Années 1 – 30

— Génération éternelle du Verbe.

— Le Verbe incarné, ou Jésus-Christ.

— Message angélique à Marie.

— Naissance miraculeuse de Jean-le-Baptiste.

— Naissance de Jésus à Bethléem.

— Adoration des Bergers.

— Adoration des Mages.

— Circoncision et Présentation au temple.

— Fuite en Égypte.

— Séjour à Nazareth.

— Jésus, âgé de douze ans ; sa conférence avec les docteurs, dans le temple de Jérusalem.

— Jésus ouvrier.

— Mission de Jean-le-Baptiste.

— Ses prédications.

— Jésus en Judée.

— Il est baptisé par Jean, qui rend témoignage à sa divinité.

— Manifestation du Père et du Saint-Esprit.

— Premiers disciples.

— Retour en Galilée.

— Noces de Cana.

— Voyage â Jérusalem pour la première Pâques célébrée par Jésus depuis son baptême.

 

Au commencement, avant que le temps, et l’être contingent dont il mesure les instants successifs, fussent créés, Dieu était. Par nécessité de nature, il existait de toute éternité. Être parfait, son intelligence lui était coéternelle, et cette intelligence, faculté active, s’était exprimée de toute éternité. C’était le Verbe. La nature divine étant nécessairement intelligente, le Verbe avait

une essence identique à celle du Principe, tout en possédant un attribut qui lui était propre, et le distinguait de ce Principe.

C’est pourquoi, « au commencement, le Verbe était, et le Verbe était en Dieu, et le Verbe était Dieu1 » Le Principe ne s’exprima que par son Verbe ; c’est pourquoi, ce fut par lui qu’il manifesta sa puissance créatrice : « toutes choses ont été faites par lui ; et rien de ce qui a été fait ne l’a été sans lui2. » L’action créatrice produisit les êtres d’abord, puis la vie qui est la condition d’existence des êtres actifs, a La vie était dans le Verbe, et cette vie a été la lumière des hommes3 ; » car la vie dans l’homme, n’est pas seulement mouvement, elle est lumière; comme Dieu lui-même, et dans les limites de la nature créée, l’homme est un être doué de vie et d’intelligence.

Le monde qui devait toujours briller de l’éclat de l’intelligence divine, fut enveloppé de ténèbres au milieu desquelles le Verbe jetait en vain ses divines clartés4. II se communiquait à tout homme que la puissance créatrice jetait dans le monde ; il était ainsi au milieu du monde, au sein des êtres qui n’existaient que par lui, il était dans sa propriété, et il y était méconnu5.

Cependant plusieurs étaient illuminés de ses rayons ; ils étaient les vrais enfants de Dieu, nés de la foi, et en vertu d’une génération qui n’avait sa source, ni dans le sang, ni dans la race, ni dans la volonté humaine, mais en Dieu lui-même6.

Mais ces élus étaient rares. Pour en augmenter le nombre, le Verbe se fit homme. Afin de se communiquer à l’humanité d’une manière sensible, il habita la terre et l’on vit sa gloire qui n’était pas celle d’un homme, car, quoiqu’il fût revêtu de la nature humaine,

 

1 Joann., Evang., I; 1-2.

2 Ibid., 3.

3 Ibid., 4.

4 Ibid., 5.

5 Ibid., 9, 10, 11.

6 Ibid., 1 ; 12-13.

 

sa personne était celle du Fils unique de Dieu plein de grâce et de vérité.

Autrefois, Dieu s’était révélé au monde de plusieurs manières, et en particulier par Moïse qu’il avait chargé de donner la Loi à son peuple élu. Mais personne n’avait vu Dieu, sinon le Verbe ou le Fils qui est le rayon de sa gloire et l’expression de sa substance. Seul, il pouvait apporter au monde la grâce et la vérité1, qui sont les attributs essentiels de Dieu.

Quand le temps fixé pour la manifestation du Verbe fut arrivé, l’ange Gabriel fut envoyé vers une ville de Galilée, appelée Nazareth2. Il y avait là une vierge fiancée à un descendant de David, nommé Joseph. Le nom de cette vierge était Marie. L’ange étant entré dans sa maison, lui dit : « Je te salue, pleine de grâce ! Le Seigneur est avec toi ; tu es bénie entre toutes les femmes. » Marie fut troublée en entendant ces paroles ; elle songeait à la signification d’une telle salutation. « Marie, ajouta l’ange, ne te trouble pas ; car tu as trouvé grâce devant Dieu ; tu vas concevoir dans ton sein et tu enfanteras un fils auquel tu donneras le nom de Jésus, il sera grand et appelé le Fils du Très-Haut. Le Seigneur Dieu lui donnera le trône de David, son père ; il régnera éternellement sur la maison de Jacob et son règne n’aura pas de fin. — Comment, répondit Marie, cela se fera-t-il, puisque je suis vierge ? » L’ange reprit : « Le Saint-Esprit descendra en toi, et la puissance du Très-Haut te rendra féconde ; c’est pourquoi le Saint qui naîtra de toi, sera appelé Fils de Dieu. »

L’ange annonçait que Dieu, auteur des lois de la génération, y suppléerait par un acte direct de sa toute- puissance, et que l’humanité du Verbe, ou, ce qui naîtrait de Marie, serait divinisé par son union personnelle avec le Verbe de Dieu. Celui qui devait

 

1 Joan., Evang., I; 14; 17-18.

2 Luc, Evang., I ; 20 et seq. Saint Jean Chrysostôme pense que Marie étant fiancée à Joseph, elle habitait, selon la coutume juive, la même maison que son fiancé. (S. Chrysost., In Math., homil. IV, § 2.)

 

racheter le monde et être l’Adam de l’humanité régénérée, ne pouvait naître par le moyen de la génération ordinaire, laquelle est viciée dans son essence même et propage le vice originel de la race déchue. Il devait être créé par Dieu lui-même dans un sein virginal, afin qu’il appartînt à l’humanité et, en même temps, qu’il fût exempt de la souillure que la race humaine a héritée du premier Adam1.

Marie comprit ce mystère dont elle serait l’instrument privilégié. Elle répondit : « Je suis la servante du Seigneur, qu’il me soit fait selon ta parole ! »

Et l’ange s’éloigna.

Pour donner à Marie une preuve de sa mission divine, Gabriel lui avait appris qu’Elisabeth, femme du prêtre Zacharie, était devenue enceinte malgré son âge avancé, et par la volonté toute-puissante de Dieu. Elisabeth, cousine de Marie, habitait une ville de la tribu de Juda2.

Un jour que Zacharie offrait l’encens au Seigneur, dans le temple, l’ange Gabriel lui était apparu pour lui annoncer que sa femme donnerait naissance à un enfant béni de Dieu, et qu’il devrait appeler Jean. Zacharie douta de la parole de l’ange, à cause de la vieillesse et de la stérilité de sa femme. Alors Gabriel lui avait dit : « Puisque tu n’as pas cru à ma parole, tu seras muet, et tu ne pourras plus parler jusqu’au jour où s’accomplira ce que je t’ai annoncé. » Elisabeth conçut ; elle était dans le sixième mois de sa grossesse, lorsque Marie, avertie par l’ange, alla la visiter.

A la voix de Marie, Elisabeth sentit son enfant tressaillir dans son sein. Elle fut elle-même remplie du Saint-Esprit et s’écria : « Tu es bénie entre les femmes, et le fruit de ton sein est béni ! d’où me vient ce bonheur que la Mère de mon Seigneur vienne chez moi ? Dès que j’ai entendu ta voix, lorsque tu m’as

 

1 L’acte de la génération naturelle est un mystère ; pourquoi donc rejeter l’action créatrice du Saint-Esprit parce qu’elle est un mystère ?

2 Luc., I; 39 et seq.

 

saluée, mon enfant a tressailli de joie dans mon sein. Bienheureuse, ô toi qui as cru ! car ce qui t’a été dit de la part du Seigneur s’accomplira. »

Marie répondit :

« Mon âme exalte le Seigneur, et mon esprit se réjouit en Dieu mon Sauveur, de ce qu’il a jeté les yeux sur son humble servante, car dès maintenant, toutes les générations vont m’appeler bienheureuse !

« Celui qui est puissant a fait en moi de grandes choses ; son nom est Saint ; sa miséricorde s’est étendue de génération en génération, sur ceux qui l’ont servi avec crainte, et son bras s’est appesanti sur ceux dont le cœur était plein d’orgueil.

« Il a jeté les puissants à bas de leurs trônes et il a élevé les humbles ; il a comblé de biens les affamés et il a renvoyé les riches dans l’indigence; il a protégé Israël, son enfant, et comme il l’avait promis à nos pères, il s’est souvenu de sa miséricorde envers Abraham et sa race, pour toujours. »

L’action de la providence dans le passé et dans l’avenir du monde s’était manifestée à l’humble Marie. Dieu lui faisait entrevoir l’humanité renouvelée, formant le nouvel Israël et réalisant par Jésus son Fils, les promesses faites à Abraham.

Marie resta environ trois mois avec Elisabeth et retourna ensuite à sa maison de Nazareth. Joseph s’aperçut alors qu’elle était enceinte, et il résolut de ne pas l’épouser1. Comme il était bon, il songeait à la renvoyer en secret, lorsque l’ange du Seigneur lui apparut pendant son sommeil, et lui dit : « Joseph, fils de David, ne crains point de prendre Marie pour ton épouse, car ce qui a été conçu en elle est l’œuvre du Saint-Esprit. Elle enfantera un fils que tu appelleras Jésus, parce qu’il sauvera son peuple du péché. »

Ainsi s’accomplissait cette parole du prophète « Une vierge concevra et enfantera un fils qui sera ap-

 

1 Math., Evangel., I ; 18-23. Des exégètes ont pensé que Marie avait épousé Joseph aussitôt après qu’elle eut conçu Jésus par l’opération du Saint-Esprit, et que Joseph eut l’intention de la répudier.

 

pelé Emmanuel1. » Joseph obéit à Fange, épousa Marie et respecta sa virginité. Jésus ne fut pas son fils ; mais il fut considéré comme tel par tout le monde.

Peu de jours après le départ de Marie, Elisabeth avait enfanté un fils auquel on donna le nom de Jean2. A peine Zacharie eut-il écrit ce nom sur ses tablettes que sa langue se délia. Il célébra la venue du Messie, et, éclairé d’une lumière divine, il prédit que son fils prépaierait les voies à l’Envoyé de Dieu.

Alors on publia un édit de l’empereur Auguste prescrivant de faire le recensement de toute la terre soumise à son autorité. Ce recensement fut le premier qui eut lieu, tandis que Quirinius exerçait une haute autorité en Syrie3. Tous les habitants de la Judée,

 

1 L’écrivain sacré remarque avec raison que le mot : Emmanuel signifie, en hébreu : Dieu avec nous. On doit remarquer le soin avec lequel les Evangélistes attestent, dès le commencement de leurs récits, la nature divine et la nature humaine de Jésus dans une même personne divine. Saint Jean et saint Luc ont affirmé plus haut ce dogme que saint Mathieu vient d’affirmer à son tour. Le prophète que cite saint Mathieu est Isaïe. (VII; 14.)

2 Luc., I; 57 et seq.

3 II était d’usage, dans l’empire romain, depuis le règne d’Auguste, de faire tous les cinq ans, c’est-à-dire à chaque lustre, le recensement de l’empire, y compris les Etats tributaires. Dion Cassius, dans son histoire du règne d’Auguste, mentionne plusieurs de ces recensements. Velleius Paterculus, Tacite et Suétone en parlent également. Ce dernier en mentionne trois principaux, auxquels Auguste procéda, la première et la troisième fois, avec un collègue au consulat, et la seconde fois, seul. (Suét., in Octav., § 27.) De quel recensement saint Luc a-t-il voulu parler ? Il en attribue deux à Quirinius : αυτϊΐ à χπν/ρζίγΥΐ 7rt&j-ïî εγενετο, ce recensement fut le premier. Que le mot 7τρώτη premier, soit placé avant le mot εγενετο fut, comme dans le texte vulgaire, ou après, comme dans quelques manuscrits, et en particulier dans celui du Sinaï, le sens ne nous paraît pas bien différent, et nous ne pensons pas qu’il faille attacher grande importance à cette variante.

Tout le monde convient qu’un recensement fut fait par Quirinius lors de la déchéance d’Archelaüs, fils d’Hérode, et dix ans après la mort de ce roi Hérode. En fit-il un premier, du vivant d’Hérode, comme saint Luc l’affirme ? Des critiques l’ont nié et ont reproché à saint Luc un anachronisme de dix ans. Ces critiques n’ont pas assez étudié la question qu’ils tranchaient si souverainement.

Ils ont prétendu qu’à l’époque indiquée par saint Luc, Quirinius n’était pas gouverneur de Syrie.

Suint Luc ne dit pas qu’il fût alors gouverneur, mais seulement qu’il y exécuté une autorité quelconque ; On sait que les recensements n’étaient pas faits pur les gouverneurs dos provinces, mais par des magistrats qui avaient été consuls et auxquels on donnait le titre de censiteurs.

Quirinius a-t-il été censiteur à l’époque de la naissance de Jésus-Christ? Telle est la question que Ton doit résoudre.

Les historiens païens nous fournissent des renseignements très-propres à élucider celle question.

Voici ce que dit Tacite de Quirinius (Annah, III; 48) : « Il était né à Lanu-

 

comme ceux des autres provinces, durent se rendre dans les villes d’où ils étaient originaires1. Joseph étant de la famille et de la patrie de David dut se rendre à Bethléem, berceau de cette famille, il alla donc,

 

vium, ville, municipale d’Italie. Homme infatigable à la guerre, et habile à remplir les missions les plus difficiles, il avait su rendre au divin Auguste des services dont, le consulat fut le prix. Quelque temps après, la défaite des Homonades, peuple de Cilicie qu’il força dans ses retranchements, lui valut les honneurs du triomphe. Placé auprès du césar Caïus, en qualité de gouverneur, lorsque ce jeune prince fut envoyé en Arménie, il continua à faire sa cour à Tibère alors retiré à Rhodes, etc., etc. »

Ainsi Quirinius, d’après Tacite, fut consul. Son consulat, d’après les Fastes, eut lieu la trente-deuxième année du règne d’Auguste. D’après Tacite encore, Quirinius fit la guerre en Cilicie, pays très rapproché de la Syrie. Sous le règne de Tibère, il voyagea en Orient avec le césar Caius. Suétone ajoute qu’il visita avec lui la Syrie et Jérusalem. (Suét., in Ociae., § 93. )

il connaissait donc très-bien le pays. N’a t-il pas pu être nommé censiteur à l’époque indiquée par saint. Luc ? N’est-ce pas là une des missions dont le chargea Auguste et dont Tacite parle d’une manière générale ? Si Ton n’a pas de preuve positive autre que le témoignage de saint Luc, rien ne prouve qu’il n’en ait pas été ainsi; on ne peut pas nier sans preuve. Nous avons, nous, le témoignage de saint Luc pour affirmer.

L’historien Josèphe donne à penser que le recensement dont parle saint Luc eut lieu. Il rapporte que, sous le règne d’Hérode, toute la Judée fut soumise à un serment que chacun dut prêter à l’empereur romain. Cela suppose, à notre avis, un recensement de toute la population. En disant que toute la terre de Judée (παντο; γουν ίουίαικού) fut soumise à ce serment, il justifie l’expression de saint Luc : ΐΐαντε; εττορευεντο. (Jos., Antiq. Jud., XVII; 3.)

Enfin des critiques ont affirmé qu’un recensement ordonné par Auguste n’aurait pas été effectué en Judée, qui avait son roi particulier, il faut peu connaître les historiens latins pour élever une pareille objection, car on pourrait citer de nombreux témoignages qui prouvent que les rois tributaires, comme Hérode, ne possédaient qu’une autorité subordonnée à celle de l’empereur, qui avait, en particulier, le pouvoir de faire des recensements dans leur royaume. Nous citerons seulement ce passage de Tacite : « Auguste laissa écrit de sa main un livre dans lequel étaient enregistrées toutes les ressources publiques ; combien, dans l’empire, il y avait de citoyens, combien d’alliés armés, combien de flottes, de royaumes, de provinces les tributs, les impôts, les besoins, les dons. » (Tacit., Annal., I; 2.) Tout cela ne suppose-t-il pas un recensement exact des Etats tributaires aussi bien que de l’Empire ?

1 Par suite d’un édit rendu par le consul Claudius, chacun, lors des recensements, devait se faire inscrire au lieu de sa naissance. Tite-Live rapporte que, à l’époque d’un recensement, le consul Postumius Albinus ordonna, du haut de la tribune, à tous les alliés d’origine latine, de retourner dans leurs pays respectifs pour que chacun d’eux lut porté au rôle de leur pays. (Tit.- Liv., XLII; 10.) Les citoyens qui devaient être inscrits à Rome étaient rappelés en cette vide pour le recensement. (Vell. Patereul., II; 25.) Ulpien, jurisconsulte, né à Tyr vers le milieu du second siècle de l’ère chrétienne, s’exprime ainsi : « L’âge des personnes doit être compris dans les déclarations du recensement, parce que l’âge peut quelquefois exempter du payement de l’impôt, comme cela a lieu, en effet, dans les provinces du gouvernement de Syrie, où l’impôt de la capitation n’est exigé qu’après l’âge de quatorze ans pour les hommes, et l’âge de douze ans pour les femmes. (Ulp., lib. II, de Censib., Digest., 1. L; lit. XV; 3.) Ceci suppose que chacun devait venir déclarer son âge lors des recensements.

Jésus Christ étant né lors du recensement de Quirinius, fut inscrit au rôle.

 

de la ville de Nazareth qu’il habitait et qui était située dans la province de Galilée, à la ville de David située en Judée, et il emmena avec lui Marie son épouse1, qui était enceinte. Or, en arrivant dans cette ville, ils ne trouvèrent pas de place dans les hôtelleries, et ils cherchèrent un asile dans une étable où Marie mit au monde son fils premier-né2. Elle l’enveloppa de langes et le coucha dans la crèche3.

 

Plusieurs écrivains des premiers siècles l’affirment, entre autres saint Justin et Tertullien, qui renvoient aux registres de l’Etat pour le constater. (Justin, I. Apol., 34; Tcrtull., adv. Marcion., IV; 7-10.) Tertullien dit que le recensement. eut lieu lorsque Saturninus était gouverneur de Syrie, ce qui concorde bien avec l’époque dont parle saint; Luc, car Saturninus commença à exercer ses fonctions la trente-huitième année du règne d’Auguste, et ne fut remplacé qu’en l’année 41 de ce règne, c’est-à-dire l’année delà mort d’Hérode. Tertullien ne contredit pas l’écrivain sacré qui ne dit pas que Quirinius ait été alors gouverneur de la province. Il en a été le censiteur, lorsque Saturninus en était gouverneur.

1 Les femmes étaient, obligées, dans l’empire romain, d’aller elles-mêmes, une fois par an, payer l’impôt de la capitation. C’est ce qu’affirme Denis d’Halicarnasse (IV; 4.). On peut bien en induire que les femmes étaient obligées de se présenter pour le recensement. Si elles n’y étaient pas obligées, elles pouvaient du moins accompagner leurs maris, et l’on ne comprend pas comment des critiques ont pu prétendre que Marie n’aurait pas pu accompagner Joseph à Bethléem.

2 Luc., II; 1 et seq.

3 On a beaucoup disserté sur la date de la naissance de N.-S. Jésus-Christ, et les savants ne s’accordent pas entre eux. Cela vient de ce qu’ils ont essayé d’établir des systèmes de chronologie générale, dans lesquels l’année de la naissance serait à sa place exacte, et qu’aucune des données sur lesquelles on s’est appuyé ne sont incontestables. La preuve en est dans la divergence entre des savants, dont les connaissances sont également profondes et étendues. Il serait fort inutile d’intervenir en ce débat, pour nous ranger à un système quelconque ou en proposer un nouveau. Il nous paraît beaucoup plus simple de fixer la date de la naissance de N.-S. Jésus-Christ selon le calendrier Julien, qui était alors en usage.

Ce calendrier fut réformé de 44 à 45 ans avant l’ère vulgaire. Jésus-Christ est-il né vers cette quarante-cinquième année, qui correspond à l’année I de l’ère généralement suivie aujourd’hui ?

Pour élucider cette question, nous partirons de faits historiques certains.

Il est certain que Jésus-Christ est né avant la mort d’Hérode le Grand, puisque c’est à ce roi que les Mages s’adressèrent pour trouver Jésus nouveau- né, et que c’est ce même roi qui massacra les enfants de Bethléem et des environs pour atteindre Jésus lui-même.

Or quelle est l’année de la mort d’Hérode le Grand ?

Auguste régna cinquante-six ans depuis la mort de Jules César. Ayant régné quinze ans depuis le commencement de l’ère vulgaire, il faut remonter à l’an 41 avant l’ère vulgaire, ou l’an 4 du calendrier Julien pour avoir la première année de son règne.

Or, c’est la quatrième année de son règne, c’est-à-dire l’an 8 du calendrier Julien, qu’Auguste donna à Hérode le trône de Judée. Cet événement eut lieu sous le consulat de Domitius et Asinius. (Jos,, de Bello Jud., XIV; 26. Fast. Consul.)

Hérode régna trente-sept ans depuis cette époque, d’après Josèphe. En ajou-

 

Saint Luc comme saint Mathieu se servent de l’expression premier-né en parlant de Jésus. On ne peut en conclure que Marie ait eu d’autres enfants après la naissance de Jésus ; car, chez les Juifs, ce titre de

 

 

tant ces trente-sept ans de règne à l’année 8 du calendrier Julien où il commença à régner, on fixe l’année de sa mort à l’an 4a du calendrier Julien, qui correspond à l’année 1 de l’ère chrétienne1.

Areliélaiis, fils d’Hérode, fut déposé après dix ans de règne. Cette déchéance eut lieu sous le consulat de Lepidus et Arunlius, qui correspond à la cinquante et unième, année du règne d’Auguste. (Fast. Consul.; Josèphe, de Bello Jud., II; 6; Antiquit. Jud., XVII; la.) En retranchant de ces cinquante et une années les dix ans de règne d’Areliélaiis, on fixe son avènement au trône, après la mort, de son père Hérodc, à la quarante et unième année du règne d’Auguste, c’est-à-dire à l’an 45 du calendrier Julien, qui correspond à l’année. 1 de l’ère chrétienne.

Philippe, autre fils d’Hérodo, régna trente-sept ans, selon Josèphe, dix-sept ans sous le règne d’Auguste et vingt ans sous celui de Tibère. (Josèphe, Antiq. Jud., XVIII; 6.) D’après ces chiffres, il aurait commencé à régner l’an 43 du calendrier Julien, c’est-à-dire deux ans avant son frère Areliélaiis et avant la mort de· son père.

Mais on s’explique facilement cette petite différence dans les calculs, par la manière dont Josèphe compte les années. Dans ses Antiquités judaïques, il ne suit pas la même manière de compter les mois que dans son ouvrage : De la Guerre des Juifs. Dans ce dernier, il suit les mois Juliens, et, dans le premier, les mois lunaires, selon l’ancien calendrier hébraïque.

De plus, nous ferons observer que nous avons calculé en années complètes, tandis que l’on compte souvent, pour première ou dernière année d’un règne, une fraction de cette année.

Nous regardons, par conséquent, comme certain qu’Hérode est mort la quarante-cinquième année du calendrier Julien, c’est-à-dire l’année 1 de l’ère vulgaire.

Jésus-Christ étant né avant sa mort, on doit fixer l’année de sa naissance, soit au commencement de cette même année 45 ou à la fin de l’année 44.

De cette manière, il vécut quinze, ans sous le règne d’Auguste, et, la quinzième année du règne de Tibère, il avait environ trente ans, comme l’affirme saint Luc.

A cause du mot environ dont se sert saint Luc, des écrivains chrétiens se sont crus autorisés à donner à Jésus-Christ trente-six, trente-huit et même quarante ans à cette époque. C’est une latitude que ne comporte pas le texte. Pour entrer dans le sens exact de saint Luc, on ne peut se permettre que la latitude de vingt-neuf et demi à trente et demi. Ceci ne fait pas l’affaire de certains systèmes de chronologie. Mais c’est à nos yeux un inconvénient d’autant moins grave que ces systèmes sont en contradiction les uns avec les autres ; qu’ils ne sont pas certains, par conséquent ; tandis que le texte de saint Luc est certain, et qu’il s’accorde parfaitement avec les faits historiques que nous avons relatés.

Saint Mathieu dit qu’Hérode, pour atteindre Jésus-Christ, fit tuer tous les enfants lies environs de Bethléem depuis l’âge de deux ans. C’était une précaution barbare ; mais ce chiffre de deux ans ne peut signifier que Jésus soit né deux ans avant cette date. Saint Matthieu dit, en effet, deux ans et au-dessous, c’est-à-dire jusqu’aux enfants qui venaient de naître, ce qui prouve que Jésus était né depuis peu de temps. Hérode calcula le temps d’après ce que lui avaient, dit les mages de l’apparition de – l’étoile, et, pour être plus certain

 

1 Nous ne calculons qu’en chiffres ronds et nous ne jugeons pas à propos de pousser l’exactitude jusqu’à des fractions d’année.

 

premier-né n’était pas l’équivalent d’aîné, mais le signe d’une consécration spéciale1. Ceux qui, dans l’Evangile, sont appelés frères de Jésus, étaient ses cousins, fils de Cléopas et de sa femme nommée Marie, sœur ou cousine de Marie, mère de Jésus, ainsi qu’on le verra dans la suite.

Quoique Jésus fût né à Bethléem, on l’appela cependant Nazaréen, parce qu’il fut élevé à Nazareth, et que ses parents habitaient cette ville2.

Au moment où Jésus naissait dans la pauvre étable de Bethléem, l’ange du Seigneur apparaissait à des bergers qui, pendant la nuit, gardaient leurs troupeaux3. La présence du messager céleste les éblouit et les remplit d’une grande crainte. L’ange les rassura en disant : « Ne craignez point, car je vous annonce un événement qui causera une grande joie à tout le peuple : c’est qu’il vous est né, dans la ville de David, un Sauveur qui est le Christ-Seigneur. Tel est le signe auquel vous le reconnaîtrez : vous trouverez un enfant enveloppé de langes et couché dans la crèche4. » Tout à

 

 

d’arriver à son but, il donna à sa cruauté une latitude qui le rendait certain que son prétendu concurrent à la royauté judaïque ne lui échapperait pas. Hérode mourut aussitôt après le massacre des enfants de Bethléem. Il n’avait fallu que quelques semaines à Joseph pour aller de Bethléem en Egypte à pied. Quand il revint en Judée, il apprit qu’Archélaüs régnait à la place de son père Hérode. La naissance de Jésus-Christ et la fuite en Égypte peuvent donc parfaitement concorder avec la dernière année de la vie d’Hérode. Nous pensons que Jésus-Christ est né le 25 décembre de l’année 44 du calendrier Julien, et que la première année de sa vie correspond à la première année de l’ère chrétienne, telle qu’on l’accepte aujourd’hui dans toutes les Eglises chrétiennes et dans tous les Etats chrétiens.

 

1 Exod., XIII; 2, 12,13.

2 Les Evangélistes (Math., II; 1,5,0, 16; Luc., II;4-7,15) le disent positivement. Que penser des critiques qui prétendent que Jésus naquit à Nazareth parce qu’il fut appelé Nazaréen ?

3 Luc, II; 8 et seq. Certains critiques ont prétendu que les bergers ne pouvaient garder leurs troupeaux pondant la nuit, puisque Jésus naquit en hiver. Ils oublient que le fait a eu lieu en Judée, et non pas dans le nord.

4 L’ange ayant envoyé les bergers à l’étable ou à la crèche sans plus de désignation, on doit penser que c’était un de ces endroits encore communs en Orient, où les pauvres et les voyageurs peuvent trouver un gîte, et qui était bien connu. Saint Justin, originaire de Palestine, et qui naquit dès les temps apostoliques, dit que l’étable était une caverne, c’est-à-dire une excavation dans le rocher. (Just., Dial, eum Triph. Jud., § 175.) Origène, qui vint habiter la Palestine au commencement du troisième siècle, dit aussi que c’était une caverne, et que les habitants du pays la montraient comme l’endroit où était né un certain Jésus que les chrétiens adoraient et admiraient. (Orig., Cont. Ceis., I; 51.)

 

coup se joignit à l’ange une troupe de la milice céleste louant Dieu et disant : « Gloire à Dieu clans les deux! Paix sur la terre ! Bienveillance entre les hommes ! »

C’était pour rendre gloire à Dieu que le Christ naissait ; sa mission dans le monde était d’y répandre la paix, en réglant, par l’amour mutuel, les rapports entre les hommes.

Les anges ayant disparu, les bergers se dirent l’un à l’autre : « Passons jusqu’à Bethléem, et vérifions l’exactitude des paroles qui nous ont été dites de la part du Seigneur. » Ils se rendirent à Bethléem et trouvèrent Mairie, Joseph et l’enfant qui était couché, dans la crèche. A cette vue, ils reconnurent la vérité de ce qui leur avait été dit de cet entant. Tous ceux qui l’apprirent furent saisis d’étonnement eu entendant le récit des bergers.

Marie écoulait toutes ces paroles et les conservait dans son cœur Ce sont les expressions de saint Luc, qui donne ainsi à penser qu’il apprit les détails qu’il a racontés de Marie elle-même ou de ceux auxquels elle les avait fait connaître.

Les bergers s’en retournèrent en louant Dieu, rien le glorifiant de ce qu’ils avaient vu et entendu ce qui leur avait été annoncé.

Le mystère de son Incarnation n’ayant pas été révélé à d’autres qu’à Marie et à Joseph, Jésus riait regardé comme le fils de ce, dernier1, et comme descendant, en ligne directes, de David. La généalogie de Joseph, établie par les deux évangélistes saint Mathieu et saint Luc, ne laisse aucun doute à cet égard2.

 

1 Luc, III; 23.

2 Suint Matthieu (I, 1) cl saint Luc (III, 23) ont donné chacun une généalogie, et des critiques oui prétendu que ces deux documents étaient en contradiction. Il n’en est rien, Deux ordres de descendance existaient chez les Juifs. On lit dans le Deutéronome (XX, 5, 6) :  » Lorsque deux frères demeurent ensemble cl que l’un d’eux sera mort sans enfants, la femme du mort n’en épousera point d’autre que le frère de son mari, qui la prendra pour femme et suscitera des enfants à sou frère ; et l’aîné des fils qu’il aura eus sera appelé fils du premier mari, afin que le nom de son frère ne se perde point en Israël.  »

 

Jésus étant né à Bethléem du temps du roi Hérode,

D’après cette disposition légale, un enfant portait le nom de celui qui ne l’avait pas engendré réellement, et représentait le frère de son vrai père. Il suffit de tenir compte de cette loi pour que les deux généalogies données par saint Mathieu et saint Luc s’accordent parfaitement.

D’Abraham à David, les deux généalogies contiennent les mêmes noms ; la descendance était directe et naturelle.

Après David, saint Mathieu donne la généalogie par Salomon, et saint Luc par Nathan, tous deux fils de David. Les deux Branches, directe et collatérale, se réunissent dans ia personne de Salathiel et de son fils Zorobabel. Les deux branches représentées, par Abiud et Resa, se réunissent de nouveau dans la personne de Mathan ou Mathat, qui eut deux fils : Jacob et Héli. Ce dernier étant mort sans enfants, Jacob épousa la veuve et eut pour fils Joseph, époux de Marie.

Joseph avait ainsi Jacob pour père naturel, et Héli pour père légal. 11 descendait en ligne naturelle de David, par Jacob son vrai père, et en ligne légale par Héli, son père légal, c’est-à-dire qu’il représentait, d’après la loi.

Par sa double descendance, Joseph était fils de David, et Jésus, passant pour son fils, était, au point de vue légal, comme au point de vue naturel, fils de David.

On peut ajouter que les mariages se contractant généralement chez les Juifs entre les membres de même famille, Marie était, comme Joseph, de la famille de David ; et que, sous ce rapport encore, Jésus, dans son humanité, descendait de David.

On sait que des registres généalogiques existèrent dans toutes les familles juives jusqu’à la ruine de Jérusalem. (V. Josèphe, Cont. Appion., lib. I, § 21 et suiv.) Les tableaux généalogiques étaient même, chez ce peuple, la base de l’organisation sociale et de la propriété.

La famille de David existait encore au troisième siècle de l’ère chrétienne. Jules l’Africain consulta les parents de Jésus sur les deux généalogies évangéliques, et ceux-ci les lui expliquèrent au moyen des deux descendances naturelle et légale comme nous l’avons fait plus haut. (V. Euseb., Hist. eccl., lib. I, § 7; lib. III, § 20.)

Il ne sera pas inutile de donner ici les deux généalogies, en les accompagnant de notes pour répondre aux principales difficultés élevées contre elles par la critique antichrétienne.

 

1 Naasson fut un des censiteurs du peuple d’Israël sous Moïse. Son fils Salmon épousa Rahab, qui sauva les espions de Josué à Jéricho. Entre Naasson et David, il n’y eut que quatre générations pour quatre siècles. Des critiques ont trouvé cela impossible. Est-ce donc un miracle que de voir quatre centenaires dans une famille?

Cette première partie de la généalogie est absolument conforme à l’Ancien Testament. Genèse, XXI, 3; XXV, 26; XXIX, 33;

VIII, 29; Ruth., IV, 18-22; 1er Paralip., II.

GÉNÉALOGIE SELON SAINT MATHIEU.

Isaac.

Jacob.

Judas.

Pharès,

Abraham,

Esron. Aram. Aminadab. Naasson1. Salmon.

Booz.

Obed.

Jessé.

David.

des mages vinrent d’Orient à Jérusalem disant : « Où

Salomon. Joram. Ezéehias.
Roboam. * Manassès.
Abia. * 1 Amon.
Asa. * Josias.
Josaphat. Osias2.

Joathan.

Achaz.

* 3

Jéchonias,

Salathiel.

1 Trois noms manquent ici dans la généalogie, ce sont ceux des trois rois de Juda : Ochosias, Joas, Amazias.

2 Osias est le même que Azarias. (Comp. I, Paralip., III, 11-12, et II, Paralip., XXVI, 1.) Osias n’avait donc pas été engendré directement par Joram, mais par Amazias, arrière-petit-fils de Joram. Si la lacune de trois noms que nous avons signalée devait être attribuée à saint Mathieu, ce que nous ne pensons pas, il aurait pu se servir de l’expression engendrer, car il est habituel, dans la Bible, d’appeler chaque roi de Juda fils de David. Le mot engendré représente la même idée. Mais nous croyons que la lacune ne doit être attribuée qu’aux copistes,, et non à. saint Mathieu lui-même. Nous regardons comme une note marginale, qui aura été mise dans le texte par l’inadvertance des copistes, le verset 17, où l’on divise la généalogie en trois parties, dont chacune aurait quatorze noms. Le verset 18 fait suite évidemment au verset 16, et le 17e est une intercalation. On doit remarquer que, dans cette intercalation, on compte 14 noms pour la deuxième série jusqu’à Jéchonias, quoiqu’il n’y en ait que 13 dans le texte imprimé. Gela prouve que le copiste avait sous les yeux une liste où était le nom de Joakim, dernier roi de Juda, et où les trois autres noms manquaient. Il était, ce nous semble, très-facile de remarquer que le verset 17 n’était qu’une glose de copiste. Des critiques ont préféré amonceler objections sur objections contre saint Mathieu qui n’aurait pas su compter, selon eux, jusqu’au nombre 14. Nous croyons que saint Mathieu connaissait assez l’Ancien Testament pour n’oublier ni trois rois qui y sont mentionnés entre Joram et Osias, ni Joakim, successeur de Josias. Nous croyons aussi qu’un percepteur d’impôts, comme il l’avait été, ne comptait pas 14 au lieu de 13 ou 16.

3 En cet endroit, quelques manuscrits portaient le nom de Joakim, dernier roi de Juda avant la captivité de Babylone. (IV- Reg., XXIII, 34; et II. Paralip.,

VI, 4.)

 

Zorobabel. Sadoc. Mathan.
Abiud. Achim. Jacob.
Eliaeim. Eliud. Joseph.
Azor. Eléazar. Jésus-Christ.
GÉNÉALOGIE SELON SAINT LUC.
Adam. Mathusale. Heber.
Seth. Lamech. Phaleg.
Henos. Noé. Ragaü.
Caïnan. Sem. Sarug.
Malaléel. Arphaxad. Nachor.
Jared. Caïnan. Tharé.
Henoch. Salé.
Abraham. Esron. Booz.
Isaac. Aram. Obed.
Jacob. Aminadab. Jessé.
Judas. Naasson. David.
Pharès. Salmon.
Nathan l. Juda. lier.
Mathata. Ciméon. Elmadan.
Menna. Levi. Cosan.
Melea. Mathat. Addi.
Eliakim. Jorim. Melclii,
Jona. Eliezer. Neri.
Joseph. Jesu. Salathiel 2.

1 Nathan était fils de David aussi-bien que Salomon. Jésus-Christ était fils de David par ces deux branches de la même famille.

Les deux branches se réunissent dans la personne de Salathiel. D’après saint Luc, il était fils de Néri ; d’après saint Mathieu, il l’était de Jéchouias. On a vu là une contradiction. Elle n’existe pas, car Jéchonias a pu épouser la veuve de Néri, son parent, mort sans enfants. Dans ce cas Salathiel a été son (ils, selon la nature, et il était le fils légal de Néri, car les enfants d’une veuve remariée étaient considérés comme, ceux du premier mari mort sans enfants.

Zorohahel1. Maliath. Janné.
Resa 2. Naggé. Melchi,
Joanna. Hesli. Levi.
Juda. Nalium. Mathat3
Joseph. Amos. Héli4
Séméi. Mathathias. Joseph.
Mathathias. Joseph. Jésus

 

 

1 Zorobabel ne fut pas le fils, selon la nature, de Salathiel, mais bien de Phadaïa. (I, Paralip., III; 18-19.)

Il est donné comme le fils de Salathiel, parce que ce dernier mourut sans enfants, et que sa veuve, conformément à la loi, fut épousée par son frère Phadaïa, dont elle eut Zorobabel, qui fut ainsi légalement fils de Salathiel.

2 On objecte que Resa n’est pas nommé parmi les fils de Zorobabel. (I, Paralip., III; 19-20.) On peut demander aux critiques s’ils sont certains que tous les enfants de Zorobabel, sans exception, ont été nommés à l’endroit indiqué ; s’ils sont certains que Resa ne soit pas le second nom d’un de ceux qui y sont nommés ; on a vu plus haut que le roi Ozias était le même que Azarias. Resa ne peut-il pas être le même qu’un des enfants de Zorobabel désigné par un autre nom au premier livre des Paralipomènes ?

3 Les deux branches se réunissent dans la personne de Mathat qui est appelé Mathan dans la généalogie selon saint Mathieu. Eléazar épousa la veuve de son parent Lévi, mort sans enfants ; comme Jéchouias avait épousé la veuve de Néri; ainsi Mathat, fils d’Eléazar, fut reconnu comme fils légal de Lévi. Des critiques, dans le but de trouver des contradictions entre les deux généalogies, ont prétendu qu’il était impossible que, dans l’espace de dix siècles, deux hommes, Jéchonias et Eléazar, aient épousé la veuve d’un de leurs parents mort sans enfants, quoique ces mariages, obligatoires pour des frères, fussent favorisés entre parents par la loi. Ils ne trouvent si facilement des impossibilités dans les choses les plus ordinaires que pour attaquer l’Evangile.

Les mêmes critiques, qui ont trouvé qu’il n’y avait pas assez de générations dans la généalogie de saint Mathieu, pensent qu’il y en a trop dans celle de saint Luc. On voit pourtant chaque jour que, dans telle branche d’une famille, on vit longtemps, tandis que, dans une autre, on meurt jeune. Les critiques en question ne veulent pas qu’il en ait été ainsi dans la famille de David.

4 Mathat eut pour fils Héli, selon saint Luc, et Jacob, selon saint Mathieu ; Mathat eut deux enfants, Jacob et Héli; ce dernier étant mort sans enfants, Jacob épousa sa veuve, conformément à la loi, et. en eut un fils, Joseph, qui eut ainsi Jacob pour père naturel et Héli pour père légal. Les parents de Jésus firent, remarquer à Jules l’Africain que saint Luc ne s’est pas servi comme saint. Mathieu du mot engendrer clans sa généalogie, parce qu’elle ne donnait pas la ligne naturelle, mais la ligne légale.

De cet examen comparatif des deux généalogies, nous sommes en droit de conclure qu’il n’y a entre elles aucune contradiction, et que les objections

 

en Orient et nous sommes venus l’adorer1. » Le roi Hérode l’ayant appris, fut troublé, et toute la ville de Jérusalem partagea son émotion. Hérode assembla les princes des prêtres avec les scribes du peuple, et leur demanda où le Christ devait naître ; ils lui répondirent : « A Bethléem de Juda ; car il est écrit parle Prophète : Et toi, Bethléem, terre de Juda, tu n’es pas inférieure aux principales villes de Juda, car de toi sortira le guide qui conduira mon peuple d’Israël2. » Alors Hérode ayant appelé les mages en secret leur demanda des renseignements sur le temps où l’étoile leur était apparue ; en les envoyant à Bethléem, il leur dit « Allez et informez-vous avec soin de cet enfant, « et quand vous l’aurez trouvé, annoncez-le moi, afin « que j’aille aussi l’adorer. » Après avoir écouté le roi, les mages partirent. L’étoile qu’ils avaient vue en Orient se montra de nouveau, marchant en avant et les guidant jusqu’à la maison où était l’enfant. Elle s’arrêta au-dessus. En la revoyant, ils furent remplis d’une grande joie. Ils trouvèrent dans la maison3 l’enfant

de la critique antichrétienne ne sont fondées que sur des détails minimes qui s’expliquent facilement par l’inadvertance des copistes.

Jésus ne descendait pas de David, du moins en ligne masculine, puisqu’il n’eut pas un homme pour père, même, quant à son humanité. Mais il pissait, comme dit saint Luc, pour fils de Joseph, époux de sa mère ; Joseph devait donc descendre de David, pour que Jésus fût considéré, humainement, comme fils de David. Les deux généalogies prouvent que Joseph descendait de ce roi, en ligne directe, par Salomon, et, en ligne collatérale et légale, par Nathan. Jésus était donc, incontestablement, aux yeux des hommes, fils de David.

 

1 Math. II ; 1 et seq. On appelait mages, en Orient, ceux qui s’occupaient spécialement de science et de philosophie. On connaissait en Orient, la prophétie de Balaam, qui avait dit : « Je connais la doctrine du Très-Haut : une étoile sortira de Jacob; il sortira de Jacob un Dominateur. » (Nom., XXII ; 23.) Les anciens Juifs, Jonathan et Onketos, entendaient d’une véritable étoile la prophétie de Balaam. Les mages vinrent-ils des bords de l’Euphrate ou de l’Arabie? Cette, question a beaucoup occupé les érudits. Saint Justin, originaire de Palestine et si rapproché des Apôtres, dit qu’ils venaient d’Arabie. (Dial. eum Triph. Jud., par. 175.) L’étoile qui apparut aux mages n’était point un astre ordinaire, mais un signe qui pouvait paraître et disparaître et s’arrêter au- dessus d’une maison.

2 Mich.,V ; 2.

3 « Tin oikian », dit saint Mathieu ; Jésus n’était plus dans l’étable (εν τΰ ιράχνη) au moment de l’adoration des mages. Quelques critiques ont prétendu que l’adoration des mages était la même que celle des bergers. Leur but était de mettre saint Mathieu et saint Luc en contradiction. Il est bien évident que les deux faits sont distincts. Or, deux historiens ne se contredisent pas lorsque l’un d’eux raconte un fait et que l’autre en raconte un autre. En rapprochant les deux faits, on possède une narration complète. Saint Luc

 

avec Marie, sa mère, et, se prosternant, ils l’adorèrent ; ouvrant ensuite leurs trésors, ils lui offrirent des présents : de l’or, de l’encens et de la myrrhe.

Pendant leur sommeil, Dieu leur donna avis de ne pas retourner vers Hérode ; c’est pourquoi ils se rendirent dans leur pays par un autre chemin.

Jésus fut circoncis1, selon l’usage mosaïque, huit jours après sa naissance. Selon le même usage, il fut, trente-trois jours après, transporté à Jérusalem pour y être offert au Seigneur. Le même jour, Marie se soumit au rit de la purification légale ; n’étant pas assez riche pour offrir un agneau, elle offrit deux colombes.

Il y avait alors à Jérusalem2 un homme juste et craignant Dieu, nommé Siméon. Le Saint-Esprit était en lui, et, comme tous ceux qui s’appliquaient à l’étude des saintes Ecritures, il attendait le Consolateur d’Israël. Le Saint-Esprit lui avait fait connaître qu’il ne quitterait pas ce monde avant d’avoir vu le Christ. Le même Esprit le conduisit au temple, lorsque Jésus y était présenté ; il le prit entre ses bras, bénit Dieu, et dit : « Maintenant, Seigneur, tu envoies ton serviteur dans la paix, selon ta parole, car mes yeux ont vu Ton Salut, Celui que tu as placé sous le regard de tous les peuples pour éclairer les Gentils et glorifier ton peuple d’Israël. »

Le père et la mère de Jésus étaient dans l’étonnement· en entendant ces paroles qui révélaient un secret dont ils se croyaient seuls confidents. Siméon les bénit et dit à Marie : « Celui-ci a une mission de ruine et de régénération pour un grand nombre en Israël ; il sera comme un drapeau de contradiction ; un glaive percera ton âme, et tout cela aura lieu pour que les plus intimes pensées des cœurs soient manifestées. »

Une pieuse femme, fille de Phanuel, et prophétesse, dit que l’adoration des bergers eut lieu la nuit même où Jésus naquit, et saint Mathieu place l’adoration des mages quelque temps après la naissance : Ton Si Iίσου γεννηθέντο;. Saint Luc n’a pas parlé de l’adoration des mages, parce qu’il avait adopté pour règle de ne rien raconter que d’après le témoignage des hommes apostoliques qu’il avait pu consulter de vive voix, et qu’il n’en avait rien appris au sujet de ce fait.

 

1 Luc., II; 21 -24; — Levit., XII; 4, 6.

2 Luc., Il; 23-38.

 

nommée Anne, se trouva aussi dans le temple au moment où Jésus y fut offert au Seigneur. Eclairée, comme Siméon, sur le caractère divin de l’enfant, elle annonça qu’il était le Messie à tous ceux qui, comme elle, étaient dans l’attente de la rédemption d’Israël.

Joseph, après la présentation, se dirigea vers Bethléem, où il voulait se fixer1 ; mais l’ange du Seigneur lui apparut dans son sommeil et lui dit2 : « Lève-toi, prends l’Enfant et sa mère, fuis en Egypte et restes-y jusqu’à nouvel avis, car Hérode doit rechercher l’Enfant pour le tuer. » Se levant aussitôt, pendant la nuit, Joseph, emmenant l’enfant et sa mère, partitpour l’Egypte, où il resta jusqu’à la mort d’Hérode. Ainsi fut accomplie cette parole du prophète3 : « J’ai appelé mon fils de l’Egypte. »

Hérode, ne voyant pas revenir les mages à Jérusalem, comprit qu’ils l’avaient joué. Il envoya donc des gens à Bethléem et dans les environs pour y tuer tous les enfants qui étaient nés dans ce pays depuis deux ans4. C’était un espace correspondant aux renseignements qu’il avait reçus des mages5. Alors fut accompli cette

 

1 Nous trouvons la preuve de cette intention dans le récit de saint Mathieu, qui dit que Joseph, à son retour d’Egypte, voulait rester en Judée; et qu’il ne se retira à Nazareth que par crainte d’Archélaüs, fils d’Hérode. (Math., II; 22.)

2 Math. II; 13-23.

3 Osée, XI; 2. Celte prophétie se rapporte littéralement au peuple d’Israël; mais ce peuple était une figure du Christ.

4 L’Evangile dit : Depuis l’âge de deux ans et au-dessous. Certains exégètes ont prétendu que deux ans pouvaient s’être écoulés depuis le passage des mages à Jérusalem jusqu’au massacre des Innocents. Les mots et au-dessous interdisent cette interprétation. En effet, Hérode n’aurait pas eu besoin de tuer les enfants nouveau-nés si un espace de temps assez long s’était écoulé entre le passage des mages et le massacre, puisqu’il savait que Jésus n’était pas né postérieurement à ce passage. On ne pourrait comprendre non plus que Hérode eût attendu seulement quelques mois avant de recevoir des nouvelles d’un fait qui l’intéressait à un aussi haut point, et qui se passait si près de Jérusalem. Le massacre fut donc ordonné très-peu de temps après le passage des mages, et comme Hérode ne savait pas au juste à quelle époque était né Jésus, il fit massacrer tous les nouveau-nés en remontant jusqu’à deux ans, afin que Jésus ne lui échappât point.

5 Hérode calcula le temps que les mages avaient mis pour se rendre à Jérusalem et celui de leur voyage à Bethléem; afin de ne pas laisser échapper son prétendu compétiteur, il ajouta encore un certain laps de temps, et calcula qu’il serait nécessairement enveloppé dans le massacre, s’il faisait tuer tous les enfants nés depuis deux ans. Ceci confirme notre opinion que Jésus naquit un an environ avant la mort d’Hérode, c’est-à-dire la quarante-quatrième année julienne. Il ne resta que très-peu de temps en Egypte, puisqu’il en revint la quarante-cinquième année julienne, date de la mort d’Hérode.

 

prophétie de Jérémie : « Une voix a été entendue dans Rama : c’était un cri plaintif et un gémissement, celui de Rachel pleurant ses enfants, et refusant toute consolation parce qu’ils n’étaient plus1. »

Hérode étant mort2, l’ange du Seigneur apparut de nouveau à Joseph, eu Egypte, et, pendant son sommeil, il lui dit : « Lève-toi, et va, avec l’enfant et sa mère, dans la terre d’Israël ; car ceux qui3 en voulaient à la vie de l’Entant sont morts. » Joseph se leva et, avec la mère et l’Enfant, se dirigea vers la terre d’Israël. Son intention était de se fixer en Judée ; mais apprenant qu’Archélaüs y régnait à la place d’Hérode, son père, il craignit d’y rester. Sur un nouvel avis céleste, il se dirigea vers la Galilée et retourna à Nazareth. Ainsi fut accomplie cette prophétie figurative, de Jésus : « Il sera appelé Nazaréen4. »

Jésus reçut ce titre parce qu’il fut élevé dans cette ville5.

La sagesse divine se manifestait en lui, à mesure que son corps se développait, et il était rempli de la grâce de Dieu. Ses parents allaient chaque année à Jérusalem pour la fête de Pâques. Jésus étant âgé de douze ans6, ils s’y rendirent comme d’habitude. Les

 

1 Jérém.,

I, 15. Eusèbe, qui habitait la Palestine, parle de la ville de Rama, près de Bethléem. On trouve encore El-Ram entre Bethléem et Hébron.

2 Hérode mourut environ un an après la naissance de Jésus; donc le séjour en Egypte ne dura pas une année. Quelques semaines suffirent pour le voyage; quelques mois de séjour suffisent pour justifier l’expression évangélique : Ils demeurent en Egypte jusqu’à… etc., etc.

3 Hérode n’était pas seul à désirer la mort de Jésus. Le fils de Hérode, Antipater, et son frère Phéroras, qui voulaient empoisonner Hérode pour s’emparer du trône, devaient la désirer aussi. De ces deux princes, Phéroras mourut quelques mois avant Hérode, et Antipater quelques jours après. (Joseph., Antiquit. Jud., lib. XVII.)

4 Jud., XIII ; 5. II est rapporté au livre des juges que Samson devait être nazaréen de Dieu, c’est-à-dire consacré à Dieu. Samson était une figure du Christ, et son titre de Nazir ou Nazaréen était une figure du titre du Christ qui fut appelé Jésus Nazaréen. Saint Jérôme remarque qu’en cet endroit, saint Mathieu cite l’Ecriture d’après l’hébreu et non d’après les Septante. (De Viris illust., c. III.)

5 Saint Lue, n’ayant point parlé de la fuite en Egypte, fait aller Joseph à Nazareth aussitôt après la Présentation (II; 39), on peut dire de la fuite en Egypte, ce que nous avons observé à propos de l’adoration des mages. Saint Luc n’ayant pas appris la fuite en Egypte des témoins qu’il avait consultés pour écrire son Evangile, l’a passée sous silence, et son récit doit être complété par celui de l’Evangile de saint Mathieu. Les deux Evangélistes se rencontrent de nouveau dans le fait de la demeure de Jésus à Nazareth,

6 Luc, II; 40-52.

 

jours de fête étant passés, ils s’en retournèrent, et l’Enfant Jésus resta à Jérusalem, sans qu’ils s’en fussent aperçus ; ils pensaient qu’il était avec quelqu’un de leurs compagnons de route, et ils marchèrent toute une journée sans se préoccuper de son absence. Cependant, le soir, ils s’en inquiétèrent, le cherchèrent parmi leurs connaissances, et, ne l’ayant pas trouvé, reprirent le chemin de Jérusalem. Le troisième jour, ils le trouvèrent dans le temple au milieu des docteurs, dissertant avec eux avec une telle sagesse que tous étaient dans l’admiration. Joseph et Marie furent étonnés de ce fait qui tranchait avec la vie obscure qu’il avait menée jusqu’alors : « Mon fils, lui dit Marie, pourquoi en avez-vous agi ainsi envers nous? Votre père et moi, nous vous cherchions, plongés dans une grande affliction. — Pourquoi me cherchiez- vous? répondit Jésus. Ne saviez-vous pas que je dois m’occuper des affaires de mon Père? » Il rappelait ainsi à Joseph et à Marie que son véritable Père était Dieu, et qu’il devait s’élever au-dessus des préoccupations de ce monde pour accomplir sa divine mission. Joseph et Marie connaissaient l’origine surnaturelle de Celui qui passait pour leur fils, mais ils n’avaient pas une notion complète de la mission qu’il devait accomplir1. Marie conservait dans son cœur tous les enseignements qu’elle recevait. Jésus revint avec ses parents à Nazareth, et il leur était soumis. A mesure qu’il croissait en âge, la sagesse et la grâce divine se manifestaient davantage en lui, et les hommes eux-mêmes en étaient étonnés.

Jésus habita Nazareth et y mena une vie obscure jusqu’à l’âge de trente ans environ2. On possède un document qui peut nous instruire de ce qu’il faisait alors. Saint Justin, originaire de Palestine, et dont la naissance remonte à l’époque apostolique, nous apprend

 

1 Luc, II; 50-S2.

2 Jésus sortit de sa retraite de Nazareth la quinzième année du règne de Tibère, selon saint Lue. Cette quinzième année répond à la soixante-quinzième année du calendrier Julien. Jésus étant né vers la quarante-quatrième année de celle ère, devait avoir environ trente ans, lorsqu’il fut baptisé par saint Jean-le-Baptiste, comme le dit saint Luc,

 

que Joseph était ouvrier, et que Jésus, ouvrier comme lui, travailla jusqu’à l’âge d’environ trente ans, à fabriquer des instruments de labourage ; qu’il grandissait comme les autres hommes et se nourrissait comme eux1. Pour le reste, nous devons respecter le secret de Dieu. L’imagination ne peut avoir aucune autorité en histoire ; les livres apocryphes n’en ont pas davantage, et les inductions plus ou moins justes, tirées de quelques renseignements généraux puisés dans des livres judaïques, ne présentent aucun caractère sérieux. Lorsque Jésus sortit de l’atelier de Joseph pour commencer sa mission, Tibère était empereur depuis quinze ans ; Ponce-Pilate gouvernait la Judée au nom de ce souverain ; Hérode-Antipas, fils de Hérode-le-Grand, était tétrarque de Galilée ; Philippe, autre fils du même Hérode, et frère d’Àntipas, était tétrarque de l’Iturée et de la Traconite ; Lysanias était tétrarque d’Abylène2 ; Anne et Caïphe exerçaient le souverain pontificat3.

Jean, fils de Zacharie, menait alors la vie solitaire dans le désert. Il s’y était retiré dès son jeune âge, et il y resta jusqu’au jour où il devait remplir la mission pour laquelle Dieu l’avait choisi4. Son vêtement était de poil de chameau ; il avait autour des reins une ceinture de cuir ; les sauterelles et le miel sauvage était sa nourriture, et il ne buvait ni vin ni autre liqueur fermentée5. Les prophètes Isaïe et Malachie6 avaient

 

1 Justin (Bialog. cum Triph. Jud., § 88) : Αύξάνων -/.ατά τα κοινόν των άλλων απάντων ανθρώπων… τρεφόμενος τά; πάσας τροΦας… τοίακοντα ετκ τι πλείονα, « καί ελασσόνα ρείνας… ταϋτα yàp τά τεκτονικά êpyα έιργαζετο έν άνθρωποι; ων, άροτρα και ζυγά.

2 Des critiques ont prétendu qu’un Lysanias, tétrarque d’Abylène, était mort avant la naissance de Jésus-Christ. Le fait est certain, mais ont-ils prouvé qu’un autre Lysanias n’était pas tétrarque du même pays, lorsque Jésus commença sa mission évangélique? Non. Cependant ils se sont hâtés de déclarer que saint Luc avait commis un anachronisme. Ce sont les critiques en question qui ont montré leur ignorance, et il est démontré aujourd’hui qu’un Lysanias, petit-fils du précédent, a été tétrarque d’Abila à l’époque indiquée par saint Luc.

3 Luc, III; 1-12.

4 Luc, I; 80.

5 Math., III; 4; — Mare, I; 6; — Luc, I; 15. Les sauterelles étaient la nourriture des pauvres gens en Palestine.

6 Malach., III; 1. Saint Marc a joint les deux prophéties d’Isaïe et de Malachie, et s’exprime ainsi : « Comme il est écrit dans les prophètes: ev τοϊς

 

ainsi annoncé sa mission : « J’envoie mon messager devant ta face ; il marchera devant toi et te préparera le chemin1. Une voix crie : « Préparez dans le désert « le chemin du Seigneur ; rendez droite dans la plaine, « la route de notre Dieu2 ; que toute vallée soit relevée ; que toute montagne et toute colline soient abaissées ; que les chemins tortueux soient redressés, et les raboteux aplanis ; et alors tout homme « verra le Salut de Dieu. »

Jean, fils de Zacharie, avait pour mission de préparer les esprits et les cœurs à la venue du Messie. C’est pourquoi, il prêcha la pénitence qui purifie les âmes. Bientôt on accourut de Jérusalem et de toute la Judée pour entendre ses instructions, confesser ses péchés et recevoir son baptême3.

Les instructions du précurseur sont ainsi résumées par les Evangélistes : « Faites pénitence, disait-il, car le royaume des cieux approche. »

Le royaume des cieux, dans sa pensée, était le règne de Dieu en ce monde. Ce règne, étant celui de la vérité et de la justice, devait faire de ce monde un lieu semblable au ciel lui-même, et c’était le Messie qui devait lui apporter cette félicité. Pour se préparer à sa venue, il fallait purifier par la pénitence son cœur et son esprit afin de les rendre dignes de recevoir ses instructions. Le mot de royaume des cieux répondait à celui de royaume de Dieu que Jésus-Christ employa pour désigner la Nouvelle Alliance, l’Eglise, qu’il venait établir dans le monde.

Parmi ses auditeurs, Jean remarqua des pharisiens et des sadducéens. Les premiers affectaient un grand zèle pour la pureté légale ; mais les sentiments ne répondaient pas chez eux aux belles apparences dont ηροηθχις. La Vulgate a traduit ce passage d’une manière incorrecte : In lsaia Propheta.

 

1 Malade, III;

2 Isaï. ; XL; 3 ; — Marc., I; 1,3. — Saint Mathieu (111; 3) ne cite d’Isaïe que ces paroles : Une voix, etc. Saint Luc (111 ; 3) cite la suite de la prophétie : Toute vallée, etc. Is. XL; 4, S.

3 Matth., III ; 5-6 ; — Marc, I; 4-5;- Luc, III ; 4-7.

ils se couvraient. Les sadducéens étaient les sophistes de l’époque qui n’admettaient de la religion que ce qui pouvait s’encadrer dans leurs systèmes. Plusieurs, parmi les uns et les autres venaient à Jean pour lui demander hypocritement son baptême1. « Race de vipère, leur disait-il, qui vous a dit que vous échapperiez par là à la colère qui tombera sur vous ? faites un digne fruit de pénitence et ne dites pas en vous- mêmes : Nous avons Abraham pour père ; car, je vous le dis : Dieu peut faire sortir de ces pierres des enfants d’Abraham. La hache est déjà placée au pied de l’arbre. Tout arbre qui ne produit pas de bon fruit sera coupé et jeté au feu. Je vous baptise, il est vrai, dans l’eau en signe de pénitence. Mais CELUI qui viendra après moi est plus puissant que moi et je ne suis pas digne de porter ses chaussures, et même de me baisser pour en délier les courroies. CELUI-LA vous baptisera dans le Saint-Esprit et le feu ; il a déjà le van à la main, il va nettoyer son aire, il placera le grain dans son grenier, mais il brûlera le fétu dans un feu inextinguible2. »

Sous ces figures sombres, Jean annonçait la sentence terrible que Dieu allait prononcer contre les enfants d’Abraham. Ceux-ci se fiaient trop à leur race et se croyaient à l’abri de la colère divine, parce qu’ils étaient le peuple élu. Mais le temps de cette élection exclusive était fini. Tous les peuples étaient appelés, et la race d’Abraham qui refuserait de se fondre dans l’harmonie universelle, serait maudite.

En annonçant le grand événement qui devait transfigurer le monde, Jean ne s’en donnait pas comme l’agent providentiel. Il enseignait que son baptême n’était qu’un moyen de préparation ; qu’un simple signe de purification et de pénitence ; tandis que le Messie donnerait un baptême qui pénétrerait jusqu’à l’esprit, et consumerait, comme le feu, le vice originel de la nature humaine. L’humble précurseur craignait3 qu’on

 

1 Math., III; 7.

2 Math., III; 7-12; – Marc, I ; 7-8 ; — Luc, III; 7-9 et 19-17.

3 Luc, III; 15.

 

ne le prît pour le Christ lui-même ; c’est pourquoi il se rabaissait, en l’annonçant, d’une manière si extraordinaire. Il s’adressait aux pharisiens et aux sadducéens avec une énergie qui était presque de la rudesse, parce qu’il savait que ces sectaires devaient principalement contribuer à aveugler les Israélites, et qu’ils venaient à lui, guidés uniquement par l’hypocrisie. A ceux qui le consultaient avec l’intention de faire le bien, il répondait avec douceur. Le peuple lui demandait avec sincérité : Qu’avons-nous à faire ? » Il répondait : « Que celui qui a deux tuniques en donne une à celui qui n’en a pas ; que celui qui a de quoi manger, fasse de même. »

Ce qui signifie : entre gens du peuple, doit régner la fraternité.

Des hommes riches, des péagers venaient aussi vers Jean pour être baptisés, et lui disaient : « Maître, qu’avons-nous à faire ? » Il leur répondait : « N’en faites pas plus que la loi ne vous prescrit. » La loi est la règle que doit suivre scrupuleusement celui qui est chargé de l’appliquer.

Des militaires lui demandaient aussi ses conseils et lui disaient : « Et nous qu’avons-nous à faire ? » Il leur répondait : « Ne volez personne ; ne faites point de tort ; contentez-vous de votre solde1. »

Alors, le soldat était un instrument de violence et de révolution. Le conseil de Jean allait à la racine du mal. De même qu’il voulait que la loi fût la règle de l’homme public, il enseignait que le soldat ne doit être que le protecteur de l’ordre. Par sa haute et forte doctrine, il attaquait les abus qui avaient fait de la société, sous le paganisme, la victime de l’arbitraire et de la violence.

Jean donnait au peuple beaucoup d’autres instructions2. Il ne craignait point de les adresser au roi lui- même. Hérode-Antipas avait alors répudié sa femme, et vivait en concubinage public avec Hérodiade, épouse

 

1 Luc, III; 10-14.

2 Ibid., 18-20.

 

de son frère Philippe. Il commettait encore beaucoup d’autres crimes. Jean les lui reprochait avec énergie.

Jésus s’était mêlé à la foule qui accourait de toute part, vers Jean, et lui avait demandé à être baptisé1. Jean connaissait Jésus2 ; il était son parent, selon le monde, et il ne pouvait certainement ignorer les vertus et la profonde sagesse qui avaient excité l’admiration de tous ceux qui avaient eu l’occasion d’approcher de lui3. Aussi, lorsqu’il le vit venir à lui, il lui dit : C’est moi qui dois être baptisé par toi, et tu viens à moi ! » Jésus lui répondit : « Permets, pour le moment, qu’il en soit ainsi ; car nous devons accomplir toute justice. »

Jean devait apprendre que le Messie qu’il avait annoncé était venu ; Jésus devait reconnaître la mission divine de Jean au moment où il allait y mettre un terme par sa propre mission. Ainsi toute justice serait accomplie à l’égard l’un de l’autre.

Lorsque Jésus sortait de l’eau, les deux s’ouvrirent ; l’Esprit de Dieu, sous la figure d’une colombe, descendit sur lui, et une voix, du haut des cieux, fit entendre ces paroles : « CELUI-CI est mon Fils bien-aimé, en qui je me suis complu. »

Jean apprit ainsi que son parent Jésus, qu’il ne connaissait jusqu’alors que comme un homme saint, était le Fils de Dieu. En effet, l’Esprit lui avait dit4 : « CELUI sur lequel tu verras l’Esprit descendre et s’arrêter, c’est CELUI qui baptise dans l’Esprit-Saint. » Il ne connaissait pas auparavant Jésus comme Fils de Dieu ; ce mystère lui fut révélé au moment du baptême.

Il eut bientôt occasion de le proclamer, lorsque les Juifs de Jérusalem lui envoyèrent des prêtres et des lévites pour l’interroger sur sa mission. Les prédications du grand solitaire avaient attiré sur lui tous les regards,

 

1 Luc., 21-22 ; — Math., III ; 13-17; — Marc, I; 0-11 ; — Joann., I ; 13-33.

2 C’est ce qui ressort évidemment du récit de saint Mathieu.

3 Luc, II ; 32.

4 Joann., I ; 31-33.

 

et comme on sentait que l’époque était arrivée où le Messie devait paraître, plusieurs pensaient que Jean l’était. Pour lui, il savait que son unique mission était de lui préparer les voies. Depuis qu’il avait baptisé Jésus, il savait que le Messie attendu était arrivé. Il put donc répondre clairement à ceux qui venaient l’interroger1. « Qui es-tu ? » lui dirent-ils. Il répondit aussitôt et sans hésitation : « Je ne suis pas le Christ. — Es-tu Elie ? — Je ne le suis pas. — Es-tu prophète ? Non. — Qui es-tu donc ? dis-le-nous afin que nous puissions transmettre ta réponse à ceux qui nous ont envoyés ? Que dis-tu de toi ? — Je suis cette voix dont parle le prophète Isaïe et qui crie dans le désert : Préparez la route du Seigneur. » Ceux qui avaient été envoyés appartenaient à la secte des pharisiens, qui se donnaient comme les observateurs rigoureux de la loi et ne pouvaient approuver un nouveau rit religieux, tel que le baptême de Jean. Ils lui dirent donc : « Pourquoi baptises-tu, puisque tu n’es ni le Christ, ni Elie, ni prophète ? »

Jean leur apprit alors que son baptême n’était qu’un rit figuratif du vrai baptême qui devrait régénérer le peuple élu. « Mon baptême, dit-il, n’est qu’une simple purification au moyen de l’eau ; mais il y en a un au milieu de vous et que vous ne connaissez pas, qui viendra après moi, et qui pourtant a existé ayant moi je ne suis pas digne de délier les courroies de sa chaussure. »

Jean était à Béthabara au-delà du Jourdain, où il baptisait alors2.

 

1 Luc., I; 19-28.

2 La Vulgate, conformément à plusieurs manuscrits grecs, a mis ici le mot Béthanie au lieu de Béthabara. Béthanie n’était pas sur le bord du Jourdain, et Jean n’y pouvait baptiser ; tandis que Béthabara était une ville située sur le Jourdain, et sur la rive opposée, par rapport à Jérusalem. C’est pourquoi saint Jean se sert de ces expressions : au-delà du Jourdain. Quelques écrivains ont prétendu qu’il y avait deux Béthanie, l’une près de Jérusalem; l’autre au-delà du Jourdain. Cette opinion ne nous paraît pas fondée. Ceux qui l’ont soutenue pensaient que tous les manuscrits grecs portaient Béthanie ; c’est pourquoi ils ont cherché à expliquer ce mot. Mais il est faux que, dans tous les manuscrits grecs, on lise Béthanie, comme l’ont affirmé des critiques qui s’appuyaient sur l’autorité d’Origène. Des savants fort légers ont attribué à Origène la substitution du mot Béthabara à celui de Béthanie, en indi-

Jésus resta quelque temps aux environs de Béthabara après son baptême. Jean le voyant un jour venir vers lui, dit, à ceux qui l’entouraient : « Voici l’Agneau de Dieu ; voici Celui qui purifie le monde de ses péchés. C’est lui que j’avais en vue lorsque je disais : Un homme vient après moi, qui a existé avant moi, car il m’était supérieur. Je ne le connaissais pas comme tel, mais j’ai été envoyé baptiser dans l’eau pour annoncer sa manifestation en Israël. »

Jean dit ensuite comment il avait reconnu Jésus pour le Messie : « J’ai vu, dit-il, l’Esprit descendre du ciel, sous la figure d’une colombe, et se reposer sur lui. Je ne savais pas auparavant qu’il Vit le Messie ; mais CELUI qui m’a envoyé baptiser dans l’eau, me dit : « Celui sur lequel tu verras descendre et s’arrêter l’Esprit, c’est Celui qui baptise dans l’Esprit-Saint. Je l’ai vu, c’est pourquoi j’atteste qu’il est le Fils de Dieu1. »

Ainsi Jean proclamait la divinité de Jésus et son titre de Rédempteur du monde. L’Evangéliste2 résumé le témoignage du Précurseur dans cette pensée profonde : « Nous avons tout reçu de sa plénitude, et particulièrement une grâce qui doit remplacer l’autre grâce qui était la loi donnée par le ministère de Moïse ; la loi nouvelle consiste dans la grâce et la vérité qui ont été données par Jésus-Christ. Jamais personne n’a vu Dieu ; le Fils unique qui est dans le sein du Père nous l’a fait connaître. »

C’est ainsi que, dès l’origine, la révélation nouvelle était comprise par Jean-le-Baptiste comme un témoignage divin donné au monde par le Christ, Dieu et Ré-

 

quant, sans l’avoir lu probablement, le texte que nous citons plus lias. Origène n’a substitué aucun mot et il n’a pas dit qu’on lisait Béthanie dans Ions les manuscrits, mais dans presque tous (Comment. in Joann., t. VI, ij 24) : ayriSàv h πάσ. τοί;άντιγοά«οι; χείται; et il adopte la leçon du petit nombre: Béthabara. Saint Jean Chrysostome (Homil. XVII. In C. 1. Joann.) mentionne les deux leçons que l’on trouve dans les manuscrits, et dit que les meilleurs exemplaires portent « Béthabara : ôt» Si τώ» αντιγράφων άχριβΐστιρον εχιι ε’ν Βη9α6αρα. Saint Epiphane [Ado. Ikvres., lib. 11; 13), parle des deux leçons et adopte Béthabara.

1 Joann., I; 29-34.

2 Ibid., 16-17.

dempteur, dont l’influence bienfaisante est la grâce, dont la parole est vérité.

Un autre jour1, Jean, voyant passer Jésus, dit : « Voici l’Agneau de Dieu. » Deux de ses disciples ayant entendu ces paroles suivirent Jésus qui, s’en étant aperçu, leur dit : « Que demandez-vous ? » Ils répondirent : « Rabbi2, où demeures-tu? — Venez et voyez, leur dit Jésus. » Ils le suivirent, connurent sa demeure, et restèrent avec lui depuis la dixième heure jusqu’à la fin du jour3. André, frère de Simon-Pierre, était un des deux disciples qui avaient entendu les paroles de Jean et qui avaient suivi Jésus4. Ayant rencontré son frère Simon, il lui dit : « Nous avons, trouvé le Messie ; » et il l’amena à Jésus qui, en le voyant, lui dit : « Tu es Simon, fils de Jona ; tu t’appelleras Cephas5. »

Le lendemain, Jésus quitta la Judée et se dirigea vers la Galilée6. Il rencontra Philippe et lui dit : « Suis-moi7. » Philippe était de la ville de Bethsaïda comme André et Pierre. Philippe ayant rencontré Nathanaël, lui dit : « Nous avons trouvé CELUI que Moïse et les prophètes ont prédit : c’est Jésus, fils de Joseph, de Nazareth. « Nathanaël lui répondit : « Quelque chose de bon peut-il venir de Nazareth ? — Viens et vois, » reprit Philippe. Jésus recevant Nathanaël lui dit: « Voilà un vrai Israélite, en qui il n’y a pas d’hypo-

 

1 Joann., I; 35-51.

2 Ce mot signifie : Maître.

3 La journée était divisée en douze heures, de six heures du matin à six heures du soir. La dixième heure répondait ainsi à quatre heures après midi, et les deux disciples restèrent deux heures avec Jésus.

4 Il est probable que l’autre disciple était Jean l’Evangéliste, qui tait son nom par modestie. Ayant été disciple de Jean-le-Baptiste, il sut par lui- même tout ce qu’il a raconté dans son évangile de ce grand personnage.

5 Cephas signifie Pierre. On doit remarquer que Jésus donna ce titre à Simon,’ sans solennité, le premier jour qu’il le vit ; et que l’Evangéliste rapporte ce fait sans y attacher de mystère ni d’importance.

6 Il ne faut pas confondre ce voyage de Béthabara, en Galilée, avec celui que fit Jésus après un nouveau voyage en Judée. Saint Jean mentionne expressément les deux : I, 43, et III, 22; IV, 3. Les autres Evangélistes n’ont mentionné que le second, qui eut lieu après l’emprisonnement de Jean-le-Baptiste.

7 Joann., I ; 43-51.

 

crisie. —Comment me connais-tu? répondit Nathanaël,

— Je t’ai vu, reprit Jésus, sous un figuier, avant que Philippe t’ait parlé. — Rabbi, dit Nathanaël, tu es le Fils de Dieu, tu es le roi d’Israël. » Jésus lui répondit : « Tu crois parce que je t’ai dit t’avoir vu sous un figuier ? Tu verras de plus grandes choses. » Puis, s’adressant à tous ceux qui l’écoutaient, il leur dit : « En vérité, en vérité, vous verrez le ciel ouvert, et les anges de Dieu descendre, remonter, s’arrêter sur le Fils de l’homme. »

Jésus se nommait toujours Fils de l’homme, lorsqu’il parlait le plus clairement de sa divinité, et lorsque, comme Nathanaël, on lui donnait le titre de Fils de Dieu. Le dogme de sa double nature divine et humaine éclate ainsi dès les premières pages de l’Evangile.

Trois jours après cet événement, Jésus se trouvait à Cana, en Galilée1. Il y fut invité à une noce avec sa mère et ses disciples. Le vin ayant manqué pendant le repas, la mère de Jésus lui dit : « Ils n’ont plus de vin.

— Femme, lui dit Jésus, que nous importe à toi et à moi? mon heure n’est pas encore venue. »

Jusqu’alors, en effet, sa mission n’avait pas commencé. Marie, qui connaissait la bonté aussi bien que la puissance de son Fils, ne prit point sa réponse pour un refus ; elle dit aux serviteurs : « Faites ce qu’il vous dira. » Il y avait dans la maison six grandes urnes de pierre qui servaient aux purifications. Elles contenaient, chacune, deux ou trois mesures. Jésus dit aux serviteurs : « Emplissez les urnes d’eau. » Ceux-ci les emplirent jusqu’en haut. Alors Jésus leur dit : « Puisez « maintenant, et portez au chef du festin.« Ils le firent, mais sans avertir de ce qui était arrivé. Lorsque le chef du festin eut goûté l’eau changée en vin, il appela l’époux et lui dit : « Tout le monde sert d’abord le bon vin, et donne le plus mauvais quand les palais sont déjà émoussés ; toi, au contraire, tu as gardé le bon vin jusqu’à ce moment. »

 

1 Joann., II; 1-11

 

Tel fut le premier miracle opéré par Jésus. Ses disciples qui en furent témoins crurent en lui. De Cana, Jésus se rendit à Kapernaüm1 ; sa mère, ses cousins2 et ses disciples l’y suivirent, mais ils n’y séjournèrent que quelques jours. Comme la Pâques était proche, Jésus se rendit à Jérusalem pour y célébrer cette fête.

 

1 Joan., II 12-14.

2 Saint Jean se sert du mot de frères pour les désigner, selon l’usage de l’Orient. Nous ferons plus tard connaître ces personnages.