Le prêtre (à voix basse) : Il est digne et juste de Te chanter, de Te bénir, de Te louer, de Te rendre grâces, de T’adorer en tout lieu de Ton empire. Car Tu es le Dieu ineffable, incompréhensible, invisible, insaisissable, toujours existant et toujours le même, Toi, Ton Fils Unique et Ton Saint-Esprit. C’est Toi qui, du néant, nous as amenés à l’existence, qui nous as relevés après notre chute et qui n’as cessé de tout faire jusqu’à ce que Tu nous aies élevés au Ciel et nous aies fait don de Ton Royaume à venir.
Pour tout cela, nous Te rendons grâces, à Toi, à Ton Fils Unique et à Ton Saint-Esprit, pour tous les bienfaits répandus sur nous, connus de nous ou inconnus, manifestés ou cachés. Nous Te rendons grâces aussi pour cette liturgie, que Tu as daigné recevoir de nos mains, bien que T’assistent des milliers d’archanges, des myriades d anges, les chérubins et les séraphins aux six ailes, aux yeux innombrables, se tenant dans les hauteurs et ailés.

La sainte anaphore nous révèle la providence aimante et continuelle de Dieu pour l’homme : C’est Toi qui, du néant, nous as amenés à l’existence, qui nous as relevés après notre chute et qui nas cessé de tout faire jusqu’à ce que Tu nous aies élevés au Ciel et nous aies fait don de Ton Royaume à venir. Au début, Dieu a amené l’homme à l’existence (à « l’être »). Ensuite, par le plan entier de l’économie divine, Il a restauré celui-ci à l’existence bienheureuse (« le bien-être »). Enfin, Il lui offre Son Royaume, c’est-à-dire l’existence bienheureuse éternelle (« le bien-être éternel »).
Saint Maxime écrit qu’aux créatures rationnelles « a été accordé premièrement le principe de l’existence, imbriqué avec leur essence. Deuxièmement, il leur a été donné le principe de la vie bienheureuse [bien-être], conformément à leur libre choix… Et troisièmement, il leur a été donné abondamment et selon la grâce le principe de l’existence éternelle [l’éternel bien-être] ».

Donnant une interprétation allégorique à la création du monde, le même saint dit: « Le sixième jour est l’accomplissement total des énergies naturelles des actifs qui pratiquent la vertu. Le septième jour est l’achèvement et le repos des pensées naturelles des contemplatifs qui reçoivent la connaissance ineffable. Le huitième jour est le changement d’ordre, qui fait passer dans la déification ceux qui en sont dignes… Le sixième jour signifie la raison de l’existence (l’être) des êtres. Le huitième jour manifeste le mystère ineffable du bien-être éternel des êtres. » « Le huitième et premier, ou plutôt, le jour sans fin, est la venue de Dieu, manifeste et pleine de lumière… Dieu accordera [alors] l’existence éternelle et bénie [le bien-être éternel] par la communion avec Lui-même, car c’est Lui seul qui, littéralement, existe, et existe éternellement, et existe dans la béatitude . » La communion de l’homme avec le Créateur est la seule façon d’être éternelle et bienheureuse. C’est la déification de l’homme et son entrée dans le Royaume céleste.
C’est la sainte anaphore qui nous manifeste ce cheminement ascendant de l’amour de Dieu envers sa création suprême.

Mû par Son amour, Dieu a créé le monde et l’homme « car il fallait que le bien se répandît et se propageât ». Il a créé l’homme et l’a placé près de Lui, afin qu’il chante et loue Sa gloire. Et lorsque l’homme chuta par le péché, Dieu le releva et l’éleva au Ciel.
Le Christ est devenu homme, et « Il n’a point cessé de tout faire et de tout souffrir, jusqu’à ce qu’il eût ramené à Dieu, et rendu ami de Dieu l’homme, qui était son ennemi… Le Christ, d’une certaine façon, a pris une offrande choisie [les prémices] de la nature humaine, et l’apporte en don à Dieu le Maître… Et comme dans un champ couvert d’une riche moisson, on prend quelques épis, on en compose une gerbe qu’on offre à Dieu, et que par cette légère offrande on attire Sa bénédiction sur le champ tout entier: de même Jésus-Christ, par la chair unique [dont il s’était revêtu], et par les simples prémices de notre nature, a fait bénir toute notre race… Il a offert au Père les prémices de notre nature; et le Père a tellement approuvé cette offrande, tant par égard pour la dignité de Celui qui la présentait qu’en considération de la pureté de l’offrande elle-même, qu’il l’a reçue de Ses propres mains, et l’a placée à Ses côtés, en lui disant: Siège à ma droite (Ps 109, 1). A quelle créature Dieu a-t-Il dit: Siège à ma droite? À celle qui avait entendu de Sa bouche ces paroles : Tu es terre et tu retourneras en terre (Gn 3, 19)… Examine dans quel abîme était descendu l’homme, et à quel comble de gloire il est monté! Il est impossible de descendre plus bas que n’était descendu l’homme, ni de monter plus haut que ne l’a élevé Jésus-Christ 1 ! ».
Nous rendons grâces à Dieu pour tout ce que nous savons et tout ce que nous ignorons, pour Ses dons manifestes et ceux qui sont inapparents. Pour Sa providence à chaque moment de nos vies. « Je Te rends grâces, Maître, Seigneur du Ciel et de la Terre… de ce que, avant qu’advinssent le jour et l’heure où Tu avais ordonné que je fusse produit, Toi-même, Toi le seul immortel, le seul tout-puissant, le seul bon et ami des hommes, descendant de Tes saintes hauteurs sans sortir du sein paternel mais incarné et enfanté de la Sainte Vierge Marie, Tu m’aies d’avance restauré et vivifié, Tu m’aies affranchi de la chute ancestrale en me frayant d’avance le retour aux Cieux. Ensuite, après m’avoir produit et fait peu à peu grandir, Tu m’as Toi-même renouvelé en me restaurant par Ton saint baptême, Tu m’as orné du Saint-Esprit, Tu m’as assigné comme gardien un ange de lumière… Mais tous ces [bienfaits], je Te le confesse, Seigneur Dieu, je n’en ai plus fait aucun cas… mais je me suis rejeté, malheureux, dans la fosse et la fange de l’abîme de mes pensées et actions honteuses et, arrivé à ce point, j’ai succombé aux [brigands] qui y étaient cachés… Et si même je me réjouissais d’être entraîné avec eux, Toi, au contraire, Tu ne supportais pas, Maître, de me voir, à ma honte, traîné et bousculé, mais Tu t’es ému de compassion, mais Tu as eu pitié… Et Tu m’as tendu Ta main immaculée . »

Nous rendons grâces à Dieu pour tout. Nous Lui rendons grâces pour la divine liturgie elle-même, qu’il accepte de nous. Dieu aurait pu ordonner que ce soient les Puissances célestes qui célèbrent dignement l’Eucharistie divine. Néanmoins II daigne que nous hommes accomplissions cette oeuvre et accepte l’Offrande de nos mains impures.

Nous rendons grâces à Dieu pour l’Eucharistie divine. Et après l’Eucharistie, Il nous donne plus de grâce encore: « La reconnaissance de celui qui reçoit incite le donateur à faire de plus grands dons . » Et la chaîne bénie continue : grâce — action de grâces — grâce… Nous devenons conscients de la grâce qui nous inonde: car l’homme qui est reconnaissant envers Son créateur « sera le réceptacle de Sa bonté et l’instrument de Sa glorification ». Nous rendons grâces et glorifions Son saint nom d’innombrables fois :

« Ô Dieu très-bon, dans ma chute, Tu m’as pris en pitié,
Tu as daigné descendre jusqu’à moi; et par Ta crucifixion, Tu m’as relevé, afin que je Te crie : Saint le Seigneur de gloire, incomparable en Sa bonté. »