Et le chœur chante l’hymne des chérubins : Nous qui mystiquement figurons les chérubins et chantons à la vivifiante Trinité l’hymne trois fois sainte, déposons maintenant tout souci du monde. Afin de recevoir le Roi de toutes choses, invisiblement escorté des armées angéliques. Alléluia, Alléluia, Alléluia *.

La Grande Entrée est le nom donné à une suite d’hymnes, de prières, d’actions accomplies par le célébrant et le peuple. Celle-ci commence par l’hymne des chérubins et la lecture de la prière correspondante.

L’Église nous appelle à nous préparer pour recevoir le Roi de gloire, qui entre dans la Ville sainte, afin d’y être crucifié pour le monde. Elle nous appelle à cheminer avec le Christ sur la voie du martyre et à nous tenir près de Lui auprès de la Croix avec Sa Mère Toute-Sainte et Son Disciple bien-aimé.

A ce moment – maintenant – est-il dit dans l’hymne, déposons tout souci du monde, car il s’agit de recevoir le Roi de toutes choses. Efforçons- nous de sortir du monde des choses de la vie, pour réussir à entrer dans l’espace de l’offrande du Christ. Saint Jean Chrysostome nous exhorte: « Les mages sont sortis de Perse pour aller adorer le Christ (Mt 2, 1-2). Eloigne-toi aussi des choses du monde et chemine vers le Christ. »

L’amour envers Dieu est la force spirituelle qui nous aidera à nous élever au-dessus des choses du monde : « Quiconque est embrasé de l’amour de Dieu ne supporte plus dès lors de voir tout ce qui tombe sous les yeux de la chair ; armé d’autres yeux, des yeux de la foi, il se représente toujours les choses de l’au-delà et il y fixe ses pensées ; il va et vient sur la Terre, comme s’il vivait dans le Ciel… Il brûle de courir sur la route de la vertu et de monter de la Terre au Ciel, laisse en-bas tous les objets visibles, uniquement appliqué à sa course, ne s’arrêtant jamais, ne se laissant jamais distraire, quoi que puissent voir les yeux de son corps » dans son cheminement.



Nous sommes impatients d’atteindre la cime du Golgotha et, pour pouvoir célébrer la fête du Christ, nous quittons les soucis du monde. « Car la véritable fête est là où l’on s’occupe du salut de son âme, et où la paix et la concorde règnent dans la cité, où ont été retranchées toutes les préoccupations de la vie… La véritable fête est là où règnent le repos et le calme, la charité et la joie, la paix et la douceur. » Nous déposons chaque souci de la vie entre les mains du Christ, ou plutôt nous Lui remettons toute notre vie. Et II soulève notre fardeau et monte sur le Golgotha, se préoccupant des besoins de notre vie, comme II nous le dit par la bouche d’Abba Isaac: « Si vous ne vous souciez que du Royaume des Cieux, je ne vous laisserai pas privés de ce qui est nécessaire à votre nature corporelle, mais tout cela vous sera donné par surcroît. Je ne vous laisserai pas en souci de ces choses (Mt 6, 33) . »

Saint Jean Chrysostome nous assure que « l’âme qui n’a pas appris à mépriser les choses insignifiantes et les soucis quotidiens de la vie ne pourra admirer ce qui est céleste ». Et comme il a lui-même goûté les biens célestes, le saint nous exhorte: Frères, « que personne n’entre à l’église avec des soucis, des distractions ou des craintes de la vie quotidienne. Entrons-y tous après avoir laissé tout cela au dehors, devant le seuil de la porte extérieure de l’église. Car nous entrons dans le palais céleste, nos pieds foulent des lieux qui resplendissent de lumière. »

C’est en ces lieux célestes que l’Ange gardien du père Tikhon – un ascète russe de la Sainte Montagne – transportait celui-ci au moment de l’hymne des chérubins . Dans le peu de grec qu’il connaissait, cet ascète russe racontait: « Au moment de l’hymne des chérubins, l’Ange gardien m’élève. Une demi-heure après, il me descend. » À la fin de cet état d’extase, le saint de Dieu réalisait qu’il se trouvait encore au cours de la divine liturgie et qu’il devait continuer. Lorsqu’on lui demandait: « Père, qu’as-tu vu et entendu pendant cette demi-heure? » Il répondait: « Les chérubins et les séraphins qui glorifient Dieu. »

Escorté des armées angéliques, le Seigneur entre dans la Ville sainte pour être sacrifié. L’Église nous invite à vivre ce mystère de l’amour extrême du Christ dans un silence complet: « Que fasse silence toute chair mortelle, quelle se tienne immobile, avec crainte et tremblement, et que rien de terrestre n’occupe sa pensée, car le Roi des rois, le Seigneur des seigneurs, s’avance pour être immolé et donné en nourriture aux fidèles, précédé des chœurs angéliques, avec toutes les Principautés et les Puissances des Cieux, les chérubins aux yeux innombrables et les séraphins aux six ailes, qui se couvrent la lace, et qui chantent l’hymne: Alléluia, Alléluia, Alléluia »

 

* Selon l’historien byzantin Georges Cédrinos, à partir du règne de l’empereur Justin II (vers 574), « … Il a été décrété que l’hymne des chérubins serait également chanté » [PG 12L748B]. La phrase pasan nyn biotikin (« déposons maintenant tout souci du monde »), contrairement à l’usage grec moderne pasan tin biotikin (« déposons tout souci du monde ») est attesté par tous les manuscrits et les traductions anciennes de la divine liturgie. D’autres hymnes chantés au lieu de l’hymne des chérubins mettent l’accent, de la même façon, sur le caractère sacré de cet instant: « Maintenant, les puissances des Cieux… » [liturgie des Présanctifiés] ; « A Ta Cène mystique, fais-moi communier aujourd’hui » [Jeudi saint]. I. Fountoulis, « Réponses à des questions liturgiques », II, 5e édition, Athènes, Apostoliki Diakonia 2006, Réponse 199» p. 136-138.