l’Esprit, cela non plus ne tient pas. Tout d’abord, parce qu’il n’est pas par rapport à quelqu’un d’autre, afin que la distinc­tion par opposition se justifie ; ensuite, quelles seraient les deux Personnes pour lesquelles le Fils n’est pas source ? car Dieu n’est pas quaternité. Il reste donc seulement l’Esprit, qui pourrait donner au Fils le fait d’être causé.

 

  1. [Objection :] Et s’ils répondent que le Fils n’est pas source des deux, c’est-à-dire de Lui-même et du Père, mais qu’il l’est forcément de l’Esprit ? [Solution :] Mais on vient de montrer qu’il est complètement impossible de croire le Fils non-source de la divinité sous prétexte qu’il n’est pas source de Lui-même. Mais certes, nous n’attribuerons pas à l’Esprit la distinction par opposition que le seul implique, car l’Esprit n’est pas non plus source de la divinité et la distinction ne peut en aucune manière se dire par rapport à quelqu’une des choses du dehors. Et comment cela serait-il juste, tant que la distinction se réfère à la per­sonne ? Il reste donc que la précision du seul a été dite vainement, puis­qu’il ne reste personne pour qui la distinction par opposition pourrait être faite. Mais c’est absurde.

 

  1. Et certes, s’il est tout à fait permis d’ajouter, pourquoi n’avan­çons-nous pas contre leurs arguments ? Nous serions depuis longtemps délivrés des soucis, en ajoutant ceci dans la parole du Seigneur : «quand le Paraclet viendra, que je vous enverrai auprès du Père, l’Esprit de la Vérité, qui procède du Père seul. [107]» Si cela est interdit, afin qu’on ne considère pas comme trouvé ce qu’on cherche, les Latins sont encore moins justifiés de penser des choses pareilles par eux-mêmes, les paroles du Docteur étant déterminantes. Car il s’agit des qualités des personnes théarchiques. Et sans compter cela, on n’accepterait pas facilement l’adjonction, même si elle était admissible, non seulement à cause de ce qu’on a précédemment dit, mais aussi parce que cela ne peut pas être tantôt possible tantôt cm. Que faut-il jamais penser de cette adjonction, comportant une telle anacoluthe et impossibilité, jusqu’à se dresser contre l’usage commun de la raison et insuffisante pour donner une explication en elle-même ? Donc, le maître commun de la foi avait exprimé la parole sans précision et simplement, tandis que les précisions humaines examinées sous plusieurs angles aboutissent à l’impasse. Il reste donc de toute nécessité à comprendre que l’affirmation apostolique n’est pas susceptible d’une précision ou d’une adjonction quelconque et c’est de cette manière qu’il faut croire le Père seule source de la divinité, comme seul inengendré et seul engendrant. La foi apostolique ne peut pas être fondée d’une façon différente.

 

  1. En outre, si l’on donnait d’une façon quelconque raison à l’inter­prétation latine, il faudrait distinguer le Fils et l’Esprit par la cause et l’«issu de». Et le Père, selon les dires des Latins, deviendrait avec le Fils un seul être selon la capacité d’émission. Mais cela n’était pas dans l’esprit des successeurs des apôtres, car les Écritures ne disent pas des choses pareilles. La preuve, comme on vient de le montrer plus haut, c’est que le Docteur bienheureux n’attribue pas au Fils la cause de l’Esprit, surtout qu’il avait promis de transmettre la distinction transcen­dante dans son intégralité. Par conséquent, il est absurde de lui objecter des choses qu’il avait lui-même cachées dans les Ecritures comme ne devant pas être remarquées, de même que les sycophantes objectent des vérités altérées à ceux qui, prétendent-ils, les ont produites. Et tout cela ne permet précisément aucune communauté dans ce qui distingue les noms divins.

 

  1. En outre, tout ce que Dieu possède seul, il le possède aussi seul d’une manière absolue. Cela est clair lorsqu’on fait attention aux noms essentiels et aux noms personnels. Par exemple, Il est Seul bon et aussi Seul Dieu d’une manière absolue. Il connaît tout et II est tout-puissant. Mais c’est le même principe aussi pour les noms personnels. Car le Père est seul Père et Seul d’une manière absolue, il n’est pas en partie Seul et non-Seul ; car là il n’y a rien qui soit par accident. Et en ce qui concerne le Fils, le Fils est clairement seul Fils et Seul d’une manière absolue. Et en ce qui concerne l’Esprit pareillement. Donc, il en est de même en ce qui concerne le fait d’être source de la divinité : si le Père est seule sour­ce de la divinité, il est aussi d’une manière absolue seule source de la divinité. Et il n’est pas d’une façon seule source et d’une autre façon non-seule source ; cela bien sûr convient aux Latins. Et si le Père est seule source d’une manière absolue, cela ne peut en aucune manière être commun aussi au Verbe.

 

  1. Et sans compter cela, aucun homme sain d’esprit ne dirait que quelqu’un possède en propre ce qui n’appartient pas à lui seul d’une manière absolue mais appartient à lui seul d’une certaine manière. Car ce qui ne lui appartient pas d’une manière absolue n’est pas rangé parmi ses particularités propres [108]. Par exemple, la capacité de rire ou celle de la rai­son et de la science. Comment d’une part cela appartiendrait-il à l’homme seul ? et comment, d’autre part, cela n’appartiendrait-il pas à lui ? N’en est-il pas de même pour les autres choses qu’on attribue en propre à chacun ? Si donc pour les êtres ce qui leur est propre a été ainsi distingué de ce qui ne leur est pas propre, comment pourrions-nous dire pour les Personnes suressentielles que ce qui sous un certain rapport ne leur appartient pas d’une manière absolue serait vraiment leur qualité propre ? Comment distinguer de manière propre ce qui n’appartient pas en propre ? C’est absurde. Les successeurs des apôtres ont séparé les noms divins de la même manière que les réalités divines sont distin­guées, c’est-à-dire par les Personnes auxquelles ils se rapportent.

 

  1. En outre, personne traitant de ces questions et s’intéressant aux attributs particuliers ne pourrait jamais prétendre un attribut absolu là où en réalité il n’existe pas, ni accorder partiellement un attribut là où il existe d’une manière absolue. Par exemple, quelqu’un qui recherche le caractère spécifique de l’homme n’affirmerait pas que l’homme est le seul animal, ou que l’olivier est le seul arbre. Car ces qualités [animal et arbre] sont communes avec d’autres. Bien plus, Denys qui a su le mieux définir les réalités divines par rapport à tous les autres (théologiens), n’accorderait pas au Père, en tant que qualité propre, le fait d’être source si cette dernière appartenait au Fils d’une manière quelconque. Ou voilà un autre exemple : tu distingues difficilement l’homme et le cheval par l’animalité, car tu reconnais que le rapport est faux et impossible. Par contre, tu fais la distinction par rapport à un animal d’une telle sorte, car la distinction entre l’homme et l’animal concerne le fait d’être doué de raison et celui d’en être privé. Et tu ne penses pas que c’est insuppor­table de croire que ce bienheureux (Denys) ignorait les règles dialec­tiques ? et qu’il connaissait également le Fils comme source de la divini­té en faisant la distinction entre le Père et le Fils par rapport à la source de manière absolue et non par rapport à une source d’une telle sorte ? Mais toi, si tu distingues d’une manière indéfinie la terre et le feu par le fait de brûler, d’aucune façon tu ne diras que la terre brûle. De la même manière et beaucoup plus, le bienheureux Denys a distingué les hypostases théarchiques par rapport à la source, d’une manière absolue, de façon que le Père soit seule source de la divinité, sans nommer source ni le Fils ni l’Esprit Saint.

 

  1. Et certes, ce que les propriétés expriment chez les Personnes théarchiques, chez les autres choses on peut le saisir par les définitions. Car les réalités divines ne sont absolument pas soumises à des défini­tions. Le défaut d’une définition c’est d’en dire littéralement plus ou aussi bien moins. Et comment le Docteur l’ignorerait-il ? Et s’il le sait, comment l’omettrait-il consciemment ? Et c’est sa première préoccupa­tion de prendre soin non seulement de la vérité mais également de la clarté, et de rendre tout de façon claire et méthodique, et de développer et d’éclairer tout ce que Hiérothée avait brièvement exposé [109].

 

  1. En outre, nombreux sont ceux qui parlent de Dieu et nombreux également sont les attributs en Dieu. Et si jamais les théologiens ont considéré un autre attribut commun comme propre à une Personne afin que les Personnes divines soient distinguées, qu’on soit d’accord avec ceci et que l’autre proposition s’ensuive. Mais si personne ne l’a jamais professé, bien au contraire, et si un attribut propre n’est jamais pris à la place d’un attribut commun, alors, de toute nécessité, le fait d’être sour­ce a été attribué seulement au Père pour le distinguer et il ne convient à personne d’autre. Et dans le cas opposé, voilà ce qui se passerait : celui qui prétendrait le Fils seule divinité issue de la source, nécessairement mentirait car l’Esprit aussi est issu de la source ; pareillement la même règle vaudrait pour celui qui croirait le Père seule source de la divinité, en considérant que le Fils est également source de la divinité. En un mot, en ce qui concerne la source et la cause, si on professe que le Père est vraiment seule source de la divinité et que le Fils est également source, pourquoi ne pourrait-on pas appliquer le même principe à ce qui est issu de la cause et de la source ? Et si cela est absurde et si aucun homme ayant une science théologique saine ne dira le Fils ou l’Esprit seule divinité issue de la source, pourquoi faut-il ranger du côté de la vérité celui qui prétend le Père seule source de la divinité et le Fils également source du Saint-Esprit ? Mais c’est impossible. De même que le fait d’être issu du Père n’a jamais été considéré comme un attribut propre, mais comme un attribut commun entre le Fils et l’Esprit, de la même maniéré le fait que le Fils soit également source de l’Esprit n’a jamais été accepté par la théologie de l’unité en Dieu. Ainsi donc, de toute nécessité, ce qui a été professé comme un attribut commun, il ne faut pas le considérer d’une manière particulière quelle qu’elle en soit, et ce qui a été professé comme un attribut propre, il ne faut jamais l’accepter d’une manière commune. Par conséquent, le fait d’être source de la divinité n’est pas un attribut commun, notamment entre le Père et le Fils, mais seul le Père est source de la divinité d’une manière absolue et Lui-seul principe, Lui- seul cause, et en aucune manière le Fils ne l’est.

 

  1. En outre, si la doctrine théologique disait que le fait d’être source de la divinité est un attribut commun entre le Père et le Fils et si nous avions pris le soin de distinguer le Père et le Fils selon le fait d’être sour­ce de la divinité, en disant le Père seule source de la divinité, les Latins ne nous accuseraient-ils pas avec raison de notre mensonge et aussi d’impudence et de folie parce que nous avons si effrontément attaqué les affirmations de la théologie ? Par conséquent, comment ces mêmes Latins prétendent-ils vrai que le Fils est également source de la divinité alors que la doctrine théologique distingue les Personnes divines selon la source et soutient que le Père seul est source de la divinité ? Mais ce n’est pas possible, car s’il est impossible de modifier un attribut commun pour le rendre propre, comment ne serait-ce pas un malheur de dire d’un attribut propre qu’il est commun à d’autres Personnes ?

 

  1. De surcroît, depuis longtemps, l’usage chez les théologiens est d’une part de classer les noms communs de la Trinité ou les noms qui appartiennent à certaines personnes théarchiques parmi les noms de la théologie de l’unité, d’autre part de classer les noms propres qui concer­nent séparément une seule personne parmi les noms de la théologie de la distinction. Mêler un attribut propre avec un attribut commun et présen­ter le résultat comme une distinction particulière différente de la qualité d’origine, cela, les théologiens l’ont rejeté parce qu’ils l’ont considéré comme excessif, superflu et comme une ambition vaine et clairement risible. Voilà un exemple : le fait d’être inengendré et celui d’être engen­dré sont clairement des attributs propres du Père et du Fils. Par contre, le nom de Dieu est un attribut commun, et c’est pour cela que la Trinité a été nommée un seul Dieu. Mais tu ne pourras pas observer dans la théologie de ces théologiens le nom de Dieu avec l’attribut de l’inengendré ensemble, de façon qu’ils introduisent une autre distinction pour distin­guer le Père et le Fils avec un autre mot plus neuf que «inengendré». Et c’est juste. Car il existe deux possibilités : premièrement, que l’un soit égal à l’autre et qu’il n’y ait aucune différence sous le mode de la dis­tinction en Dieu ; mais de tels propos sont un bavardage et une recherche ambitieuse sans fin. Deuxièmement, que l’un soit différent de l’autre, mais la proposition est un mensonge et le discours sur la distinction en Dieu tend à [se développer à] l’infini. En effet, si les noms propres en Dieu sont peu nombreux et les noms communs nombreux, par exemple vingt ou trente, de toute nécessité chaque attribut propre lié à chaque attribut commun va engendrer une distinction différente de celle de l’ori­gine. Disons donc, [par exemple] que les noms concernant la distinction en Dieu sont cinq et que les autres, qui concernent la communauté, sont trente ; cela nous amène à cent cinquante distinctions. Mais si l’on fait l’union de chaque distinction avec deux attributs communs, voilà qu’un autre nombre de distinctions nous est enseigné. Il en va de même si l’on fait l’union de chaque distinction avec trois réalités communes. Et égale­ment avec quatre. Et c’est ainsi que la théologie prend le chemin de l’infini, bien que les successeurs des apôtres eussent l’habitude de la considérer comme concise, claire et évidente [110]. Mais tu ne pourrais pas trouver cela chez les Docteurs de la Théologie. Et Denys, qui a promis de professer toutes les distinctions, risque ne pas en avoir professe même un petit nombre. Et toutes les distinctions aboutissent à un nombre si grand qu’il est impossible de les compter. Si tout cela est absurde, contraire à l’habitude des Théologiens, à l’objectif de Denys et à tout enseignement théologique, il en résulte que les Latins qui lisent Denys n’ont pas compris l’esprit de Denys.

 

  1. Et voici un autre argument qui montre qu’une telle sorte de dis­tinction est nuisible. Car si les Latins professent que le fait d’engendrer et le fait d’émettre ensemble distinguent le Père et le Fils de la même manière que l’attribut propre d’engendrer, Denys est un menteur ; car il avait promis d’exposer le mode le plus parfait de la distinction [en Dieu] sans professer quelque chose de plus neuf mais il a professé les mêmes principes qui se trouvent dans le discours concis. Et si les Latins soutien­nent que l’un et l’autre introduisent des distinctions différentes, dans ce cas-là Thomas, le Docteur des Latins, de toute nécessité est un menteur, lorsqu’il soutient dans le vingt-cinquième chapitre du quatrième livre Contre les Gentils que le Père ne se distingue par rapport au Fils qu’en tant que l’un est Père et que l’autre est Fils. Par conséquent, si des deux côtés c’est le naufrage, nous ne croirons pas que cette interprétation ne convienne ni chez nous ni dans l’Église latine.

 

  1. De surcroît, une fois que chaque Personne théarchique est définie de façon appropriée et convenable, tout attribut personnel possédant en lui-même la définition du mot «seul», distingue cette Personne par rap­port aux deux autres. De même que la phrase : «le Père Seul est inengendré» ou le même «est Seul engendreur» distingue le Père par rapport au Fils et à l’Esprit, de la même manière il faut comprendre la phrase : «Seul le Fils est engendré» et «Seul l’Esprit Saint procède». La première phrase sépare le Fils du Père et de l’Esprit et la deuxième phrase dis­tingue l’Esprit-Saint par rapport au Père et au Fils. Comme on vient de le montrer, lorsque Denys professe que le Père est Seule source de la divi­nité son objectif principal est avant tout de le distinguer par rapport au Fils et à l’Esprit. Alors, si l’on accepte, d’après cette nouvelle explica­tion, que le Père Seul engendre et émet ensemble pour que le Fils soit distingué du Père, on n’acceptera pas cette explication de gaîté de cœur. Par conséquent, pour distinguer le Père par rapport au Fils, la définition de l’ensemble est vaine, car l’Esprit n’a en aucune manière la qualité de la source. Eh bien donc, cette explication a échoué nécessairement des deux côtés, ou bien parce que, en dépit de tout usage, on ajoute des réali­tés non réelles, ou bien parce qu’on prouve que l’adjonction est inutile et vaine.

 

  1. Et voici une autre raison pour laquelle l’explication latine n’est pas en accord avec l’objectif de Denys. Celui-ci déclare que son raison­nement est clair, parfaitement évident, méthodique et bien défini, sans laisser de place à l’équivoque ni à l’obscurité. Par contre non seulement ce que disent les Latins est équivoque et pénible, mais aussi ce genre de raisonnement est difficile à proférer et à comprendre. Car dans un contexte de distinction, qu’y a-t-il d’aussi obscur que d’entendre que le Père est seule source de la divinité, sans comprendre l’affirmation divine de la même façon que l’on entend les autres affirmations de même natu­re, c’est-à-dire que le Père est Seul inengendré, ou que le Fils est Seul engendré, ou que le Paraclet est Seul être qui procède, mais en s’entourerant de circonvolutions et en fabriquant des définitions additionnelles en mêlant toutes choses et en dissimulant des énigmes pour arriver ainsi à l’explication de la doctrine ? Par contre, le Docteur interdit de distinguer ce qui est uni, comme également de mélanger ce qui est distinct. Ensuite, lui-même distingue le Père et le Fils par le fait de la source tandis que les Latins accordent également au Fils le fait de la source et ils tentent ainsi de forcer le langage de Denys vers leur propre opinion. Et cela est au- delà de toute obscurité.

 

 

  1. Mais examinons l’objectif de leur explication. [Objection :] Ils pro­fessent «le Père seule source de la divinité» non sans définition addi­tionnelle, ni de manière absolue, mais comme seule «source du Fils et de l’Esprit ensemble», parce qu’il n’est pas seule source de chacun des deux ; car le Fils aussi est source de l’Esprit. [Solution :] Personne n’ignore que ce raisonnement détruit l’harmonie des déclarations de même nature, qu’il est obscur et qu’il anéantit tout le jugement du Docteur. Car cette adjonction d’où vient-elle ? Quel est l’exemple sur lequel ils peuvent fonder des raisonnements pareils ? Et comment pour­raient-ils réconcilier leur raisonnement avec ce que le bienheureux pro­fesse à ce sujet : «Mais il importe, croyons-nous, de revenir en arrière pour mieux exposer tout sorte d’unité et de distinction en Dieu, afin que notre raisonnement soit parfaitement évident, qu’il ne laisse place ni à l’équivoque ni à l’obscurité, et que l’objet propre en soit défini de façon précise, claire et méthodique [111].» Voilà d’une part la doctrine de Denys et d’autre part les énigmes sans artifice du Sphinx [112]. Les Latins, donc, ne sont pas venus nous apporter l’intelligence théologique mais leur propre opinion.

 

  1. De surcroît, pourquoi nous faut-il beaucoup de circonvolutions, tant de précisions et de tels moyens de prévention ? Ce bienheureux, enseignant la théologie apostolique, en tant qu’il est Denys, ne serait absolument pas d’accord de se souvenir de quelque manière que ce soit de la divinité comme source, non pour distinguer ainsi le Père par rap­port au Fils mais pour réserver cette qualité à la communauté et à l’union des Personnes et pour attribuer ainsi la différence spécifique [entre le Père et le Fils non à leur rapport d’origine] mais à la paternité et à la filialité. Pourquoi ? Parce que, parmi les noms qui concernent Dieu, les uns conviennent à la théologie de l’unité et les autres à la théologie des distinctions. Parce que cela revient à un blasphème de séparer les Personnes par ce qui est commun et uni et de les unir par ce qui est dis­tingué. Parce que ce n’est pas un autre mais lui qui, le premier, a institué ces lois pour l’Église. Parce qu’il n’accepterait pas de faire lui-même condamner ses propres lois et d’être tellement décadent, à condition bien sûr de reconnaître que le fait d’être source convient d’une certaine manière aussi au Fils. Parce que ses livres sont la règle de la théologie avec un langage beaucoup plus éloquent que celui d’Hermès [113] que Dieu a envoyé au genre humain pour que la vérité des dogmes soit assurée à ceux qui l’entendent. Et bien sûr, si nous voulons maintenir la clarté qu’il a fondée avec amour pour l’homme, nous n’avons pas l’excuse de manifester une certaine attention à la nouveauté latine. Car professant avant les autres la distinction, il avait non seulement pensé à la source, mais en plus, dans le contexte de la distinction, il avait explicitement professé le Père seule source de la divinité. Alors, il faut que les Latins choisissent l’un des deux : soit condamner Denys parce qu’il a distingué les Personnes par le fait d’être source de la divinité, là où il faudrait unir le Père et le Fils, soit se classer eux-mêmes parmi les impies dans la mesure où ils ont renoncé à la théologie apostolique, puisqu’ils unissent ce que les apôtres ont distingué. Et, conscients de leur impudence, [les Latins] se tournent vers leurs explications. Mais nous avons montré que ces explications se trouvent en opposition avec l’usage commun de la raison et aussi avec les lois dialectiques sans lesquelles on ne peut guère raisonner. Et bien sûr ces explications ne coïncident pas avec l’objectif du contexte et ne respectent pas les paroles du Docteur. Mais elles anéantissent sans honte ce qu’elles se sont proposé d’expliquer, et il arri­ve qu’elles ne soient pas suffisantes pour elles-mêmes. Par conséquent, pourquoi ne pas croire que la façon dont les Latins comprennent la Théologie de Denys est un malheur ?

 

La ligne patristique.

  1. En outre, nous devons demander aux Latins qu’ils comprennent les affirmations théologiques de la même manière que les Théologiens les ont comprises et nous les ont transmises par amour pour l’homme. Ces Théologiens ont jugé bon et utile pour eux-mêmes de composer un traité pour interpréter la théologie de Denys [114]. Parce qu’ils savaient bien que les Théologiens peuvent interpréter les Théologiens avec sagesse. Et ces Théologiens sont : Maxime le grand, Jean le Syrien et Théodore, l’un des Graptos. Ce sont des hommes qui ont lutté contre le mensonge jusqu’au sang et cette lutte leur a mérité le nom de techniciens de la théologie. Le divin Maxime a donc écrit une lettre à Mannos, prêtre à Chypre. Et le propos de cette lettre dont nous nous occupons est que le Fils n’est pas cause de l’Esprit. Maxime connaît «une seule cause, du Fils et de l’Esprit, c’est-à-dire le Père ; pour l’un sous le mode de l’engendrement, pour l’autre sous le mode de la procession [115]», et il accepte ceux qui professent cela. Et le bienheureux Damascène dans le huitième chapitre des Théologiques dit : «Nous disons l’Esprit Saint issu du Père et nous l’appelons Esprit du Père. Et nous ne disons pas l’Esprit issu du Fils mais nous l’appelons Esprit du Fils [116].» Saint Théodore dans la profession de sa propre foi, qui lui a été transmise par ceux qui furent dès le début témoins oculaires et qui sont devenus serviteurs de la parole [117] et qui après ceux-ci a été transmise par leurs successeurs, nos bienheureux et divins Pères, comme il le dit lui-même, professe cette théologie en ce qui concerne notre propos : «Nous maintenons les propriétés de détermination sans confusion et sans mélange, sans qu’elles ne soient jamais changées ou modifiées. Nous attribuons au Père e ait d’être inengendré et d’être causé des Personnes issues de Lui ; nous attri­buons au Fils le fait d’être engendré et à l’Esprit le fait de procéder [118].» Et si la propriété du Père c’est le fait d’être inengendré et d’être causé des Personnes issues de Lui, et de la même façon si la propriété du Fils c’est le fait d’être engendré, et celle de l’Esprit, le fait de procéder, comment peut-on admettre que le Fils soit cause et source de la divinité ? Et si le Fils ne possède pas la cause de l’Esprit et si l’Esprit n’est pas issu aussi du Fils, pourquoi ne pas accepter que, de toute nécessité, Seul le Père est cause de l’Esprit et qu’il est seul émetteur et que l’Esprit Saint procède du Père Seul ? Et pourquoi ne pas accepter que la formule théologique doive rester simple et absolue : le Père est seule source de la divinité, et du Fils et de l’Esprit. Il n’est pas seulement seule source du Fils, mais éga­lement seule source de l’Esprit. Et pourquoi ne pas accepter que le Père en tant que source se distingue non seulement de l’Esprit mais également du Fils ? Ni l’Esprit ni le Fils bien sûr ne disposent de la qualité d’être source. Si les Docteurs de l’Église qui connaissaient avec précision les maximes du bienheureux Denys les ont connues et transmises d’une telle manière, c’est alors en vain pour les Latins le bruit des définitions addi­tionnelles qui sont en réalité inexistantes et d’une manière grossière sont le début des blasphèmes.

 

Solution pour la troisième objection : «Seule source» équivaut-il à «seulement source» ?

  1. En ce qui concerne la troisième objection, la solution n’est pas difficile. Car si le divin Denys disait seulement le Père source de la divi­nité suressentielle, les Latins qui croient que le Fils est également source de l’Esprit n’auraient pas une opinion différente. Car ils pourraient répondre : le Père est seulement source et bien sûr il n’est pas issu d’une source, mais le Fils est les deux à la fois : source de l’Esprit et issu de la source du Père. Mais en réalité il n’a pas professé cela, mais que le Père est seule source de la divinité, de manière absolue et sans complément qui le définisse. Ceci est une chose — je veux dire le fait que le Père soit seule source de la divinité — et ceci est une autre chose : le fait que le même soit seulement source de la divinité ; car les termes ne sont pas interchangeables. Car s’il est seule source, il est aussi nécessairement seulement source. Et s’il est seulement source, il n’est pas nécessaire­ment seule source. On pourrait affirmer pour le Paraclet qu’il est seule­ment un être causé. Et c’est juste, parce qu’il n’est pas aussi une cause. Mais en aucune manière il n’est seul être causé, dans la mesure où le Fils aussi est un être causé et dans la mesure où le fait d’être issu du Père leur est commun. Et le divin Grégoire, dans son Sermon sur le Saint-Esprit parlant du Père, le qualifie de Père ; car il n’est pas bien sûr aussi Fils. Et il ajoute qu’il croit que le fait que le Père soit seul [Père] n’amène pas au même point que l’autre affirmation [119]. Et les Latins iraient professer avec raison seulement le Père comme source. Mais en aucune manière ils n’iraient professer qu’il est seule source, même s’ils semblent le pré­tendre. Car l’un n’est pas l’équivalent de l’autre.

 

Conclusion :

  1. Les choses étant ainsi et l’impossibilité de soutenir ces affirma­tions ayant été démontrée avec plusieurs arguments, il ne faut pas appe­ler les hypothèses latines explications ou interprétations, mais souillure, corruption, sommet des maux et siège contre les doctrines apostoliques. Cela amène toute sorte de danger, dévore tout, est ardent à envahir et monte son expédition contre le ciel même ! Peut-être pourrait-on accep­ter l’explication à condition qu’elle ne soit pas contraire à l’usage com­mun de la raison, qu’elle soit recevable et que le reste en soit absent. Par contre, lorsqu’elle est complètement impossible, complètement contra­dictoire et illogique par rapport au but des affirmations et à l’usage com­mun de la raison et ce qui est plus grave, qu’elle est contrainte de porter elle-même une attaque contre elle-même, que pourrait-on faire devant un tel malheur ? Je suis indigné contre ceux qui ont espéré nous convaincre avec de tels arguments [120]. Et dirai-je, je suis indigné au plus haut point par le fait qu’ils ont quitté le bon chemin pour en prendre un autre. Et ils nous produisent un tel et un tel comme témoins de croyances contraires aux doctrines apostoliques. Mais, mes très chers, on pourrait avec jus­tesse recommander de ne pas rejeter la Théologie ancienne sans rougir et interroger les explications en feignant l’ignorance pour introduire un enseignement plus nouveau et essayer de le rattacher à l’un ou l’autre Docteur. Mais l’enseignement apostolique reste immuable et clair. Que veulent-ils donc ? Ils veulent essayer de montrer qu’ils sont d’accord avec l’enseignement des autres et particulièrement des plus anciens ou que, en dépit des connaisseurs, ils peuvent au moins chercher l’accord. Et si c’est la vérité qui nous intéresse, il n’existe rien de plus vrai que les paroles de l’Esprit ; si c’est la clarté, il n’existe rien de plus clair que ce que la parole veut indiquer. Rien d’autre que ce qu’on vient justement de mentionner : le but de la parole. Et toute préoccupation pour nous et pour eux concerne la distinction en Dieu. Et si l’on estime qu’il est grand de savoir ce qu’est le symbole de la foi des apôtres, la théologie de Denys est en vérité tout cela pour nous. Mais nous avons aussi montré manifestement comment les interprètes de cette Théologie l’ont compri­se. Comment donc pourrions-nous penser à la suite des exégèses ci-des­sus mentionnées, ou plus exactement de ces malentendus, qu’une telle théologie est contestable ou bien la tirer vers les contestations de ces nouveaux docteurs ? Au contraire, à l’aide de cette Théologie, il faut plutôt adapter la pensée des Latins à l’enseignement de l’Esprit. Parce que ce qui est issu des successeurs des apôtres est une sorte de deuxième Écriture et le propos de ces auteurs c’était la foi, et tout ce qu’on a déve­loppé auparavant s’accorde avec eux. Et les armes avec lesquelles les Latins nous attaquent, à savoir qu’ils sont d’accord avec les Docteurs, ils ne peuvent pas nous les montrer avec clarté, c’est-à-dire que les Docteurs, soit dans leur confession de la foi qu’ils ont écrite, soit dans la Théologie des distinctions qu’ils ont transmise oralement, sont d’accord avec l’innovation. Mais alors que le traité parlait d’autre chose et non de notre propos, ils ont tiré des affirmations du contexte et ont pensé ainsi partir en guerre contre la vérité et contre nous. Mais ce comportement ne convient pas à ceux qui cherchent la vérité, mais à ceux qui aiment les querelles, tirent contre le ciel [121] et essayent de mélanger toutes choses au hasard et en vain [122]. Il ne faut donc pas s’agiter, parce que le Fils ne peut pas être source de la divinité. Car c’est cela qui le distingue par rapport au Père et c’est pour cela qu’il n’est pas non plus émetteur de l’Esprit ; car l’Esprit Saint est divinité. Seul le Père est cause et source de l’Esprit, car il est dit seule source de la divinité, et rien de cela n’est valable si l’on considère l’Esprit Saint comme issu du Fils. C’est ainsi qu’il faut interpréter les passages des Docteurs. Parce que si l’on fait autrement, voilà à quoi l’on ressemble : Supposons que le propos ait été sur la résur­rection des morts et l’enseignement de l’Église à ce sujet, et aussi sur la résurrection du Christ. L’un des deux interlocuteurs a trouvé la solution dans le Symbole de la Foi en affirmant qu’il espère bien fort la résurrec­tion des morts, qu’il croit que le Seigneur s’est levé des morts, est monté et a siégé auprès du Père et que Lui-même viendra de nouveau pour juger les morts et les vivants. Par contre, l’autre interlocuteur a répliqué ce qu’on chante : «les morts ne verront pas la vie», et aussi le passage apostolique concernant le Seigneur : «Si nous avons connu le Christ à la manière humaine, maintenant nous ne le connaissons plus. [123]» Ce qui a été dit l’a été avec raison dans le contexte. Mais on l’a utilisé à tort contre le Symbole de la Foi. Et si l’on ne considère rien de supérieur par rapport à la définition de la foi, mais si après avoir admis cela comme fondement nous tâchons d’y rattacher les autres passages et si, la définition ayant été transmise par les Pères, les opposants tentent d’argumenter par l’Écriture, comment serait-il juste de suivre le chemin adverse contre toute raison, contre le Symbole de la Foi apostolique, que même ce deuxième chœur des apôtres a accepté comme sa propre foi et avec joie ? Et comment serait-il juste d’essayer de le rattacher aux passages des Pères ? Voilà l’exemple qu’il faut avoir sous les yeux concernant leur foi et leur enseignement. Par contre, si l’on pense que l’on pourrait tirer parti de passages extraits des écrits que les Docteurs de l’Église ont composés pendant leur lutte et leur combat contre les adversaires communs de la Foi là où leur propos n’était pas de faire la Théologie, et surtout extraits de passages dont le propos était de faire des conjectures et non de polémiquer, et si l’on pense qu’avec ces passages on peut se lan­cer contre la Théologie des apôtres, si claire et si connue, cela convient-il pas à ceux qui aiment simplement les querelles e qui se hâtent de prendre au piège ? Mais Basile le Grand n’est pas d’accord. Car il dit que le moment du combat est différent de celui de la paix [124]. Et ce n’est pas la même chose qui convient, d’une part a ceux qui combat­tent contre les étrangers, et d’autre part à ceux qui discutent sur la foi avec les familiers. Car dans ce dernier cas la préoccupation s’étend jusqu’aux mots et l’ardeur de la question traitée est grande. Par contre, dans le premier cas, le moment des luttes omet la plupart de ces points. Par conséquent, si l’on croit entreprendre la recherche des choses divines avec de telles pensées, nos propos théologiques ne paraîtront pas sains e nous ne pourrons pas non plus raisonner sur les réalités divines de la manière qui convient. Cette manière de raisonner met les choses sens dessus dessous et ne laisse aucun point clair ou connu sans l’altérer ces points à partir desquels il convient de rechercher ce qui n’est pas clair. En ce qui nous concerne, nous allons laisser de côté l’enseignement des successeurs des apôtres [125] qui a été examiné dans les limites de nos forces Et nous allons tourner nos propos vers les conciles œcumé­niques ; nous allons chercher ce qu’ils enseignent par rapport à notre sujet. Parce qu’il n’y a rien de plus clair, ni de plus saint, ni de préférable ni de plus proche de la foi que les dogmes qui y sont contenus. C’est pour cela que l’Église, depuis l’époque ancienne, a bien fait de les consi­dérer comme règles de chaque dogme exprimé à part, et a jugé qu’il faut avoir beaucoup d’obéissance envers ce qu’ils ont décidé.

 

 

 

 

 

TROISIÈME DISCOURS CONTRE LA CONCLUSION (DES LATINS) OU SUR LE SAINT-ESPRIT

 

Ier concile œcuménique : l’Esprit vient du Père et est propre au Fils.

  1. En outre les sentences des saints conciles œcuméniques peuvent nous donner une solution évidente. En effet, les saints Pères du premier concile réuni à Nicée, dans le […] chapitre des actes, répondent au philo­sophe incrédule comme suit : «Comme nous désirons et souhaitons que tu regardes vers la vérité, nous exhortons ta sagesse à commencer à com­prendre dans la foi la nature incréée et immuable et comme nous l’avons souvent dit, sans oser te mêler indiscrètement, par des raisonnements humains, de ce qui dépasse l’entendement, ni te frotter aux idées erro­nées et impies d’Arius, toi qui es un philosophe, comme tu le prétends. Au contraire, tu dois accepter dans la foi, ainsi que nous l’avons expli­qué clairement, il y a un instant, ce que nous venons de dire et ce qui sera dit par la suite. Accepte une seule divinité du Père qui a engendré le Fils d’une manière inexprimable et une divinité du Fils, qui est engendré par Lui et une divinité de l’Esprit qui procède du Père et cependant est propre au Fils. Comme le divin apôtre le dit : « Si quelqu’un n’a pas l’Esprit du Christ, il ne lui appartient pas ». [126]» Attention ! Ce chœur-là de Dieu n’a pas professé en vain que le Saint-Esprit «procède du Père même». Ce n’est pas notre habitude de révéler ainsi les doctrines ; mais puisqu’ils ont tout à l’heure mentionné le Fils, en parlant ainsi : «en ce qui concerne le Fils accepte la même divinité engendrée de Lui», et qu’ensuite en ce qui concerne le Saint-Esprit ils ont avancé ceci . «accepte la même divinité qui procède de Lui». Les bienheureux Pères, craignant que certains puissent un jour rattacher l’expression «issu de Lui» au Fils, ont rattaché l’«issu de Lui» au Père, afin qu’en aucune manière on ne laisse place à l’hérésie. Et l’adjonction serait inutile s ils savaient que l’Esprit-Saint procède aussi du Fils. Mais bien sûr le déve­loppement de la parole, la distinction utilisée, l’émission attribuée au Père et la mention que l’Esprit est propre au Fils, toutes ces raisons confirment ce qu’on vient de dire.

 

  1. Le «propre» révèle une parenté naturelle qu’a l’Esprit avec le Fils et montre que l’Esprit Lui appartient, mais non qu’il procède du Fils. Et les Pères avanceront comme témoignage pour prouver que l’Esprit est propre du Fils, cette parole du bienheureux Paul : «Si quelqu’un n’a pas l’Esprit du Christ, il ne lui appartient pas. [127]» Et Basile le Grand nous transmis qu’il fallait appeler l’Esprit, Esprit du Christ : Il dit, dans le dix- huitième chapitre à Amphiloque : «Mais il s’appelle aussi Esprit Christ, parce qu’il lui est propre selon la nature. [128]» Et le divin Chrysostome dans le Traité sur le Saint-Esprit montre clairement que c’est une chose de professer l’Esprit qui est de Dieu et une autre chose de professer l’Esprit qui est issu de Dieu. Voilà ce qu’il dit du Saint- Esprit : «Esprit de Dieu et Esprit issu de Dieu. Si jamais nous entendons parler de l’Esprit de Dieu, afin que nous ne pensions pas dire Esprit de Dieu pour des raisons de parenté, l’Écriture introduit l’Esprit Saint et ajoute à l’expression « de Dieu » l’expression « issu de Dieu ». C’est une chose d’être « de Dieu », et une autre chose d’être « issu de Dieu ». [129]» Tu l’as entendu ? Alors, si c’est une chose que l’Esprit soit de Dieu et autre chose qu’il soit issu de Dieu, de toute nécessité c’est également une chose de dire que l’Esprit est du Fils et une autre chose qu’il est issu du Fils. Mais de cette question nous reparlerons avec plus de précision un peu plus tard [130], à condition que le Saint-Esprit même nous donne la paro­le. Mais que notre discours garde l’ordre harmonieux.

 

Le Père : source de la divinité ; le Fils : rivière ; l’Esprit : eau de vie.

  1. Voilà ce que le chœur des bienheureux (Pères) dit encore au même philosophe : «il faut professer une nature et trois personnes : source, rivière et eau.» Et pour qu’il n’y ait personne qui soutienne que cela n’empêche pas que le Fils soit source de l’Esprit, les Pères sont arrivés à professer manifestement ceci : «mais il n’y a personne qui appelle la rivière source ni la source rivière. [131]» Et si le nom de la source indiquait seulement le nom du Père et en aucune manière le nom de l’Emetteur, de telle sorte qu’on appelle le Père source du Fils mais pas source de l’Esprit, dans ce cas-là on pourrait bien avec raison dire que si le Fils ne peut recevoir le nom de source, il se sépare seulement du nom du Père mais non bien sûr de l’émetteur. Mais puisque la source s’applique aux deux et que, d’après ceci, le Père est source de la divinité, en tant qu’engendreur et en tant qu’émetteur, mais que la source manifestement ne s’applique pas au Fils, car les Pères disent qu’il n’y a personne qui appelle la rivière source ou la source rivière, comment donc n’est-il pas évident que, selon les Pères, professer le Père, Engendreur et Emetteur, comme Fils et professer le Fils comme source, c’est-à-dire Emetteur et Père, relèvent du même principe ?

 

  1. Le divin Chrysostome, par la suite, a utilisé cette image dans son explication du psaume quatre-vingt-treize. Il appelle le Père tantôt source de l’Esprit, tantôt source du Fils. Cela signifie qu’il exalte la même Personne tantôt comme engendreur et tantôt comme émetteur. Par a suite il conclut que ni la rivière n’est source, c’est-à-dire qu’elle n’engendre pas et n’émet pas, ni la source rivière. Voici le passage : «D’où vient l’eau vive ? Cherchons sa source. Quelle est la source ? Jérémie dit : « Ainsi parle le Seigneur : Le ciel en a été horrifié et la terre a tremblé d’épouvante. Oui, il est double, le méfait commis par mon peuple : ils m’abandonnent, moi, la source d’eau vive [132] ». Tu vois que Dieu est la source de l’eau, et l’Esprit Saint l’eau vive ? Source de l’eau vive, le Père ; rivière issue de la source, le Fils ; eau de la rivière, l’Esprit Saint. Et le prophète Isaïe dit au sujet du Fils : « Le Seigneur viendra comme une rivière dans la terre de la soif. [133]» Tu vois la source, la rivière, l’eau vive ? Ici le divin Chrysostome avec clarté a rattaché le nom de la source à l’Émetteur et à l’Engendreur. Et ensuite il ajoute : «et lorsque tu regardes l’origine, tu ne peux pas appeler la source rivière ni la rivière source.» Cela revient à dire qu’on n’a pas l’habitude d’appeler le Fils ni «Engendreur» ni «Émetteur.» Pour résumer : si l’Emetteur ou l’Engendreur est nécessairement aussi source, celui qui n’est pas source, nécessairement ne peut être ni Engendreur ni Émetteur. En termes précis, on ne peut pas appeler le Fils source.

 

Athanase : Le Père est seul inengendré et seule source de la divinité.

  1. En outre, voici le témoignage d’Athanase le Grand. Lorsque la guerre a commencé, il était à la tête de ce chœur sacré des Pères ; non par l’apparence extérieure, car il était encore parmi les diacres, mais par la force de la parole et le zèle de l’Esprit [134]. Celui-ci donc témoigne dans le traité sur l’existence éternelle du Fils et de l’Esprit : «Nous sommes séparés de ceux qui imitent les juifs et aussi de ceux qui altèrent le chris­tianisme avec le judaïsme. Ceux-ci nient Dieu issu de Dieu et professent un seul Dieu d’une manière semblable aux juifs. Ils ne le professent pas un seul Dieu parce qu’il est seul inengendré et seule source de la divini­té, mais parce qu’ils Le considèrent comme privé d’un rejeton : le Fils, et d’un fruit : le Verbe de vie. [135]» Et si l’inengendré, qui est un attribut personnel, n’autorise pas, à cause de l’adjonction du mot «seul», le Fils ou l’Esprit à participer à la dénomination de l’inengendré, car la distinc­tion se rapporte à ceux-ci, pourquoi le fait d’être source, qui est un attri­but personnel et qui possède aussi la définition additionnelle de seul, introduirait-il en même temps également le Fils et Lui ferait-il partager la cause ? Pour cela il vaut mieux ne déclarer le Fils ni cause ni source de la divinité.

 

 

Le mot «seul» vise les propriétés de la personne ainsi que celles de la nature.

  1. [Objection:] Les Latins s’acharnent contre la sentence et affirment que l’argument ne les dérange du tout. Ils professent que l’Esprit Saint procède aussi du Fils, parce que rien n ’empêche de sauver les deux : et que le Fils soit et soit dit source de l’existence et que seul le Père soit source de la divinité. Voici pourquoi : l’Ecriture témoigne que le Père est de seul Dieu véritable et bienheureux et unique Souverain et le seul qui possède l’immortalité. [136]»Mais tout cela n’est pas moins vrai aussi pour le Fils. Alors, de même que dans ces cas-là l’affir­mation du «seul» ne prive le Fils ni de la divinité de la souveraineté ni de l’immortalité, de même la profession que le Père seul est source de la divinité ne prive pas le Fils du fait d’être source de la divinité.

 

  1. [Solution:] Il est évident qu’il n’est pas difficile d’anéantir ces rai­sonnements si l’on met en avant certaines affirmations qui paraissent nécessaires et claires à l’Église. Voici pourquoi. Premièrement, posons ceci, qui est reconnu par tous ceux qui parlent de Dieu, à savoir que cer­taines choses s’appliquent à l’essence et à la nature, d’autres à la person­ne. Deuxièmement, [posons] que la définition additionnelle du seul convient d’une part aux attributs de l’essence, selon le témoignage du Seigneur dans l’évangile de Jean : «La vie éternelle, c’est qu’ils te connaissent, toi, le seul vrai Dieu, et celui que tu as envoyé, Jésus Christ [137]» ; et que la précision du seul convient d’autre part aux attributs de la personne, à ceux bien sûr à qui cela convient. Saint Athanase témoigne à ce propos : «Seul le Père est inengendré et Lui seul est sour­ce de la divinité. [138]» Troisièmement, posons que, pour les attributs de la nature, la définition additionnelle de seul ne divise pas entre elles les Personnes théarchiques mais s’oppose aux faux dieux. Au contraire, pour les attributs de la personne, la division concerne les personnes divines elles-mêmes. Le divin Grégoire déclare dans son Sermon pour la Pentecôte : «Tout ce qui appartient au Père appartient aussi au Fils sauf le fait de T inengendré. [139]» Le même déclare aussi dans le Sermon sur le Saint-Esprit : «Qu’est-ce qui n’est pas attribué à l’Esprit, quant aux pro­priétés de Dieu, sinon le fait d’être inengendré et l’engendrement ? [140]» Par conséquent, le «Seul inengendré» a été professé pour distinguer le Père par rapport au Fils et à l’Esprit.

 

  1. L’opinion commune de l’Église montrera clairement que lorsque la définition additionnelle du «seul» se rattache aux attributs de l’essence, la division concerne ceux qu’on appelle dieux, mais qui n’en sont pas. Le divin Athanase déclare dans le Traité sur la Sainte Trinité : «les ariens parlent ainsi : le Fils même confesse que le Père est seul Dieu véritable, et il arrive que le Père même dise : “je suis premier Dieu et je suis après tout cela” et “il n’existe pas de Dieu en dehors de moi . Comment donc, à côté du premier, seul et véritable Dieu et Père, ajoutez-vous que e aussi est Dieu par nature ? Il faut d’abord savoir que le Père ne parle pas ainsi pour faire disparaître le Fils ; en effet, qu’est-ce qui pourrait l’encourager à arriver à cette conclusion ? [141]» Également dans le même traité Athanase dit : «Pourquoi le Père irait-il parler ainsi pour faire dis­paraître le Fils ? [142]» Nous allons donc interpréter cela comme ayant été professé contre les faux dieux. Et encore, le même déclare dans le troi­sième Traité contre les Ariens : «Puisque les partisans des faux dieux s’éloignent du Dieu véritable, c’est pour cette raison que le Dieu bon qui protège les hommes appelle les égarés en disant : “je suis le seul Dieu”, et “c’est Moi”, et “en dehors de Moi il n’existe pas de Dieu”. Il utilise des expressions pareilles pour attaquer ce qui n’existe pas et convertir tous les hommes à Lui. [143]» C’était l’opinion du divin Athanase. De sur­croît le divin Grégoire, dans le deuxième sermon sur le Fils, dit : «la phrase « afin qu’ils te connaissent Toi, le seul vrai Dieu » est professée pour réfuter les dieux qui n’en sont pas mais qu’on appelle ainsi. Car on n’aurait pas ajouté : « et Jésus Christ que tu as envoyé », si l’expression « le seul vrai » ne Le concernait pas. [144]»

 

  1. Ceci étant, le Fils aussi serait Dieu véritable comme le Père, puisque la phrase : «seul Dieu véritable, le Père» ne s’oppose pas au Fils La Sainte-Écriture nous l’enseigne aussi. L’apôtre Jean, dans ses épîtres, écrit au sujet du Fils : «Celui-ci est le Dieu véritable. [145]» En revanche, puisque l’expression seule source manifestement est profes­sée pour distinguer les hypostases théarchiques — car le divin Denys dit : «dans les théologies de la suressence, la distinction consiste égale­ment en ceci, que les propriétés qui appartiennent à la suressentielle génération au sein de la divinité ne sont aucunement interchangeables, et dans la suressentielle divinité le Père Seul est source [146]» , ni le Fils ni l’Esprit Saint ne peuvent être source de la divinité. Par conséquent, les arbitres de la vérité ne doivent pas mettre ensemble les propriétés de la personne et les propriétés de la nature ni professer que les propriétés de la personne sont ainsi pour la raison que les propriétés de la nature sont ainsi. Au contraire : puisque les propriétés de la nature sont ainsi, les propriétés de la personne sont autrement ; car avec les unes on unit les Personnes divines et avec les autres on les distingue. Et subordonner l’union à la distinction, cela mélange toutes choses et se dresse contre les lois établies et lance des flèches contre les cieux [147].

 

Le deuxième concile œcuménique en accord avec le premier.

  1. En outre, on va essayer de faire voir notre propos d’après le deuxième saint Concile œcuménique. Tout d’abord il est appelé deuxième saint Concile œcuménique. Et comment pourrait-il l’etre sans s’accorder absolument avec le premier Concile ? Dans son premier canon il dit davantage : «Les saints Pères réunis à Constantinople ont commandé de ne pas violer la foi des trois cent dix-huit pères réunis à Nicée, mais que son autorité demeure. [148]» Et si les Latins veulent ne pas violer la foi de ceux-ci — et leur foi c’est que le Père seul est inengendré et seule source de la divinité et que le Fils n’est pas source qu’ils en tirent la conclusion.

 

Grégoire de Nazianze, le promoteur du deuxième concile œcuménique, exclut du Fils la cause.

 

  1. En outre, ce saint concile œcuménique dans la définition de sa foi, dit ceci : «Nous croyons aussi en l’Esprit Saint, le Seigneur, le Vivifiant, qui procède du Père, adoré et glorifié conjointement avec le Père et le Fils. [149]» Les Latins donc, après avoir entendu que l’Esprit Saint procède du Père, ont reçu la sentence ainsi : que de toute nécessité il procède aussi du Fils. Mais ce très renommé chœur ne le veut pas ainsi, mais absolument le contraire : qu’il procède du Père seul et aucunement du Fils. C’est évident. Le Père et le maître de cette phratrie-là, et l’auteur du Symbole de la foi, nous savons que c’est Grégoire, dont le signe de reconnaissance est la Théologie [150]. Le saint concile œcuménique de Chalcédoine, dans le discours d’adresse aux rois des Romains déclare : «Les Pères du concile de Sardique ont lutté contre les restes d’Arius et ont chassé la crise des Orientaux ; les Pères ici ont pris sur le fait l’impu­reté d’Apolinaire et ont fait connaître aux Occidentaux leur décision. Et pour les uns, le chef fut Hosius ; pour les autres, les promoteurs furent Nectaire et Grégoire [151].» Et cet homme de Dieu, d’une manière qui convient à Dieu, unissant et distinguant les Personnes divines, dans le discours dont le titre est Débarquement des évêques d’Egypte, dit : «Tout ce qui appartient au Père appartient également au Fils, sauf la cause. [152]»

 

  1. Qu’existe-t-il de plus clair ou de plus vrai ou de plus auguste que cette Théologie ? Elle explique que le Fils ne possède pas la cause de la divinité, et celle-ci le distingue par rapport au Père. De même que le nom d’animal se rapporte à l’homme et au cheval, le non-animal ne peut être ni homme ni cheval, de la même manière ici la cause se rapporte à l’engendreur et à l’émetteur. Le Père est cause et du Fils et de l’Esprit, de l’un en tant qu’engendreur, de l’Esprit en tant qu’émetteur. Et celui qui n’a pas la cause, il résulte d’une manière simple qu’il ne peut être ni Père ni de toute nécessité Emetteur.

 

«Sauf la cause» signifie seulement «sans la qualité d’engendrer» ?

  1. [Objection:] Mais que répondent-ils ? On dit que le Père est cause du Fils, c’est-à-dire en tant qu’engendreur. Alors, lorsque tu entends Grégoire le Théologien dire : «sauf la cause», rappelle-toi le fait d’engendrer et rien d’absurde ne s’ensuit, car notre hypothèse est sauve­gardée et la sentence théologique se maintient en sécurité. [Solution:] Mais tout d’abord, l’objection n’est pas seulement un mensonge, mais elle est également impossible ; si bien sûr la transposition mentionnée possède en elle-même la vérité.

 

  1. Ensuite, le Théologien n’a pas dit : «sauf la cause liée au fait d’engendrer», mais d’une manière absolue : «sauf la cause». L’un n’est pas identique à l’autre et on ne peut donc pas les interchanger. Et selon ce que le Théologien a dit, si le Fils d’une manière absolue ne possède pas la cause, nécessairement il ne possède ni la cause d’engendrer ni la cause d’émettre. Néanmoins, s’il ne possède pas la cause d’engendrer et s’il possède la cause d’émettre, de toute nécessité celui qui professe d’une manière absolue que le Fils ne possède pas la cause, est un men­teur [153]. Le Théologien l’a professé sans définition additionnelle, disant : «tout ce qui appartient au Père appartient aussi au Fils sauf la cause. [154]»

 

  1. En outre, le Père de manière absolue possède la cause, soit la cause d’engendrer, soit la cause d’émettre. Si le Fils de manière absolue ne possède pas cette cause, comme le Théologien l’a dit, cela le dis­tingue par rapport au Père, et aucune absurdité ne s’ensuit. Car le Père demeure manifestement une cause et un principe de la divinité et par cela la monarchie. Et qu’il n’y ait qu’un seul Dieu, c’est le point capital de notre foi orthodoxe. Mais la sentence théologique aussi se montre saine, compatible avec l’usage commun et les doctrines apostoliques mentionnées plus haut. Au contraire, si cela n’est pas possible, mais si le Père de manière absolue possède la cause, et si celle-ci n’est pas com­mune au Père et au Fils de la manière suivante : le Fils émet seulement, mais n’engendre pas aussi, le raisonnement n’est pas loin du blasphème. Car deux principes et deux sources de la divinité émergent, l’une possè­de avec elle les deux manières d’être causé ; l’autre possède seulement l’une des deux. Mais le risque est que l’une s’oppose aussi à l’autre ; non seulement selon l’une des manières —je veux dire le fait d’engendrer mais aussi déjà selon les deux ensemble, c’est-à-dire le fait d’émettre et le fait d’engendrer, d’après les dires des Latins eux-mêmes, car autre possède seulement le fait d’émettre. Et il convient alors de dire que le Théologien maltraite la lettre, car il veut dire une chose et il en prononce une autre que ceux qui prétendent cela n’auraient pas le courage de dire eux-mêmes !

 

  1. En outre, dans la mesure où ils disent que le Fils est émetteur de l’Esprit, nécessairement ils vont le dire cause. Mais il est impossible de professer que la même Personne est cause par nécessité et non-cause, et qu’elle possède la cause et ne possède pas la cause. C’est ainsi que la contradiction s’institue par elle-même.

 

  1. Mais de même que si l’on dit que Socrate est un animal, on ne peut pas dire qu’il n’est pas un animal sans ajouter dépourvu de raison, de même le Fils qui possède la cause de l’Esprit, on ne peut pas le quali­fier également de non-cause sans ajouter : selon la manière d’engendrer. Et si tu prononces la phrase sans une définition additionnelle, c’est-à-dire qu’il ne possède pas la cause, de toute nécessité il ne faut dire ni qu’il n’engendre ni qu’il émet ; de la même manière que, lorsque tu dis que la pierre n’est pas un animal, tu ne la qualifies ni d’animal doué de raison ni d’animal dépourvu de raison [155].

 

  1. En outre, si de toute nécessité on ment lorsqu’on dit : «tout ce que le Fils possède, l’Esprit le possède aussi, sauf le fait d’être issu d’une cause» parce que le fait d’être issu d’une cause est une propriété commu­ne entre le Fils et l’Esprit, comment donc pourrait-il être vrai de dire : «tout ce que le Père possède le Fils aussi le possède, sauf la propriété de la cause [156]», dans la mesure où le Fils possède avec le Père la cause de l’Esprit ? Par conséquent, lorsqu’on parle ainsi on institue des lois contre la Théologie des Pères et contre les règles des méthodes de la logique.

 

  1. Mais le divin Maxime aussi, qui explique les paroles du bienheu­reux Grégoire, dans la lettre adressée à Marinos, accepte clairement ceux qui disent que le Fils ne possède pas la cause de l’Esprit [157]. Comme les Latins le diraient aussi : il n’a pas la cause d’engendrer. Alors, lorsque le Théologien dit : «tout ce que le Père possède, le Fils le possède, sauf la cause [158]», il lui enlève clairement la cause d’engendrer et la cause d’émettre. Et c’est complètement arrogant et fortement impudent de ne pas vouloir comprendre le saint Symbole d’après ses auteurs ; mais ces derniers veulent comprendre le fait que [le Saint – Esprit] procède du Père ainsi : qu’il procède du Père Seul et non du Fils. Mais les Latins veulent comprendre tout à fait le contraire. Et cela concerne le Symbole de notre foi propre et eux aussi croient à ce Symbole auguste de la foi orthodoxe. Cette contradiction est insupportable même pour eux ! Par conséquent, qu’ils ne lisent pas le Symbole ou, dans la mesure ou éventuellement ils veulent le lire, exigeons aussi qu’ils ne trafiquent pas la parole des saints et de ne pas se mettre d’accord avec l’arrangement des mots tout en restant contre la pensée, et d’une manière très détestable.

 

  1. [Objection:] Et s’ils nous répondent que tombons sous le coup des mêmes accusations, car le Fils possède la cause de la nature des choses, et que de toute nécessité nous non plus nous n’acceptons pas la sentence théologique sans définition additionnelle. [Solution:] La solu­tion n’est pas difficile. Il faut tenir compte du but de l’orateur et du contexte de la parole. Dans ce cas les propriétés de la nature et tout ce qui convient à la Trinité d’une manière commune ne sont pas concernés. Il s’agit des propriétés des Personnes et de tout ce qui distingue les Personnes. Mais la cause dont tu parles concerne l’essence et unit les Personnes divines. Par conséquent, tenir compte ici de cette cause, c’est, selon le proverbe, tresser ensemble ce qu’on ne peut pas tresser ensem­ble [159].

 

Selon Grégoire de Nazianze, les noms de la source et de la cause sont personnels et appartiennent exclusivement au Père.

  1. En outre, en ce qui concerne le Père, on considère trois propriétés de la personne, différentes entre elles en parole, c’est-à-dire le fait d’être inengendré qu’il possède de manière absolue et qui indique qu’il n’est pas issu de quelqu’un d’autre, et le fait d’engendrer et le fait d’émettre qui établissent une relation et que les Latins appellent relatifs [160]. Car l’un se réfère au Fils et l’autre à l’Esprit et c’est pour cette raison que le Père s’appelle engendreur et émetteur. Ces propriétés possèdent une dénomi­nation commune : principe, cause et source. Il faut chercher si ces trois propriétés appartiennent au Père et si elles le distinguent toutes par rap­port au Fils et à l’Esprit ou si ces trois propriétés le distinguent par rap­port à l’Esprit, tandis que toutes les trois ne le distingueraient pas par rapport au Fils, mais que deux seulement le feraient. Les Latins donc n’accepteraient pas que le fait d’émettre soit une propriété du Père, car ils considèrent que le Fils aussi est émetteur et principe de la divinité de l’Esprit et que, pour cette raison, il est lui aussi principe de la divinité. Ils ne professent pas du tout que le principe ou la cause ou le fait d’être source de la divinité constitue une propriété absolue du Père.

 

  1. Mais le divin Grégoire, qui était à la tête de ce bienheureux conci­le et le plus authentique interprète de ses décisions, avec le fait d’être inengendré et sans principe, considère également que le fait d’être prin­cipe de la divinité, cause et source appartient aux propriétés du Père. Et il veut que les propriétés demeurent immuables. Il juge absurde qu’elles se transforment en d’autres propriétés car elles ne peuvent plus sauve­garder leur appellation. Il dit dans le discours Sur l’installation d’évêques : «les propriétés du Père, c’est le fait qu’on le conçoive et qu’on le déclare sans principe et principe. Il est le principe en tant que cause, en tant que source et en tant que lumière éternelle. Par contre, le Fils ne possède aucunement la propriété d’être sans principe, mais celle d’être principe de toutes les choses. [161]» Tu as entendu de quoi le Fils est le principe ? Alors, ne le considère pas comme principe de la divinité. Car ceci c’est la propriété du Père, comme d’ailleurs aussi le fait d’être sans principe. Et il serait bien juste de se méfier de la confusion des Personnes, parce que le fait de les confondre constitue la meilleure espè­ce d’athéisme. Alors, plus haut il a été démontré que le Fils ne possède pas la cause et que celle-ci le distingue par rapport au Père. Ici, il dit que les propriétés du Père sont le fait d’être sans principe et le fait d’être principe. Par conséquent, soit les Latins sont d’accord avec tout cela, soit ils font consciemment la guerre contre ces propos parce qu’ils ne veulent d’aucune façon comprendre la définition du saint concile selon ces bien­heureux [Pères]. Pour ceux qui veulent juger en vérité, la réponse est évidente.

 

Selon Grégoire de Nazianze, le Père est engendreur et émetteur.

 

  1. En outre, le même Théologien, dans le premier discours sur le Fils, énumère les propriétés du Père, du Fils et du Saint-Esprit ; il dit : «voici ce que sont pour nous le Père et le Fils et l’Esprit Saint : l’un est engendreur et émetteur, je veux dire sans passion et de manière intempo­relle et incorporelle. Les autres sont l’un, engendré, et l’autre, émis. [162]» Il faut faire attention ! La propriété du Père d’être principe, que nous avons lue plus haut [163], Grégoire vient de la diviser en engendreur et en émetteur. Et il a montré clairement qu’il accepte que chacune de ces propriétés appartienne au Père. Nous avons d’ailleurs plusieurs fois dit que les noms de principe, de cause et de source incluent à la fois l’engendreur et l’émetteur. Et nous avons dit plusieurs fois qu’il revient au même de dire que la propriété du Père c’est d’être principe, d’émettre et d’engendrer. Et si le fait d’émettre comme d’ailleurs le fait d’engendrer constituent la propriété du Père, et si la propriété demeure immuable – et c’est l’opi­nion du Théologien le plus distingué et premier du concile -, la honte n’est-elle pas déjà claire lorsqu’on prétend que le Fils également est émetteur du Saint-Esprit ?

 

  1. [Objection:] Mais qu’est-ce qu’ils répondent ? Nous aussi nous disons que c’est le propre du Père d’être appelé engendreur et émetteur, mais à condition qu’on voie les deux ensemble. Les deux unis ensemble sont le propre du Père, mais chacun des deux n’est pas nécessairement le propre du Père. Mais l’un des deux seulement l’est car d’émettre est commun aux deux Personnes. [Solution:] Mais première­ment, après ce qu’on a lu plus haut, la preuve est évidente. Car saint Grégoire a dit que le Fils ne possède pas la cause, et le fait d’être princi­pe et sans principe c’est la propriété du Père. Alors, si le Fils ne possède pas la cause, il ne possède non plus le fait d’émettre. Alors, de même que le fait d’engendrer est le propre du Père, de même le fait d’émettre l’est-il aussi. Par conséquent, chacun des deux séparément est le propre du Père et non les deux ensemble comme on le prétend.En outre, si le Père est cause de cette manière, c’est-à-dire en tant qu’engendreur et émetteur ensemble, mais si le Fils n’est pas cause de cette manière, mais d’une autre, c’est-à-dire seulement en tant qu’émetteur, comment n’est-ce pas clair que les causes de la divinité sont deux ?

 

  1. Et sans compter les deux arguments plus haut mentionnés, il est évident que celui qui parle ainsi ne propose ni une chose nécessaire ni une chose recevable. Voici pourquoi : l’engendreur et l’émetteur ne sont pas un mais deux. Lorsque nous disons que plusieurs attributs sont le propre d’une personne et que parmi ces attributs l’un est possédé en commun avec d’autres personnes, comme c’est pour les Latins le cas de l’émetteur, et l’autre est le propre d’une personne, comme c’est le cas de l’engendreur, alors nous produisons soit une définition soit une descrip­tion. Et lorsque nous rapportons une description ou une définition, nous ne disons pas en les unissant que «l’homme est animal, rationnel et mor­tel», mais «animal, rationnel, mortel», d’une manière absolue. Mais ici le Théologien n’a pas dit d’une manière absolue que «l’une des Personnes est émetteur, engendreur» pour faire précéder ce qui est géné­ral et commun, je veux dire le nom de l’émetteur, et après faire suivre ce qui est particulier et propre, je veux dire le nom de T engendreur. Mais il a fait totalement le contraire : «l’une des Personnes est appelée engen­dreur et émetteur», avec la préposition «et». Et l’émetteur suit l’engen­dreur. Par conséquent, ce que les Latins avaient professé plus haut n’est pas vrai ; et le fait d’émettre et d’engendrer n’est pas propre conjointement mais chacun des deux l’est.

 

  1. En outre, nous allons montrer plus clairement ce que nous disons. «Dieu inengendré», nous disons que c’est le propre du Père. Et si tu le professes d’une manière absolue tu diras la vérité. Une telle expression est une sorte de définition du Père. Et d’un côté le Père possède un attri­but commun : Dieu ; de l’autre côté il possède un attribut propre : l’inengendré. Mais si tu le dis en les liant, tu ne diras rien de vrai ; car c’est un mensonge de professer le nom de l’inengendré et le nom de Dieu comme propres au Père sans ajouter le mot ensemble. Le cas de l’engendreur et de l’émetteur est le même. Si le Théologien savait que l’union des deux ensemble constitue une propriété, il ne dirait pas : «l’une des Personnes est engendreur et émetteur», mais il dirait plutôt soit que «l’une des Personnes est émetteur, engendreur», sans conjonction, soit avec une adjonction, que «l’une des Personnes est à la fois engendreur et émet­teur.» Nous pensons qu’ainsi la parole est saine et je crois qu’eux-mêmes et tout homme le reconnaîtront.

 

  1. Pas seulement, mais s’ils entendent de nouveau le Théologien même qui rapporte dans le deuxième discours sur la Paix les propriétés du Père, à savoir que «pour Dieu il n’existe rien de plus grand que d’être Père de Fils ; [que] cela signifie une addition de la gloire et pas une diminution ; comme d’ailleurs le fait d’être émetteur de l’Esprit [164]», que vont-ils répondre ? Car s’ils imaginent ici le «conjointement» et «l’ensemble» et « l’union des deux ensemble» et autres expressions sem­blables, alors où se trouve une telle addition ? ou comment semble-t-il possible pour le Théologien le plus distingué de l’omettre ? Car elle n’est pas manifeste dans d’autres passages de Grégoire. Car où trouve-t-on dans sa théologie que le fait d’engendrer constitue une propriété com­mune au Père et au Fils ? Et la conception commune à propos de Dieu ne demande pas de telles expressions. Et si on ne peut même pas penser ici à une addition, comment est-il juste de le faire là-bas ? Car soit l’addi­tion existe ici aussi parce qu’elle est là-bas, soit elle n’existe pas là-bas parce qu’elle n’est pas non plus ici. Bien plus, pour quelle raison ce bienheureux, après avoir recherché dans toute l’Ecriture sans rien omettre de ce qui concerne le Monogène, aurait-il dit tout ce qui lui donne de la valeur mais caché le plus important, je veux dire de le décla­rer clairement émetteur de l’Esprit ? D’une autre manière, il chante comme quelque chose de nouveau et sous forme d’énigme, dans ses poèmes et plusieurs fois, le Fils comme principe de tout et cause de la création, mais nulle part comme principe de la divinité. C’est parce qu’il n’avait pas attribué au Père quelque chose de plus grand que d’être Lui- même principe de la divinité.

 

  1. [Objection:] Et s’ils répondent que rien n’empêche d’inventer des additions car une telle chose de toute nécessité souvent fait loi ? [Solution :] En ce qui concerne les sentences, cela bien sûr est fort néces­saire, car le langage de l’Esprit est brièvement exposé, de petites phrases font connaître beaucoup de choses et ceux qui s’occupent de la Théologie en ont beaucoup de peine pour nous éclairer la notion de l’Esprit. Par contre, en ce qui concerne les affirmations des Docteurs, si la [prétendue] addition n’est pas tellement claire et connue, comment est-il permis de raisonner pareillement ? nous l’avons plusieurs fois dit jusqu’au point même qu’un enfant irait le comprendre, parce que c’est là une conception commune de l’Eglise ! Mais surtout la ou les Théologiens en tremblant annoncent ce qui concerne l’unité ou la distinction en Dieu et exposent dans une certaine mesure les réalités divines, il est complètement imprudent de penser de telles additions ! Et tu pourrais voir les Docteurs qui distinguent les noms semblables et deviennent interprètes de leurs propres dits, comme s’il s’agissait des paroles d’autres personnes. Ils ramènent et récapitulent tout pour rendre leur parole plus claire. Ils inventent beaucoup de choses et développent tout à cause de plusieurs raisons mais surtout pour ne jamais commettre aucun dommage dû à leurs affirmations les plus intègres. Alors, imagi­ner des additions en pareil cas, d’une autre manière, signifie un prétexte au blasphème et ce n’est pas loin de l’innovation.

 

La doctrine du deuxième concile œcuménique et de saint Grégoire est incompatible avec la doctrine latine.

  1. En outre les bienheureux Pères disaient dans le Symbole de foi : «Nous croyons aussi en l’Esprit Saint, le Seigneur, le Vivifiant qui pro­cède du Père [165]» Si les Pères comprenaient leur parole à la manière des Latins, c’est-à-dire qu’il procède du Père de telle façon que de toute nécessité il procède aussi du Fils, alors le chef de ce sacré concile, Grégoire lui-même, l’homme de Dieu à qui les Pères après la fin de la guerre ont attribué la victoire et dont ils ont fait le symbole de la victoire [166], dans le discours Sur l’installation d’évêques, ne distinguerait pas le Fils par rapport au Père, disant : «tout ce qui appartient au Fils, appartient également à l’Esprit sauf le fait d’être Fils [167]» ; et dans le Sermon sur la Pentecôte : «tout ce qui appartient au Fils appartient à l’Esprit sauf la génération. [168]» Une telle affirmation est un mensonge si le Fils est aussi émetteur de l’Esprit ; si les Latins étaient de la même opi­nion, ils ne diraient pas que tout ce qui appartient au Fils appartient également à l’Esprit sauf la génération, mais ils ajouteraient également : «excepté le fait d’être principe et source de l’Esprit.» Mais ils ont évité l’absurde. Comment donc est-il honnête de faire de telles hypothèses à l’égard de ces hommes saints et de soutenir les deux : que la vérité se trouve et chez le père de cet ancien concile et dans leur propre hypothèse ? Nous voyons que de toute nécessité il faudra croire que le Paraclet est émetteur d’une autre Personne. Qui faudrait-il croire parmi ceux qui croient en la Trinité ?Mais le témoignage que le premier et le deuxième conciles œcumé­niques apportent sur la question en cause, a été exposé.

 

 

 

QUATRIÈME DISCOURS CONTRE LA CONCLUSION (DES LATINS)

 

Le Symbole de foi nestorien promulgué par Charisius au cours du IIIe concile œcuménique.

  1. Mais c’est aussi le troisième saint Concile œcuménique qui nous donne une réponse à ce qu’on cherche. Il a été réuni pour punir Nestorius de son impiété. Il a été exposé un livre contenant le symbole de sa propre foi. Celui qui l’avait lu était le presbytre Charisius, qui venait de Lydie. Les Pères donc, après avoir examiné en détail ce sym­bole, ont banni et anathématisé tout ce qui en était faux et hostile à la vérité ; par contre ils ont laissé de côté tout ce qui était sain. Devenons plus clair. La foi chrétienne était divisée en deux : les dogmes qui concernent la Théologie et tout ce qui concerne l’Économie du Sauveur. Il semble que les bienheureux Pères n’ont pas accusé Nestorius sur les dogmes concernant Dieu, ni peu ni prou. Parmi ces dogmes, dans le symbole était ajouté que l’Esprit Saint n’est pas Fils et ne tire pas non plus son existence par le Fils. Cependant ils accusent l’exposé et disent de mal sur Nestorius à propos de ce que celui-ci avait dit du mal concer­nant l’Économie du Sauveur. Alors, afin que tout soit clair, je vais expo­ser et la lettre de Nestorius et la réponse des saints Pères.

 

  1. Extraits des Actes du troisième Concile. Chapitre cinquante-cinq.

    Moi Charisius j’ai remis les libelles et j’ai souscrit de ma main.L’Exposé :Il convient que, ou bien ceux qui maintenant pour la première fois sont éduqués dans la vérité des dogmes ecclésiastiques, ou bien ceux qui veulent passer de quelque erreur hérétique à la vérité, apprennent et confessent que nous croyons en un seul Dieu Père éternel, qui n’a pas commencé d’être ensuite, mais qui dès le principe est Dieu éternel, ni qui est devenu Père ensuite, puisqu’il a toujours été et Dieu et Père. Nous croyons aussi en un seul Fils Dieu Monogène, qui est tiré de la substance du Père, en tant qu’il est véritablement Fils et de la même sub­stance que celui dont il est et dont il est cm Fils. Et dans l’Esprit Saint, tiré de la substance de Dieu, qui n’est pas Fils, mais Dieu par essence, en tant qu’il est de la même substance (que le Père), duquel il est tiré par essence et qui l’a conjoint à Dieu, duquel il est tiré essentiellement, par une raison distinctive, à part de toute créature dont nous pensons qu’elle ne vient pas de Dieu par essence, mais en vertu d’une création ; et nous tenons que cet Esprit n’est pas Fils et ne possède pas son existence par le moyen du Fils. Nous confessons que le Père est parfait en sa personne et le Fils semblablement, et également l’Esprit Saint. Nous ne considérons pas trois essences différentes, mais une seule essence reconnue par l’identité de la déité. Touchant aussi l’Économie pour notre salut dans l’Économie relative au Seigneur Christ, il faut savoir que le Maître Dieu Verbe a pris un homme complet de la semence d’Abraham et de David selon l’annoncé des Saintes Écritures [169]», ainsi que tout le reste qui concerne des impiétés sur l’Économie, comprises dans cet exposé, car il dit que le Dieu Verbe issu de Dieu avant les siècles est différent par rap­port à Jésus de Nazareth ; il considère notre Dieu venant de la Vierge comme un simple homme.

 

Le concile indirectement condamne le Filioque.

  1. Ces textes donc, l’un après l’autre, une fois lus et mis à l’épreuve selon l’habitude des conciles œcuméniques, le saint concile prit un décret sur l’exposé plus haut mentionné :«Si certains, ou évêques ou clercs ou laïques, sont pris sur le fait de croire ou d’enseigner les doctrines contenues dans l’exposé de foi pro­mulgué par le prêtre Charisius sur l’incarnation du Fils Monogène de Dieu c’est-à-dire les dogmes détestables et pervers de Nestorius qui sont indiqués ci-dessous, qu’ils tombent sous le coup de la condamnation de ce saint concile œcuménique, en tel sens que l’évêque soit privé de l’évêché et le clerc soit également déchu du clergé ; si c’est un laïque, qu’il soit frappé d’anathème. [170]»

 

  1. Ici il faut bien faire attention et avec justesse ! Car il paraît ainsi que le divin concile a accepté clairement que l’Esprit Saint ne procède pas du Fils. Alors il l’a rangé parmi les dogmes sains avec tout ce qui concerne la Théologie. De même qu’il les a laissés immuables, sans en avoir rien contre Nestorius, de même avec ce dogme-là, il le reconnais­sait depuis longtemps comme un dogme de la théologie ancienne. Cependant les dogmes concernant l’Économie n’avaient pas le même sort. Le concile, après avoir distingué dans l’exposé les dogmes relatifs à la Trinité et les dogmes relatifs à la nature humaine du Sauveur, a jugé que les uns étaient coupables et Nestorius a été excommunié à cause de cela, alors que les autres, relatifs à la Théologie, ont été laissés à part. Car qu’est-ce qu’ils viennent de dire ? Qu’il soit rejeté de l’Église celui qui croit et essaye de gagner les autres aux «doctrines contenues dans l’exposé de foi promulgué par le prêtre Charisius sur l’incarnation du Fils Monogène, c’est-à-dire les dogmes détestables et pervers de Nestorius. [170]» Les bienheureux Pères n’avaient pas professé simplement «celui qui enseigne les doctrines contenues dans cet expose, qu’il soit rejeté» ; car ils incluraient ainsi les doctrines relatives à la Théologie. Au contraire, ils ont dit : «celui qui enseigne les doctrines contenues dans l’exposé de foi sur l’Économie du Sauveur. [170]» Ici, si on veut raisonner avec la vérité, il faut accepter la nécessité de la condition additionnelle, car c’est ainsi que les Pères aussi ont promulgué la sentence. Et il n’est pas juste d’inventer des conditions additionnelles là où elles n’existent pas et, là où elles existent, de se permettre de penser qu’elles sont inutiles. Car cela convient à ceux qui instituent les lois et non à ceux qui sont enseignés. À la suite, comme si quelqu’un était perplexe sur ce qu’on pourrait enfin dire sur l’enseignement de Nestorius contenant des doctrines relatives à la Théologie et à l’Économie, les Pères rejettent seulement ce qui concerne l’Économie. Selon leurs dires, ils séparent ces dogmes parce qu’ils sont détestables et pervers. Ils disent clairement que les dogmes détestables et pervers de Nestorius ne sont que ceux qui concernent l’Économie du Sauveur. À la suite, comme s’ils avaient mon­tré du doigt ces dogmes, ils ajoutent ce qui a été indiqué dans l’expose de la foi, c’est-à-dire que les doctrines relatives à la Théologie sont en vigueur.

 

  1. C’est ainsi qu’ils ont écouté et ont répondu avec précision et pas comme quelque chose d’accessoire, comme on pourrait le prétendre. Alors la décision contre Nestorius (les Pères du concile) ils l’ont aussi pro­fessée dans la définition de la foi de l’Église et ont formulé le septième canon, afin qu’il reste dans tout l’univers. Étant donné tout cela, nous allons exiger des Latins qu’ils lisent d’abord l’exposé de la foi de Nestorius, qu’ils lisent aussi à la suite la réponse relative à celui-ci du bienheureux concile, et de la concevoir comme une règle et une défini­tion de la foi orthodoxe avec une autorité catholique. Et qu’ils s’ajustent au canon des Pères et après cela qu’ils mettent à l’épreuve l’opinion de Nestorius. Et ce que le canon appelle dogmes détestables et pervers, qu’ils les considèrent pareillement eux aussi. Mais ce que le canon a laissé immuable et à part parce qu’il a jugé que c’était bien et [dit] avec raison, cela qu’ils ne le changent pas non plus eux aussi. Pourquoi ?

 

  1. Parce que pour tout ce qui, pendant les travaux du concile, a été fait les Pères veulent que cela reste solide et bien fondé et que personne n’ose rien ébranler de ce qui y a été décidé ou que personne ne soit sous le coup des pénalités qui y sont promulguées. Car le sixième canon de ce concile dit : «Si certains veulent ébranler de n’importe quelle maniéré tout ce que le saint concile œcuménique a décidé à Éphèse, le saint concile décréta que, s’ils sont évêques ou clercs, ils soient complètement privés de leur propre dignité et que, s’ils sont laïcs, ils restent sans communion. [171]» Le canon dit : «tout ce qui a été décidé». Le canon ne suggère pas que ceci soit immuable et que cela soit mis à l’épreuve ou ébranlé ou cherché, mais il veut simplement que tout reste immuable. Et il n’y a rien de tellement fort, soit un homme, soit une manière, soit une certaine cause qui pourrait avancer contre ce que le concile a défini.

 

Recours au contexte historique.

  1. En outre, les Pères ont suivi la même attitude en se respectant eux- mêmes ainsi que la vérité. Ils n’accusent pas ici Nestorius pour certaines raisons et ils n’appliquent pas sur lui d’autres décisions, surtout qu’ils l’ont rejeté complètement de l’Église en promulguant contre lui la condamnation en vigueur. Par contre, tu pourrais voir ici et là les mêmes raisons de condamnation. Voilà que le saint Concile parle d’une manière générale de tout ce que Nestorius a osé faire, et il écrit aux empereurs Romains : «Comme, retenu par sa mauvaise conscience, il a refusé de se présenter, ayant examiné ses dogmes impies exposés par écrit sur l’incarnation du Seigneur le Christ, nous les avons anathématisés et nous avons privé complètement leur père de la dignité épiscopale. [172]» Faites attention ! Selon les Pères, Nestorius avait fait un exposé par écrit sur l’incarnation du Sauveur. Il avait également exposé par écrit que l’Esprit Saint ne tire pas son existence du Fils. Les Pères, pendant les travaux du concile, ont lu et ont examiné et l’un et l’autre. Le dernier, c’est une doc­trine concernant la Théologie, le premier c’est une doctrine concernant l’Économie. Les Latins pensent que les deux doctrines sont impies et que les Pères du concile sont de la même opinion qu’eux. Ils diront que les Pères ne sont pas en accord avec nous ! Alors, comment les Pères qui distinguent, dans les sentences, les doctrines théologiques des doctrines économiques, qualifient-ils ces dernières d’impies alors qu’ils rangent parmi les dogmes sains la doctrine selon laquelle l’Esprit n’est pas issu du Fils ? N’est-ce pas évident qu’ils connaissaient l’un comme vrai, mais l’autre non ?

 

  1. De plus, le bienheureux Cyrille, le maître de ce saint concile, avec le synode des Pères d’Égypte et de Rome, écrit dans sa troisième lettre à Nestorius : «Mais il convient que tu confesses par écrit et sous serment que tu anathématises ta doctrine impure et impie, et que tu auras en pen­sée et enseigneras les mêmes choses que nous croyons tous, les évêques et docteurs des peuples d’Occident et d’Orient. [173]» Et après avoir rassemblé à part dans douze chapitres [174] tout ce qu’ils lui demandaient de croire et d’enseigner, vers la fin de la lettre il ajoute ceci : « est avec ou ce a que Ta Révérence doit tomber en agrément et en accord sans aucun artifice. Ce que d’autre part Ta Révérence doit nécessairement anathématiser a été inscrit au-dessous de notre présente lettre. [175]» Ces chapitres se tournent contre la folie de Nestorius et il n’y a rien sur la procession du Saint-Esprit, mais tout a en vue l’Économie du Sauveur. Et si les Pères ne semblent pas enseigner Nestorius, ni le juger, ni le condamner, ni lui faire un rappel amical, parce que, en ce qui concerne la Théologie, ils n’ont à l’accuser de rien, comment est-il juste de prendre le chemin opposé aux Pères et d’entamer vainement contre les saints Pères une guerre non déclarée ? Nestorius disait que l’Esprit Saint ne procède pas du Fils. Si cette opinion était digne de condamnation, pourquoi le synode qui avait réuni à part tout ce que Nestorius devait anathématiser n’avait- il pas réclamé à Nestorius de l’anathématiser ? Mais, si c’est une doctri­ne saine, il est inutile de dire quel est le danger pour ceux qui soulèvent les prétextes de scandales contre la foi orthodoxe.

 

  1. Le sixième concile œcuménique également a montré que c’est une doctrine saine. Dans le onzième chapitre de ses Actes il a fait mention de cette lettre du bienheureux Cyrille. Il dit : «Nous acceptons surtout les lettres conciliaires destinées à Nestorius, l’homme détestable pour Dieu et le persécuteur de Dieu ; la deuxième et la troisième lettres de saint Cyrille, auxquelles sont joints les douze chapitres, qui, à l’instar des charbons du même nombre que les apôtres, ont brûlé toute l’hérésie de Nestorius. [176]» Et si ces douze chapitres, d’après les dires du synode, rejet­tent de l’Église toute l’hérésie de Nestorius – et tous ces chapitres parlent de l’Économie du Sauveur – et si l’on n’y trouve rien sur la procession du Saint-Esprit, comment n’est-il pas évident que le fart que l’Esprit n’est pas issu du Fils, n’est pas une doctrine perverse de Nestorius ni une nouveauté de sa folie, mais l’opinion de la théologie ancienne des Pères ?

 

  1. Outre cela, celui qui dit que l’Esprit Saint procède aussi du Fils, professe des accusations graves et inévitables contre les bienheureux Pères ; ils ne sont ainsi ni docteurs, ni pasteurs, mais homicides, impurs et hostiles au salut des hommes. Imaginez qu’ils ont entendu que l’Esprit ne procède pas du Fils et que cela était un mensonge et une faute соmmise par négligence contre la foi et qu’ils ont supporté ce discours en silence. Combien est-il injuste de l’entendre ? Mais ces bienheureux-là ne sont pas tels. Que dit le divin Cyrille à Nestorius ? «Comment donc est-il possible de se taire quand la foi est outragée et que tant de choses sont perverses ? Ne paraîtrons-nous pas devant le tribunal du Christ ? N’aurons-nous pas à rendre compte de ce silence hors de propos, alors que nous avons été établis par le Christ pour dire ce qu’il faut ? [177]» De même, dans une autre lettre au même destinataire, il écrit : «Car si la foi est outragée, que disparaisse comme flétri et chancelant le respect dû aux parents, que soit réduite au silence la loi du tendre amour envers les enfants et les frères, et que désormais pour ceux qui sont pieux la mort soit préférable à la vie, pour qu’ils obtiennent une résurrection meilleure, comme le dit l’Écriture. [178]»

 

  1. Le même, dans sa lettre à l’empereur Théodose, dit :
    Extraits des Actes du troisième Concile. Discours cent neuf.
    Incipit de la lettre : «la nature divine et pure qui domine partout».«Chacun des prêtres, puisqu’il a été placé par Dieu comme guetteur, s’il annonce aux fidèles commis à ses soins ce qui est de nature à causer du dommage, se procurera la couronne. Mais s’il se tait, il tombera dans les maux qui surviennent de par la colère divine, car il aura grandement endommagé par son silence le peuple dirigé par sa voix vers la rectitude. [179]» Et, également dans la même lettre : «Quelle punition en effet Dieu a-t-il suspendue sur la tête de ceux qui se taisent ? Je réclamerai de toi son sang, dit-il. [180]» Tu as entendu ce que le bienheureux Cyrille, le maître de ce saint concile, dit contre ceux qui se taisent lorsque la foi est outragée, suite à ce que Nestorius a osé faire ? Alors, le dogme que l’Esprit Saint ne procède pas du Fils soit est sain, et arrêtez de contredire un concile œcuménique, soit, s’il s’agit d’un mensonge, les protecteurs de la foi orthodoxe sont tout à fait coupables des épreuves qui survien­nent de par la colère divine, selon leurs propres dires, et ils répondront au juge pour leur silence hors de propos, et le sang des âmes perdues sera réclamé de leurs mains.

 

  1. Mais Cyrille ne serait pas en accord avec cela. Car il dit dans les Actes du troisième concile au sujet de Nestorius ; Chapitre XXII : « je n’accorderai pas de sommeil à mes yeux, ni d’assoupissement et de repos à mes paupières [181] jusqu’à ce que j’aie combattu le combat pour le salut de tous. [182]» Également dans le même chapitre il dit : «j’ai dessein en effet, à cause de la foi dans le Christ, de prendre de la peine et e tout souffrir des choses qui passent pour terribles en fait de tortures, jusqu’à ce que, à cause de cela, je supporte la mort qui me sera douce. [183]» Si les âmes des personnes saintes sont pareilles et si le danger est pareil contre ceux qui se taisent devant la foi outragée, alors n’est-ce pas une impu­dence évidente de qualifier de blasphème le fait que l’Esprit Saint ne procède pas du Fils [184], alors que ces saints-là le croyaient, l’ont entendu et l’ont supporté en concorde ?

 

Pourquoi les Pères du concile se tairaient-ils ?

  1. De plus, selon ce que les Latins disent, le blasphème contre le Fils unique était double : l’un, que l’Esprit ne procède pas de Lui, et l’autre, qu’il n’avait pas assumé de manière hypostatique la nature humaine. L’un concernait la divinité ; l’autre, l’économie. Nestorius aurait profes­sé explicitement par écrit devant le concile les deux blasphèmes. Alors, en ce qui concerne le plan économique, pourquoi les Pères ont-ils telle­ment défendu leur foi contre lui, jusqu’à ce qu’ils choisissent la mort même à l’exil et pourquoi ont-ils tellement couru, laissé tellement de livres et supporté des calomnies, alors que pour l’autre blasphème qui était majeur — si bien sûr Dieu est majeur par rapport à l’homme — ils ont cru qu’il ne fallait même pas dire un petit mot. Cela est en effet proche de l’énigme. S’il n’y avait pas d’intérêt à croire d’une manière ou d’une autre, alors pourquoi cet ardeur pour une chose mineure ? Et si cela, pas même les Latins ne le disent, si la foi n’est pas saine, il n’y a pas de salut. Qu’ils nous disent la cause de ce silence et sa raison. Les Pères pour des choses mineures ont-ils manifesté tellement d’ardeur, alors que pour les choses les plus graves ils n’auraient pas approuvé le moindre effort ? Et surtout après ce que le Seigneur dit, à savoir que le blasphème contre le Fils de l’homme est pardonnable, ce qui signifie le plan de l’Économie, alors que pour celui qui a insulté l’Esprit il n’existe pas de pitié [185], car cela il l’entend comme attaché à sa divinité.

 

  1. Mais même dans les autres conciles œcuméniques, s’ils peuvent montrer une doctrine perverse, proclamée manifestement ou passée sous silence, qu’ils la montrent et la doctrine en question suivra. Et s’ils ne peuvent pas la montrer — mais je crois que même le diable ne dirait pas une pareille chose — pourquoi dans ce cas seulement faudra-t-il décider le contraire, croire le concile saint et œcuménique et en même temps supprimer la marque des conciles œcuméniques ? Car depuis longtemps l’habitude est établie dans les conciles œcuméniques tantôt de laisser immuables les dogmes sains, tantôt de réfuter par l’intermédiaire d’argu­ments scripturaires, d’excommunications publiques et d’autres pénalités tout ce qui n’est pas sain. Les Latins ne seraient pas justes de reconnaître uniquement dans ce concile une certaine indifférence que ces Pères-là ont tellement écartée par amour de Dieu, jusqu’au point de considérer, comme ils le disent, comme douce la mort pour le salut des hommes.

 

  1. Comment donc n’est-il pas extrêmement effrayant que ce concile non seulement ait pris un tel soin pour la foi orthodoxe, jusqu’à chasser de l’Église les doctrines perverses de Pélage et de Célestius qui n’étaient pas dans son objectif, mais ait manifesté en général un soin particulier pour le bon ordre de l’Église pour ce qui passait en justice devant le tri­bunal. Pour ceux que Nestorius avait écartés du sacerdoce, le concile a fait un effort dans son jugement : celui de ne pas restituer simplement dans leurs sièges ni de négliger vainement tous ceux qui avaient perdu leur dignité. Le concile n’a pas supporté de passer sous silence un cer­tain Régine, et Zénon et Évagre, évêques qui avaient subi une injustice, mais il a tout réglé de manière convenable. D’autre part, en ce qui concerne la doctrine sur la procession du Saint-Esprit, altérée par Nestorius — comme les Latins diraient — le concile l’a passée sous silence ! Comment donc pourrait-on l’expliquer ?

 

  1. [Objection:] Mais que répondent-ils à cela ? C’était l’opinion de Nestorius que l’Esprit ne tire pas son existence du Fils, mais comment est-il juste de le croire ? [Solution:] L’argument n’est pas contraignant. Car le divin Cyrille écrit à Euloge : «Il ne convient pas de fuir et de refu­ser tout ce que disent les hérétiques : ils confessent en effet beaucoup de choses que nous confessons nous aussi. [186]» Mais, même dans l’exposé de foi en question, Nestorius n’a pas dit seulement que l’Esprit ne tire pas son existence du Fils, mais aussi qu’il croit en un seul Dieu et que le Père est éternellement Père et que le Fils est de la même substance que le Père ainsi que l’Esprit, et que l’Esprit n’est pas Fils. Mais si nous croyons que cela est faux pour la raison que Nestorius l’a professé, nous ne sommes pas loin de toute impiété. Alors, le fait que Nestorius a dit cela ne veut pas dire que la parole est forcément une absurdité, ni même que pour cela la parole est saine. Il serait fou que quelqu’un le prétende. Mais est forcément vrai ce qui a reçu l’approbation de Dieu — si bien sûr l’opinion de ces Pères était approuvée par Dieu — puisque Nestorius n’était pas le maître d’une telle croyance. Tout ce qui était cru et était digne de condamnation, ils l’ont voué à l’anathème et pour cela ils ont jugé préférable de ne pas subir le même sort. Car c’est seulement ce dogme-là qui a résisté et échappé à la condamnation, puisqu’il n’était aucunement comme les doctrines impies qui arrivent aux mains des conciles œcuméniques. Cet argument donc de toute nécessité n’est pas valable, à condition que les juges ne soient pas loin de ceux qui jugent les affaires de Dieu par leur fréquentation de Dieu. De surcroît, il ne suf­fît pas de dire que, puisque Nestorius a dit quelque chose, il faudra reconnaître le dogme comme invalide. Mais il faut dire que Nestorius a parlé au synode qui a condamné sa propre opinion, comme d’ailleurs c’est l’habitude de le faire toujours lorsque quelqu’un ne parle pas pieu­sement. Par ailleurs, comme il le dit pour lui-même, il n’a pas été réuni pour d’autres raisons que pour comparer ce que Nestorius disait à la Théologie ancienne des Pères.

 

  1. [Objection:] Mais on dit que le concile n’a pas approuvé la parole que l’Esprit Saint n ‘est pas issu du Fils. [Solution:] Mais comme il a été déjà montré, il l’a approuvée, lorsqu’il a fait la distinction et a anathématisé certains dogmes, alors que pour les autres dogmes il n’a pas du tout causé de trouble. Ensuite, il a été montré que les dogmes pervers de Nestorius concernaient le plan de l’Économie. Mais ici c’est un dogme qui concerne la Théologie, non l’Économie. Et si par le mot approbation tu entends que chaque chose qui a été dite, il fallait voter pour l’approu­ver comme saine, cela n’est pas une habitude des conciles œcuméniques, et même pas du concile en question. C’est évident, car Nestorius avait dit plusieurs choses sur la divinité qui étaient bonnes et justes ; soit qu’ils [les Latins] nous montrent les approbations pour chaque vérité, soit qu’ils les rayent comme des mauvais dires. Par ailleurs, lorsque nous disons que l’Esprit Saint ne procède pas du Fils ou que le Père est éter­nellement Père ou que le Fils est de la même essence que le Père ou que l’Esprit n’est pas Fils, nous n’exigeons des Latins que de garder le silen­ce et de suivre le saint concile, et de conserver cette attitude en général pour toute parole de l’Église et pour tout problème théologique, de contredire là où le concile a su contredire et de se taire et de ne pas contredire ni changer ce qu’il a approuvé en silence. Et lorsque le temps le demande, examiner ce qui n’est pas parvenu jusqu’à l’oreille de ces bienheureux. Et je crois que si l’on garde cela, cela revient à garder la vérité.

 

  1. [Objection:] Mais on dit que le concile n’a pas été réuni au préa­lable pour examiner la question de la procession du Saint-Esprit ; mais son effort concernait seulement l’Économie. Voilà pourquoi ils ont omis de mentionner l’Esprit ; d’ailleurs c’est l’habitude des autres conciles. [Solution:] C’est un mensonge, de même que toute explication de ce genre ! Il faut voir tout à fait le contraire. Car ce saint concile écrit aux empereurs des Romains : «Il restait après cela à faire l’épreuve des doc­trines prêchées par le très étonnant Nestorius, car ces doctrines n’étaient pas inconnues ; elles avaient été ouvertement prêchées et dans des lettres de lui et dans des livres, et elles étaient proclamées dans des discussions publiques. [187]» Tu vois que toutes les doctrines de Nestorius ont subi l’exa­men des saints Pères et parmi ces doctrines figurait que l’Esprit Saint ne procède pas du Fils. Ensuite, si l’on suppose que le fait que l’Esprit soit issu du Fils était un mensonge et que c’était également un mensonge que le Verbe de Dieu n’ait pas assumé selon l’hypostase la nature humaine, pourquoi les Pères se seraient-ils réunis pour affronter l’un, tandis que pour l’autre ils n’auraient rien fait ? Si les deux mensonges entraînent la mort, l’effort est vain, car un mensonge est suffisant pour causer la mort. Ensuite, pourquoi ont-ils été réunis pour décider seulement sur l’Écono­mie ? Pour exposer simplement la doctrine sur l’Économie, comme s’ils avaient un problème à résoudre et rien de plus, ou, comme eux-mêmes le disent, pour ne pas regarder avec indifférence violer la foi correcte, tout en ayant peur du jugement de Dieu pour le silence hors de propos ? Et si cela est vrai, c’est un mensonge de dire que seule l’Économie les intéres­sait. (Commentaire de la lettre aux empereurs). Et en ce qui concerne ces Pères saints, comment est-il raisonnable tantôt, pour le salut des hommes, de supporter tant de souffrances, jusqu’à ce que beaucoup aient trouvé la mort au milieu de l’effort, et tantôt de négliger ces hommes au milieu de l’erreur, alors que par la parole ils pourraient guérir la mala­die ? Au nom de Dieu ! Si quelqu’un appelle le médecin pour soigner l’œil et que celui-ci exerce ses capacités pour soigner l’œil et prenne connaissance de la gangrène qui dévore la cervelle et néglige le patient qui souffre beaucoup, alors qu’il peut le soigner avec des remèdes qu’il connaît, alors ne diras-tu pas que celui-ci est un exécuteur public et non un médecin ? Ou penses-tu qu’il sera suffisant pour lui de répondre qu’il a été appelé pour soigner l’œil ? Et alors que la loi commande à l’Hébreu de ne pas passer à côté d’un animal tombé à terre sans rien faire [188], ces hommes qui menaient les combats des apôtres auraient-ils supporté de passer sous silence une doctrine outragée ? Nestorius disait les deux choses suivantes : que l’Esprit n’est pas issu du Fils et que le Christ est un simple homme. Pourquoi se seraient-ils réunis pour l’un et ne se seraient-ils pas réunis pour l’autre ? Car ils ne haïssaient pas le mensonge ici pour l’accepter là. Et lorsqu’on dit qu’ils ont été réunis pour une de ces raisons, cela montre que notre raisonnement est vrai. En véri­té, s’ils savaient que la doctrine était digne de condamnation, ils se seraient réunis pour l’autre raison aussi afin de dénoncer le blasphème. Le cinquième concile œcuménique constitue un témoignage à propos : nombreux étaient ceux qui autour d’Origène n’avaient pas la piété. Pour tous ceux-là ce concile a été réuni et les a précipités dans le gouffre. Il paraît que le concile contre les messaliens a fait la même chose. Il les avait pris sur le fait de prononcer plusieurs blasphèmes et il est évident qu’il a tout banni.

 

  1. [Objection:] Mais en ce qui concerne les conciles œcuméniques, l’habitude est de discuter seulement de ce qui a été proposé au début. [Solution:] Cela est aussi un mensonge, mon excellent ami ! Ils définis­sent ce qu’il convient de définir, non seulement ce qui a été proposé au début mais également toutes les questions qui naissent. Et cela est évi­dent pour le concile en question. Ce concile a pris soin de plusieurs choses, comme on l’a montré, et il a prononcé une définition pour tout, bien qu’au début la proposition concernât ce que Nestorius a osé faire. Cela tu peux l’observer aussi dans les autres conciles. Ainsi le premier concile a été réuni à propos de la doctrine du Fils unique ; puisque la question du Saint-Esprit a été lancée et [que les Pères] ont entendu de la part des partisans d’Arius des blasphèmes sur l’Esprit Saint, ils n’ont pas accepté la nouveauté ni que l’ont condamnée à mi-voix, dirait-on, mais ils ont affirmé la divinité de l’Esprit de manière convenable et ils ont réglé avec dignité le problème concernant la Pâque. Et ils ont également institué des lois et établi des définitions sur toutes les questions. Et éga­lement le deuxième concile n’a pas seulement examiné la doctrine sur le Saint-Esprit qui était en cause, mais aussi plusieurs autres problèmes relatifs à la théologie. Et [les Pères] ne se sont pas limités aux doctrines, mais ils ont pris soin pour le reste de l’ordre de l’Église des canons por­tant sur cela. C’est évident ! Ils adoraient un Dieu vivant et ils pensaient qu’il n’est pas suffisant d’être d’une part sains quant à la doctrine et d’autre part malades quant à la vie. Une telle foi, ils la considéraient comme morte et comme ne convenant pas du tout à un Dieu vivant. Et leur zèle a atteint un tel et un tel. Et pour quelqu’un qui avait pleuré pour le mal qu’il avait commis et avait élevé une voix gémissante devant eux, le malheur s’est arrêté et en remportant son bien il est parti. Par consé­quent, les Latins ne sont pas justifiés d’argumenter vainement et sans raison, et de prétendre ignorer, alors que les faits crient d’une telle manière en faveur du contraire.

 

  1. [Objection:] Mais le passage sur le Saint-Esprit n’avait encore provoqué de dommage à personne et pour cette raison il n’a pas mérité une attention particulière. [Solution:] Tout d’abord l’argument n’est pas contraignant. Si tu observes (dans l’histoire) dès le début et à la suite, tu peux voir que l’Église a beaucoup parlé et coupé de loin les racines, par crainte des fruits de la fraude. Puisque ce concile aussi avait l’intelli­gence du Christ, comme il est écrit [189], en effet personne n’a ignoré les maux qui allaient suivre. Ensuite, voilà que l’objection est un mensonge et il est évident qu’elle n’a aucunement la vérité avec elle, car, dans le Symbole, les Pères ont entendu sur la question de la procession du Saint- Esprit qu’il est issu du Père et non du Fils. Et que les partisans de Nestorius aient persuadé plusieurs hérétiques issus de Lydie, qui vou­laient se tourner à la lumière de la vérité, de composer un tel symbole et d’écrire d’après leurs définitions, rien de pareil n’est pas passé inaperçu aux yeux du concile. C’est évident. (Extrait du cinquante-cinquième chapitre des Actes du troisième concile œcuménique) : «Un certain individu dénommé Charisius, qui fut prêtre et économe de la sainte Église de la ville de Philadelphie, fit savoir que certains hérétiques issus de Lydie avaient voulu quitter leur erreur, se tourner vers la lumière de la vérité et être ini­tiés aux dogmes corrects et pieux de l’Église catholique. Mais, alors qu’il eût fallu qu’ils fussent guidés vers la vérité, ils avaient été plus grandement abusés et étaient comme tombés d’une fosse en une fosse plus profonde. Il fit savoir qu’Antoine et Jacques, qui avaient nom de prêtres, étaient venus de Constantinople ayant des lettres de recomman­dation d’un certain Anastase et de Photinus, qui étaient alors partisans de l’hérétique Nestorius, et qui avaient eux aussi le nom de prêtres, et que, alors qu’ils eussent dû présenter, aux gens se tournant de l’erreur à la vérité et cherchant à passer des ténèbres à la lumière, la tradition aposto­lique et évangélique de la foi qu’avaient exposée en leur temps les pères réunis à Nicée, ils avaient offert un certain exposé de dogmes impies composé en forme de symbole et avaient disposé ces malheureux à y souscrire, dépassant en cela toute manière d’impiété. Pour démontrer l’exactitude de ce qu’il disait, on avait inséré dans les Actes le libelle remis par ledit prêtre Charisius et l’exposé de cette erreur impie concer­nant l’incarnation du Fils Monogène de Dieu avec la signature des gens abusés. [190]» Tu vois ici aussi jusqu’à quel point le concile a avancé le reproche adressé l’enseignement de Nestorius ? Il appelle «impie» l’exposé du symbole de sa propre foi et il a ajouté que l’impiété concer­nait l’incarnation.

 

  1. Et tu pourrais voir un autre dommage non négligeable que le sym­bole a causé. Les libelles que Charisius avait donnes au concile disent : (Extrait tiré du même chapitre des Actes 🙂 «Ayant gagné en effet la Ville de Philadelphie – c’est-à-dire Jacob – et ayant abusé certains des simples ce sont des clercs -, il a livré au mépris l’exposé de foi des saints Peres de Nicée et a fait en sorte qu’ils souscrivent à une autre formule de foi, ou plutôt d’infidélité. Eux, comme des gens simples, l’ont fait et y ont souscrit en disant «Nous nous associons à cette foi orthodoxe». Or cet exposé qui est plein de blasphème hérétique et qui comporte les signa­tures de ceux qui ont été séduits, est conservé et je demande qu’il soit u comme il convient devant Votre Sainteté, pour que vous connaissiez le renversement de l’orthodoxie machiné par eux. [191]» Ici, il est clair que le tort que le symbole a causé n’avait pas touché seulement ceux qui se trouvaient en dehors de l’Église, mais avait déjà atteint certains qui se trouvaient dans l’Église. Alors il ne vise pas la vérité et il est absurde, l’argument qui dit qu’à l’affirmation : «l’Esprit ne procède pas du Fils», les Pères n’ont pas apporté une attention particulière parce qu’elle n’avait pas encore induit personne en erreur.

 

  1. Par ailleurs il a été montré à plusieurs reprises que le synode a tout entendu et examiné, comme lui-même le dit, et a séparé les fausses des doctrines vraies et a accepté, parmi les doctrines saines, que l’Esprit Saint ne procède pas du Fils. Et [il a été montré aussi] que toutes les doc­trines perverses de Nestorius concernaient l’Économie, et qu’il serait impossible de négliger un dogme pervers pour un concile œcuménique, un concile qui prend soin des moindres détails ! Alors tout prétexte pour contredire est superflu, si l’on veut raisonner correctement.

 

Le IXe anathème de Cyrille contre Nestorius et l’objection de Théodoret.

  1. En outre, après la fin appropriée des travaux du concile, Nestorius fut écarté de l’Église, alors que le divin Cyrille est apparu comme celui qui occupe le premier rang, mais il ne pouvait pas être tranquille à cause de la malveillance. Un trait de calomnie a été lancé contre ce bienheu­reux. À l’origine se trouvaient ses lettres à Nestorius où il a rejeté toute son innovation. Alors les évêques orientaux ne sont pas tombés d’accord jusqu’à la fin avec ce que Cyrille disait et pour cela ils agissaient en pen­sée et en acte contre ses chapitres. Le divin Cyrille a trouvé leurs objec­tions par l’intermédiaire d’Évope ; parmi celles-ci il en est une qui l’accuse d’avoir professé que l’Esprit Saint procède du Fils. Il écrit à Évope [192] pour répondre à toutes les accusations ensemble et montrer les calomnies partout. Il dépouille chaque chapitre séparément et rend claire son opinion que lui aussi croit complètement blasphématoire de pense que l’Esprit Saint procède du Fils. Pour que tout soit clair, je vais exposer le passage de Cyrille, l’accusation en question de Théodoret, et évidemment aussi la réponse de Cyrille aux objections de Théodoret.

 

  1. Neuvième anathème de saint Cyrille contre Nestorius :«Si quelqu’un dit que l’unique Seigneur Jésus-Christ se glorifiait par l’Esprit comme s’étant servi d’un pouvoir à lui étranger qui lui venait de l’Esprit et qu’il a reçu de l’Esprit le pouvoir d’agir contre les esprits impurs et d’accomplir ses miracles devant les hommes, et ne dit pas plu­tôt que cet Esprit était le sien propre, par lequel il a opéré ses miracles, qu’il soit anathème. [193]» C’était la parole merveilleuse de Cyrille. Mais Théodoret l’accuse vainement et sans raison, disant : «L’Esprit est propre du Fils. Si (Cyrille) avec cette phrase exprime l’identité de nature et la procession à partir du Père, nous allons tomber d’accord et nous accepterons la parole comme pieuse. Mais s’il entend que l’Esprit a eu son existence à partir du Fils ou par le Fils, nous rejetterons cela comme blasphématoire et impie. Car nous croyons au Seigneur qui dit l’Esprit qui procède du Père [194] » et au très divin Paul qui parle pareillement : « Pour nous, nous n’avons pas reçu l’esprit du monde, mais l’Esprit qui vient de Dieu » [195]». Par rapport à cette objection et pour toutes les autres, le divin Cyrille écrivait à l’évêque Évope disant : «Pour satisfaire la bonne volonté propre à ta piété, j’ai reçu le tome envoyé, composé contre les anathématismes par, dit-on, Théodoret de Cyr. On appelle ainsi la bour­gade. J’en ai trouvé par hasard le contenu et j’ai dédié à Dieu les chants de grâce ; mais je n’ai pas omis de dire : « Seigneur, délivre-moi des lèvres fausses et d’une langue mensongère [196] » ; car je me découvre être calomnié partout et devant subir cette calomnie à chaque chapitre. [197]»

 

  1. En effet, le bienheureux Cyrille appelle l’Esprit «propre au Seigneur» parce que Nestorius disait que le Seigneur utilisait la puissan­ce de l’Esprit comme étrangère car l’impie Le croyait un simple homme. Alors Cyrille, agissant bien et avec prudence, rattache à «l’étrangère» le «propre». Et Théodoret était plein de soupçons, si jamais en disant que l’Esprit est [Esprit] propre du Fils, il signifiait qu’il tire de Lui son existence, et pour cela il caractérisait une telle opinion comme blasphéma­toire et impie. Mais le bienheureux Cyrille, qui se défend de cela, répond qu’il est partout calomnié par Théodoret et qu’il subit ce ma ans chaque chapitre. Alors comment n’est-il pas tout à fait évident que l’opinion de la théologie ancienne et une certaine notion commune des Pères manifestent que l’Esprit Saint ne procède pas du Fils ?

 

Réponse de Cyrille à la IXe objection de Théodoret.

  1. Mais allons aussi au reste de l’apologie que Cyrille fait particuliè­rement, mot à mot, pour répondre à la même accusation. Et pour des rai­sons de clarté nous allons de nouveau répéter le propos : Théodoret igno­rait la façon dont Cyrille disait que l’Esprit est [Esprit] propre du Fils. Pour lui, dire que l’Esprit est propre du Fils avec le sens qu’il procède du Fils, c’est une parole blasphématoire et impie. Mais si quelqu’un le dit propre avec le sens de la connaturalité et de la consubstantialité, alors il le croit pieux. Et Cyrille qui enlève tout prétexte de soupçon répond :Extrait de la réfutation de saint Cyrille à la neuvième objection de Théodoret :«Je suis arrivé à rédiger (ce neuvième Chapitre), car la puissance des Chapitres se bat contre le bégaiement de Nestorius, c’est à dire les blas­phèmes, même ceux qui n’ont été professés avec aucun soin. Car lors­qu’il parlait du Saint-Esprit, gratifiait le Christ d’une si grande gloire, le rendait terrible aux démons, le gratifiait de l’ascension aux cieux et racontait de telles sornettes en disant au sujet du Christ qu’il était comme un homme de même sorte que nous, alors l’anathème fut une obligation. Bien sûr, pas contre ceux qui disent que Jésus a été glorifié par le Saint- Esprit, c’est-à-dire que le Verbe de Dieu a été incarné, mais plutôt contre ceux qui sans réserve le disent s’être servi d’un pouvoir étranger à lui qui venait de l’Esprit. Car nous nous rappelons qu’il avait clairement dit au sujet du Saint-Esprit : « Il me glorifiera [198] ». Nous savons que cela signi­fie l’opération du Saint-Esprit qui brise les puissances mauvaises et impures. Mais nous ne le disons pas de cette manière comme pour cha­cun des saints, comme s’il s’était servi d’un pouvoir étranger qui vient de l’Esprit. Car l’Esprit lui appartenait et lui appartient, comme certes il appartient aussi au Père. Et cela le divin Paul le rend assez clair, lorsqu’il écrit : « Sous l’empire de la chair on ne peut pas plaire à Dieu. Or vous, vous n’êtes pas sous l’empire de la chair, mais de l’Esprit, puisque l’Esprit de Dieu habite en vous. Si quelqu’un n’a pas l’Esprit du Christ, il ne lui appartient pas [199] » ; car l’Esprit Saint procède de Dieu le Père selon la parole du Sauveur [200], mais sans être étranger au Fils, car il a tout en commun avec le Père [201]».

 

  1. C’était ce que pensait le divin Cyrille. Et si le bienheureux Théodoret est d’accord ou pas, sera connu par là : Théodoret avait exposé deux manières selon lesquelles l’Esprit peut être propre au Fils. La première, s’il vient du Fils. La deuxième, sous le rapport de la parenté et de la consubstantialité. La première, qui indique la provenance d’une cause il l’appelle blasphématoire et impie. La deuxième, il l’admet comme pieuse [202]. Et Cyrille, qui l’a lu et réfuté systématiquement, n’avait pas à redire sur cela, même si le promoteur de la querelle l’a provoqué avec mille appels. En effet, il voyait sa propre foi, la foi apostolique, assiégée et il a tout à fait cédé à son explication en acceptant l’Esprit propre du Fils comme signifiant qu’il n’est pas étranger, alors que Nestorius disait avec beaucoup de méchanceté qu’il était étranger au Seigneur Ce «propre» que Théodoret avait accepté comme signifiant «connaturel» et comme étant pieux, Cyrille l’interprétait comme signi­fiant «non étranger».

 

  1. Mais certes Théodoret rejette l’autre manière comme étant impie et blasphématoire et il affirme qu’il croit au Seigneur qui dit que l’Esprit Saint procède du Père [203]. Il semble que Cyrille fait la même chose lorsqu’il dit que «l’Esprit Saint procède de Dieu le Père selon la parole du Sauveur [204] mais sans être étranger au Fils. [205]» Dans un membre d’une période il rejette la première explication [du «propre»] qui l’a rattaché au Père seul, suivant Théodoret, alors que la deuxième explication [du «propre»] il l’a par contre introduite, en démontrant aussi sur ce point que le chef du concile conserve par tous les moyens l’accord avec lui- même, avec la vérité et avec le concile. Car s’il a cru dans cette circonstance-là avec tous, qu’il est pieux de ne pas professer que l’Esprit procède du Fils, il s’ensuit qu’il croit le contraire comme blasphématoire et impie Et en ce qui concerne son affirmation, si quelqu’un pense à son sujet de telles choses, il est difficile même de prononcer des calomnies.

 

La lettre de Cyrille à Jean d’Antioche.

  1. Puisque le divin Cyrille était obligé de faire une deuxième apolo­gie au sujet de ce dont les évêques d’Orient l’accusaient – et parmi ces accusations figurait la question que nous cherchons maintenant – voyons ce qu’il dit là aussi à propos de la procession du divin Esprit lorsqu’il se réfère à l’objection même de Théodoret. Ainsi, il dit dans la lettre a Jean d’Antioche : «Nous ne supportons d’aucune façon que soit ébranlé le credo ou le symbole de foi qui a été défini par nos saints Pères réunis en leur temps à Nicée et nous ne permettons ni à nous-mêmes ni à d’autres ou de changer un mot de texte ou de transgresser une seule syllabe, nous souvenant de celui qui dit : “Ne déplace par les bornes de toujours, celles que tes pères ont posées [206]”. Car ce n’était pas eux qui parlaient, mais l’Esprit du Dieu et Père qui procède de Dieu, mais qui n’est pas étranger au Fils sous le rapport de l’essence. [207]» Ici justement on peut voir l’accord de ces bienheureux-là. Le divin Cyrille, dans une seule phrase, fait une distinction. D’une part, il attribue au Père le mode de la cause, alors qu’il l’enlève du Fils ; c’est ainsi que, de toute nécessité, il faut comprendre sa parole même si celle-ci ne visait pas l’objection de Théodoret, laquelle fut beaucoup plus que le prétexte de cette parole. D’autre part, il cède au Fils la relation de parenté ou de conjonction ou de consubstantialité, ou toute appellation que l’on voudra. Et il rend claire l’expression «non étranger» en ajoutant l’expression «selon l’essence» et en disant : «il n’est pas étranger au Fils sous le rapport de l’essence. [208]»

 

  1. Lorsque le divin Cyrille disait que le Fils est propre à l’Esprit, Théodoret répondait sur le propos disant : «avec la phrase que le Fils est propre à l’Esprit, si tu entends l’identité de la nature et la consubstantia­lité et le fait qu’il est né du Père, alors nous allons le confesser aussi et nous allons accepter la parole comme pieuse. Mais si tu entends qu’il tire son existence de l’Esprit ou par l’Esprit, nous le rejetterons comme blasphématoire et impie. Car nous croyons à l’Écriture qui dit que le Fils est [issu] du Père.» Ensuite, le divin Cyrille, voulant mettre fin au soup­çon, a répondu ainsi : «le Fils est engendré du Père mais il n’est pas étranger à l’Esprit sous le rapport de l’essence. [209]» N’est-ce pas le bon moment pour parler ainsi ? Il anéantissait le soupçon et en même temps il conservait la vérité du dogme sur le Fils et il était ainsi en accord par­fait avec la vérité, avec lui-même, avec Théodoret et avec la conception commune. Alors, pense l’équivalent pour l’Esprit. Car ou il faut appli­quer cela là aussi, puisque cela s’applique aussi au Fils, ou il ne s’applique pas au Fils, puisque cela ne s’applique pas à l’Esprit.

 

  1. Au nom de Dieu, réponds-moi ! Théodoret, parlant du propos en question, s’est avancé contre le divin Cyrille. Et Cyrille lui a répondu systématiquement devant un tribunal œcuménique car la piété était en danger. Alors, les Latins, que pensent-ils des propos de Cyrille ? Lequel des deux : sont-ils nécessairement en accord avec Théodoret ou au contraire, sont-ils en désaccord ? ou les témoignages présents n’obligent-ils à rien des deux ? Mais si ce n’est rien des deux, alors le but des paroles de Cyrille, à l’origine, n’était pas Théodoret. Mais cela c’est clairement un mensonge. Et s’ils sont nécessairement en désaccord avec lui – car il avait dit cela en visant l’Esprit – alors comment est-ce raison­nable Alors nous pourrons, nous aussi, utiliser la même formule pour des choses semblables afin de montrer ainsi le désaccord. Mais ce n’est pas possible. Les lois des orateurs et de ceux qui sont habiles à raisonner, ainsi que ceux qui ont une certaine expérience de la langue grecque, ne l’admettraient pas. Il reste que de toute nécessité il faut concevoir que le propos est en accord avec Théodoret et qu’il sauvegarde l’ordre sem­blable avec le reste de la parole et qu’il est possible à tous de montrer cet accord. Cette vérité, d’ailleurs, nous a été démontrée plus haut lorsqu’ils disaient le Fils propre de l’Esprit.

 

  1. Et le plus important, là où contredire est une folie manifeste, comme nous allons le montrer un peu plus bas, c’est que Théodoret a accepté l’apologie de Cyrille par des paroles concernant le sujet en ques­tion et des lettres traitant plusieurs fois de cela qui témoignent que Cyrille ne croit en aucune manière que l’Esprit tire son existence du Fils. Et le bienheureux Théodoret non seulement l’affirme explicitement, mais aussi pour cela rend grâce à Dieu et pour cette opinion fête mani­festement la paix de l’Église. Et Cyrille également juge digne de nom­breux et grands éloges les évêques orientaux, et principalement, l’extra- ordinaire Théodoret.

 

  1. En outre, la lettre mentionnée de saint Cyrille à Jean d’Antioche, le quatrième concile œcuménique Ta acceptée ainsi : il n’est pas passé à côté sans l’admirer, puisqu’il Ta ajoutée dans la définition de la foi et il témoigne de cette lettre le mieux possible. Ce divin concile témoigne dans sa définition après la lecture du divin Symbole : «Or, pour une connaissance complète et une confirmation de la religion, il eût suffi de ce sage et salutaire Symbole de la grâce divine : car il donne un ensei­gnement parfait sur le Père, le Fils et le Saint-Esprit. [210]» Dans la suite, après avoir rappelé certains événements, il avance : «D’autre part, à cause de ceux qui tentent de défigurer le mystère de l’Economie et qui, dans leur sottise impudente, disent que celui qu’a enfanté la sainte Vierge Marie n’est qu’un simple homme, le concile a reçu les lettres synodiques du bienheureux Cyrille, qui fut pasteur de l’Eglise d’Alexandrie, et à Nestorius et aux évêques d’Orient, comme très propres d’une part à réfuter les insanités de Nestorius et d’autre part à aider dans l’interprétation ceux qui par un zèle religieux aspirent à l’intelligence du Symbole salutaire. [211]»

 

  1. Si le divin Cyrille, dans la lettre à Jean d’Antioche rejette de lui-même l’accusation, par crainte de donner l’impression qu’il professe que l’Esprit tire son existence du Fils, et dit ce qui a été mentionné plus haut, et si le concile rattache cette lettre à la Définition de foi pour ceux qui par un zèle religieux aspirent à l’intelligence du Symbole salutaire, et si les Latins après ces témoignages professent que l’Esprit Saint procède du Fils, alors quel moyen pourrait-il sauver ceux qui se portent contre la Définition de la foi, promulguée par un grand concile œcuménique ?

 

  1. Et s’il a été montré que l’opinion des quatre conciles œcumé­niques était que l’Esprit Saint ne procède pas du Fils, et si l’opinion commune de l’Église est valable, c’est-à-dire si les paroles des Peres dans ces conciles n’étaient pas leur propre voix mais des déclarations certaines de l’Esprit Saint qui s’était servi des langues des Peres; si en outre l’entourage de Théodose et de Sabbas et tout autre membre de ce chœur-là portent anathème contre ceux qui n’acceptent pas les quatre conciles œcuméniques comme les quatre évangiles, alors, qui ne sera pas rempli d’indignation devant l’affirmation, en saisissant combien la chose est effrayante ?

 

Les textes après la Réconciliation.

  1. En outre, revenons en arrière. Puisque, comme on l’a déjà dit, dans l’Église est née une dissension par ignorance de ce que Cyrille a dit il fallait que les Églises d’Orient, répandues en tous les points de la terre se réunissent en un même endroit et, comme il existe un Dieu, déclarent aussi une foi, en tous les points de la terre. D’un côté Dieu décerne la paix par la présence d’un bon empereur, de l’autre cote les bienheureux Théodoret et Cyrille envoient des lettres au patriarche d’Antioche. Ils lui transmettent et célèbrent le bon message de la paix, e après une certaine confession, chacun a reconnu la foi de l’autre comme sa propre foi et ils le montrent clairement. Théodoret qui envoie sa lettre à Jean d’Antioche, en ce qui concerne ce que Cyrille a professé, s’expri­me ainsi : «Dieu qui dirige tout avec sagesse, qui veille aux intérêts de notre concorde et prend soin du salut des peuples, a fait en sorte que nous fussions réconciliés et a manifesté que les opinions de tous sont en accord. Ayant lu en effet en commun les lettres égyptiennes et ayant exa­miné à fond leur sens, nous avons trouvé que ce qu’il a envoyé est en accord avec ce que nous avons dit [212]» Et un peu plus loin il dit : «Dans ces lettres en effet il est déclaré que Notre Seigneur Jésus-Christ est Dieu parfait et homme parfait, qu’il y a deux natures et qu’elles diffèrent. [213]» Et après avoir examiné en détail chaque objection, il s’avance en parlant sur le sujet en question : «l’Esprit Saint ne tient pas son existence du Fils ou par le moyen du Fils, mais est issu du Père, tout en étant nommé propre au Fils en tant que consubstantiel. Ayant donc constate cette rectitude dans la lettre de Cyrille [214], nous avons chanté Dieu qui guérit les langues embarrassées et qui transforme la voix discordante en harmonie agréable. [215]»

 

  1. Que les évêques d’Orient ont accepté l’enseignement du bienheu­reux Cyrille que l’Esprit Saint procède du Père et non du Fils, cela res­sort clairement des considérations précédentes. Or ce que Cyrille admet de leur enseignement, tantôt Cyrille même le manifeste en écrivant au même Jean, tantôt eux-mêmes l’expliquent en parlant d’eux-mêmes. Car il dit : «L’écrit est comme suit et il est inséré en propres termes dans notre lettre. [216]» Et un peu plus loin : ««Nous confessons donc que Notre Seigneur Jésus-Christ, Fils Monogène de Dieu, est Dieu parfait et homme parfait composé d’une âme raisonnable et d’un corps, avant les siècles engendré du Père selon la divinité, à cause de nous et pour notre salut, engendré de la Vierge Marie selon l’humanité. Il y a eu en effet union des deux natures : c’est pourquoi nous confessons un seul Christ, un seul Fils, un seul Seigneur, selon cette notion de l’union sans mélan­ge. Nous confessons que la Sainte Vierge est Mère de Dieu parce que Dieu le Verbe a été incarné, qu’il est devenu homme et que, des e moment de la conception, il s’est uni à lui-même le temple qu’il a pris de la Vierge. Quant aux expressions apostoliques et évangéliques, nous savons que les théologiens, soit les appliquent communément à tout le Christ comme concernant une seule personne, soit les divisent comme concernant les deux natures, et dans ce cas attribuent à la divinité du Christ celles qui conviennent à Dieu, et à son humanité celles qui mar­quent son abaissement. Quand nous avons lu ces saintes paroles et trou­vant que nous pensions de même – car « il n’y a qu’un seul Seigneur, une seule foi, un seul baptême [217] »,- nous avons glorifie Dieu le Sauveur universel, nous félicitant mutuellement que les Eglises de chez nous et de chez vous tiennent une foi qui s’accorde avec les Ecritures inspirées et la tradition des saints Pères. [218]»

 

  1. Également le même divin Cyrille, après la Réconciliation :
    Extrait de la lettre à l’évêque Valérien :«Les très pieux évêques de tout l’Orient, conjointement avec mon sei­gneur le très pieux évêque de l’Église d’Antioche Jean, ont fait savoir ouvertement à tous, par une confession écrite et claire, qu’ils condamnent les bavardages futiles et profanes de Nestorius, qu’ils les anathématisent avec nous et qu’ils n’en ont jamais tenu compte, mais qu’ils sui­vent les dogmes évangéliques et apostoliques et ne sont d’aucune façon les adversaires de la confession des Pères.» Et encore, de la même lettre : «Si donc certains disent en mentant que les évêques d’Orient sont dans d’autres sentiments que ceux-là, qu’on ne les croie pas, mais qu’ils soient chassés comme trompeurs et menteurs à l’instar de leur père le diable, pour qu’ils ne troublent pas ceux qui veulent marcher droit. [219]»

 

  1. C’était donc le témoignage du divin Cyrille aux Orientaux. D’autre part, Théodoret et les Orientaux disent expressément ceci : «L’Esprit est propre du Fils. Si Cyrille avec cette phrase exprime l’iden­tité de nature et la procession à partir du Père, nous allons tomber d’accord et nous accepterons la parole comme pieuse. Mais s’il entend que l’Esprit a eu son existence à partir du Fils ou par le Fils, nous rejette­rons cela comme blasphématoire et impie. [220]» Et de nouveau le même : «Et l’Esprit Saint ne tient pas son existence du Fils ou par le moyen du Fils, mais est issu du Père, tout en étant nommé propre au Fils en tant que consubstantiel. [221]» Alors le fait que l’Esprit ne procède pas du Fils, ou bien n’est pas une parole impure, vide de sens, de Nestorius, mais c’est une tradition des apôtres et par conséquent les Latins sont condamnés, ou bien au contraire Cyrille a menti manifestement contre la vérité, disant à propos des évêques orientaux qu’ils condamnent et rejettent avec nous l’anathème contre les paroles impies et vides de sens de Nestorius. Car il est clair qu’eux, après la réconciliation, ne croient pas qu’il faille confesser que l’Esprit procède du Fils. Et, plus important, il semble qu’ils fêtent manifestement la paix des Églises pour cet accord, puisqu’ils reconnaissent que Cyrille dit que l’Esprit Saint ne tire pas son existence ni du Fils, ni par le Fils.

 

  1. En outre, le fait que le divin Cyrille disait que les Orientaux n’ont accordé aucune valeur aux paroles impures et vides de Nestorius, en ce qui concerne l’Économie du Sauveur, est fort vrai : tu ne les verrais jamais se permettre de concéder un dogme blasphématoire. Mais en ce qui concerne la procession du Saint-Esprit, qu’il ne provient pas du Fils, si nous rapportons cela à Nestorius, alors comment n’est-ce pas fort impudent pour Théodoret et les autres qui ont parlé en toute liberté sur cela, et avant la concorde des Eglises et après la concorde, l’auditeur étant un concile œcuménique ? Et lorsque le divin Cyrille ajoute que les orientaux condamnent et rejettent l’anathème avec nous contre les doc­trines de Nestorius, alors n’est-ce pas un témoignage clair que le fait que l’Esprit ne procède pas du Fils n’est pas une opinion de Nestorius ? Il a été montré que, sur ce dogme, il était d’accord avec les Orientaux et qu’il attribuait clairement seulement au Père l’émission de l’Esprit, après avoir entendu sur cela de mauvaises paroles, qu’il ne croyait pas comme eux.

 

  1. En outre, si quelqu’un disait aux Latins : ô, très sages, les Orientaux professent expressément que c’est blasphématoire et impie de dire que l’Esprit procède du Fils, alors, lequel des deux répondront-ils : qu’en cela ils sont d’accord avec les apôtres ou avec Nestorius ? Si c’est la deuxième réponse, Cyrille va répliquer à grands cris, car il témoigne qu’ils suivent les dogmes des apôtres et des Pères et ne sont en aucune façon les adversaires de la confession des Pères, et ceux qui croient le contraire d’eux, il les appelle trompeurs et menteurs et les rejette de l’Église avec le diable [222]. Mais s’ils choisissent la première réponse, la honte est claire et il ne faut rien ajouter.

Cyrille : L’Esprit s’épanche à partir du Fils comme à partir du Père.

 

  1. [Objection:] Mais qu’est-ce qu’ils disent par rapport à cela ? Dans la lettre de Cyrille à Nestorius, où les Chapitres contre Nestorius sont joints il parle clairement ainsi : «Car même si l’Esprit est constitué dans une hypostase particulière et s’il est conçu à part en lui-même selon qu’il est Esprit et non Fils, néanmoins il n’est pas étranger au Fils. Il a été nommé en effet « Esprit de vérité [223] » et le Christ la vérité [224] et l’Esprit s’épanche à partir de lui [le Fils] comme à partir du Père [225]» Cela signifie clairement que l’Esprit est issu du Fils, comme également issu du Père. Cyrille l’a écrit dans la lettre à Nestorius. Le concile s’est tu devant l’assemblé commune, car Nestorius était condamné pour cela. Et Cyrille s’est tu lorsqu’il répondait systémati­quement pour cela à Théodoret, puisqu’ils ont cru que le contenu de la lettre était suffisant car le concile a accepté la lettre comme si c’était sienne. Et que le verbe « s’épancher » est mis à la place de « procéder », Cyrille lui-même l’a montré lorsqu’il a dit dans l’explication du saint Symbole au sujet du Saint-Esprit que «d’une part il s’épanche, c’est-à-dire procède du Dieu et Père, et d’autre part il est procuré à la créature par le Fils. [226]»

 

  1. [Solution:] D’abord, il est assez mesquin pour ceux qui s’imagi­nent être des héros, alors qu’ils mentent manifestement contre la vérité et après tant de preuves, de croire que le divin Cyrille pensait que l’Esprit Saint était issu du Fils et de dire qu’il se taisait à propos des thèses de Théodoret. Et cela, après avoir parlé tellement et après avoir montré qu’il était plus fort que les calomnies, si bien que même Théodoret n’avait plus rien à redire mais a confessé son accord avec Cyrille. Mais en ce qui concerne la cause du soupçon elle est placée non dans l’esprit mais dans la langue de Cyrille, comme si le sens de ses pensées n’était pas suffisant. Car c’est ce qu’il laisse entendre lorsqu’il décrit la concor­de et déclare assez manifestement : «ayant constaté la rectitude [de la foi] dans la lettre de Cyrille, nous avons chanté Dieu qui guérit les langues embarrassées et qui transforme la voix discordante en harmonie agréable. [227]»

 

  1. En outre, professer cela c’est ignorer le propos de la lettre et les chapitres qui en existent, et quel nombre il y en a et quelle force ils ont et quel point vise Nestorius, et à quel anathème prononce contre lui se rapporte chaque Chapitre. Il faut que celui qui est sur le point de déve­lopper de telles choses, ne cherche pas tout d’une manière accessoire. Rappelons que le divin Cyrille lui-même dit dans les Trésors : «Celui qui avance à la recherche des divines écritures doit observer le temps auquel l’événement se réfère, la personne de la part de laquelle, par l’intermediaire de laquelle ou au sujet de laquelle cela est dit. De cette manière l’esprit restera sans faute pour ceux qui veulent raisonner avec rectitude. [228]» Mais s’ils disent qu’ils ne sont pas contentés de ce qui a été exposé, alors ceux qui font usage de cette lettre en faveur de leurs posi­tions, ils devraient ne pas l’ignorer. Car cette lettre n’est pas celle qui après avoir être lue devant l’assemblé commune, a été indiquée par le concile comme mesure de la foi. Celle-là était la deuxième lettre à Nestorius, alors que celle-ci est la troisième. Pour cette dernière lettre les Pères du concile ont pensé qu’il était juste de la déposer parmi les registres du concile, comme d’ailleurs ils l’ont jugé nécessaire aussi pour la lettre de Célestin et de Capréole et pour beaucoup d’autres.

 

  1. Par contre, sur la procession de l’Esprit, sur le fait qu’il n’est pas issu du Fils, d’un côté les Pères se sont tus puisqu’ils ne croyaient pas que la doctrine était saine, de l’autre les Latins renvoient les incrédules à cette lettre-là, parce que Cyrille dit que l’Esprit s’épanche du Fils de la même manière que du Père [229]. Cela est entièrement une fable et une imagination évidente de la pensée des Latins. Car nulle part on ne trouve de telles choses ; cela s’accompagne de beaucoup de mensonges et c’est impossible. Car le concile auparavant n’avait pas mis a l’epreuve cette lettre dont ils prétendent de telles choses. Ensuite, en ce qui concerne la procession de l’Esprit, il ne concédait pas qu’il est issu du Fils pour qu’il soit possible de façonner de telles choses et avec raison, mats le contrai­re Après la rectification du Symbole et la canonisation de la part de l’Église le temps a passé et ils ont lu cette lettre. Alors, s’ils prétendent ce qui a été dit plus haut, c’est la même chose que s’ils prétendaient des choses impossibles. Car le concile, pour les questions en doute n’avait pas renvoyé à cette lettre qu’il n’avait jamais lue, même pas le début. Et que cela est vrai, c’est manifeste par les actes de ce saint concile.

 

  1. Et non seulement ce n’est pas l’opinion de Cyrille que l’Esprit procède du Fils – comme on l’a montré -, mais il ne faut pas de toute nécessité comprendre le verbe «s’épancher» au sens de «procéder» Et pourquoi dis-je que ce n’est pas nécessaire ? De toute nécessite, ici il ne faut pas le comprendre ainsi ! Voilà pourquoi : l’intention de cette lettre, c’est un jugement proposé à Nestorius contre ses propres doctrines. Par conséquent, il faut accepter ce qui est une doctrine apostolique, tandis qu’il faut fuir ce qui n’est pas sain. La lettre est divisée en douze chapitres et le chapitre en question est le onzième. Ce chapitre, que les Latins ont maintenant détaché de son contexte et soulèvent contre nous, s’oppose au neuvième anathème, de même que les autres chapitres s’opposent aux autres anathèmes. Car Nestorius disait par rapport au Christ qu’il était un simple homme et qu’il se servait de la puissance de l’Esprit comme étrangère pour faire les miracles et que Lui aussi partici­pa à l’Esprit comme d’ailleurs chacun des saints. Contre cela, saint Cyrille exprime les dogmes de vérité. Il dit que «l’Esprit Saint ne lui est pas étranger [230]», c’est-à-dire selon l’essence. Car il ajoute cela lorsqu’il l’explique lui-même dans la lettre à Jean d’Antioche, puisqu’il écrit là aussi au sujet de la même chose. Et la cause se trouve dans 1 Ecriture «car il a été appelé « Esprit de vérité », et « vérité c’est le Christ ». [231]» Il est tellement loin de participer à l’Esprit comme c’est le cas pour chacun des saints, que «l’Esprit s’épanche de Sa part aussi bien qu’à partir du Père» ; il veut dire qu’il est épanché sur les saints, car il fait une allusion aux dons du Saint-Esprit.

 

  1. De plus cette lettre comporte le rejet de Nestorius, comme on l’a dit dans douze chapitres, qui réfutent toute sa malveillance, selon ce que le sixième concile dit. Et dans ces chapitres il n’y a rien sur l’émission du Saint-Esprit, et simplement rien non plus qui concerne la théologie, mais tout se rapporte à l’économie.

 

  1. Ensuite, si Cyrille écrit à Nestorius et réfute quelque affirmation sur la procession du Saint-Esprit, alors que dans ses propres écrits Nestorius ne dit pas cela, le propos est très proche d’une énigme. Car ce à quoi Cyrille répond, où cela se trouve-t-il dans les lettres de Nestorius ? Mais lorsqu’ils ont lu, d’une manière manifeste au cours du synode, que l’Esprit Saint ne procède pas du Fils ou qu’il est, blasphématoire et impie de croire que l’Esprit procède du Fils – ce que Théodoret écrit à Cyrille – alors dans cette circonstance, Cyrille avec le synode se tait, et surtout Cyrille se tait de nouveau lorsqu’il répond systématiquement à cela. Et pas seulement cela, mais il dit que si quelqu’un pense de lui qu’il croit autre chose que Théodoret dans ce cas, il est victime des calomnies. Et enfin il témoigne aux évêques de l’Orient, en tête desquels était Théodoret, qu’ils ont une foi compatible avec la divine Ecriture et avec la tradition apostolique et que pour aucune raison ils n’ont jamais soute­nu les doctrines impies de Nestorius.

 

  1. Et cela serait étonnant ! Quoi enfin ? En ce qui concerne l’Écono­mie du Sauveur, Cyrille avait parlé auparavant des milliers de fois ainsi que Célestin, et ce n’était pas suffisant pour le divin concile et ils ont de nouveau argumenté contre Nestorius avec des preuves et des témoi­gnages plus nombreux qu’auparavant et ils ont montré que leur propos était fiable. Mais d’autre part, en ce qui concerne la procession de l’Esprit, la sentence courte et pour cette raison pas très claire, du divin Cyrille, sans avoir aucune preuve pour cela, serait suffisante pour un blasphème si évident !

 

  1. De plus, puisque ce passage se rapporte au neuvième anathématisme, à propos duquel Cyrille se défend contre Théodoret, il se trouve que Cyrille prétend qu’il est blasphématoire de professer que l’Esprit procède du Fils ; alors comment ce qu’il a considéré comme blasphématoire et impie, lorsqu’il interprétait son propre propos avec beaucoup de détails, le croirait-il juste et l’accepterait-il comme sain dans des expressions courtes ? Il convient de faire le contraire : préciser ce qui n’est pas clair à l’aide de ce qui est plus clair.

Et puisque Théodoret, comme on l’a montré, après les apologies, témoigne assez manifestement avec Cyrille qu’il ne croit pas que l’Esprit tire son existence du Fils ; alors ne serait-ce pas déjà clairement une honte pour Cyrille de contredire Théodoret avec lequel il avait tellement discuté, jusqu’à risquer de diviser l’univers, ce qui se serait d’ailleurs réalisé, s’il n’avait pas composé ces bonnes apologies.

 

Le Saint-Esprit d’une part s’épanche, c’est-à-dire procède du Dieu et Père, et d’autre part est procuré à la nature par le Fils.

  1. Et lorsqu’on dit que le divin Cyrille dans l’explication du saint Symbole accepte le verbe s’épancher à la place du verbe procéder en disant : «le Saint-Esprit d’une part s’épanche, c’est-à-dire procède du Dieu le Père, et d’autre part est procuré à la créature par le Fils [232]», Cyrille montre clairement que le verbe s’épancher n’est pas l’équivalent seule­ment du verbe procéder, mais aussi de quelque chose en plus. C’est ce que le verbe être procuré signifie. Ou alors pour quelle raison, après avoir dit s’épancher, aurait-il ajouté l’explication procéder si le verbe s’épancher signifiait toujours la même chose que le verbe procéder.

 

  1. Outre cela, Dieu dit par l’intermédiaire de Joël : «Pendant les der­niers jours je répandrai mon Esprit sur toute chair. [233]» Et le divin Paul dans la lettre à Tite : «Il nous a sauvés par le bain de la nouvelle naissan­ce et de la rénovation que produit l’Esprit Saint, répandu [234] sur nous avec abondance par Jésus-Christ notre Sauveur. [235]» Bien sûr, personne qui veut rester dans la foi ne dirait que ces expressions sont l’équivalent du verbe procéder.

 

  1. En outre, le divin Cyrille s’exprime avec des particules d’opposi­tion et il dit par rapport au Saint-Esprit que «d’une part il s’épanche, c’est-à-dire procède du Dieu le Père, et d’autre part il est procuré à la créature par le Fils. [236]» Alors n’est-il pas clair qu’il croit que l’Esprit tire son existence seulement du Père ? Car si la procuration de l’Esprit se fai­sait à partir du Père et du Fils et si la procession en était aussi commune, alors la distinction et l’explication du verbe s’épancher serait vaine, et ce qui a été annoncé se révélerait contraire à l’usage commun de la parole. Car, lorsque certaines choses sont différentes et appartiennent également à deux personnes, si on les distingue avec les particules (d opposition) et si on rapporte une chose à une personne et l’autre chose à l’autre person­ne, cela la langue grecque ne le connaît pas. Par exemple Pierre et Paul. Chacun des deux est apôtre et martyr. Si quelqu’un parlait d’eux et disait : «Pierre est apôtre alors que Paul est martyr», il ne semblerait pas avoir l’esprit sage ni la langue saine. Pareillement tu ne diras non plus que Périclès est général alors que Thémistocle est orateur. Car de la même manière, si on ne pense pas qu’une qualité dépasse l’autre, chacu­ne des deux [général et orateur] convient aux deux (personnes évoquées). Et les maîtres de la théologie chrétienne ne l’ont pas ignoré. Plusieurs fois ils se sont servis de cette formule distinctive en théologie pour distinguer les Personnes théarchiques.

 

Exemples patristiques de distinction dans la Trinité avec les par­ticules d’opposition.

  1. Le divin Denys, dans le discours sur l’union et la distinction, dit : «d’une part le Père est au sein de la divinité l’élément producteur, d’autre part le Fils et l’Esprit sont pour ainsi dire les pousses divines de la divinité engendreuse de Dieu et en quelque sorte ses fleurs et son rayonnement suressentiels, et cela ce sont les saintes Ecritures qui nous l’ont enseigné. [237]» Et le premier concile à Nicée : «d’une part l’Esprit Saint procède du Père, d’autre part il est propre du Fils. [238]» Et Basile le Grand dans la lettre à son frère : «L’Esprit Saint se rattache d’une part au Fils avec qui on le saisit immédiatement et tient d’autre part son et attaché, comme à sa cause, au Père dont il procédé aussi [239] » et de nouveau : «L’Esprit Saint d’une part se connaît avec le Fils et ensemble avec Lui, d’autre part il existe à partir du Père. [240]» Et le divin Grégoire de Nysse dans les livres à Eunome : «L’Esprit Saint est saisi d’une manière appropriée par le Fils ; il ne vient pas à l’existence après le Fils, comme si l’on pouvait jamais penser le Monogène sans l’Esprit, mais d’une part il tire Lui aussi la cause de [son] être du Dieu de l’univers, d’où il est la lumière monogène, et d’autre part Il a resplendi par la lumière véritable [241] [le Christ].» Et de nouveau un extrait tiré du même livre : «Nous ne pen­serons pas à un rayon issu du soleil, mais à un autre soleil issu d’un soleil inengendré, ensemble dès la première pensée, qui resplendit simultanément avec lui d’une manière engendrée, qui possède également tout : la beauté, la puissance, l’éclat, la luminosité et simplement tout ce qu’on peut contempler au sujet du soleil. Et de nouveau nous penserons de la même manière à une autre lumière pareille, qui ne se séparé pas de la lumière engendrée par un espacement temporel, mais qui d’une part resplendit par Lui et d’autre part tire la cause de son hypostase de la lumière originale. [242]» Et de nouveau le divin Cyrille dans les livres à Hermias sur le Saint-Esprit dit : «le Père le répand depuis sa propre nature, cependant que le Fils, lui aussi, le distribue à ceux qui en sont dignes. [243]»

 

  1. [Objection:] Et s’ils disent qu’il n’y a rien qui empêche de diviser certaines qualités qui existent également en deux ou trois de les rattacher séparément à chaque personne avec les particules ? Par exemple lorsque le théologien dit dans le discours sur la Théologie : «à propos du Pire et du Fils et de l’Esprit Saint, d’une part une Personne trouve bon, d’autre part l’autre Personne coopère et l’autre Personne souffle [244]» ? [Solution:] Ce qu’ils disent n’est pas une nécessité. Voilà l’équivalent : comme si quelqu’un dit que d’une part le Père trouve bon, d’autre part le Fils trouve bon et l’Esprit Saint trouve bon. Voilà l’habitude chez les Grecs : on parle ainsi ou à propos des choses absolument identiques ou à propos des choses qui effectivement ne sont pas beau­coup éloignées, comme cela semble être le cas de la parole du théologien avec ces verbes de forme différente mais de signification pas du tout dif­férente ou [seulement] un peu. La preuve c’est qu’on peut les inverser. Car si on rattache le propos à Dieu, le verbe trouver bon signifie coopé­rer et souffler, et le verbe coopérer signifie et trouver bon et souffler, et le verbe souffler signifie trouver bon et coopérer.

 

  1. Par ce qui a été exposé il est évident que c’est une doctrine com­mune pour l’Église catholique du Christ que l’Esprit Saint ne procède pas du Fils et que sur ce point il y eut l’accord entre les Eglises et de l’Orient et de partout sur la terre. Et par ce qui suit il est évident que la même chose est une opinion ancienne de Cyrille, et que de toute manière il rejette ce soupçon puisqu’il pense qu’il est terrible de croire les réalités propres au Père comme communes aussi au Fils. Dans le Commentaire sur l’évangile de Luc, dans le trente-neuvième chapitre il développe la parole extraordinaire du Seigneur : «Mais si c’est par le doigt de Dieu que je chasse les démons, alors le Règne de Dieu vient de vous atteindre. [245]» Voilà ce que Cyrille dit : «puisque ce que vous dites n’est pas vrai c’est plutôt une vieillerie éventée et un mensonge absolu mais aussi un produit d’un caractère calomnieux, il est évident que c’est par le doigt de Dieu que je chasse les démons. Avec l’expression « doigt de Dieu » il signifie le Saint-Esprit. Car le même a été appelé main et bras de Dieu puisqu’il opère tout par lui, et également, le Fils aussi, opère en Esprit De même donc que le doigt appartient à la main, ne lui étant pas étranger, mais étant en elle par nature, ainsi l’Esprit Saint par raison de consubstantialité est attaché au Fils pour l’union, et Il procède de Dieu le Père. [246]» Mais s’il savait que l’Esprit procède aussi du Fils, pourquoi a-t-il ajouté qu’il «procède de Dieu le Père» ? Or ceci était le témoignage du troisième et du quatrième conciles œcuméniques [247].

 

 

 

CINQUIÈME DISCOURS CONTRE LA CONCLUSION (DES LATINS)

La lettre du pape Agathon.

  1. Extraits des Actes du VIe concile. Et bien sûr il faut démontrer la réponse que le sixième saint concile œcuménique et aussi évidemment le septième, nous donnent par rapport à ce que nous recherchons. Le pape Agathon, avec le concile réuni à Rome, a envoyé une lettre aux empereurs Romains où il dit : «Voilà notre connaissance accomplie : dans un état de veille maximum de notre esprit, nous devons sauvegarder les définitions de notre foi catholique et apostolique que, jusqu’à maintenant, le siège apostolique avec nous, a maintenues et transmises : Croire en un seul Dieu Père tout Puissant, créateur du ciel et de la terre, de toutes les choses visibles et invisibles et en Son Fils l’unique engendré, qui a été engendré de Lui avant tous les siècles, vrai Dieu de vrai Dieu, lumière de lumière, engendré non créé, consubstantiel au Père par qui tout a été fait, ce qui est dans le ciel et ce qui est sur la terre ; et en l’Esprit Saint, qui est Seigneur et donne la vie, qui procède du Père, qui avec le Père et le Fils est coadoré et coglorifié. [248]» C’était donc un extrait de la lettre. Et les Romains sont attachés à cette Confession de telle manière que, malgré les nombreux malheurs dont ils sont entourés, ils croient que c’est une extrême prospérité de vivre avec elle et un grand profit de mourir pour elle. Car ils disent : «Notre seule existence c’est notre foi ; vivre avec elle, c’est une gloire extrême ; mourir pour elle, c’est un profit éternel.» Pourquoi ? Parce que ce qu’ils disent c’est une définition de la foi catholique et apostolique. Mais lorsqu’on brise les définitions des apôtres et de la foi, cela signifie que l’on supprime la foi orthodoxe. Et suppriment la foi ceux qui disent avec une addition croire en l’Esprit Saint qui procède du Fils. Il y a deux manières possibles pour violer la définition : ajouter et enlever à celle-ci.

 

  1. Et voilà ce que la définition de ce concile dit à propos du Saint- Esprit : «Nous croyons aussi en l’Esprit Saint, qui est Seigneur et donne la vie, qui procède du Père, qui est adoré et glorifié conjointement avec le Père et le Fils. [249]» Et vers la fin de la définition, ceci : «Après avoir for­mulé ces points avec une précision et une justesse totales, nous définis­sons qu’il n’est permis à personne de proposer une autre confession de foi, c’est-à-dire de l’écrire, de la composer, de la méditer ou de l’enseigner autrement. Quant à ceux qui oseraient composer une autre confession de foi, diffuser, enseigner, ou transmettre un autre Symbole a ceux qui veulent se convertir du paganisme, du judaïsme ou de quelque hérésie que ce soit à la connaissance de la vérité, ou introduire un nouveau langage ou une expression inventée afin d’infirmer les points que nous venons de définir, s’ils étaient évêques ou clercs, ils seraient exclus, les évêques de l’épiscopat et les clercs du clergé ; s’ils étaient moines ou laïcs, ils seraient frappés d’anathème. [250]»

 

  1. Alors d’une part, la définition est pleine de menace et de colère et rejette toute adjonction au Symbole et laisse craindre le pire contre ceux qui innovent même jusqu’aux mots. D’autre part les Latins, en ce qui concerne l’adjonction des mots ou des phrases, ne peuvent pas nier avoir ajouté au saint Symbole et ne peuvent pas prétendre maintenir la défini­tion en vigueur, au moins dans les phrases, tandis qu’ils la récitent avec l’adjonction.

 

La lettre de Saint Maxime à Marinos : un Filioque orthodoxe.

  1. [Objection:] Cependant, ils disent qu‘ils n’ont rien ajouté à l’intelli­gence [du Symbole] mais que ces bienheureux-là, ceux qui se sont réunis à Rome ainsi que ceux qui se sont réunis du monde entier à Constantinople, professaient que l’Esprit Saint procède du Père d’une telle manière que de toute nécessité il procède aussi du Fils. [Solution:] Mais c’est complètement le contraire. Le concile œcuménique ainsi que cette assemblé-là de Rome pensent ainsi sur la procession du Saint- Esprit : que cette provenance indicible est issue du Père seul et aucune­ment du Fils. Je propose comme témoin dont je parle, le divin Maxime qui assimilait la science théologique à un tel point que, en son temps alors que toute l’Église était perverse, l’alliance de l’Esprit avec lui seul était suffisante pour faire la guerre contre tout le monde. Notamment il serait tellement juste qu’il fût appelé et père et maître de ce saint concile, que même les opposants ne pourraient pas y contredire. La preuve : les partisans de Pyrrhus, de Sergius et d’Honorius et des autres chefs de l’hérésie appelaient les orthodoxes «Maximiens» puisque tous avaient leur regard tourné vers lui et ne disaient ni ne pensaient rien de ce que lui ne croyait pas (Le huitième chapitre des actes du saint concile dit cela) [251].

 

  1. Celui-ci donc, dans sa lettre à Marinos [252], lorsque ce dernier lui a demandé son avis à propos du problème qui nous préoccupe, expose l’opinion de l’Église de Rome sur l’Esprit et certes il expose notre opi­nion, et avant celles-ci il expose sa propre opinion. Voici la lettre copiée littéralement dont l’incipit est : « Cher père, que Dieu a honoré, tu as été conforme à la loi de Dieu selon la volonté divine, [et] tu as méprisé la loi humaine » : «Assurément, ceux de la reine des villes [Constantinople] n’ont pas trouvé à redire sur autant de chapitres des Lettres synodiques de l’actuel et très saint pape que vous me l’avez écrit, mais sur deux seu­lement. L’un concerne la théologie ; ils lui reprochent de dire que l’Esprit Saint procède aussi du Fils. L’autre concerne la divine Incarnation ; ils lui reprochent d’avoir écrit que le Seigneur est exempt du péché ancestral en tant qu’homme. Sur le premier point, [ceux de Rome] ont présenté les usages concordants des Pères romains, et encore ceux de saint Cyrille d’Alexandrie, extraits de l’étude sacrée qu’il a réa­lisée sur saint Jean l’Évangéliste, à partir desquels ils ont montré qu’eux- mêmes n’ont pas fait du Fils la cause du Saint-Esprit — car ils savaient le Père cause unique de Celui-là selon la génération et de Celui-ci selon la procession —, mais qu’ils ont voulu manifester le fait [pour l’Esprit] de sortir par Lui [le Fils], et établir par là la connexion et la non-différen­ce de l’essence. Pour le second point, ils n’ont nul besoin qu’on les défende. Car quelle incertitude y a-t-il dans cette affirmation, même si les chercheurs de prétextes le pensent à cause de leur caractère intrai­table ? Il suffit en effet qu’ils disent «que [le Seigneur] n’a pas eu dans l’esprit le péché dont Adam a paru souffrir le premier, ni dans le corps l’action et l’opération du mal qui vient de celui-ci.» Voilà donc ce qu’ont répondu [ceux de Rome] au sujet des choses dont on les accuse sans rai­son valable. En revanche, c’est à juste titre que [ceux de Constantinople] ont été accusés pour ce dont ils n’ont présenté jusqu’à maintenant aucu­ne défense, alors qu’ils n’ont pas rejeté ce qu’eux-mêmes ont introduit frauduleusement. Cependant, suivant ta requête, j’ai prié les Romains de traduire les [formules] qui leur sont propres afin d’éviter les obscurités des points qui s’y rattachent. Cependant, la coutume de rédiger et d’envoyer ainsi [les Lettres synodiques] ayant été suivie, je me demande si jamais ils y accéderont. Par ailleurs, il y a le fait de ne pouvoir expri­mer leur pensée dans d’autres mots et en une autre langue que leur propre langue maternelle, difficulté que nous rencontrons nous aussi. En tout cas, ayant fait l’expérience de l’accusation, ils viendront à s’en sou­cier. [253]»

 

  1. Maxime envisage cette explication comme une foi commune et de Cyrille d’Alexandrie et des Pères romains, non seulement de ceux qui ont précédé mais aussi de ceux du temps du pape Agathon et certes du sixième concile aussi, puisque le divin Maxime était son patron et maître. Et le fait que l’Esprit Saint procède du Père, il est juste de l’entendre de la même façon dont les Pères qui ont exposé les Confessions [de foi], l’ont entendu et l’ont accepté. Et ils l’ont accepté ainsi : que le Père possède la cause du Fils et de l’Esprit, de Celui-là selon la génération, de Celui-ci selon la propriété de la procession, alors que le Fils ne possède pas la cause de l’Esprit.

 

  1. En outre, si jamais quelqu’un entend un Père de Rome dire que l’Esprit procède aussi du Fils, qu’il ne considère pas le Fils comme cause, car cette parole veut dire qu’il sort par le Fils-même. Et cela, pour montrer «la connexion et la non-différence de l’essence.» Et si quelqu’un donne son accord volontairement à une partie de l’explication théologique mais souffre pour le reste et a des difficultés parce qu’il ne cède pas le terme «procession» au Fils, puisque ce dernier ne possède pas la cause de l’Esprit, alors qu’il pense à ce que saint Denys dit, à savoir que c’est absurde et fâcheux de négliger l’importance de la visée au profit de l’expression verbale [254], et que l’Esprit Saint méprise la peti­tesse de l’écrit. Alors le sage Maxime ajoute aussi ceci : que les romains ne peuvent pas exprimer leur pensée dans d’autres mots et en une autre langue que leur propre langue maternelle.

 

Saint André de Crète et le Filioque.

  1. Et certes le bienheureux André évêque de Crète participait aussi au chœur de ce saint concile œcuménique, il est clair qu’il s’accorde lui- aussi avec le divin Maxime et qu’il accepte la Définition que lui-même avec les autres ont exposée de la manière suivante : que seul le Père se différencie de l’Esprit selon le principe de la cause [de son existence]. Car il dit dans son Sermon sur la Transfiguration : «En effet on ne peut pas voir autrement ; ou le Père dans le Fils, ou le Fils dans le Père, ou dans l’Esprit Saint qui d’une part procède du Père et d’autre part selon l’essence séjourne volontiers et se repose dans le Fils, comme étant consubstantiel avec les deux autres Personnes et partageant le même trône et le même honneur. [255]» Et si d’une part Il séjourne volontiers selon l’essence dans le Père et le Fils, puisqu’il est consubstantiel à tous les deux, et d’autre part Il procède aussi des deux ensemble – selon ce que la nouvelle théologie dit -, que les chefs de l’opinion latine nous le disent : ceux qui s’occupent de la théologie, enfin, attribuent-ils vraiment d’une part la cause [de l’Esprit] au Père et jamais au Fils, et d’autre part la parenté de la nature, l’attribuent-ils aussi au Fils et jamais le contraire ? Ou alors, que veulent indiquer les particules d’opposition ? Parce que, habituellement, on ne se sert pas ainsi du langage commun, lorsque les attributs différents se réfèrent à deux personnes, et que les deux per­sonnes à la fois se rattachent à chaque attribut. Parce que, si on est rai­sonnable, on ne dit pas que d’une part le Père est incréé et que d’autre part le Fils est bon. Car cette expression enlève du Père ou du Fils l’attribut ou de la bonté ou de l’incréé. Par conséquent, en ce qui concerne le passage théologique en question, la raison intime demande explicitement d’enlever du Père ou du Fils, soit la parenté de la nature soit la cause de l’émission. Puisqu’il est complètement impossible d’enlever la parenté, il est tout à fait contraignant de rattacher la cause ou au Père seul ou alors au Fils seul. Mais rattacher la cause au Fils seul, même les Latins diraient que c’est impossible. Il reste donc à l’attribuer au Père seul et aucunement au Fils. C’est ce que les théologiens professent explicite­ment. Car ils disent que «tout ce que le Père possède, le Fils le possède aussi, sauf le fait d’être cause [256]», et aussi que le Fils ne possède pas la cause de l’Esprit.

 

  1. Et si l’Esprit Saint procède du Père d’une telle manière que le Fils ne possède aucunement la cause, et si c’est ce que croient les conciles œcuméniques, les Latins cependant comprennent les définitions des conciles ainsi : qu’il procède nécessairement aussi du Fils, et ils l’ont ins­crit en outre dans le symbole. Et si l’addition (latine) introduit l’addition d’un dogme à la fois nouveau et étrange, et si cela consiste en un renver­sement évident de l’esprit des Pères, alors comment (les Latins) ne sont-ils pas les héritiers de la menace qui se trouve dans la définition de leur propre foi ?

 

  1. [Objection:] Mais que répondent-ils par rapport à saint Maxime ?

Tout d’abord ils décrient la lettre comme fausse et n pas authenti­quement de lui. Ensuite, eux non plus ne prétendent pas que le Fils soit une cause semblable à celle du Père, mais que l’Esprit est issu du Fils d’une manière autre que celle du Père, c’est-à-dire du premier principe et de la première cause. [Solution:] En ce qui concerne la première objec­tion, ce qu’on pourrait dire et peut-être est-ce le moment approprié, c’est la parole d’un ancien : «c’est ainsi que tout est facile à détruire.» Or il nous sera aussi permis d’effacer vos livres et Augustin et Jérôme et tout le reste que nous n’avons pas, et de juger que tout est inutile comme étant inauthentique. Et si on se sert mutuellement de ce type d’argu­ments, entre nous et vous, il risque de se produire que la victoire soit avec nous, puisque vont rester seulement les Écritures inspirées de Dieu — le reste étant une calomnie — où l’on ne trouve pas que l’Esprit pro­cède du Fils.

 

Sur l’authenticité de la lettre de saint Maxime à Marinos.

  1. En outre, ceux qui prétendent cela, n’effacent pas seulement nos livres mais aussi les livres des Latins. Car lorsque j’avais demandé à un Latin qui est connu, et qui lisait dans sa propre langue : «qu’est-ce que cela signifie ?», il m’a répondu que cette lettre a été traduite de la langue grecque.

 

  1. Et sans compter cela, la construction des mots qui est ancienne et qui conserve le même style que les autres écrits de Maxime, et son séjour à Rome, et sa fréquentation de Marinos, et son juste reproche contre notre Église – car la démence de Sergius et de Pyrrhus trouvait encore un repaire dans cette Église -, [tout] cela témoigne de l’authenti­cité de la lettre.

 

  1. Mais c’est aussi complètement ridicule pour les Latins de faire la guerre contre eux-mêmes et de professer la même lettre, tantôt comme authentiquement de saint Maxime et de ne pas avoir honte de la pronon­cer contre nous-mêmes, et par écrit et dans les discussions, et à partir de cette lettre d’essayer de faire croire que c’est une coutume ancienne dans l’Église romaine et une opinion du même âge que celle-ci de dire que l’Esprit procède du Fils, et tantôt, lorsque nous faisons notre apologie tirée de la même lettre pour exposer ce que nous croyons, de prononcer le contraire, comme s’ils avaient honte.

 

  1. Et que cela est vrai, et que les Latins partent de cette lettre comme d’un point de départ pour une expédition contre notre opinion, Bekkos, le chef de l’opinion latine en témoigne avec clarté. Car, là où il fait l’apologie de la nouveauté introduite dans l’Eglise, il parle ainsi : (l‘incipit du discours est : « Viens ici, ô peuple qui aime Dieu ») : «Photius se met au travail contre l’Église romaine, et après peu de temps il produit son fruit. De quelle manière ? Sachant que l’addition d’un mot opérée dans le symbole avait été faite par les Italiens depuis un certain temps, comme en témoigne la lettre du grand Maxime au prêtre de Chypre Marinos, connaissant aussi toutes les autres coutumes, devenus normales chez eux, par lesquelles ils diffèrent apparemment de nous, et acceptant tacitement tout cela, au nom même de la justice — du moment qu’il était juste en fait qu’il suive ce pourquoi ses prédécesseurs avaient adopté la paix avec les Romains —, après l’ouverture des hostilités, ou pour mieux dire maintenant, de cette furie odieuse à Dieu, il exhibe tous ces usages comme étant des infractions. [257]»

 

  1. Et [voici] de nouveau un extrait tiré du discours qui a pour titre : Apologétique avec une explication dogmatique : Ce qui s’est passé depuis le règne du Monomaque [Constantin IX (1042-1055) ; il ‘agit du ] schisme de 1053] déjà mentionné, nous trouvons que cela remonte du pouvoir de Constas [Constant II Pogonatos (641-668)], petit-fils d’Heraklius (610-641). Au temps de ce Constant florissait le grand Maxime ; peu moins, ou exactement quatre cents ans auparavant. Nous trouvons qu’au temps du grand Maxime se situait la première réaction, une sorte de commencement, contre l’addition [du Filioque]. Et nous ne la voyons guère avancée, que dans les limites de Constantinople à l’occasion de réception des Lettres synodiques du pape d’alors [Théodore 1er (642-649)]. Et le prétexte du scandale de ce temps-là, c’était que les Orientaux étaient ennuyés par l’hérésie des Monothélites. Cet exposé historique est pour nous complètement évident, et il est ainsi pour tout autre qui ne va pas passer avec indifférence sur la lettre du grand Maxime à Marinos, prêtre de Chypre. [258]» Et également (Georges) Métochites écrit les mêmes choses [259]. Alors le livre de saint Maxime s’affirme plus authentique que tout autre et même considèrent le témoignage des opposants comme valide. C’était donc la réponse à la première objection.

 

Le Père cause première ?

  1. En ce qui concerne la deuxième objection on parlera aussi, avec l’aide de Dieu, un peu plus tard [260]. Pour le moment il suffira de ceci : si le Fils ne possède pas de manière absolue la cause de l’Esprit, selon ce que (Grégoire) le Théologien a dit, alors il ne possède pas non plus la cause que tu as dite. Et s’Il ne possède pas cette cause, mais en possède une autre, il n’est certainement pas vrai de dire d’une manière absolue qu’Il ne possède pas la cause de l’Esprit. Car si ceci n’est pas un animal, ce n’est nécessairement ni un animal raisonnable ni un animal sans raison. Et si ce n’est pas un animal sans raison, ce n’est nécessairement pas non plus un animal.

 

  1. Et lorsqu’on dit que le Fils ne possède pas cette cause-ci de l’Esprit c’est-à-dire la première, que saint Maxime aussi enlève du Fils, mais qu’Il possède celle-là que les Latins prétendent, alors n’est-il pas déjà clair qu’ils façonnent deux principes de l’Esprit ? Et en me temps ils déclarent la guerre à ceux qui refusent de reconnaître que Père et le Fils sont deux principes de l’Esprit.

 

La Définition de foi du septième Concile œcuménique.

  1. Et si on veut réfléchir sur le septième concile et les Pères de ce temps-là, on pourra constater qu’ils maintiennent la suite déjà établie et qu’avec tous (les Pères), la véritable chaîne d’or continue à être tressée sans porter quelque chose de faux. Par exemple, la Définition de ce concile dit entre autres : «Enquêtant et examinant avec toute l’exactitude possible et visant le but, qui est la vérité, nous n’ôtons rien, nous n ajou­tons rien, mais nous conservons intact le bien de l’Eglise catholique ; et nous suivons les six conciles saints et œcuméniques, d’abord celui qui s’est réuni dans l’illustre (métropole) de Nicée, puis également celui qui s’est réuni dans la ville impériale, protégée de Dieu. Nous croyons en un seul Dieu Père Tout-Puissant, créateur du ciel et de la terre, de toutes les choses visibles et invisibles ; et en un seul Seigneur Jésus-Christ, le Fils de Dieu, l’unique engendré, qui a été engendré du Père avant tous les siècles, lumière de lumière, vrai Dieu de vrai Dieu, engendré non pas créé, consubstantiel au Père, par qui tout a été fait, qui à cause de nous les hommes et à cause de notre salut est descendu des cieux, s’est incar­né de l’Esprit Saint et de la Vierge Marie et s’est fait homme ; a été cru­cifié pour nous sous Ponce Pilate, a souffert et a été enseveli, est ressus­cité le troisième jour selon les Écritures et est monté aux cieux, siège à la droite du Père et reviendra en gloire juger les vivants et les morts ; et son règne n’aura pas de fin ; et en l’Esprit Saint, qui est Seigneur et donne la vie, qui procède du Père, qui avec le Père et le Fils est coadoré et coglorifié [261]» et la suite du saint Symbole. Et vers la fin de la Définition, de nouveau : «Nous suivons la législation ancienne de l’Église catholique, nous conservons les institutions des Pères, nous anathématisons ceux qui ajoutent ou ôtent quelque chose de l’Église catholique. [262]» La Définition s’oppose ainsi avec colère tant à ceux qui ôtent qu’à ceux qui ajoutent. Mais les Latins prétendent que la Définition blâme l’addition quant à l’esprit et non quant aux mots ; et ils disent être arrivés seulement à l’addition des mots. Cependant l’audace n’arrive pas jusqu’aux mots. Car le concile en question, c’est le septième. Il dit suivre les six conciles précédents ; c’est ainsi d’ailleurs qu’il justifie vraiment son appellation. Et il a déjà été montré que l’opinion commune c’est que l’Esprit Saint ne procède pas du Fils.

 

Saint Jean Damascène et le Filioque.

  1. Mais si tu continues à demander des preuves à partir des Pères de ce temps-là, je t’offrirai des témoins, non pas des paroles légères ni tirées de faux noms, mais des témoins qui ont lutté pour la foi orthodoxe jusqu’à verser leur sang, dont les noms se trouvent dans les cieux ; des témoins qui ornent l’Église non seulement par des paroles mais aussi par leur propre sang. Le premier de ces témoins c’est le bienheureux Jean le Syrien, qui courait le risque de la même lutte que le bienheureux concile. D’une part il a pu voir sa main droite coupée, d’autre part il a surtout pu la recouvrer de la part de la Mère du Seigneur. Bien que lui-même voulut se taire, celle-ci l’a appelé à composer son œuvre théologique [263]. Il maîtri­sait tellement la théologie que même les Latins n’ignorent pas sa voix. Car il est le seul, ou certes il est parmi les rares, à être reconnu docteur commun de la théologie, et de l’Église latine et de la nôtre. Alors celui- ci, le très renommé Jean, l’honneur commun de l’Eglise du Christ, a entendu du Seigneur, des apôtres et des saints conciles œcuméniques que l’Esprit Saint procède du Père. Il a de telle manière lu la parole et cru que c’était un dogme commun de l’Église du Christ, qu’il affirmait que l’Esprit procède du Père seul et que d’aucune façon l’émission de l’Esprit ne convient au Fils. Dans le huitième chapitre des Théologiques, il dit : «Il faut savoir que nous ne disons pas le Père issu de quelqu’un mais que nous le disons Père du Fils. Et le Fils nous ne le disons pas cause ni Père, mais nous le disons, et issu du Père, et Fils du Père. Et l’Esprit Saint nous le disons et issu du Père, et Esprit du Père ; nous ne disons pas l’Esprit issu du Fils mais nous l’appelons Esprit du Fils et nous Le confessons manifesté et communiqué en nous par le Fils, car « Il souffla et dit à ses disciples : Recevez l’Esprit Saint ». [264]» Et dans la lettre à Jourdain il dit : «Pour nous il existe un seul Dieu, le Père et son Verbe et son Esprit. Le Verbe c’est l’effet hypostatique de l’engendrement ; puisqu’il est Fils. Et l’Esprit c’est l’effet hypostatique de la procession et de l’émission, [venu] par le Fils et non issu du Fils, puisqu’il est comme le souffle de la bouche de Dieu qui annonce la parole. Cependant la bouche ne doit pas être comprise comme un membre corporel ; et l’Esprit non plus comme un souffle qui se perd et se disperse. [265]» (Cherche d’autres témoignages du bienheureux Damascène où il dit que tous les noms qui indiquent la cause doivent être appliqués au Père seul) [266].

 

  1. La langue théologique nous démontre cela. Ce bienheureux ne parle pas par lui-même, mais il s’exprime de manière théologique en sui­vant les apôtres et leurs successeurs. Il est évident, parce qu’il ne dit pas : je dis, mais : nous disons, qu’il rattache ainsi ces dogmes à toute l’Église [267]. Il est aussi évident par le fait que dans tous ses écrits il se sert constamment des paroles des bienheureux Pères – je veux dire Denys, Grégoire, Basile, Maxime et d’autres avec eux. Tantôt il cite des passages, tantôt il les développe et les transforme et il rend ainsi le propos plus clair. De plus il ne rougit pas lorsque lui-même avoue de telles choses. Car il dit, lorsqu’il commence son ouvrage théologique : «Comme je l’ai promis je ne dirai rien par moi-même. Tout l’effort sera de rassembler les ouvrages des docteurs éminents et de faire le discours le plus court possible. [268]» Si donc les successeurs des apôtres et les théo­logiens les plus distingués, conjointement avec ce bienheureux concile, ont une opinion pareille sur l’Esprit, et si les Latins y sont opposés, je ne sais pas ce qu’il faut penser de cela.

 

  1. En outre le même docteur, dans le treizième chapitre des Théologiques, sous le titre : «Sur les noms divins avec plus de préci­sion», dit : «le Père est source et cause du Fils et de l’Esprit ; le Fils est Fils, Verbe, sagesse, puissance, image, resplendissement, expression du Père et issu du Père, mais le Fils n’est pas issu de l’Esprit ; l’Esprit Saint est Esprit du Père, qui procède du Père – car il n’existe aucun mouve­ment sans l’Esprit – et Esprit du Fils, non en tant qu’il est issu de Lui, mais en tant qu’il procède du Père par Lui. Car le Père c’est la seule cau­se. [269]» Et dans le discours sur l’ensevelissement du corps divin du Seigneur il parle ainsi : «C’est cela que nous adorons : le Père, inengendré qui engendre le Fils, sans être issu de personne ; le Fils, effet de l’engendrement du Père en tant qu’il est engendré par Lui ; l’Esprit Saint, du Dieu et Père, qui procède de Lui, qu’on appelle aussi du Fils parce qu’il est manifesté et transmis à la création par Lui, mais il ne tire pas son existence de Lui. [270]» Fais attention ! Il n’est pas bien de passer avec indifférence sur ces témoignages ! Après avoir dit que «l’Esprit n’est pas issu du Fils», il conclut ainsi : «seule cause : le Père.» Cela est presque semblable au passage de Denys. Car lui aussi, après avoir dit que «le Père se distingue du Fils par rapport à la source», conclut que «seule source est le Père [271]». Et nous savons bien que la deuxième affir­mation ne garde pas de valeur si on anéantit la première. Alors il est nécessaire de convertir une affirmation vers l’autre. Car soit le Père est seule cause de la divinité et [par conséquent] l’Esprit ne tire pas son existence du Fils, soit cela [l’Esprit ne tire pas son existence du Fils et par conséquent] le Père est seule cause. De la même manière en ce qui concerne la source. Car la cause et la source c’est la même chose. Alors ceux qui prétendent qu’il est possible de maintenir les deux : et que l’Esprit procède du Fils, et que le Père est seule source ou seule cause, se sont trompés. Et les autres témoignages sont clairs et n’ont pas du tout besoin d’une certaine élaboration, à tel point que même les très auda­cieux à contredire ne pourraient pas contester que ce bienheureux soit hostile à l’innovation des Latins. On peut dire également que tous les docteurs et tous les conciles y sont aussi hostiles, à condition que l’on suive ce qu’ils disent et que l’on ne dise rien de ce qu’assurément ils ne pensent pas.

 

  1. Et ce bienheureux concile a tellement admiré sa théologie qu’il le déclare «lumière qui brille dans le monde et qui a une valeur de vie. [272]» Et de nouveau : «Jean a suivi Christ. Il considéra l’humiliation du Christ comme une richesse plus grande que les trésors de l’Arabie et il choisit d’être maltraité avec le peuple de Dieu plutôt que de jouir pour un temps du péché. [273]» Et de nouveau : «Celui-ci donc a porté sa propre croix et L’a suivi [274]. Au nom du Christ et de ceux qui appartiennent au Christ, de l’Orient, il a fait sonner sa trompette par le Christ, car il croyait insup­portable la nouveauté venue de l’étranger, et l’intrigue criminelle et la démence furieuse contre la sainte Église catholique de Dieu. Mais il en avait triomphé et en exhortant et en avertissant il fortifiait tout le monde afin de ne pas être emmené avec les malfaisants.»

 

  1. Si donc le divin concile lui tresse des louanges pareilles et si celui-ci a tellement aimé le Christ que sa bonne volonté allait jusqu’à donner son sang, et si la Mère de Dieu a porté son regard sur lui avec tel­lement de bienveillance, qu’elle lui a rendu sa main droite qui avait été coupée, lui a commandé d’écrire ce qu’il a écrit et en outre a châtié en paroles son père spirituel qui lui avait commandé le silence [275]. Et si celui- ci a une opinion pareille sur l’émission de l’Esprit, s’il soutient que c’est depuis longtemps la croyance des théologiens que l’Esprit Saint ne pro­cède pas du Fils et si les Latins disent le contraire, n’est-il pas déjà clair qu’ils font la guerre non seulement contre les conciles œcuméniques, mais même contre la Mère du Seigneur ? Car c’est elle qui lui a restitué sa main et a mis fin à son silence, qui va certainement hériter les louanges ou les blâmes contre elle-même.

 

Saint Théodore Graptos et le Filioque.

  1. De plus, le divin Théodore, l’un des Graptos, était lui aussi un protecteur de la foi orthodoxe, membre de ce concile, honoré des marques du martyre [276]. Sur cette question il est de notre parti et il rattache l’émission de l’Esprit d’une manière théologique au Père seul. Et pour ceux qui se demandent comment ce concile entend dire que l’Esprit Saint procède du Père, Théodore nous en offre l’explication. En effet, nous pensons qu’on ne peut pas trouver d’autres interprètes plus dignes que ceux-ci. La foi orthodoxe inclinée vers l’hérésie, ils l’ont ramenée dans le droit chemin avec leurs paroles ainsi qu’avec leur sang. À cause de leur vie et de leurs doctrines et de la lutte contre les hérétiques, ils sont devenus Pères et guides de ce bienheureux concile. Mais on a déjà dit ce que le bienheureux Jean croit par rapport à l’émission de l’Esprit.

 

  1. Saint Théodore qui luttait contre les iconomaques écrivit la Confession de sa propre foi et dit : (l’incipit du discours est : «Ce sage passage de Salomon nous enseigne : Chaque chose à son temps appro­prié») : «C’est le temps de dire brièvement quelle est notre Confession à nous, chrétiens. Alors, en ce qui nous concerne, en accord avec ce que nous ont transmis ceux qui furent dès le début des témoins oculaires et qui sont devenus serviteurs de la parole [277] et après ceux-ci, leurs succes­seurs, nos docteurs divins qui ont révélé Dieu, Nous croyons en un seul Dieu Père, Tout-Puissant, et créateur de toutes choses visibles et invi­sibles, et Seigneur, sans principe, invisible, insaisissable, immuable, et sans fin. Et en un Seigneur Jésus Christ, Son Fils, le Monogène, qui, sans principe et avant tous les siècles, resplendit de la substance du Père. Et en un seul Esprit Saint qui sort de Dieu et Père et qui avec le Père et le Fils est loué et glorifié avec eux en tant que connaturel et coéternel à eux. Nous croyons à la Trinité en hypostases, c’est-à-dire en personnes, et nous maintenons les propriétés qui servent à distinguer (ou à définir) chacune des personnes mentionnées sans les confondre et sans aucun mélange, sans qu’elles soient jamais changées ou modifiées. Nous attri­buons au Père le fait d’être inengendré et d’être cause des Personnes issues de Lui ; nous attribuons au Fils l’engendrement et à l’Esprit la procession. Et nous pensons que l’effet de l’engendrement et de la pro­cession tient sa cause du rayonnement du Père qui fait sortir chaque Personne comme lumière de lumière, une lumière au-dessus de ce monde au triple éclat et à trois soleils. [278]»

 

  1. C’est précisément ici qu’il faut faire attention. Il parle de l’émis­sion de l’Esprit et de sa divinité. Sur l’émission de l’Esprit il a fait men­tion seulement du Père, alors que, en Théologie, il a pris en outre le Fils. Car il dit : «Esprit qui sort de Dieu et Père et qui est loué avec le Père et le Fils. [279]» C’est ce qu’on peut voir être affirmé par chaque concile œcu­ménique lors de la Définition de la foi. Ils disent : «Croire aussi à l’Esprit Saint, qui est Seigneur et donne la vie, qui procède du Père et est avec le Père et le Fils coadoré et coglorifié.» Si (les Pères des conciles) connaissaient comme égaux d’une part le fait d’être loué avec le Père et le Fils et, d’autre part, l’émission à partir du Père et du Fils, alors que se passerait-il ? Cela ils le disent toujours, et dans les Confessions de foi et dans les Définitions de la foi orthodoxe et partout. Par contre, ceci ils ne le disent jamais ! Et pourtant voilà que les deux phrases se succèdent immédiatement. Ou il est évident qu’être loué avec l’Esprit n’est pas une propriété seulement du Père mais aussi du Fils. Par contre l’émission est une propriété du Père qui convient à Lui Seul. Car que dit-il ? «Nous maintenons les propriétés de distinction (ou définition) sans les confondre et sans aucun mélange, sans qu’elles soient jamais changées ou modifiées. Nous attribuons au Père le fait d’être inengendré et d’être cause des Personnes issues de Lui ; nous attribuons au Fils l’engendre­ment et à l’Esprit la procession. [280]»

 

  1. De même que la propriété de distinction (ou de définition) du Fils c’est l’engendrement, et de l’Esprit c’est la procession, de même du Père c’est le fait d’être inengendré et d’être cause des Personnes issues de Lui. Si cela est vrai, comment est-il possible que le Fils aussi soit cause de la divinité ? Ou si on accorde cela, comment est-il possible de mainte­nir les propriétés de distinction (ou de définition) sans les confondre et sans aucun mélange ? Ou pourquoi les propriétés du Père se modifie­raient-elles, tandis que celles du Fils et de l’Esprit seraient restées sans modification ? Et pour que personne ne puisse dire que le théologien ici a professé la cause selon [seulement] le fait d’engendrer, il n’a pas dit que les propriétés du Père sont le fait d’être inengendré et d’être cause, ni le fait d’être inengendré et d’être cause de la Personne issue de Lui. Car dans ce cas-là les Latins diraient que la sentence concerne le Fils. Mais il a dit : le fait d’être inengendré et d’être cause des Personnes issues de Lui. Le Père est cause des Personnes issues de Lui en tant qu’il engendre et émet. Alors, de même que le fait d’être inengendré, le fait d’être cause constitue la propriété du Père selon les deux sens de la cause : selon le fait d’engendrer et selon le fait d’émettre. Et lorsqu’il débute le discours, il dit que c’est là la Confession des chrétiens et la tra­dition des apôtres et des Pères, les gardiens de leur théologie. Alors, je crains de nommer ceux qui par rapport à cela ont une opinion différente, mais tous les connaissent.

 

Saint Nicéphore Ier et le Filioque.

  1. Et aussi saint Nicéphore, que ses luttes pour le Christ ont fait sur­nommer «Grand», lui aussi pendant ce temps-là était général avec le Christ, placé en tête de la foi orthodoxe, non sans donner son sang ni sans grands risques. Il a été banni de sa patrie et c’est mort qu’il est ren­tré chez nous. Il fut un héros, qui portait la couronne du martyre, très douce pour les anges, terrible pour les démons, bienveillante pour les proches. De son lieu d’exil, il envoya à ses proches la foi apostolique. C’est l’intention de son propos qui dit : «Alors nous embrassons notre foi illustre et irréprochable. De toutes les choses, il n’y a rien à quoi nous rendions hommage comme à celle-ci, par laquelle nous sommes proté­gés, formés et préservés, en laquelle nous nous tenons droits et nous nous glorifions, avec laquelle nous nous prosternons devant un Dieu vivant et vrai et nous adorons sincèrement en vérité et en Esprit. Certes, nous définissons cette foi comme la seule vraie et très pure : (Croire) au Père et au Fils et à l’Esprit Saint, divinité une et souveraineté, créatrice de toutes les choses visibles et invisibles, et reine de toute création appa­rente et intelligible selon laquelle nous vénérons les trois réalités perçues comme une par l’intelligence, et nous adorons une seule réalité contem­plée dans les trois. Ceci se connaît par l’essence, cela se manifeste par les hypostases. Nous n’en diminuons rien et nous ne posons rien au-delà non plus, mais nous trouvons l’unité dans l’essence, comme d’ailleurs dans la valeur, l’égalité d’honneur et la gloire [qui sont communes dans la Trinité], et nous faisons la distinction selon les hypostases, c’est-à-dire les Personnes et les propriétés, chacune d’elles existant essentiellement, dans une existence propre perçue sans division ; chose paradoxale. Nous connaissons une personne en tant que cause et engendreur et émetteur, à savoir le Père qui est sans principe et sans cause, hors du temps et éter­nel ; nous connaissons l’autre Personne en tant qu’engendré et Fils, sans principe avec le Père et coéternel, immuable, impassible [281], et sans écou­lement qui tient son engendrement du Père et qui se rattache en cause et en principe au Père ; nous connaissons l’autre Personne en tant qu’issu de procession, c’est-à-dire effet de procession et puissance sanctifica­trice, l’Esprit Saint qui sort toujours intemporellement du Père, qui tient sa provenance non par l’engendrement mais par procession et qui coexiste éternellement avec le Père et le Fils, qui est coadoré avec eux car il siège avec le trône et il a la même gloire, le même honneur et la même divinité, par qui les dons divins s’épanchent sur les anges, sur les hommes et sur toute la nature raisonnable. Et c’est ainsi que la lumière pour nous inaccessible et toujours brillante rayonne dans la théarchie en un triple éclat ; par qui on croit à l’identité et à l’unité de l’essence et on célèbre la trinité des Personnes. Par contre, l’athéisme et l’absurdité de ceux qui mélangent et divisent les propriétés non susceptibles de mélan­ge et de division, ont été vaincus et supprimés ; cela donc est en accord avec les théologiens, avec ceux qui sont initiés aux réalités indicibles et avec les mystagogues qui ont déclaré et transmis la tradition d’une manière correcte et très divine.»

 

  1. En effet, il ne faut pas ajouter les longs commentaires à ce qu’ont affirmé les sentences théologiques, dont la position devant le problème est évidente. Car il a clairement divisé la cause en deux : Celui qui engendre et Celui qui émet. Il rattache chacun de ses attributs comme propre au Père ; de même qu’il rattache l’effet de l’engendrement au Fils et l’effet de la procession à l’Esprit. Auparavant il avait appelé le Père «cause», et il a prouvé que les théories sur la cause rappellent des joutes et des fables de vieilles femmes [282] et des sottises de fous inventées par des calomniateurs contre la vérité. Mais il dit aussi que la foi irréprochable, vraie et très pure avec laquelle nous adorons et nous vénérons un Dieu vivant et véritable, c’est celle-ci. Alors celui qui prend la voie contraire et prétend que le Fils est Celui qui émet l’Esprit, n’a pas la vraie et saine foi mais porte certainement une foi mauvaise et blâmable, et qui n’est pas digne de confiance. Et si c’est avec cette foi que nous adorons et nous vénérons un Dieu vivant, je me garde de ceux qui pensent des choses contraires et je ne sais pas quoi dire. Mais aussi, transformer les réalités propres en réalités communes, cela convient à ceux qui établis­sent la confusion dans le mystère de la Trinité. Une telle chose, le témoin de la vérité l’appelle athéisme. Y a-t-il personne qui puisse nous repro­cher avec justice que nous persécutions les Latins ? Ou qui dira que leur opinion est une addition seulement de mots, alors que les conciles œcu­méniques et les Pères qui ont participé aux conciles crient si clairement le contraire ?

 

Critique du monopatrisme des Latins.

  1. [Objection:] Mais les Latins, que disent-ils de nouveau par rapport aux paroles des théologiens ? Nous aussi avec le bienheureux Denys nous distinguons le Père du Fils par rapport à la source et nous ne disons pas que le Fils est source de la divinité [283] ; tout en ayant en vue le divin Grégoire, nous disons que tout ce que le Père possède, le Fils l’a aussi, sauf la causé [284] ; et avec le divin Maxime nous ne disons pas qu’il possède la cause de l’Esprit [285]. Mais nous disons cela de la manière sui­vante : comme d’une cause principielle ou d’une cause première ou d’un principe premier. Car ces attributs se rattachent au Père d’une manière incausée, puisque cette cause, diras-tu, Il la possède avec Lui-même, de la part de qui le Fils tire son existence ainsi que tout ce qu’il possède, par exemple le fait d’émettre (la divinité du Saint-Esprit), le fait de créer et toute autre chose. C’est de cette manière que nous disons que l’Esprit est issu du Fils et que nous croyons ce dernier source, cause et principe de l’Esprit. Nous ne Le reconnaissons pas comme une cause principielle mais nous croyons que l’Esprit est issu du Fils de la manière suivante : que (le Fils) reçoit du Père, cause première, la propriété d’émettre [le Saint-Esprit]. En outre, nous disons, en accord avec les théologiens, que le Père est seule source de la divinité et seule cause. Et sa propriété c’est d’être sans principe et d’être principe de la divinité ; pas du tout de la manière dont le Fils possède la source ou l’origine ou la cause, car il les possède de la manière qu’on a déjà dite ; non comme le premier principe car cela est une propriété de l’hypostase du Père.

 

  1. [Solution:] Tout d’abord, dans les passages théologiques déjà men­tionnés ou dans d’autres, tu peux voir que les théologiens ne font pas appel à des conditions additionnelles, lorsque par exemple ils disent que le Fils ne possède pas la cause de l’Esprit ou que le Fils possède tout ce qui appartient au Père sauf la cause [286], ou que le Père est seule source de la divinité [287] ou que la propriété du Père c’est d’être principe de la divinité [288]. Et il n’est pas juste pour nous de lire avec des conditions addi­tionnelles ce qu’ils ont dit sans ces conditions. Car ceux qui maîtrisent les lois de la dialectique peuvent affirmer qu’une manière partielle n’est pas identique avec une manière absolue.

 

  1. Ou qu’est-ce qui empêche tantôt de façonner des conditions addi­tionnelles et de croire toute chose vraie comme fausse, tantôt avec ces mêmes conditions additionnelles de tirer tout mensonge vers la vérité et ainsi de mélanger toutes les choses, comme si on se détournait vers un combat dans la nuit ? Voilà donc : qu’y a-t-il de plus vrai que l’engen­drement du Fils avant tous les siècles à partir du Père, ou que celui-ci est sage ou bon ou créateur ou Dieu ? Mais celui qui parle dans un esprit de rivalité et répond avec des conditions additionnelles dira que de telles choses sont un mensonge. Il dira : «Comment l’engendrement du Fils à partir du Père de la même manière que les hommes engendrent les uns les autres, n’est-il pas un mensonge ? ou qu’il est sage ou bon alors qu’il reçoit ces dons par participation ? ou qu’il est Dieu inengendré ?» De nouveau : Qu’est-ce qui est plus apparenté à l’impiété que de dire que le Fils n’est pas consubstantiel au Père ou de dire que le Christ n’est pas engendré par la Vierge ? Mais celui qui se satisfait des conditions addi­tionnelles et reçoit de telles choses par lui-même, peut dire : «De telles choses sont bien vraies. Car le Fils n’est pas consubstantiel au Père, c’est-à-dire en tant qu’homme, et Il n’est pas non plus engendré par la Mère de Dieu, c’est-à-dire selon la nature sans principe et incréée.» Et si cette façon (de raisonner) dominait dans l’Église nous n’arrêterions pas d’éliminer tous les dogmes et toute l’Écriture. Et de plus, toute science et toute parole et les mêmes choses nous les honorons comme vraies et nous les blâmons comme fausses ; tantôt nous les laissons à part, tantôt nous les troublons avec des additions conditionnelles. Mais dans la mesure où il y a un ordre dans les choses et où nous entendons la langue grecque, ce n’est pas admissible.

 

  1. Il a été dit d’une manière absolue que le Fils possède tout ce qui appartient au Père sauf la cause, que le Père se distingue du Fils par rap­port à la source, et que le Fils ne possède pas la cause de l’Esprit. Si donc cela est vrai, Il ne possède pas non plus la cause, diras-tu. Car ce qui n’est pas pierre, ni diamant, ni aimant, ni améthyste, nécessairement ne sera rien de pareil. Et si le Fils ici est ou principe ou cause de l’Esprit et là ne l’est pas, de toute nécessité c’est un mensonge lorsqu’on dit que celui-ci possède tout ce qui appartient au Père sauf la cause, et qu’Il se distingue du Père par rapport à la source et que le Fils ne possède pas la cause de l’Esprit. De nouveau, il a été dit que le Père est seul inengendré et seule source de la divinité et que le même est seule cause, et que le fait d’être inengendré ainsi que d’être principe de la divinité constitue une propriété du Père. Et de plus, le fait d’émettre et d’être cause du Fils et de l’Esprit est un signe qui détermine l’hypostase du Père. Alors, puisque le nom de la source, de la cause et de l’émetteur est personnel, à condition qu’il n’y ait aucune autre Personne dans la Trinité qui possède le fait de la source ou de la cause ou de l’origine ou le fait d’émettre, alors ce qu’on avait dit est vrai et seul le Père est tel, de même que l’homme est aussi seul apte à rire et que cela lui est propre à condition qu’il n’existe aucun autre animal apte à rire [289]. Et en effet il est nécessaire de transposer de telles choses. Je dis, certes, ce qui est affirmé avec ce qui est exclu. Et si le Fils aussi est source de la divinité ou cause de l’Esprit ou émetteur, si quelqu’un prétend ce qu’on avait dit plus haut sur le Père seul, de toute nécessité il ment.

 

  1. Et de plus, si d’une part la théologie enlevait du Fils une certaine cause et si d’autre part quelqu’un d’autre privait le Fils de toute cause, ce dernier ne dirait pas des choses nécessaires ; mais puisqu’il dirait des choses possibles, il obtiendrait le pardon [pour sa faute éventuelle com­mise]. Par contre, puisque les théologiens enlèvent explicitement toute cause du Fils, soit celle de la divinité du Fils, soit celle de la divinité de l’Esprit, et si les Latins s’efforcent de rattacher celle-ci d’une certaine manière au Fils, quelle parole les délivrera (de la condamnation), ceux qui prétendent des choses qui ne sont ni nécessaires ni probables, mais plus qu’impossibles, et auxquelles personne ne s’attendait ?

 

  1. En outre, les théologiens ont appelé le Père cause principielle, cause première et d’autres appellations semblables non en vertu de la divinité de l’Esprit et non plus pour croire ainsi que le Fils également est cause de l’Esprit (certes non cause principielle), mais ils ont rattaché ces noms au Père parce qu’ils avaient en vue les créatures. Car Basile le Grand dit dans le onzième chapitre à Amphiloque : «Saisis-moi la cause principielle de tout ce qui est fait : le Père ; la cause démiurgique : le Fils ; la cause perfectionnante : l’Esprit. Alors par la volonté du Père les esprits serviteurs existent, par l’opération du Fils ils arrivent à l’existen­ce et par la présence de l’Esprit ils se perfectionnent. [290]» Tu as entendu ? Il a dit : «la cause principielle de tout ce qui a été fait.» Le Fils possède la cause de la création d’une manière tellement proche du Père que les deux Personnes ensemble sont et se disent un seul Créateur. Pas seulement, mais «la première cause» et «le premier bon» et «la première natu­re» se disent de toute la divinité, c’est-à-dire d’un seul Dieu. Et il n’est pas juste que les Latins disent que les noms communs se rapportent au père seul, puisqu’ils prennent ainsi la voie contraire aux théologiens. Car le divin Grégoire, dans le discours sur la Théologie, dit : «Ainsi notre esprit s’épuise à sortir des choses corporelles et à chercher un contact sans intermédiaire avec les choses incorporelles, tant qu’il veut regarder avec sa propre faiblesse ce qui est au-dessus de sa puissance. En effet, toute nature raisonnable tend vers Dieu et la cause première que notre esprit est incapable de saisir pour les raisons que j’ai dites. [291]» Qu’il ne faille pas ici rapporter au Père seul la première cause, c’est évident, car ici le propos ne concerne pas les Personnes, et le Père n’est pas 1 unique désirable. Et à partir de la créature nous n’arrivons pas non plus à l’intel­ligence divine. Parce que Dieu est Trinité ? Non ! c’est impossible ! Mais parce qu’il existe un seul Dieu, bon, simple, sans altération, sans principe, la cause de tout cet univers.

 

  1. Et si la première cause, ou le premier principe, ou la cause principielle quelquefois est comprise comme indiquant l’hypostase du Père, cela ne doit pas troubler ceux qui sont en désaccord. Qu’ils sachent que chez les théologiens existe l’habitude de se servir des noms divins tantôt proprement, tantôt improprement. Et si certaines fois ils professent les noms propres au lieu des noms communs, d’autres fois c’est le contraire. Par exemple le nom du Père et le nom de l’Esprit ; chacun des deux a un caractère propre. Le Père se dit et est proprement Père du Fils ; mais improprement notre Père. De même aussi pour l’Esprit, car le Père aussi est esprit. Car «Dieu est esprit [292]», et en outre aussi le Fils selon ce que Jérémie dit dans les Lamentations : «l’esprit (=souffle) devant notre visage, le Messie Seigneur, a été fait captif dans leurs ruines [293]». Tandis que le nom d’Esprit est accordé proprement au Paraclet. D’autre part, et la première cause, et la cause démiurgique, et la cause perfectionnante s’appliquent à Dieu à l’égard de nous et énoncent les attributs communs des Personnes théarchiques ; mais plusieurs fois elles sont comprises comme indiquant les Personnes théarchiques. Basile le Grand dit. «Saisis-moi la cause principielle de tout ce qui est fait : le Père ; la cause démiurgique : le Fils ; la cause perfectionnante : l’Esprit. [294]» Mais aussi l’hymne à Dieu qui est très chanté, au lieu de «Père» a accepté le nom de «Dieu» ; et la «force» au lieu de «Fils» ; et au Saint Esprit il a accordé l’immortalité [295]. Que ces noms-là sont communs dans toute la Trinité, il n’est pas possible d’en douter. Et le bienheureux Paul écrit : «Il n’y a qu’un seul Dieu – et il sous-entend le Père – et un seul médiateur aussi entre Dieu et les hommes : Jésus Christ. [296]» Ici non plus il n’est pas juste de penser que la cause principielle qui appartient aux noms communs est propre [au Père] parce que les Maîtres de l’Église l’ont acceptée pour énoncer l’hypostase du Père. Car, à partir de cela, il y aurait beaucoup d’absurdités qui suivraient la théologie chrétienne.

 

  1. En outre, selon l’opinion latine [297], si le Fils reçoit du Père le fait d’émettre — et c’est pour cette raison qu’il a été dit qu’il possède tout ce qui appartient au Père sauf la cause et que le Fils ne possède pas la cause de l’Esprit et que le Père est seule source de la divinité, c’est-à-dire que le propos s’adresse au Père en tant que première cause — et si de même le Fils possède et l’acte démiurgique et la providence divine et le fait d’être Dieu et bon et tous les noms qui conviennent à Dieu parce que le Père Lui a tout donné ainsi que l’existence même, suivant la même rai­son on pourrait dire que la création n’est pas issue du Fils, et qu’il ne possède pas la providence de tout, et qu’il est ni Dieu, ni créateur, choses que même le diable ne dirait jamais [298]. Ainsi, lorsqu’on raisonne pareillement sur les sentences théologiques, on aboutit entièrement à l’athéisme [299].

 

  1. Et sans compter cela, la réfutation va de soi. Car si nous étions des personnes insupportables et intolérables et si nous professions la dualité de la cause, qu’ils nous disent enfin ce qu’ils veulent : croire d’une part que le Père est cause première et principe premier de l’Esprit, et d’autre part que le Fils n’est une telle cause, mais qu’il est en tout cas Lui aussi cause de l’Esprit ? Prétendre cela, équivaut à prétendre clairement deux causes de l’Esprit. Et si de telles choses sont absurdes, ceux-ci [les Latins] ne peuvent rien articuler. Il [leur] suffit seulement que [l’on reconnaisse] que le Fils soit cause de l’Esprit et que sans difficulté mais avec bienveillance on accepte les (absurdités) qui naissent nécessaire­ment de ces propos. Cependant, ces absurdités ne nous touchent pas, mais concernent leurs propos.

 

Jean Damascène et Thomas d’Aquin.

  1. En outre, lorsque des théologiens expliquent des paroles théolo­giques, il est juste d’avoir confiance non en d’autres personnes mais plu­tôt en ceux-ci. Ainsi, lorsque nous examinons des problèmes de géomé­trie, nous ne pouvons pas croire d’autres personnes comme supérieures aux géomètres. Alors pour expliquer les sentences théologiques il n’y a rien de plus valable que les propos du bienheureux Damascène qui a lu ce qui a été dit et l’a développé avec clarté, afin que personne, même parmi ses ennemis les plus acharnés, n’ose attaquer ses paroles. Que dit- il donc au sujet de l’émission de l’Esprit ? «L’Esprit Saint, nous le disons : et issu du Père, et Esprit du Père ; nous ne disons pas l’Esprit issu du Fils mais nous l’appelons Esprit du Fils. [300]» Et de nouveau : «L’Esprit est appelé du Fils, mais II ne tire pas son existence de Lui. [301]» Il est donc évident que ce bienheureux a accepté les sentences théolo­giques déjà mentionnées. Et de plus, nous l’avons vu avouer qu’il ne parlait pas par lui-même mais qu’il connaissait de telles choses en sui­vant les théologiens anciens [302].

 

  1. Puisque cela est clair, s’ils se moquent du bienheureux comme s’il était ignorant, qu’ils sachent qu’ils ne peuvent tromper personne. Car on a déjà montré qu’un concile œcuménique est parvenu à le reconnaître ; et il est un docteur commun de l’Eglise ; et les plus distingués des Latins apparaissent honorer ses écrits. Thomas et ses ouvrages en témoigneront. [Objection:] Mais s’ils reçoivent l’alliance des conditions additionnelles et disent de nouveau ces choses habituelles que le bienheureux Damascène aussi est avec nous en cela ; car l’Esprit n’est pas issu du Fils et ne tire pas non plus l’existence de Lui comme d’un principe pre­mier. [Solution:] Tout d’abord ceux qui disent cela, risquent plutôt d’avoir besoin de coups que de preuves, puisqu’ils se sont ainsi manifestement armés contre la vérité. Ensuite, qu’ils sachent que de telles choses constituent une aide faible, trompeuse et obscure, qu’on pourrait appeler fragile comme le bois de la figue [303] ; non seulement parce que par ici les blasphèmes arrivent. Car – comme il a été montré plus haut – si cette explication est saine, il s’ensuit que le Christ ne s’appelle pas Dieu, ni bon, ni créateur, ni rien de tout ce que Lui convient. Mais (il s’ensuit) aussi que les Latins se brisent contre eux-mêmes et se révoltent contre leurs propres docteurs. Car Thomas, le premier de leur théologie – bien que, en ce qui concerne les explications, il soit assez abusif-, lorsqu’il se souvient du passage du Damascène affirmant que l’Esprit n’est pas issu du Fils, n’a même pas osé regarder en face, mais a compris cette senten­ce comme hostile à son opinion. D’une part il a laissé le passage libre aux calomnies, puisqu’il a jugé vulgaire de troubler ce qui est manifeste et a créé des conditions additionnelles que ni l’habitude commune de la langue ni le père de la parole ne connaissent. D’autre part il a exprimé toute sa colère contre l’orateur de la vérité, bien qu’il dise que sur d’autres points il admire l’homme et le considère comme quelqu’un d’important [304].

 

  1. Celui-ci, dans le chapitre sur la Puissance, lorsqu’il parle de la procession du Saint-Esprit, dit : «C’était la position de Nestorius que l’Esprit Saint n’est pas issu du Fils. Alors que dans un symbole des Nestoriens, condamné au premier concile d’Ephèse, il est dit ainsi : « L’Esprit Saint, nous ne pensons pas qu’il soit Fils ni qu’il reçoive l’essence par le Fils. [305, 306, 307]» Et de nouveau : «Or Théodoret, dans une lettre à Jean d’Antioche, parle ainsi : « L’Esprit Saint ni n’est du Fils ni ne pos­sède son hypostase ou son existence par le moyen du Fils, mais d’une part il procède du Père et d’autre part il est dit Esprit du Fils, parce qu’il lui est consubstantiel » [308, 309, 310]». Et de nouveau : «Cette sentence de Théodoret, plus tard Damascène l’a suivie. Ce dogme de Théodoret a été rejeté aussi au cinquième concile. Alors sur ce point la sentence de Damascène n’est pas certaine. [311]» Et de nouveau le même auteur, dans une autre partie sous le titre : « La Personne qui s’appelle Saint-Esprit procè­de-t-elle du Père et du Fils ? » : «Ce sont les nestoriens qui ont d’abord donné cours à cette erreur que le Saint-Esprit ne procède pas du Fils. On en a la preuve dans un symbole nestorien condamné au Concile l’Ephèse. Le nestorien Théodoret embrassa cette erreur, et bien d’autres après lui, au nombre desquels se trouve aussi Jean Damascène : sur ce point donc, il ne faut pas suivre sa doctrine. Certains disent pourtant que si le Damascène ne confesse pas que le Saint-Esprit procède du Fils, il ne le nie pas non plus, à prendre ses paroles dans leur sens propre. [312]»

 

  1. La façon dont Thomas a compris la parole du Damascène est donc évidente et nous avons clairement montré qu’il croyait celle-ci comme une flèche contre son opinion. Et de plus, il a rejeté l’hypothèse de la cause première et du premier principe comme simple, vulgaire et querel­leuse, et après avoir montré que cela ne convient aucunement au contex­te, il apparaît être en difficulté et il ajoute : «Certains disent pourtant que si le Damascène… [313]» Quant à ces paroles, elles gardent les mêmes dis­tances par le fait de croire que l’Esprit est issu du Fils et qu’il n’est pas issu du Fils. Et certes Thomas, dans le chapitre sur le Saint-Esprit, montre que la provenance du Fils est différente de celle de l’Esprit par rapport au principe ; parce que la première provenance est issue du Père seul, alors que la provenance de l’Esprit est issue du Père et du Fils [314]. Et cela le bienheureux Jean dit qu’il l’ignore, puisque dans le même cha­pitre sur la Trinité, il parle ainsi : «qu’il existe une différence entre l’engendrement et la procession, nous l’avons appris ; mais quel est le mode de la différence, nous ne le savons aucunement. [315]» Alors il est insupportable et déshonorant pour les choses théologiques de faire des hypothèses là où lui [le Damascène] confesse clairement avec les autres (Pères) qu’il ne sait même pas.

 

  1. En outre, le bienheureux Jean est exempt de ces explications cap­tieuses à tel point que dans le même chapitre il affirme non seulement que «nous ne disons pas l’Esprit issu du Fils [316]», mais également le contraire ; il affirme que «nous ne disons pas le Fils issu de l’Esprit. [317]» Alors si, dans ce cas-là il n’y a nulle part une place pour la cause premiè­re et la cause principielle ni pour ceux qui disent des sottises pareilles, alors comment peut-on les justifier dans l’autre cas ? Et si cela existe dans ce dernier cas, pourquoi cela n’existerait-il pas dans le premier ? Quelle cause le théologien rejette-t-il ? Et quelle cause accepte-t-il ? Et comment le Fils est-il issu de l’Esprit et comment il n’en est pas issu ? Qu’ils n’osent rien d’intolérable !

 

Epilogue.

  1. Après avoir éclairci cela ainsi, dans la mesure du possible nous avons répondu contre la conclusion [des Latins]. Nous l’avons montrée coupable de plusieurs absurdités et ennemie de la tradition apostolique et opposée à l’opinion des conciles œcuméniques [318]. Il est maintenant temps, avec l’alliance de l’Esprit, de parler des prépositions mêmes et d’en venir à ce qui reste à examiner. Et cela pour que nous ne trahissions nos promesses [319]. Une fois que la conclusion a été prouvée comme telle, nous sommes capables et de reconnaître la ruse de ses hypothèses, et à ceux qui le désirent, de dénoncer d’avance et de loin la fourberie. C’est la fin appropriée pour nous et nous pensons que le chemin si long de la parole n’était pas complètement vain.

 

 

 

 

1 En grec le verbe «διακωδωνίζω» signifie l’épreuve que l’on faisait subir aux médailles pour vérifier si elles étaient vraies ou fausses.

 

2 Le mot grec «πνεύμα» signifie tantôt l’«Esprit», tantôt le «souffle»

 

3 Basile de Césarée, Adv. Eun. V, PG 29, 763B. Cf. Grégoire Palamas, De proces. Spir. S. I, 19.2-8

 

4 Saint Basile le Grand est le vrai théologien (θεολόγος) par opposition à celui qui s’occupe de théologie (θεολόγων)

 

5 Jean Damascène, Exp. Fidei 80, 8-10 : « Τά ιδιώματα τής θείας φύσεως »

 

6 Thomas d’Aquin, Sum. Theol. I, 35,1 et 38,1.20

 

7 Thomas d’Aquin, Sum. Theol. I, 39,3

 

8 Grégoire de Nazianze, Or. XXV, 16 SC 284, p.198

 

9 Grégoire de Nazianze, Or. XXIII, 11, SC 270, p.302

 

10 Grégoire de Nazianze, Or. XL, 41, 12, SC 358, p.294

 

11 Grégoire de Nazianze, Or. XL, 8, SC 270, p.294

 

12 Thomas d’Aquin, Sum. Theol. I, 39,4

 

13 Ps 109,3

 

14 Jn 15,26

 

15 Barlaam, Traité, В, IV, 24, 286-288.

 

16 Thomas d’Aquin, Sum. Theol. I, 27,5

 

17 Nil Cabasilas, Syllogisme XIII, éd. Canal, Nilus, 9.354

 

18 Jean Damascène, Exp. Fidei 59, 8-10

 

19 Grégoire de Nysse, De or. Dom. 262, 2 ; L’œuvre de Grégoire de Nysse, Sur la connaissance de Dieu n’existe qu’en fragments (PG 46, 1112-1126). Ils ont été conservés par Euthyme Zigabène dans son livre de la Panoplie dogmatique (PG 130, 257-276, 312-317). Le passage en question se trouve également chez Grégoire Palamas dans une version plus complète (cf. Grégoire Palamas, De proces. Spir. S. I, 47). Les cercles pro-latins de Constantinople répliquaient que le passage était altéré, le mot Πατρί étant à l’origine Πνεύματι. Nil a pourtant omis la phrase contestée.

 

20 Thomas d’Aquin, Sum. Theol. I, 36,4

 

21 Barlaam, Traité, В, IV, 5, 75-78, p. 350

 

22 Par cela l’auteur entend que, si on rattache la cause du Père et du Fils qui font exister le Saint-Esprit à la personne du Père seul, il y aurait un Père qui engendrerait le Fils et un deuxième Père (Père et Fils) qui produirait le Saint-Esprit. De même, il y aurait un Fils qui serait cause de la divinité et un deuxième Fils qui ne le serait pas.

 

23 Barlaam, Traité, В, IV, 2, 33-40, p. 346

 

24 Barlaam, Traité, В, IV, 4, 60-63, p. 348

 

25 Barlaam, Traité, В, IV, 5, 75-78, p. 350

 

26 Ici Nil développe les conséquences ultimes de la position latine, dans la perspective que les attributs personnels – tel que la cause – introduisent la distinction dans la Sainte Trinité, alors que les attributs de l’essence se rattachent à la nature commune et affirment l’union.

 

27 1 Co 8,6

 

28 Barlaam, Traité, В, IV, 12, 150-159, p. 356

 

29 Basile de Césarée, Adv. Eun. V, PG 29, 712A. Cf. Grégoire Palamas, De proces. Spir. S. I, 15

 

30 Pseudo-Denys, De div.nom. 2, 1, p. 124, 6-7 ; Les deux citations, celle saint Basile et celle du Pseudo-Denys, sont utilisées également par Grégoire Palamas (Traités apodictiques 1, 15). Pourtant, en ce qui concerne la deuxième référence, une variation de texte prouve que Nil avait sous ses yeux une source différente : là où le Pseudo-Denys et Nil disent κοινώς, Palamas écrit κοινωνικώς.

 

31 Barlaam, Traité, В, IV, 17, 204-208, p. 350

 

32 Aristote, De Interpr. 16b, 11-15

 

33 Les principes de la Théologie en cause sont en premier lieu la Monarchie du Père ainsi que le nombre des Personnes de la Sainte Trinité, le Père étant l’unique cause sans cause, le Fils et le Saint-Esprit deux Personnes causées.

 

34 Jean Damascène, Exp. Fidei 80, 4-6

 

35 Jean Damascène, Exp. Fidei 80, 15-17

 

36 Maxime le Confesseur, Op. theol. et pl. 23, PG 91, 265C

 

37 Augustin, De Trin., I, I, 1

 

38 Thomas d’Aquin, Sum. Theol. I, 34,5

 

39 Cf. Hugues Ethérien, Contr.Nicol. Meth., Ms Vat. Barb.gr. 291 f.91r

 

40 Cyrille d’Alexandrie, Ep. 45, PG 77, 252D ; aussi Anastase Le Sinaïte, Viae dux, X, 5, CCSG 8, p. 195

 

41 Grégoire de Nazianze, Or. XXV, SC 284, p.196

 

42 Thomas d’Aquin, Sum. Theol. I, 39, 5 et 7

 

43 Grégoire de Nazianze, Or. XXIX, 5, 3-5, SC 250, p.184 ; Grégoire de Nysse, dans un passage similaire, attribue le mot «propre» au Dieu trinitaire: « ‘Εν γάρ πρόσωπον καί τό αυτό του Πατρός, έξ ουπερ ο Υιός γεννάται και τό Πνεύμα τό άγιον έκπορεύεταυ διό καί κυρίως τόν ενα αίτιον μετά των αυτού αίτιατών ενα Θεόν φαμεν τεθαρρηκότως » (Ad Graecos, GNO 3, 1, p.25, 4-8). N’oublions pas que Dieu est proprement propre (κυρίως κύριος) et que le mot Κύριος en hébreu est «Adonai», un des noms de Dieu.

 

44 Grégoire de Nazianze, Or. XXV, 16, SC 284, p. 196

 

45 Cyrille d’Alexandrie, Thes. XIII, PG 75, 208B

 

46 Jac 1,17

 

47 Grégoire de Nazianze, Or. XXIX, 4-5, SC 250, p. 182-184 ; C’est-à-dire un homme est à la foi «causé» par un père et «cause» de son enfant.

 

48 Cyrille d’Alexandrie, Thes. XIII, PG 75, 208B

 

49 Nil Cabasilas, Discours I, 11

 

50 Thomas d’Aquin, Sum. Theol. I, 36, 4

 

51 Barlaam, Traité, В, IV, p. 344-378

 

52 Jn 15,26

 

53 1 Co 2,12

 

54 Pseudo-Denys, De div. Nom. 3, 2, p.140, 13-14

 

55 ibid. 2, 2, p.125, 5-11

 

56 Pseudo-Denys, De div. Nom. 2, 4, p.126, 3-7

 

57 Augustin, De Trin. V, 14,15

 

58 Basile de Césarée, Adv. Eun. V, PG 29, 712A

 

59 Pseudo-Denys, De div. Nom. 2, 1, p.124, 6-7

 

60 Pseudo-Denys, De div. Nom. 2, 6, p.130, 12-13

 

61 Jn 1,1

 

62 Pseudo-Denys, De div. Nom. 2, 5, p.128, 8-13

 

63 Basile de Césarée, Contr. Sabell., PG 31, 609 AB

 

64 Il s’agit des «combattants contre le Saint-Esprit» ou «Pneumatomaques» qui concluaient à une infériorité de nature chez l’Esprit par rapport aux deux autres Personnes.

 

65 voir supra II, 2

 

66 Diogène Le Grammairien, I, 68 et 6, 11 CparGr I, p. 192 et 271

 

67 Pseudo-Denys, De div. Nom. 2, 2, p.125, 5-7

 

68 Nil Cabasilas, Discours II, 4

 

69 Nil Cabasilas, Discours II, 9 ; 11

 

70 Nil Cabasilas, Discours II, 10 ; 12 ; 13

 

71 Pseudo-Denys, De div. Nom. 2, 4, p.126, 3-7

 

72 Pseudo-Denys, De div. Nom. 2, 2, p.125, 10-11

 

73 Pseudo-Denys, De div. Nom. 2, 4, p.126, 3-7

 

74 Nil Cabasilas, Discours II, 2 ; 3 ; 4 ; 7 ; 8

 

75 Pseudo-Denys, De div. Nom. 2, 6, p.130, 12-13

 

76 Pseudo-Denys, De div. Nom. 3, 2, p.140, 13-14

 

77 Pseudo-Denys, De div. Nom. 3, 2, p.140, 12-15

 

78 Pseudo-Denys, De div. Nom. 3, 3, p.143, 6-8

 

79 Pseudo-Denys, De div. Nom. 2, 3, p.125, 19-21

 

80 Pseudo-Denys, De div. Nom. 2, 2, p.125, 10-11

 

81 Nil Cabasilas, Discours II, 13

 

82 Nil Cabasilas, Discours II, 6-8

 

83 1 Jn 2, 1

 

84 Jn 14, 16

 

85 Nil Cabasilas, Discours II, 4, 1-6

 

86 Pseudo-Denys, De div. Nom. 2, 3, p.125, 19-21

 

87 Les trois distinctions de la «distinction brève» : a) le Père n’est pas Fils ni Esprit, b) le Fils n’est pas Père ni Esprit, c) l’Esprit n’est pas Père ni Fils.

 

88 Pseudo-Denys, De div. Nom. 2, 4, p.126, 3-7

 

89 Pseudo-Denys, De div. Nom. 2, 5, p.128, 9-13

 

90 Nil Cabasilas, Discours II, 26, 17-18

 

91 Sur l’attribution du présent dialogue à saint Maxime et la bibliographie correspondante cf. M. L. Gatti, Massimo il Confessore. Saggio generale ragionata e contribua per une scientifica del suo pensiero metaflsico e religioso, Milan, 1987, pp. 91-92.

 

92 Pseudo-Maxime Le Confesseur, Dial. de Trin, I, 19, PG 28, 1145C

 

93 Nil Cabasilas, Discours II, 24, 8-9

 

94 Nil Cabasilas, Discours II, 2, 14-16

 

95 Nil Cabasilas, Discours II, 2, 22-23 ; 3, 5 ; 7, 4-5 ; 19, 13

 

96 Les sept distinctions en Dieu selon l’analyse de Nil Cabasilas sur la théologie de Pseudo-Denys sont les suivantes: «le Pere», «le Fils», «le Saint Esprit (distinction brève), «l’engendreur», «l’engendré», «l’émetteur», «l’émis» (distinction parfaite).

 

97 Nil Cabasilas, Discours II, 29

 

98 Barlaam, Traité, В, II, 15, 175-181 et 11, 24, 293-295, p. 278 et 286

 

99 Pseudo-Denys, De div. Nom. 1, 4, p.113, 1-2 ; cf. Eph 3, 15

 

100 Jean Damascène, Dialect. 14, 13-15

 

101 Nil Cabasilas, Discours I, 23, 4-9

 

102 Thomas d’Aquin, C. Gent. IV, 25, 10

 

103 Thomas d’Aquin, C. Gent. IV, 25, 7

 

104 Thomas d’Aquin, C. Gent. IV, 25, 7

 

105 Thomas d’Aquin, C. Gent. IV, 25, 13

 

106 Nous rappelons que, toujours selon Nil, les deux interprétations précédentes que les Latins ont données à la phrase : «le Père seule source de la divinité» étaient que le Père seul est source du Fils (Nil Cabasilas, II, 24. 3-, 1, 25-37) et que le Père est seule source des deux Personnes ensemble (ibid. II 24 8-13; II, 38s). La troisième possibilité ici proposée est que le Père est seule source parce qu’il fait jaillir sans être issu d’une source (ibid. II, 24. 13-14; II, 65).

 

107 Jn 15,26

 

108 Alexandre d’Aphrodisias In Top., 179, 18

 

109 Pseudo-Denys, De div. Nom. 2, 4, p.126, 3-7

 

110 Pseudo-Denys, De div. Nom. 2, 4, p.126, 3-7

 

111 Pseudo-Denys, De div. Nom. 2, 4, p.126, 3-7

 

112 Zénobios Le Sophiste, 2, 68, CParGr I, 50-51 ; Dans la mythologie grecque la Sphinx était fille d’Echidna et d’Orthos. Monstre ailé, à tête de femme sur un corps léonin, fut vaincu par Œdipe. C’est le symbole de l’obscurité et d’une rapacité cruelle.

 

113 Hésychius, Lexicon, Alpha 7073 ; Hennés dans la mythologie grecque était fils de Zeus et de Maïa. Il fut le messager des dieux, l’interprète des ordres divins, dieu de la parole et de l’éloquence.

 

114 Ici sont visés les deux commentaires attribués à Maxime sur la Hiérarchie céleste et la Hiérarchie ecclésiastique (Cf. PG 4), ainsi que l’Exposé exact de la foi orthodoxe de Jean Damascène dans les chapitres qui interprètent Denys.

 

115 Maxime le Confesseur, Op. theol. et pol., PG 91, 136A

 

 

116 Jean Damascène, Exp. Fidei 8, 228-290

 

117 cf. Lc 1,1

 

118 Nicéphore Ier, Conf. fid., PG 100 580D-581A

 

119 Grégoire de Nazianze, Or. XXXI, 9, 14-17, SC 250, p. 292

 

120 Ici, probablement, il s’agit d’une référence indirecte aux discussions théologiques à Constantinople suite à l’arrivée au trône impérial du nouvel empereur Jean V.

 

121 Zénobios Le Sophiste, 3, 46, CParGr I, p.68 ;

 

122 Hésychius, Lexicon, Epsilon 826

 

123 2 Co 5, 16

 

124 Basile de Césarée, Hom. In s. bapt., V, PG 31, 424B.

 

125 «L’enseignement des successeurs des apôtres». il s’agit du contenu du deuxième discours. «Nous allons tourner nos propos vers les conciles œcuméniques» : c’est le sujet des troisième, quatrième et cinquième discours.

 

126 Ro 8,9 ; cf. Gélase de Cysique, Cons. Nic., Mansi II, 860DE

 

127 Ro 8,9

 

128 Basile de Césarée, De Spir. S, 18, 46, 10-11

 

129 Pseudo-Chrysostome, De Spir. S, 1, PG 52, 813

 

130 Nil Cabasilas, Réfutation, VII, 13-22, p.552-559

 

131 Athanase d’Alexandrie, De decretis Nicaenae synodi, 25, 5, 6-8

 

132 Jn 2, 12-13

 

133 Is 35, 7 ; Pseudo-Chrysostome, De Spir. S, 1, PG 52, 815

 

134 Le propre effort et la grâce de Dieu sont inséparablement liés tout au long de la tradition patristique; cf. Tit 2, 11-12.

 

135 Pseudo-Athanase, Contr. Sabell., PG 28, 97B

 

136 1 Jn 5, 20

 

137 Jn 17, 3

 

138 Pseudo-Athanase, Contr. Sabell., PG 28, 97B

 

139 Grégoire de Nazianze, Or. XLI, 9, 23-25, SC 358, p. 336

 

140 Grégoire de Nazianze, Or. XXXI, 29, 8-9, SC 250, p. 332

 

141 Athanase Contr. Ar., III, 6, PG 26, 333B

 

142 Athanase Contr. Ar., III, 6, PG 26, 333C

 

143 Athanase Contr. Ar., III, 6, PG 26, 336C

 

144 Grégoire de Nazianze, Or. XXX, 13, 13-17, SC 250, p. 254

 

145 1 Jn 5, 20

 

146 Pseudo-Denys, De div. Nom. 2, 5, p.128, 8-12

 

147 Zénobios Le Sophiste, 3, 46, CParGr I, 68

 

148 IIe Concile Decret., COD, p.86

 

149 IIe Concile Decret., COD, p.72

 

150 La Tradition grecque veut que les autres Théologiens par excellence soient l’apôtre Jean et Syméon (le Nouveau Théologien).

 

151 IVe Concile Act., ACO 2, 1, 3, p.112 3

 

152 Grégoire de Nazianze, Or. XXXIV, 10, 13-15, SC 318, p. 216

 

153 Nil développe les conséquences ultimes de l’argumentation de ses adversaires pour les faire opposer à Grégoire de Nazianze. Dans la même ligne de réfutation, Nil aboutit à la conclusion suivante : «le Théologien maltraite la lettre car il veut dire une chose et il en prononce une autre» (Nil Cabasilas, Discours III, 15, 7-8)

 

154 Grégoire de Nazianze, Or. XXXIV, 10, 13-15, SC 318, p. 216

 

155 L’argument de Nil est tiré d’un cours de logique élémentaire. Indirectement, c’est un reproche de manque d’instruction et une ironie délicate à l’encontre de ses opposants ; cf. Nil Cabasilas, Discours III, 18, 6-7.

 

156 Grégoire de Nazianze, Or. XXXIV, 10, 13-14, SC 318, p. 216

 

157 Nil Cabasilas, Discours V, 5

 

158 Grégoire de Nazianze, Or. XXXIV, 10, 13-14, SC 318, p. 216

 

159 Suda, Lexicon, Pi 1917

 

160 Thomas d’Aquin, Sum. Theol. I, 28, 2-3 ; 29, 1-2 ; 36, 2 ; Thomas d’Aquin, C. Gent. IV, 24

 

161 Grégoire de Nazianze, Or. XX, 7, 8-11, SC 270, p. 72

 

162 Grégoire de Nazianze, Or. XXIX, 2, SC 250, p. 180

 

163 Nil Cabasilas, Discours II, 26 ; III, 12

 

164 Grégoire de Nazianze, Or. XXIII, 7, 16-18 SC 270, p. 296

 

165 IIe Concile Decret., COD, p.72

 

166 Tropaire de fête de saint Grégoire

 

167 Grégoire de Nazianze, Or. XXXIV, 10, 14-15 SC 318, p. 216

 

168 Grégoire de Nazianze, Or. XLI, 9, 23-25 SC 358, p. 336

 

169 IIIe Concile Act., ACO 1, 1, 7, p.92

 

170 IIIe Concile Act., ACO 1, 1, 7, p.106, 2-8

 

171 IIIe Concile, Canon 6

 

172 IIIe Concile Act., ACO 1, 1, 3, p.65, 29-32

 

173 Cyrille d’Alexandrie Ad. Nest., III, ACO, 1, 1, 1, p.34, 18-20

 

174 Cyrille d’Alexandrie Ad. Nest., III, ACO, 1, 1, 1, p.34, 33-42

 

175 Cyrille d’Alexandrie Ad. Nest., III, ACO, 1, 1, 1, p.40, 17-20

 

176 IVe Concile Act. XI, Mansi IX, 497AB

 

177 Cyrille d’Alexandrie Ad. Nest., III, ACO, 1, 1, 1, p.24, 11-13

 

178 Cyrille d’Alexandrie Ad. Nest., III, ACO, 1, 1, 1, p.33, 18-21 ; cf. He 11, 35

 

179 Cyrille d’Alexandrie Ad. Theod. imp, ACO, 1, 1, 3, p.78, 1-4

 

180 Cyrille d’Alexandrie Ad. Theod. imp, ACO, 1, 1, 3, p.78, 19-20

 

181Ps 181, 4

 

182 IIIe Concile Act., ACO 1, 1, 1, p.112, 15-17

 

183 IIIe Concile Act., ACO 1, 1, 1, p.112, 19-20

 

184 Thomas d’Aquin, Sum. Theol. I, 36, 2, 2

 

185 Mt 10, 31-32 ; Mc 3, 28-29 ; Lc 12, 10

 

186 Cyrille d’Alexandrie Ad. Eulog., ACO, 1, 1, 4, p.35, 7-8

 

187 IIIe Concile Act., ACO 1, 1, 4, p.5, 25-27

 

188 Le 24, 18

 

189 1 Co 2, 16

 

190 IIIe Concile Act. LIII, ACO 1, 1, 7, p.96, 2-18

 

191 IIIe Concile Act. LIII, ACO 1, 1, 7, p.97, 4-10

 

192 Cyrille d’Alexandrie Ad. Eulog., ACO, 1, 1, 6, p.110, 20-26

 

193 Cyrille d’Alexandrie Ad. Nest., III, ACO, 1, 1, 1, p.41, 17-20 ; Cyrille d’Alexandrie Apol. xii cap., ACO, 1, 1, 7, p.50, 33-36

 

194 Jn 15, 26

 

195 1 Co 2, 12 ; Théodoret, Impugn. capp. XII contra Cyril., ACO 1, 1, 6, p.134, 9-15

 

196 Ps 119, 2

 

197 Cyrille d’Alexandrie Ad. Euop., ACO, 1, 1, 6, p.110, 20-26

 

198 Jn 16, 14

 

199 Ro 8, 8-9

 

200 Jn 15, 26

 

201 Cyrille d’Alexandrie Apol. xii anath., ACO, 1, 1, 6, p.134, 17- p.135, 4 ; Jn 16, 15

 

202 Nil Cabasilas, Discours IV, 24, 9-12

 

203 Théodoret, Impugn. capp. XII contra Cyril., ACO 1, 1, 6, p.134, 9-15

 

204 Jn 15, 26

 

205 Cyrille d’Alexandrie Apol. xii anath., ACO, 1, 1, 6, p.135, 2-3

 

206 Prov 22, 28

 

207 Cyrille d’Alexandrie Apol. Io. Ant., ACO, 1, 1, 4, p.19, 20-26

 

208 Cyrille d’Alexandrie Apol. Io. Ant., ACO, 1, 1, 4, p.19, 25-26

 

209 Cyrille d’Alexandrie Apol. Io. Ant., ACO, 1, 1, 4, 19

 

210 IVe Concile, Symb. COD 84

 

211 IVe Concile, Symb. COD 85

 

212 Théodoret, Ad. Io. Antioch., ACO 1, 1, 7, p.163, 17-21

 

213 Théodoret, Ad. Io. Antioch., ACO 1, 1, 7, p.163, 27-28

 

214 Nil avait omis la phrase : «et ayant trouvé qu’elle est diamétralement opposée à ce qu’il avait écrit auparavant», qui se trouve dans le texte original de Théodoret, apparemment parce qu’il ne l’approuvait pas.

 

215 Théodoret, Ad. Io. Antioch., ACO 1, 1, 7, p.163, 32- p.164, 2

 

216 Cyrille d’Alexandrie Ad. Io. Ant., ACO, 1, 1, 4, p.16, 25-26

 

217 Eph 4, 5

 

218 Cyrille d’Alexandrie Ad. Io. Ant., ACO, 1, 1, 4, p.17, 9-25

 

219 Cyrille d’Alexandrie Ad. Valer., ACO, 1, 1, 3, p.100, 19-25

 

220 Théodoret, Impugn. capp. XII contra Cyril., ACO 1, 1, 6, p.134, 9-12

 

221 Théodoret, Ad. Io. Antioch., ACO 1, 1, 7, p.163, 32- p.164, 2

 

222 Nil Cabasilas, Discours IV, 38, 6-14

 

223 Jn 16, 13

 

224 Jn 14, 6

 

225 Cyrille d’Alexandrie Ad. Nest., III ACO, 1, 1, 1, p.39, 20-23

 

226 Cyrille d’Alexandrie In Symb., ACO, 1, 1, 4, 60, 23-24

 

227 Théodoret, Ad. Io. Antioch., ACO 1, 1, 7, p.164, 2-5

 

228 Cyrille d’Alexandrie Thes., XX, PG 75, 337B

 

229 Cyrille d’Alexandrie Ad. Nest., III ACO, 1, 1, 1, p.39, 22-23

 

230 Cyrille d’Alexandrie Ad. Nest., III ACO, 1, 1, 1, p.39, 22-23

 

231 Cyrille d’Alexandrie Ad. Nest., III ACO, 1, 1, 1, p.39, 22-23

 

232 Cyrille d’Alexandrie In Symb., ACO, 1, 1, 4, 60, 23-24

 

233 Jeol 2, 28

 

234 Le verbe εκχέειν (répandre), cité dans les deux passages scripturaires, est lie avec le verbe προχεισθαι (s’épancher) en question.

 

235 Ti 3, 5-6

 

236 Cyrille d’Alexandrie In Symb., ACO, 1, 1, 4, 60, 23-24

 

237 Pseudo-Denys, De div. Nom. 2, 7, p.132, 1-3

 

238 Gélase de Cysique, Cons. Nic., Mansi II, 860E

 

239 Basile de Césarée, Ep. 38, 4

 

240 Basile de Césarée, Ep. 38, 4

 

241 Grégoire de Nysse, Contr. Eun., GNO 1, 1, 378

 

242 Grégoire de Nysse, Contr. Eun., GNO 1, 1, 532-533

 

243 Cyrille d’Alexandrie, De S. Trin. dial., VII SC 246, p. 148

 

244 Grégoire de Nazianze, Or. XXVIII, SC 250, p. 100

 

245 Lc 11, 20

 

246 Cyrille d’Alexandrie, In Luc. XI, 20, PG 72, 704AB

 

247 Bien que le quatrième discours paraisse se terminer un peu brusquement, en réalité le passage «…le doigt appartient à la main, ne lui étant pas étranger…» résume parfaitement la pensée cyrillienne. Tout d’abord, elle rappelle le neuvième anathème de Cyrille contre Nestorius ainsi que sa réfutation de la neuvième objection de Théodoret, lorsqu’il avait rattaché l’expression «non étranger» au «propre» (cf. Discours IV, 24 et 26). La deuxième étape de sa pensée se trouve dans sa lettre à Jean d’Antioche, lorsqu’il confesse que « l’Esprit procède de Dieu mais n’est pas étranger au Fils selon le rapport de l’essence » (cf. Discours IV, 29). Cela, dans le passage en question s’exprime plus précisément par la «raison de consubstantialité» pour l’union du Fils et de l’Esprit, tout en réservant la procession à «Dieu le Père». Les raisons internes qui ont poussé Nil a terminer son quatrième discours d’une telle manière sont ainsi évidentes. Par ailleurs Nil avait bien pris soin de situer ce dernier passage cyrillien dans le contexte de la pensée de l’auteur ce qui révèle combien son travail fut méthodique. Grégoire Palamas avait également utilisé ce passage dans le même esprit que notre auteur, mais sans l’avoir situé dans l’évolution de la pensée de saint Cyrille.

 

248 Agathon, Ad Augustos Imp., II, Mansi XI, 289AB

 

249 VIe Concile, Decret., COD, p.280

 

250 VIe Concile, Decret., COD, p.290, 3-22

 

251 VIe Concile, Act., VIII, Mansi XI, 357

 

252 Sur la lettre de saint Maxime à Marinos, voir l’analyse de J.-Cl. Larchet dans Introduction à Maxime le Confesseur, Opuscules théologiques et polémiques, Sagesses chrétiennes, Cerf, 1998, pp. 76-86.

 

253 Maxime, Op. theol. et pol., X, PG 91, 133D – 136C

 

254 Pseudo-Denys, De div. Nom. 4, 11, p.156, 2-3

 

255 André de Crête, Hom. in Transfig., PG 97, 953B

 

256 Grégoire de Nazianze, Or. XXXIV, 10, 13-14 SC 358

 

257 Jean Bekkos, De pace, PG 141, 928B-D

 

258 Jean Bekkos, De depos. II, 7, PG 141, 980

 

259 Georges Métochitès, De proces. Spir. S., PG 141, 1408

 

260 Nil Cabasilas, Discours V, 31-43

 

261 VIe Concile, Decret., COD, p.300

 

262 VIe Concile, Decret., Mansi XIII, 397

 

263 Cf. le synaxaire de S. Jean Damascène le 4 décembre

 

264 Jn 20, 22 ; Jean Damascène, Exp. Fidei 8, 286-293 ; Eustrate de Nicée, De proces. Spir. S., EB 70 ; Nicétas de Maronée, De proces. Spir. S., PG 139, 220B ;

 

265 Jean Damascène, De hymno tris., 28, 40-44, p. 332

 

266 Les manuscrits laissent un espace de 4 ou 6 lignes blanches. Apparemment, Nil envisageait de compléter son argumentation avec d’autres passages du Damascène, comme d’ailleurs l’indique la note de l’auteur: «Cherche d’autres témoignages du bienheureux Damascène…». Peut-être la note concernait-elle le traité Contre les Manichéens, éd. B. Kotter, PTS 22, Berlin 1981, pp. 351 – 398 (=PG 94, 1505-1584).

 

267 Barlaam, Traité, B, IV, 32, 383-384, p. 376

 

268 Jean Damascène, Dialect., proem. 60-62

 

269 Jean Damascène, Exp. Fidei 12, 52-57

 

270 Jean Damascène, Hom. in Sabb. IV, PG 96, 605B

 

271 Pseudo-Denys, De div. Nom. 2, 5, p.128, 8-13

 

272 He 11, 26

 

273 He 11, 25

 

274 Mt 16, 24 ; Mc 8, 34 ; Lc 9, 23

 

275 Nil Cabasilas, Discours V, 19, 7-10

 

276 Ga 6, 17

 

277 Lc 1, 1

 

278 Nicéphore Ier, Conf. fid., PG 100 580C-581A ; Nil Cabasilas, Discours II, 64, 20-23

 

279 Nil Cabasilas, Discours V, 25, 14-15

 

280 Nil Cabasilas, Discours V, 25, 17-19

 

281 «Immuable» et «impassible» (άναλλοίωτος, απαθής) : ces deux mots souvent qualifient les attributs hypostatiques du Fils (par exemple Epiphane, Adv. haeres, PG 41, 237C), mais aussi se rattache aux autres Personnes de la Sainte Trinité

 

282 1 Ti 4, 7

 

283 Nil Cabasilas, Discours IV, 55, 1-5

 

284 Nil Cabasilas, Discours III, 11, 20-21

 

285 Nil Cabasilas, Discours V, 5

 

286 Basile de Césarée, Adv. Eun. V, PG 29, 712A ; Grégoire de Nazianze, Or. XXXIV, 10, 13-15 SC 318, p. 216

 

287 Pseudo-Denys, De div. Nom. 2, 5, p.128, 8-13

 

288 Grégoire de Nazianze, Or. XX, 7, 8-11, SC 270, p. 72

 

289 Jean Damascène, Dialect. 14, 13-15

 

290 Basile de Césarée, De Spir. S., 16, 38, 13-18, SC 17bis, pp. 376-378

 

291 Grégoire de Nazianze, Or. XXVIII, 13, SC 250, p. 128

 

292 Jn 4, 24

 

293 La 4, 20

 

294 Basile de Césarée, De Spir. S., 16, 38, SC 17bis, pp. 376-378

 

295 Il s’agit de l’hymne Trisaghion («Saint Dieu, Sainte Force, Saint Immortel,

prends pitié de nous) qui est chanté dans la liturgie byzantine.

 

296 1 Ti 2, 5

 

297 Nil Cabasilas, Discours V, 30

 

298 Ja 2, 19

 

299 L’argument est le suivant : Si le Fils n’est pas cause de la divinité parce qu’il n’est pas la première cause, de même Il ne sera pas Dieu, ni bon, ni créateur parce qu’Il n’est pas premier Dieu, premier bon ni premier créateur.

 

300 Jean Damascène, Exp. Fidei 8, 288-290

 

301 Nil Cabasilas, Discours V, 19

 

302 Suivre la ligne déjà tracée par les Pères et ne pas avancer par soi-même, c’est pour Nil la clef de la vérité. C’est pourquoi Nil a voulu présenter une réfutation contre le Filioque avec cohérence et continuité.

 

303 Macaire Chrysocéphale, Paroemiae, 7, 83, CParGr II, 210

 

304 Nil reconnaît une certaine honnêteté chez Thomas. Le passage en question « n’est-il pas un reflet de ce que Démétrius Cydonès affirme quant à l’admiration de Thomas par son maître Cabasilas? Cf. Mercati, Notizie, 391.

 

305 IIIe Concile, Act., ACO, 1, 1, 7, p.98, 8-9

 

306 Thomas d’Aquin, De pot. X, 4

 

307 Le symbole nestorien dans les actes grecs dit : « ούτε δι ‘Υίού τήν ύπαρξιν είληφός » ; la traduction latine chez Thomas est : « neque per Filium essentiam accepisse » ; et la nouvelle traduction du latin en grec par Cydonès (Prochoros ou Démétrius) est : « ούτε διά του Υίού λαβεΐν τήν ουσίαν ». Nous remarquons le changement du mot « ύπαρξις » en « essentia » et en « ουσία », le traducteur grec n’ayant pas sous les yeux le texte grec des Actes du troisième concile œcuménique.

 

308 Théodoret, Ad. Io. Antioch., ACO 1, 1, 6, p. 163, 32 – p.164, 2

 

309 Thomas d’Aquin, De pot. X, 4

 

310 La traduction latine du passage de Théodoret est la suivante: « Spiritus Sanctus non ex Filio aut per Filium habens substantiam, sed procedens quidem a Pâtre », alors que le texte original dit : « τό Πνεύμα τό άγιον ούκ έξ Υίού ή δι’ Υίού τήν ύπαρξιν έχον, άλλ’ έκ τού Πατρός έκπορευόμενον, ίδιον δέ τού Υίού ώς όμοούσιον όνομαζόμενον » (ACO 1, 1, 6, ρ. 163, 32 – 164, 2). Ce passage confirme notre remarque précédente que le traducteur, en ce qui concerne les citations grecques, n’a pas reproduit le texte original. On note également le changement du mot « ύπαρξις » en « substantia » et en « ύπόστασις ή ύπαρξις ».

 

311 Thomas d’Aquin, De pot. X, 4

 

312 Thomas d’Aquin, Sum. Theol. I, 36, 2

 

313 Nil Cabasilas, Discours V, 41, 42

 

314 Thomas d’Aquin, C. Gent. IV, 25, 10

 

315 Jean Damascène, Exp. Fidei 8, 191-193

 

316 Jean Damascène, Exp. Fidei 8, 289-290

 

317 Jean Damascène, Exp. Fidei 8, 296-297

 

318 La thèse latine a été démontrée «coupable de plusieurs absurdités» dans le premier discours, «ennemie de la tradition apostolique» dans le deuxième discours et «opposée à l’opinion des conciles œcuméniques» dans les troisième, quatrième et cinquième discours.

 

319 Il s’agit de la phrase qui se trouve tout au début de l’œuvre de Nil: «Ensuite, avec l’aide de Dieu et par un examen minutieux, avec patience, nous allons prouver que de telles paroles sont fausses et qu’il n’y avait aucune nécessité préalable pour pousser les Latins à la conclusion mentionnée» (Nil Cabasilas, Discours I, 1, 10-15).

 

Fin et Gloire à Dieu

 

 

 

Mise en page par diacre Roman Biliavskyi

Pour le site foi-orthodoxe.fr

Le 15 août 2018, saint archidiacre Stéphane

 

Catégories : Exposé de la Foi

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