Années 32 – 33
— Mission des soixante-dix disciples.
— Instructions que Jésus leur donne.
— Ses parents l’engagent à aller à Jérusalem pour la fête des Tabernacles.
— Piège que lui tend un docteur de la loi.
— Il traverse la Samarie et passe par Jéricho.
— Parabole du bon Samaritain.
— Arrivée à Béthanie.
— Marthe et Marie.
— Arrivée à Jérusalem pour la fête des Tabernacles.
— Intrigues des ennemis île Jésus.
— Prédications dans le temple.
— Nicodème défend Jésus dans le Sanhédrin.
— La femme adultère.
— Suite des prédications dans le temple.
— Guérison d’un aveugle-né.
— Suite des prédications dans le temple.
— Jésus se retire à Béthabara.
— Evangélisation du pays au-delà du Jourdain.
— Il monte jusqu’au point intermédiaire entre la Galilée et la Samarie.
— Il annonce à ses Apôtres qu’il va aller directement à Jérusalem, où on le fera souffrir et mourir.
— Il prend la route de Jérusalem et arrive à Jéricho.
— Guérison d’un aveugle.
— Zachée.
— Message de Marthe et de Marie.
— Arrivée à Béthanie.
— Résurrection de Lazare.
— Jésus se retire à Ephrem.
Jésus, de retour en Galilée, choisit soixante-dix de ses disciples qu’il envoya, deux à deux, pour le précéder dans les villes et dans toutes les localités où il devait se rendre lui-même. « La moisson est grande, leur dit-il, mais les ouvriers sont en petit nombre. Priez donc le maître de la moisson d’y envoyer des ouvriers. Allez, voici que je vous envoie comme des agneaux au milieu des loups. Ne portez ni sac, ni bourse, ni chaussures. Vous ne saluerez personne sur votre route. Dans toute maison où vous entrerez, dites d’abord : « Paix à cette maison ! » et, s’il se trouve là un enfant de paix, votre paix reposera sur lui ; s’il n’y en a pas, elle vous reviendra, Demeurez dans la même maison, mangeant et buvant comme ceux qui l’habitent. N’allez pas de maison en maison. Dans toute
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1 Luc. X; 1-43. Quelques manuscrits, suivis pur la Vulgate, disent soixante- douze disciples au lieu de soixante-dix.
ville où vous entrerez, mangez ce que l’on vous offrira ; guérissez les malades qui s’y trouveront, et dites aux habitants : « Le royaume de Dieu s’est approché de « vous. » Dans toute ville où vous entrerez et où l’on ne vous recevra pas, allez sur les places publiques et dites : « Nous secouons sur vous-mêmes la poussière « de votre ville qui s’est attachée à nous ; toutefois, « sachez que le royaume de Dieu s’est approché. » Je vous dis qu’il sera plutôt pardonné à Sodome qu’à cette ville. Malheur à toi, Gorozaïn ! Malheur à toi, Bethsaïda ! car si les miracles opérés chez vous l’eussent été à Tyr et à Sidon, les habitants de ces villes eussent fait pénitence sur la cendre et le cilice. Au jugement, il sera plutôt pardonné à Tyr et à Sidon qu’à vous. Et toi, Kapernaüm, qui t’élèves jusqu’au ciel, tu seras abîmée jusqu’en enfer ! Qui vous écoute, m’écoute; et qui vous méprise, me méprise; or, celui qui me méprise, méprise Celui qui m’a envoyé. » Munis de ces instructions, les soixante-dix disciples parcoururent la Galilée. Ils revinrent tout joyeux disant à Jésus : « Maître, les démons eux-mêmes nous sont soumis lorsque nous leur commandons en ton nom. » Jésus leur répondit : « Je voyais Satan qui tombait du ciel comme la foudre. Voici que je vous ai donné le pouvoir de fouler aux pieds les serpents et les scorpions, et toute puissance de l’Ennemi ; il ne vous nuira pas. Cependant, ne vous réjouissez pas de ce que les Esprits vous sont soumis, mais réjouissez-vous de ce que vos noms sont écrits dans les cieux. »
Satan, personnification du mal, régnait sur le monde. Jésus était venu pour y faire régner Dieu. Sous l’impression de l’Esprit divin, il vit son œuvre se répandre au-delà des bornes étroites du pays de l’Ancienne Alliance, et il s’écria : « Je te rends grâces à toi, Père, Seigneur du ciel et de la terre, de ce que tu as révélé aux petits ce que tu avais caché aux sages et aux prudents ! Père, il en a été ainsi, parce que cela t’a plu. » Puis, Jésus révéla à ses disciples le mystère profond de sa personnalité divine et humaine. « Tout m’a été donné par mon Père ; personne, excepté le Père, ne
sait qui est le Fils ; personne ne sait qui est le Père, excepté le Fils et celui auquel le Fils a voulu le révéler. » Se tournant alors vers ses disciples, il ajouta : « Heureux ceux qui voient ce que vous voyez ! car, je vous le dis, beaucoup de prophètes et de rois ont désiré voir ce que vous voyez, et ne l’ont pas vu ; entendre ce que vous entendez et ne l’ont pas entendu. »
La mission des soixante-dix disciples dura environ six mois. La fête des Tabernacles approchait1 ; les cousins de Jésus, lesquels ne croyaient pas encore en lui, mais songeaient peut-être que sa réputation leur serait utile, lui dirent : « Quitte donc la Galilée et va en Judée, afin que les disciples que tu as en ce pays voient tes oeuvres. On ne doit pas faire de telles choses comme en secret, mais ouvertement. Si tu fais tout ce que l’on dit, mets-toi en évidence. » Jésus leur répondit : « Mon temps n’est pas encore venu. Quant à vous, c’est toujours votre temps ; le monde ne peut vous haïr, mais il me hait, moi, parce que j’atteste que ses œuvres sont mauvaises. Allez donc à cette fête ; je n’y vais pas, parce que mon temps n’est pas encore accompli. »
Il laissa partir ses cousins et resta en Galilée. Mais lorsqu’ils furent partis, il se dirigea lui-même vers Jérusalem, mais comme en secret, c’est-à-dire qu’au lieu de suivre le chemin ordinaire, il suivit la vallée du Jourdain, et se dirigea par la Samarie vers Jéricho.
Pendant 1a route se présenta un docteur de la loi2 qui voulait lui tendre un piège, en lui posant une question captieuse à laquelle il ne pourrait répondre sans se mettre en contradiction avec la loi ou avec lui- même. Il lui proposa donc cette question : « Maître, que dois-je faire pour posséder la vie éternelle ? » Si Jésus répondait : «Observe la loi, » on pouvait lui dire : « A quoi bon ta doctrine? » S’il disait qu’on ne pouvait se sauver en observant la loi, on l’accusait de sédition et de sacrilège. Les ennemis de Jésus s’obstinaient à ne pas comprendre qu’il ne venait pas détruire ce qui.
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1 Jean, VII; 2-10. 2 Luc, X; 25-31
dans l’Ancienne Alliance, était révélé de Dieu, mais accomplir ce que cette Alliance avait de figuratif et de prophétique. Jésus échappa sans peine au piège qui lui était tendu, en donnant comme moyen de salut la pratique des vertus obligatoires sous l’Ancienne comme sous la Nouvelle Alliance. Il répondit : « Qu’y a-t-il d’écrit dans la loi, qu’y lis-tu ? — J’y lis ceci, repartit le docteur : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout « ton cœur, de toute ton âme, de toutes tes forces, de « tout ton esprit, et ton prochain comme toi-même1. » — Tu as bien répondu, lui dit Jésus ; fais cela et tu vivras. » Le docteur était confondu, mais il voulut faire croire qu’il était de bonne foi, et dit à Jésus : « Mais qui est mon prochain ? » — Jésus lui proposa cette parabole : « Un homme descendait de Jérusalem vers Jéricho ; il tomba entre les mains des voleurs, « qui le dépouillèrent, l’accablèrent de coups et le laissèrent à demi mort. Un prêtre descendait par le même chemin ; l’ayant vu, il passa outre ; un lévite qui se trouvait près de là fit de même : il l’aperçut et passa outre. Un samaritain qui suivait la même route s’approcha de lui, et, en le voyant, en eut pitié. Il banda ses blessures ; après y avoir mis de l’huile et « du vin, il le mit sur sa monture, le conduisit à l’hôtellerie, et prit soin de lui. Le lendemain, il donna deux deniers au maître de l’hôtellerie, et lui dit : « Prends « soin de lui, et tout ce que tu dépenseras de plus, je « te le rendrai à mon retour. » De ces trois hommes, quel a été, selon toi, le prochain de celui qui était tombé entre les mains des voleurs ? Le docteur répondit : « Celui qui a eu pitié de lui. — Va, dit Jésus, et fais de même. »
Jésus était en Samarie et probablement près de Jéricho lorsqu’il proposa cette parabole au docteur de la loi ; il voulait lui faire comprendre que ce pays, si méprisé des Juifs, était plus agréable aux yeux de Dieu que la caste orgueilleuse des prêtres et des lévites, infidèles à leur mission.
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1 Deuter;, VI ; 5.
De Jéricho, il se dirigea vers Béthanie1, village peu éloigné de Jérusalem, où il avait déjà séjourné, et vint habiter la maison de Marie, l’ancienne pécheresse devenue son amie. Marthe, sœur de Marie, le reçut avec empressement. Mais, pendant qu’elle s’occupait du service de la maison, Marie, assise aux pieds du Maître, écoutait ses enseignements. Marthe, s’approchant de Jésus, lui dit : « Maître, tu n’as pas souci de ce que ma sœur me laisse seule m’occuper du service ? dis-lui donc qu’elle m’aide. —Marthe, Marthe, répondit le Maître, tu es bien empressée, et tu te tourmentes pour beaucoup de choses. Une seule cependant est nécessaire ; Marie a choisi la meilleure part, elle ne lui sera point enlevée. »
Les Juifs2 qui étaient venus à Jérusalem pour la fête des Tabernacles cherchaient Jésus et se demandaient les uns aux autres : « Où est-il ? » et dans la foule on s’entretenait beaucoup de lui. Les uns disaient : « C’est un homme de bien ; » les autres répondaient : « Non, c’est un séducteur du peuple. » Personne cependant ne parlait trop ouvertement, par crainte des Juifs. La fête était déjà à moitié terminée lorsque Jésus parut dans le temple, où il se mit à enseigner. Etonnés de ses discours, les Juifs disaient : « Comment se fait-il qu’il soit savant, puisqu’il n’a point étudié ? » « Ma doctrine n’est pas de moi, leur répondait Jésus, c’est la doctrine de Celui qui m’a envoyé. Si vous voulez le savoir, faites la volonté de Dieu. Mais vous n’observez pas seulement la loi que Moïse vous a donnée. En effet, pourquoi cherchez-vous à me tuer ? » Du sein de la foule on lui répondait : « Tu es possédé du démon ; qui veut te tuer? —Vous voulez me tuer, parce que j’ai guéri un homme le jour du sabbat. N’opérez-vous pas la circoncision le jour du sabbat pour observer à la lettre la loi de Moïse ? Ne jugez donc pas d’après les apparences, mais avec justice. » Quelques habitants de Jérusalem se demandaient : « N’est-ce pas là Celui qu’ils veulent
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1 Luc, X; 38-43.
2 Jean, VII; 11-53,
tuer ? Et le voici qui parle ouvertement, et ils ne lui disent rien. Est-ce que nos chefs ont reconnu qu’il est le Christ ? Mais nous savons d’où est Celui-ci ; tandis que, à l’avènement du Christ, on ne saura d’où il viendra, – Vous croyez savoir d’où je viens, disait Jésus, cependant je viens de Celui que vous ne connaissez pas. » Ses ennemis auraient voulu le saisir ; cependant personne ne le toucha, car son heure n’était pas encore venue. Plusieurs crurent en lui, à cause de ses miracles. « Quand le Christ viendra, disaient – ils, fera-t-il plus de miracles que celui-ci? » Les pharisiens et les chefs des prêtres, entendant la foule parler ainsi, envoyèrent des gens pour saisir Jésus, qui leur dit : « Je n’ai plus que peu de temps à rester avec vous, je m’en irai ensuite dans un endroit où vous ne pourrez me poursuivre. — Où ira-t-il donc? se demandaient ses ennemis; ira-t-il chez les gentils pour les instruire? Que signifient ces paroles : « Vous me chercherez et vous ne me trouverez pas ? »
Le dernier jour de la fête, qui était le plus solennel, Jésus appela à lui ceux qui avaient soif de la justice et de cet Esprit de Dieu qu’il devait envoyer au monde après sa glorification. Ceux qui l’entendaient admiraient ses discours et disaient : « C’est vraiment un prophète ; » d’autres disaient : « C’est le Christ. » Mais les doctes reprenaient : « Est-ce que le Christ viendra de Galilée ? L’Ecriture ne dit-elle pas qu’il sera de la race de David et qu’il viendra de Bethléem, ville de David? » Tandis que les uns discutaient, les envoyés des chefs et des pharisiens épiaient l’occasion de le saisir ; mais ils n’osèrent et retournèrent vers ceux qui les avaient envoyés. « Pourquoi ne l’amenez-vous pas, leur dit-on? — Jamais, répondirent-ils, nous n’avons entendu d’homme parler comme Celui-là. — Vous êtes donc aussi séduits ? Voyez-vous si un seul des chefs et des pharisiens croit en lui? Il n’a d’adeptes que dans une multitude ignare et maudite. »
Là se trouvait Nicodème, qui était venu à Jésus pendant la nuit ; il dit : « Est-ce que notre loi juge un homme avant qu’il soit interrogé et que l’on ait connu
ce qu’il a fait ? — Tu es donc aussi Galiléen ? lui demandèrent ses confrères. Approfondis les Ecritures et vois si jamais un prophète doit venir de Galilée. »
Le soir, Jésus se retira au mont des Oliviers, et, dès le matin, il revint au temple1. Les scribes et les pharisiens accoururent bientôt pour lui tendre un piège, ils lui amenèrent une femme surprise en adultère, la placèrent devant lui et lui dirent : « Maître, cette femme vient d’être surprise en adultère. Dans la loi de Moïse, il nous est ordonné de la lapider. Qu’en dis-tu? » Ils savaient que Jésus avait pitié des pécheurs et qu’il ne voudrait pas que la femme coupable fût lapidée ; mais, s’il donnait une décision opposée à la loi de Moïse, ils trouveraient là une occasion de l’accuser. Au lieu de leur répondre, Jésus se baissa et écrivit sur la terre avec son doigt. Gomme ses ennemis continuaient à l’interroger, il se releva et dit : « Que celui d’entre vous qui est sans péché lui jette la première pierre. » Et se baissant de nouveau, il continua à écrire.
On peut croire que Jésus écrivait les fautes les plus secrètes des accusateurs de la femme. Peu flattés de ces révélations, ils se retirèrent sans bruit les uns après les autres, à commencer par les Anciens qui n’étaient pas les moins coupables. Jésus resta seul avec la femme, qui était immobile où on l’avait placée. Jésus se relevant :« Femme, lui dit-il où sont tes accusateurs? Est-ce que personne ne t’a condamnée? — Maître, répondit-elle, personne ne m’a condamnée. — Eh bien, reprit Jésus, je ne te condamnerai pas non plus ; va, et, à l’avenir, ne pèche plus. »
Des pharisiens s’approchèrent de lui : « Je suis, leur dit-il, la lumière du monde ; celui qui me suit ne marche pas dans les ténèbres, mais il aura la lumière de vie. — Puisque tu te rends témoignage à toi-même, dirent les pharisiens, ton témoignage n’est pas vrai. — Mon témoignage est vrai, reprit Jésus, quoique je me le rende à moi-même, car je sais d’où je viens et où je vais ; mais vous, vous l’ignorez; vous jugez les choses
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1 Jean, VIII ; 1-59.
d’une manière charnelle. Pour moi, je ne juge personne de cette manière. Lorsque je juge, ma sentence est vraie, parce que je la rends de concert avec le Père, qui m’a envoyé. D’après votre loi, vous acceptez comme vrai le témoignage de deux témoins. J’ai deux témoins en ma faveur : le mien et celui du Père, qui m’a envoyé. — Où est ton Père? demandaient les pharisiens. — Je ne puis vous le dire, puisque vous ne voulez connaître ni mon Père ni moi; si vous me connaissiez, vous connaîtriez aussi mon Père. »
Jésus parlait ainsi dans la partie du temple appelée Gazophylacium1 et personne ne le saisit, car son heure n’était pas encore venue.
Il enseigna ouvertement qu’il était le Fils de Dieu, et un grand nombre de ceux qui l’écoutaient crurent en lui. Il les engagea à persévérer dans la vérité, qui serait pour eux un principe de liberté. Des Juifs, en entendant ces paroles, s’écrièrent : « Nous n’avons jamais été esclaves, ne sommes-nous pas les enfants d’Abraham? — Je le sais, reprit Jésus, vous êtes les enfants d’Abraham, mais vous faites le mal, et celui qui fait le mal en est l’esclave. N’avez-vous pas la pensée de me donner la mort? C’est un crime que vous inspire votre père. — Notre père, c’est Abraham, s’écriaient les Juifs. — Si vous êtes les enfants d’Abraham, répondait Jésus, agissez comme Abraham ; or, maintenant, vous cherchez à me tuer, moi qui vous dis la vérité que j’ai apprise de Dieu. Abraham n’agit pas ainsi ; mais vous faites les œuvres de votre père, qui est Satan. — C’est Dieu qui est notre Père, disaient les Juifs. — Si Dieu était votre Père, répondait Jésus, vous m’aimeriez, car je suis venu de Dieu, c’est Dieu qui m’a envoyé. Mais votre père est Satan, qui fut, dès le commencement, homicide et ennemi de la vérité ; vous l’imitez. C’est pourquoi vous ne me croyez pas lorsque je vous dis la vérité. Qui de vous pourrait me convaincre de péché ? Pourquoi donc ne me croyez-
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1 Salle du trésor, où l’on avait mis des troncs pour les aumônes. Ces troncs étaient au nombre de treize, selon l’historien Josèphe. (De Bell. Judaic., lib.V.)
vous pas lorsque je vous dis la vérité? C’est que vous n’êtes pas de Dieu, car celui qui est de Dieu écoute les paroles de Dieu. —Ce que tu dis là, reprirent les Juifs, prouve que tu es un Samaritain, un possédé du démon. — Cela prouve, reprit Jésus, que j’honore mon Père ; c’est pour sa gloire que je parle ainsi et non pour la mienne, que je remets entre ses mains. J’annonce sa parole, et celui qui la gardera ne mourra jamais. — Voilà bien ce qui prouve, reprirent les Juifs, que tu es un possédé du démon. Abraham est mort, les prophètes aussi, et tu dis : « Celui qui gardera ma parole ne mourra « pas. » Es-tu plus grand que notre père Abraham qui est mort, que les prophètes qui sont morts? Qui prétends-tu être? — Ce que je vais vous dire, reprit Jésus, n’est pas pour me glorifier, mais pour glorifier mon Père, que vous dites être votre Dieu. Vous ne le connaissez pas ; pour moi, je le connais, et si je disais que je ne le connais pas, je serais menteur comme vous ; mais je le connais et j’annonce sa parole avec vérité. C’est en son nom que je vous dis : Abraham votre père a désiré ardemment voir le jour de mon avènement; il l’a vu, et il s’en est réjoui. — Quoi ! s’écrièrent les Juifs, tu n’as pas cinquante ans et tu as vu Abraham1 ! — En vérité, en vérité, reprit Jésus, JE SUIS avant qu’Abraham fût né. » En entendant Jésus s’identifier avec CELUI QUI EST, les Juifs coururent chercher des pierres pour le lapider, mais Jésus se cacha et sortit du temple.
Il aperçut, en passant2, un homme aveugle de naissance. Ses disciples lui dirent: « Maître, qui a péché, lui ou ses parents, pour qu’il soit ainsi né aveugle?— Ni lui ni ses parents n’ont péché, répondit Jésus. S’il est né aveugle, c’était pour que l’œuvre de Dieu se manifestât en lui. Pendant qu’il fait encore jour, il faut que je fasse l’œuvre de Celui qui m’a envoyé ; la nuit vient, pendant laquelle on ne peut rien faire. Tant que je serai dans le monde, je suis la lumière du
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1 Cette expression a ce sens général : que Jésus n’était pas arrivé à l’âge à homme accompli. Cet âge était celui de cinquante ans, selon les Juifs.
2 Jean, IX; 1-41.
monde. » Après avoir ainsi parlé, il cracha à terre, et fît avec sa salive de la boue qu’il mit sur les yeux de l’aveugle. « Va, lui dit-il ensuite, et lave-toi les yeux dans la piscine de Siloë. » L’aveugle y alla, s’y lava les yeux, et revint guéri de sa cécité. Ses voisins et tous ceux qui l’avaient vu mendier se demandaient : « N’est-ce pas lui qui était assis auprès du temple pour mendier? » Les uns répondaient : « C’est bien lui.» D’autres disaient : « C’est un homme qui lui ressemble.» Mais lui répondait : « C’est bien moi. » — Comment tes yeux se sont-ils ouverts? » lui demandait-on. Il répondit : « Cet homme que l’on appelle Jésus a fait de la boue, m’en a mis sur les yeux et m’a dit : « Va à la piscine de Siloë et « lave-toi. » J’y suis allé, je me suis lavé et je vois. — Où est cet homme? dirent-ils.—Je ne sais, » répondit-il ; et on l’amena aux pharisiens. Or, c’était un jour de sabbat que Jésus avait fait de la boue et guéri l’aveugle. Les pharisiens lui demandèrent de nouveau comment il avait été guéri ; il fit la même réponse : « Il a fait de la boue, je me suis lavé et je vois. —Cet homme n’est pas de Dieu, observaient gravement les pharisiens, puisqu’il n’observe pas le sabbat.» Mais on leur répondait : « Comment un pécheur pourrait-il faire de tels miracles? » Ils discutaient entre eux à ce sujet. S’adressant à l’aveugle guéri : « Que penses-tu, lui dirent-ils, de celui qui t’a ouvert les veux? — C’est un prophète, » répondit-il. Les pharisiens ne voulurent pas croire qu’il eût été aveugle- né, jusqu’à ce qu’ils eussent interrogé ses parents. « Est-ce bien là, leur demandèrent-ils, votre fils que vous dites être né aveugle ? Comment voit-il maintenant ? — Nous savons, répondirent-ils, que c’est là notre fils, et qu’il est né aveugle. Comment voit-il maintenant, et qui lui a ouvert les yeux ? nous l’ignorons. Il est assez âgé pour répondre lui-même ; interrogez-le. » Les parents répondirent ainsi, parce que l’on avait décidé que si quelqu’un reconnaissait Jésus pour le Christ, il serait chassé de la synagogue. Ils mandèrent de nouveau l’aveugle guéri et lui dirent : « Donne gloire à Dieu ; nous savons que cet homme est un pécheur. — Je ne sais, répondit-il, s’il est pécheur ; ce
que je sais, c’est que j’étais aveugle et que je vois. — Mais comment t’a-t-il ouvert les yeux ? — Je vous l’ai déjà dit et vous l’avez bien entendu ; pourquoi vouloir l’entendre encore ? Voulez-vous devenir aussi ses disciples ? » A ces mots, ils l’accablèrent de malédictions : « Sois toi-même son disciple, s’écrièrent-ils nous sommes, nous, disciples de Moïse ; nous savons que Dieu a parlé à Moïse ; quant à cet homme, nous ne savons d’où il vient. — Il est bien étonnant, répliqua l’aveugle guéri, que vous ne sachiez pas d’où il vient et qu’il m’ait ouvert les yeux ; nous savons, nous, que Dieu n’exauce pas les pécheurs, et qu’il n’écoute que ceux qui le servent et font sa volonté ; s’il n’était pas de Dieu, il ne pourrait faire aucun miracle. — Tu n’es que péché depuis ta naissance, s’écrièrent les pharisiens, et tu prétends nous instruire ! » et ils le chassèrent dehors.
Jésus, l’ayant rencontré, lui dit : « Crois-tu au Fils de Dieu ? — Maître, répondit-il, dis-moi qui l’est, afin que je croie en lui. — Tu le vois, reprit Jésus, c’est Celui qui te parle. » L’aveugle guéri répondit : « Maître, je crois. » Il se prosterna à ses pieds et l’adora. Jésus ajouta : « Je suis venu, en ce monde pour attester que ceux qui ne voient pas sont éclairés, et que ceux qui voient sont aveugles. » — Quelques pharisiens, ayant entendu ces paroles, lui dirent : « Nous sommes donc des aveugles ? — Non, répondit Jésus ; si vous étiez aveugles, vous ne seriez pas coupables ; mais, puisque vous prétendez voir clair, vous êtes coupables. »
Quand l’ignorance est involontaire, elle excuse du péché ; la science mal dirigée est une source de fautes.
Jésus continua ses instructions dans le temple1. Il se représentait comme la porte par laquelle les brebis entrent dans la bergerie de Dieu ; comme le bon pasteur qui donne sa vie pour ses brebis, bien différent du mercenaire qui les abandonne à la dent rapace du loup. Le mercenaire, c’était le prêtre juif ; les brebis du Seigneur étaient les fidèles qui entendaient la voix du vrai pas-
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1 Jean, X; 1-42.
teur. Outre les brebis d’Israël, le bon pasteur en avait d’autres pour lesquelles il donnerait bientôt sa vie, et qui, avec celles d’Israël, formeraient un seul troupeau et un seul pasteur.
On écoutait ces discours avec des sentiments bien différents. Les uns disaient : « C’est un fou et un possédé du démon ; à quoi bon l’écouter davantage ? D’autres disaient : « Un possédé ne parle pas ainsi, et le démon peut-il ouvrir les yeux d’un aveugle-né ? »
Jésus était resté à Jérusalem depuis la fête des Tabernacles jusqu’à la Dédicace, qui avait lieu en hiver1. Ce jour-là, il se trouvait dans le portique de Salomon ; des Juifs l’entourèrent et lui dirent : « Jusques à quand nous tiendras-tu dans l’embarras ? Si tu es le Christ, dis-le ouvertement. — Je vous le dis, répondit Jésus, et vous ne me croyez pas ; les œuvres que je fais rendent témoignage de moi, et vous n’y croyez pas. Il en est ainsi, parce que vous n’êtes pas de mes brebis ; mes brebis écoutent ma voix ; je les connais et elles me suivent ; je leur donne la vie éternelle ; elles ne périront jamais, et personne ne, me les arrachera des mains. Mon Père, qui me les a données, est plus fort que tous, et personne ne pourra les lui arracher ; or, moi et le Père, nous sommes un. »
A ces mots, les Juifs saisirent des pierres pour le lapider. Jésus leur dit : « J’ai fait devant vous plusieurs œuvres de la part de mon Père ; pour laquelle voulez- vous me lapider ? — Ce n’est pas pour une bonne œuvre que nous voulons te lapider, mais pour le blasphème que tu prononces en te faisant Dieu, quand tu n’es qu’un homme. — N’est-il pas écrit dans votre loi : « Je l’ai dit, vous êtes des dieux. » Si l’on appelle dieux ceux qui ont reçu la parole de Dieu, et si vous devez
1 Il y avait plusieurs fêtes de Dédicace en souvenir du temple de Salomon, de celui de Zorobabel et de la Dédicace de l’autel de Judas Macchabée. Cette dernière avait lieu au mois de Casleu, correspondant à novembre-décembre. D’anniversaire de la Dédicace du temple de Salomon avait lieu le septième mois ; l’anniversaire de la Dédicace du temple de Zorobabel avait lieu au mois Adar, correspondant à février-mars. Nous pensons que saint Jean a voulu parler de l’anniversaire de la Dédicace de l’autel de Judas Macchabée.
observer votre loi, comment pouvez-vous trouver que je blasphème en me disant Fils de Dieu, moi que le Père a sanctifié et qu’il a envoyé dans le monde? Si je ne fais pas les œuvres de mon Père, ne me croyez pas ; mais dès que je les fais, si vous ne voulez pas me croire, croyez du moins à ces œuvres, et comprenez que le Père est en moi et moi dans le Père. »
Au lieu de se rendre à ces raisonnements divins, les Juifs essayèrent de saisir Jésus ; mais il leur échappa et s’en alla au-delà du Jourdain, où Jean avait baptisé pour la première fois, c’est-à-dire à Bethabara ; on y accourut pour le voir, et beaucoup disaient : « Jean n’a fait aucun miracle, mais tout ce qu’il a dit de Jésus est vrai, » et ils crurent en lui.
Un jour qu’il priait1, après qu’il eut terminé sa prière, un de ses disciples lui dit : « Maître, apprends- nous. à prier, comme Jean l’avait appris à ses disciples. » Jésus lui répondit : « Lorsque vous priez, dites : « Père, que ton nom soit sanctifié ! que ton règne arrive ! donne-nous aujourd’hui le pain dont nous avons besoin chaque jour ! pardonne-nous nos péchés, puisque nous remettons à quiconque nous doit, et ne nous expose pas à la tentation2 ! »
Puis Jésus exposa à ses disciples qu’ils devaient s’adresser à Dieu avec instance, et avec la certitude qu’il exaucerait toujours leurs demandes légitimes, pour leur bien.
Ses ennemis l’avaient suivi au-delà du Jourdain et s’étaient mêlés à ses disciples. Ayant guéri un homme que le démon rendait muet, ses ennemis dirent : « C’est par Béelzebud, prince des démons, qu’il chasse les démons. » D’autres ne voulaient pas croire aux miracles qui avaient lieu sur la terre, et lui demandaient d’en faire un dans le ciel. Jésus daigna leur expliquer
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1 Luc, XI ; 1-54.
2 Saint Mathieu (VI ; 9-13) a donné cette prière d’une manière plus complète. Voici son texte : « Notre Père qui es dans les deux, que ton nom soit sanctifié ! que ton règne arrive ! que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel : Donne-nous aujourd’hui le pain de chaque jour, et pardonne-nous nos offenses, comme nous remettons à ceux qui nous doivent; et ne nous expose pas à la tentation, mais delivre-nous du Méchant. Amen.»
que, s’il chassait les démons par Béelzebud, l’empire de Satan était donc divisé et que Béelzebud détruisait lui-même son empire. Mais il n’en est pas ainsi, continua Jésus. Satan dominait sur le monde ; je suis venu avec une puissance supérieure à la sienne et je l’ai vaincu, mais il en est qui ne Veulent pas recueillir avec moi le fruit de la victoire. Chez eux, Satan exerce son empire avec d’autant plus de violence qu’il en avait été chassé.
Les docteurs ne voulaient pas comprendre, mais une humble femme s’écria, dans son admiration : « Bienheureux le ventre qui t’a porté et les mamelles qui t’ont nourri ! — Heureux aussi, répondit Jésus, ceux qui entendent la parole de Dieu et l’observent! »
Une foule immense l’entourait, mais ses dispositions n’étaient pas celles qui font les élus, aussi s’écria-t-il : « Cette race est méchante, elle demande un miracle et il ne lui en sera pas donné d’autre que celui du prophète Jonas. De même que Jonas a été un signe contre les gens de Ninive, ainsi le Fils de l’homme le sera contre cette race h La reine du Midi2 se lèvera pour accuser les hommes de cette race, et les condamnera, parce qu’elle est venue des confins du continent pour entendre la sagesse de Salomon ; et ici il y a plus que Salomon. Les hommes de Ninive se lèveront pour accuser cette race et la condamneront, car ils ont fait pénitence à la voix de Jonas, et ici il y a plus que Jonas. »
« Mais, ajouta Jésus, cette race est mauvaise, parce qu’elle ne veut pas voir la lumière ; elle la possède dans la loi, mais elle la cache ; ses intentions sont mauvaises, sa lumière est éteinte, et elle est dans les ténèbres. »
Un pharisien, plus hypocrite encore que l’es autres, l’invita à manger chez lui. Jésus y consentit et ne crut pas devoir s’astreindre aux ablutions qui étaient en
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1 Saint Mathieu ajoute que, de même que Jonas est resté trois jours dans le ventre d’un poisson, de même le Fils de l’Homme restera trois jours dans le sein de la terre, et que c’est ainsi qu’il sera un signe contre la race judaïque. (Math., XII; 40.)
2 La reine de Saba, qui vint du fond de l’Arabie pour visiter Salomon. (Reg., X; I ; II; — Paralip., IX; I.)
usage avant le repas et auxquelles les pharisiens attachaient une importance superstitieuse. Le pharisien en était scandalisé. Jésus qui voyait ses sentiments, lui dit : « Vous autres pharisiens, vous purifiez le bord du plat et de-la coupe, et ce qui est au dedans de vous n’est que rapine et iniquité. Insensés ! celui qui a fait le bord n’a-t-il pas fait le reste? Vous dites : donnez l’aumône de votre superflu, et voici que tout est pur. Mais, malheur à vous, pharisiens, qui donnez la dîme de la menthe, de la rue et de tous les légumes, et qui passez par-dessus la justice et l’amour de Dieu ! De ces choses, il fallait faire les unes et ne pas omettre les autres. Malheur à vous, pharisiens, qui aimez les premières places dans les synagogues et les salutations sur la place publique ! Malheur à vous qui ressemblez à des sépulcres enfouis et sur lesquels on passe sans les voir ! » Ces sépulcres abandonnés étaient remplis d’ordures, puisque personne n’en prenait soin.
Un docteur de la loi, interrompant ces malédictions, dit à Jésus : « Maître, en parlant ainsi tu nous outrages. — Malheur aussi à vous, docteurs de la loi, continua Jésus, parce que vous imposez aux autres des fardeaux qu’il leur est impossible de porter, tandis que vous, vous ne les touchez pas du bout du doigt ! Malheur à vous qui élevez des monuments aux prophètes que vos pères ont tués ! vous attestez ainsi que vous approuvez les œuvres de vos pères, puisque ceux-là les ont tués et que vous construisez leurs tombeaux. C’est pour cela que la sagesse de Dieu a dit : « Je leur enverrai des prophètes et des Apôtres et ils tueront les uns et persécuteront les autres, afin qu’on demande compte à cette race du sang de tous les prophètes qui a été répandu depuis le commencement du monde, à commencer par le sang d’Abel jusqu’à celui de Zacharie1, qui fut tué entre l’autel et le parvis. » Je vous le dis : Cette race devra rendre compte de ce sang. Malheur à vous,
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1 On lit dans l’Evangile de saint Mathieu (XXIII; 35) : « Zacharie, fils de Barachie. » Ce dernier mot est une erreur de copiste. Saint Jérôme a lu dans le texte hébraïque : Zacharie, fils de Joiada. C’est la vraie leçon. (V. II Paralip., XXVI ; 20-22.)
docteurs de la loi qui portez la clef de la science, mais qui n’y entrez pas et qui empêchez les autres d’y entrer. »
Les pharisiens et les docteurs de la loi faisaient de grands efforts pour l’arrêter et lui fermer la bouche ; ils lui tendaient des pièges afin de lui arracher des paroles qui auraient fourni l’occasion de l’accuser.
Mais la sagesse divine déjouait leur perfidie. La foule de ceux qui cherchaient à entendre Jésus grossissait à tel point qu’ils marchaient les uns sur les autres1. Jésus, s’adressant à ses disciples, leur dit qu’ils devaient prendre leurs précautions contre le levain pharisaïque qui était l’hypocrisie ; mais qu’ils ne devaient pas les craindre, parce que Dieu prendrait soin d’eux. « Montrez-vous courageusement disciples du Fils de l’homme, ajoutait-il, afin de mériter qu’il vous reconnaisse pour siens devant les anges de Dieu. Cependant, ne prenez pas pour un crime irrémissible quelques paroles contre le Fils de l’Homme, car elles peuvent être inspirées par l’ignorance et être excusées ; il n’y a de crime irrémissible que le blasphème contre le Saint-Esprit. » C’était le péché des pharisiens et des docteurs de la loi qui, connaissant la vérité, et ayant approfondi les Ecritures, mentaient à leur propre conscience, en ne proclamant pas Jésus le Christ Fils de Dieu, en disant, au contraire, qu’il était possédé du démon2. Un tel blasphème, né d’un aveuglement volontaire, rendait impossible l’entrée dans le royaume de Dieu, et ainsi ne pouvait être remis ni en ce monde ni en l’autre3. Quant aux disciples4 qui, dans la rectitude de leur conscience, confessaient la vérité, l’Esprit de Dieu s’était tellement uni à eux que, lorsqu’ils seraient traînés dans les synagogues et devant les tribunaux par les
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1 Luc, XII; 1-10.
2 Marc, XI ; 28.
3 Math., XII; 31.
4 Luc, XII; 11-12.
ennemis de la vérité, cet Esprit leur inspirerait ce qu’ils devaient répondre.
Un homme de la fouie l’ayant prié d’engager son frère à partager un héritage avec lui, Jésus lui répondit1 : « Homme, qui m’a constitué juge ou arbitre entre vous ? » Il ne s’attribuait aucun pouvoir sur les choses de ce monde, et il prit occasion de cet héritage pour enseigner le détachement des richesses et la confiance liliale en la providence de Dieu, qui nourrit les oiseaux, revêt les fleurs d’une riche parure, et prendra plus de soin encore des hommes qui se confieront en sa bonté.
Jésus ne condamnait pas le travail et la préoccupation d’assurer son existence par un gain légitime, mais il ne voulait pas que l’homme poussât cette préoccupation jusqu’à oublier la providence divine, et à faire de l’argent le but de sa vie. Le but de l’homme2 est de servir Dieu et de toujours se tenir prêt à l’appel du Maître, qui peut venir à toute heure lui demander compte de ses actions. Chacun devra rendre compte du dépôt qui lui a été confié. A celui qui a reçu dans le monde une mission modeste, on demandera un compte moins rigoureux qu’à celui que Dieu a enrichi de facultés supérieures dont il devait user pour le bien commun. Ce n’est point pour que chacun s’endorme dans le sein de son individualité que Jésus est venu ; il a visité le monde pour l’enflammer d’une activité qui, comme un feu ardent, doit le dévorer et le laver dans un bain qui purifiera ses souillures. Il n’y a pas apporté cette paix qui se résume dans l’égoïsme, mais la division, c’est-à-dire la lutte contre tout ce qui est mal et en faveur du bien. Dans les familles elles-mêmes, le Christ sera un principe de division ; plusieurs membres le suivront tandis que d’autres resteront en dehors du royaume de Dieu. « Vous qui remarquez si bien les pronostics du temps, disait Jésus, ne voyez-vous pas que celui que j’annonce
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1 Luc, XII; 13-34.
2 Luc, XI; 38-59.
est proche ! Hâtez-vous d’en juger sainement. L’Adversaire est là qui travaille à vous aveugler et à vous conduire devant le juge qui vous condamnera. Débarrassez-vous de lui, car autrement vous serez jeté dans une prison d’où vous ne sortirez qu’après avoir payé jusqu’à la dernière obole. »
Quelques personnes vinrent alors lui annoncer que des Galiléens qui étaient allés à Jérusalem offrir des sacrifices avaient été massacrés par Pilate, gouverneur de la ville pour les Romains, et que leur sang avait été mêlé à leurs sacrifices. « Pensez-vous, répondit-il, que ces Galiléens fussent plus coupables que le reste de leurs compatriotes ? Non ; et vous tous périrez comme eux, si vous ne faites pénitence. Et les dix-huit hommes qui ont été écrasés sous la tour de Siloé, pensez-vous qu’ils étaient plus coupables que les autres habitants de Jérusalem ? Non ; et vous périrez tous de même si vous ne faites pas pénitence. »
Jésus prédisait ainsi les massacres que les Romains commettraient en Galilée et la ruine de Jérusalem dont les débris écraseraient les habitants. Il annonça la même vérité sous la figure d’un figuier stérile, symbole de la race judaïque :
« Un homme avait dans sa vigne un figuier. Il vint pour en chercher le fruit et n’en trouva pas. Il dit alors à son vigneron : « Voici trois ans que je viens chercher le fruit de cet arbre et que je n’en trouve point. Coupe-le puisqu’il occupe inutilement de l’espace. — Maître, répondit le vigneron, laisse-le encore un an ; je le labourerai et le fumerai, et nous verrons s’il « rapportera du fruit ; s’il n’en rapporte pas, tu le couperas. »
Depuis trois ans, Jésus visitait la race judaïque, et elle ne rapportait pas de fruit. Un délai lui serait laissé pendant lequel les ouvriers du Maître, les Apôtres, la cultiveraient. Si elle ne rapporte pas de fruit après cette culture, elle sera coupée, et ses branches seront disséminées sur la terre.1
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1 Luc, XIII; 1-9.
Jésus ne manquait pas de donner de tels enseignements les jours de sabbat dans les synagogues. Il rencontrait là une foule qui l’écoutait avidement et des adversaires jaloux qu’il aimait à confondre. Il y avait un jour, dans la synagogue, une pauvre femme1 tellement courbée qu’elle ne pouvait regarder en haut. « Femme, lui dit Jésus, tu es guérie. » Aussitôt la femme se redressa et se mit à glorifier Dieu. Le chef de la synagogue feignit d’être indigné de ce que Jésus l’avait guérie un jour de sabbat ; il dit à la foule : « Il y a six jours pendant lesquels on peut travailler ; venez vous faire guérir ces jours-là et non pas le jour du sabbat. —Hypocrite, répondit Jésus, quel est celui d’entre vous qui ne délie pas son bœuf et son âne le jour du sabbat, pour les faire sortir de l’étable et les conduire à l’abreuvoir ? Voilà une fille d’Abraham que le démon tenait liée depuis dix-huit ans, et je ne pouvais la délier le jour du sabbat ? » Ses ennemis rougirent, et la foule l’acclama, manifestant sa joie de lui voir faire de tels miracles.
Jésus, dans les instructions qu’il adressa alors au peuple, prit soin de tracer le caractère de son œuvre, c’est-à-dire du royaume de Dieu qui devait remplacer l’Ancienne Alliance.
« A quoi comparerai-je, disait-il, le royaume de Dieu2 ? Il est semblable à une graine de sénevé qu’un homme planta dans son jardin ; la graine poussa et produisit une haute plante sur les branches de laquelle les oiseaux du ciel se reposèrent. »
Jésus jeta sa parole sur le sol de la Judée, jardin réservé que Dieu avait cultivé avec amour. D’abord, semblable à une petite graine, le royaume de Dieu devait croître, se développer, et les élus de Dieu devaient y entrer.
« A quoi comparerai-je encore le royaume de Dieu ? A un levain qu’une femme mêle à trois mesures de farine qu’il fait fermenter. »
La parole de Jésus, comme un levain, a produit dans
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1 Luc, XIII; 10-17. 2 Luc, XIII; 18-21.
le monde une fermentation salutaire qui a produit le royaume de Dieu.
Jésus donnait à son œuvre d’autres caractères lorsqu’il parlait pour ses Apôtres : « Le royaume de Dieu, disait—il, est semblable à un trésor caché dans un champ1. L’homme qui a découvert ce trésor, le tient secret ; dans sa joie, il court vendre tout ce qu’il possède et il achète le champ. »
Caché encore dans le champ de la Judée, le trésor que prêchait Jésus-Christ ne pouvait être acquis par ses disciples qu’au prix d’une abnégation complète de toutes les choses de la terre. Il exposait la même vérité sous une autre figure : « Le royaume des cieux peut être comparé à un négociant. qui cherche des perles. Quand il en a rencontré une très-précieuse, il vend tout ce qu’il a et l’achète. »
Prenant ensuite un sujet de comparaison dans le métier qu’exerçaient plusieurs des Apôtres, il disait : « On peut comparer le royaume des cieux à un filet jeté dans la mer, et dans lequel on prend toute espèce de poissons. Quand la pêche est terminée, on choisit les bons que l’on met en réserve, et l’on jette les mauvais. » Jésus avait dit à ses Apôtres : « Vous serez pêcheurs d’hommes. » La mer dans laquelle ils devaient jeter leurs filets était le monde ; ils y pêcheraient de bons et de mauvais poissons, car, dans le royaume de Dieu, il doit y avoir des hommes de bien et des méchants. Au dernier jour, quand la pêche sera terminée, le choix sera fait entre eux, et les méchants seront chassés en dehors du royaume de Dieu.
« Comprenez-vous ces choses, dit Jésus à ses Apôtres ? — Oui, répondirent-ils. — Sachez, continua Jésus, que dans le royaume de Dieu, quiconque est chargé d’enseigner doit être semblable à un père de famille qui tire de son trésor des choses anciennes et des choses nouvelles. »
Jésus-Christ annonçait en effet des vérités nouvelles que le monde ignorait encore ; mais il conservait en
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1 Math., XIII ; 31-33 ; 41-30.
même temps les vérités anciennes que Dieu avait révélées d’une manière positive ou inscrites dans la conscience humaine. Tout Apôtre doit agir comme un père, dans la famille chrétienne qui compose le royaume de Dieu, et n’enseigner que ce qu’il trouve, soit ancien soit nouveau, dans le trésor des, vérités divines. Il doit veiller sur ;ce trésor et ne pas mêler d’alliage humain à l’or pur de la parole de Dieu.
Jésus exposa cette dernière doctrine dans cette parabole :
« Le royaume des cieux1 peut être comparé à un homme qui a jeté de bonne semence dans son champ. Pendant que ses ouvriers dormaient, son ennemi vint, sema de l’ivraie sur le froment, et s’en alla. Quand le blé fut en herbe et eut commencé à monter en épi, l’ivraie parut. Les serviteurs du père de famille vinrent alors lui dire : « Maître, n’as-tu pas semé de bon grain dans ton champ ? Gomment se fait-il qu’il y ait de l’ivraie ? — C’est mon ennemi qui a fait cela, répondit-il. Alors les serviteurs lui dirent : « Veux-tu que nous allions arracher l’ivraie ? — Non, repartit le maître, de peur qu’en arrachant l’ivraie vous « ne déraciniez le blé. Laissez croître l’un et l’autre jusqu’à la moisson. Je dirai alors aux moissonneurs : « Recueillez d’abord l’ivraie et liez-la en botte pour la brûler, et entassez le blé dans mon grenier. »
Le royaume de Dieu a été ensemencé de vérités ; l’ennemi, Satan, y jette de l’ivraie qui produit de mauvais fruits ; c’est l’erreur qui enfante de mauvais chrétiens. Il n’est pas permis aux Apôtres et à leurs successeurs de persécuter ces membres indignes ; ils doivent s’en remettre à Dieu du soin de les punir lorsque le temps de la moisson sera venu. En voulant détruire violemment Terreur, ils s’exposeraient à déraciner la vérité elle-même, par le scandale qu’ils causeraient en répandant le sang. Jésus a toujours condamné le zèle violent ; il ne s’est jamais adressé qu’aux libres con-
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1 Math., XIII; 24-30. L’expression de royaume des cieux et celle de royaume de Dieu sont employées comme équivalentes par les Evangélistes.
victions, et s’il s’est élevé avec énergie contre les hypocrites, ennemis réfléchis de la vérité, il n’a jamais fait appel contre eux à la violence.
Jésus n’était pas resté sur les rives du Jourdain il avait parcouru les pays d’alentour, c’est-à-dire l’Iturée, dans la direction du midi au nord ; il reprit alors le chemin de Jérusalem en prêchant dans toutes les villes et les villages qui se trouvaient sur sa route1.
Quelqu’un lui ayant demandé s’il y aurait un grand nombre d’élus2, il répondit : « La porte du salut est étroite et il faut se hâter d’y entrer ; car, lorsque le Père de famille l’aura fermée, ce sera en vain qu’on viendra y frapper. On aura beau lui dire : « Nous avons mangé et bu avec toi ; tu nous as enseignés sur les places publiques. » Mais il leur répondra : « Je ne vous connais pas, ouvriers d’iniquité ; allez-vous-en ; » et alors vous pleurerez, vous frémirez, lorsque vous verrez dans le royaume de Dieu Abraham, Isaac, Jacob et tous les prophètes ; lorsque vous en verrez un grand nombre accourir dans ce royaume, d’orient et d’occident, du nord et du midi ; vous comprendrez alors que les derniers sont devenus les premiers, et les premiers les derniers. »
Les fidèles de l’Ancienne Alliance font partie du royaume de Dieu, aussi bien que ceux qui ont été élus depuis l’avènement de Jésus-Christ. Les Juifs, appelés les premiers à ce royaume, n’ont pas répondu à cet appel ; aussi en ont-ils été les exclus ; encore aujourd’hui, ils frémissent en se voyant placés les derniers, isolés des patriarches et des prophètes qui ont prédit l’avènement de Jésus et l’aveuglement de ses persécuteurs ; isolés des peuples au milieu desquels ils vivent et qui ont hérité des révélations divines, dont eux- mêmes se sont montrés indignes.
L’idée que Jésus donna du royaume de Dieu fut toujours une, identique ; ce n’était ni une révolution ni un bouleversement quelconque, mais l’accomplisse-
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1 Luc, XIII ; 22.
2 Ibid., 23-30. Compar. ΧIΙΙ, 22; avec XVII, 11.
ment de l’Ancienne Alliance, locale, transitoire, figurative et prophétique, par la Nouvelle contractée par Dieu avec tous les peuples, basée sur la réalité de l’avènement du Fils de Dieu, devant durer aussi longtemps que le monde. Lorsque la fin du monde arrivera, une grande séparation aura lieu, et le royaume de Dieu, composé des seuls élus, se perpétuera dans l’éternité.
Le jour même où Jésus1 annonçait si clairement que les Juifs seraient expulsés du royaume de Dieu, des pharisiens vinrent lui dire : « Sors de ce pays et va ailleurs, car Hérode2 veut te tuer. » Il leur répondit : « Allez, et dites à ce renard : « Voici que je chasse les démons « et que j’opère des guérisons aujourd’hui et demain, pour être immolé dans trois jours3 ; mais il faut qu’aujourd’hui, demain et le jour suivant je marche, car il ne convient pas qu’un prophète meure hors de « Jérusalem. Jérusalem ! Jérusalem ! toi qui tues les prophètes et qui lapides ceux que Ton t’a envoyés ! combien de fois j’ai cherché à rassembler tes enfants, comme l’oiseau rassemble sa couvée sous ses ailes, et tu ne l’as pas voulu ! « Votre demeure sera changée en désert, ajouta-t-il en s’adressant à ceux qui l’écoutaient, et vous ne m’y verrez plus qu’au jour où vous direz : « Béni Celui qui vient au nom du Seigneur ! »
Jésus prédisait ainsi son entrée triomphale à Jérusalem.
Il entra alors dans la maison d’un pharisien4, qui l’avait invité à manger chez lui. C’était un jour de sabbat. Un paralytique ayant imploré sa guérison, il demanda aux pharisiens et aux docteurs de la loi s’il était permis de guérir le jour du sabbat. Mais ils se turent, se rappelant la terrible apostrophe dont ils avaient été l’objet peu de temps auparavant. Jésus guérit le paralytique et dit : « Qui d’entre vous voyant
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1 Luc, XIII j 31-35.
2 Hérode-Antipas, fils de Hérode Ier dit le Grand.
3 Ces paroles ne doivent s’entendre que dans un sens général pour exprimer un court délai.
4 Luc, XIV ; 1-24,
son bœuf ou son âne tomber dans une fosse ne l’en retire pas aussitôt, môme le jour du sabbat? » Ils ne répondirent point.
Jésus avait sans doute remarqué parmi les convives du pharisien des hommes croyant à leur importance personnelle et qui s’étaient mis aux premières places, et des hommes riches. Il en prit occasion pour dire que, si l’on est invité, on doit avoir de la modestie et attendre qu’on vous offre la première place ; que, si l’on veut inviter quelqu’un, il ne faut pas choisir les riches, dans la crainte d’être soupçonné d’agir d’une manière intéressée, mais des pauvres dont on n’a rien à attendre. Il proposa ensuite une parabole dans laquelle, sous la figure d’un homme qui invite à un dîner des gens qui s’excusent pour des motifs futiles, il peignit les Juifs, invités à prendre part au royaume de Dieu, et qui, refusant d’y entrer, y sont remplacés par des pauvres et des mendiants ramassés sur toutes les routes ; tandis que les Juifs refusent l’honneur qui leur est fait, les autres qui n’y songeaient même pas sont forcés d’y prendre part la grâce divine surmontant les obstacles que les préjugés et les passions opposaient à l’extension du règne de Dieu parmi les gentils.
Jésus continua son chemin accompagné d’une grande foule2. Plusieurs s’imaginaient être de ses disciples, parce qu’ils admiraient ses discours et glorifiaient Dieu de ses miracles. C’est pourquoi il leur fit connaître les conditions sans lesquelles on ne pouvait être véritablement son disciple. « Il faut, disait-il, renoncer à tout et porter sa croix chaque jour. » C’est une œuvre grave et qui demande réflexion ; c’est une construction à élever, l’on doit préalablement en supputer le prix ; c’est une guerre à entreprendre, il faut compter ses forces. On peut avoir de bonnes dispositions pour un moment et
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1 On a beaucoup abusé de ce passage : Compelle intrare, auquel on a voulu donner un sens général, afin de légitimer les violences exercées dans certaines Eglises contre ceux que l’on voulait forcer à en faire partie. Jésus-Christ n’avait en vue que les gentils qui ont été amenés, comme malgré eux, par la grâce divine, au royaume de Dieu.
2 Luc, XIV; 25-31.
être comme un sel excellent. Mais si le sel devient fade, avec quoi peut-on assaisonner? Il n’est bon qu’à être jeté dehors. Jésus savait à qui de telles paroles s’adressaient. Il attira leur attention en disant : « Que celui qui a des oreilles pour entendre, entende! »
Des péagers et des pécheurs1 accouraient à lui pour l’entendre. Les pharisiens et les scribes murmuraient de ce qu’il recevait les pécheurs et mangeait avec eux. Alors Jésus leur proposa ses touchantes paraboles sur le pasteur qui court après la brebis égarée ; sur la femme qui cherche dans toute sa maison la drachme qu’elle avait perdue ; sur le bon père qui reçoit avec amour l’enfant qui l’avait abandonné.
La bonté de Dieu pour le coupable repentant est le corollaire de ce doux enseignement.
Jésus donna plusieurs autres instructions à ses disciples2, se servant de la forme familière des paraboles. Il n’avait pas, comme le philosophe, la prétention de parler pour des hommes de choix ; il savait que la vérité est pour tous, même pour les plus humbles, dont l’intelligence a les mêmes droits que celle du philosophe ; et qu’elle doit être présentée sous une forme accessible à tous. Voulant faire comprendre cette vérité : que l’argent ne peut être utile qu’autant qu’il sert à gagner le ciel, il mit en scène un économe infidèle qui sut se faire des amis des débiteurs de son maître, en sacrifiant les intérêts de ce dernier. Cet économe, peu honnête, il est vrai, était fort habile, à tel point que le maître lui-même fut obligé d’en convenir. Cette habileté, que l’on trouve dans les hommes du monde, on ne la rencontre pas dans les enfants de la lumière qui ne savent pas avoir autant d’industrie pour se faire des amis dans le ciel, au moyen de l’argent qui est une source d’iniquités.
L’argent est le maître du monde ; il oppose sa souveraineté à celle de Dieu lui-même. Il faut donc choisir entre Dieu et l’argent, car on ne peut servir en même temps ces deux maîtres.
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1 Luc, XV; 1-32.
2 Luc, XVI; 1-31.
Les pharisiens qui étaient avares, et aux yeux desquels l’argent était le suprême but de la vie, se moquaient de Jésus, qui ne l’appréciait qu’au point de vue des intérêts surnaturels ; mais Jésus confondait leurs théories égoïstes. Vous, leur disait-il, vous exaltez votre justice devant les hommes, mais Dieu connaît vos cœurs, Dieu qui regarde comme une abomination ce que les hommes estiment comme fort élevé. Vous vous glorifiez de suivre la loi et les prophètes et vous placez-là votre justification ; mais la loi et les prophètes n’ont existé que jusqu’à Jean. Depuis, c’est le royaume de Dieu qui est annoncé et c’est vers lui que chacun doit tendre de toute son énergie. Mais il y a dans la loi la partie morale, qui a toujours subsisté et qu’il serait moins facile de détruire que de renverser le ciel et la terre. Sous ce rapport, la loi elle-même condamne, non-seulement votre avarice, mais encore vos adultères que vous regardez comme légitimes.
Pour confondre l’avarice des pharisiens, Jésus leur proposa une parabole dans laquelle un pauvre vertueux, Lazare, et un riche avare ont reçu, dans le monde surnaturel, la juste rémunération de leur vie terrestre. En ce monde, le riche était vêtu de pourpre et d’écarlate ; sa table était splendide. Lazare, un mendiant couvert de plaies, se tenait à sa porte, désireux de manger les miettes qui tombaient de la table du riche ; personne ne lui en donnait. Le jour de la mort arriva pour le mendiant, qui fut porté par les anges dans le sein d’Abraham. Le riche mourut aussi, mais l’enfer fut son tombeau. Lorsqu’il était dans les tourments, il leva les yeux en haut et vit de loin Abraham et Lazare qui était dans son sein. Il s’écria aussitôt : « Père Abraham, aie pitié de moi et envoie Lazare pour qu’il trempe le bout de son doigt dans l’eau et qu’il vienne me rafraîchir la langue, car je souffre dans cette flamme. — Mon fils, lui répondit « Abràham, souviens-toi que, tu n’as eu que du bien pendant la vie et que Lazare n’a eu que du mal. C’est à son tour maintenant d’être consolé, et au tien
de souffrir. Un abîme immense nous sépare pour « toutes choses ; il est aussi impossible de passer d’ici a chez vous que de chez vous ici. — Au moins, père, je te supplie de l’envoyer dans la maison de mon père pour qu’il avertisse mes cinq frères de ne pas venir dans ce lieu de tourments. » Abraham répondit : « Ils ont Moïse et les prophètes ; qu’ils les écoutent. — Ils ne les écouteront pas, dit le riche damné, mais ils feraient pénitence si quelqu’un ressuscitait d’entre les morts pour les en avertir. — S’ils n’écoutent pas Moïse et les prophètes, reprit Abraham, ils ne croiraient pas non plus celui qui ressusciterait d’entre les morts. »
Les pharisiens avares étaient avertis du sort qui leur était réservé, et les pauvres apprenaient que leur misère pouvait devenir pour eux la source d’une vie heureuse dans l’éternité. Jamais Jésus ne prêcha de théories d’égalité sociale, car la richesse et la pauvreté seront toujours la conséquence nécessaire de l’inégalité des aptitudes et de la diversité des accidents qui naissent des circonstances de la vie ; mais il voulut que le riche fut pauvre en esprit, détaché des biens terrestres, et qu’il se servît de ces biens pour plaire à Dieu et secourir ses frères ; que le pauvre, sans envie contre le riche, acceptât sa position comme un moyen d’acquérir plus facilement le bonheur dans l’autre vie. Richesse et pauvreté étaient, aux yeux de Jésus, des états transitoires qui n’avaient de mérite qu’au point de vue de l’immortalité dans le monde futur.
Jésus donna alors quelques autres instructions à ses disciples1 sur le scandale, le pardon des injures, la puissance de la foi et l’humble opinion que chacun doit avoir de soi, même après avoir accompli son devoir. Il s’était avancé, en donnant ses instructions, jusqu’au point intermédiaire entre la Samarie et la Galilée, se dirigeant ainsi, de l’Iturée, vers Jérusalem2. Il
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1 Luc, XVII; 1-10.
2 Ibid., 11
guérit dix lépreux1 qu’il envoya aux prêtres conformément à la loi. Un seul lui en témoigna sa reconnaissance, et c’était un Samaritain, c’est-à-dire un homme regardé par la secte pharisaïque comme un pécheur et un ennemi de Dieu.
Les pharisiens demandèrent quand serait établi le royaume de Dieu. Jésus leur fit comprendre que l’idée qu’ils en avaient était erronée. Ils considéraient, en effet, le royaume de Dieu en ce monde comme un Etat politique, dans lequel l’humanité entière serait soumise à la race judaïque. Jésus leur exposa que le royaume de Dieu ne serait point un Etat politique; il n’est point, leur dit-il, un objet d’observation et de calcul ; ce n’est pas un royaume terrestre dont on peut dire : « Il est ici ; il est là. » C’est un royaume spirituel qui est partout où sont les élus ; il est en vous-mêmes si vous avez la foi. Quant à son établissement définitif, il aura lieu dans le monde futur. Alors, comme un éclair qui, au même instant, brille dans le ciel et éclaire tout ce qui est sous le ciel, ainsi apparaîtra le Fils de l’homme. Mais, avant qu’il triomphe ainsi, il faut qu’il souffre beaucoup et qu’il soit réprouvé par la race judaïque. Au jour où le Fils de l’homme viendra dans sa gloire, les choses seront dans le même état qu’aux jours de Noé. Les hommes mangeaient, buvaient, se mariaient jusqu’au jour où Noé entra dans l’arche. Le déluge arriva et tous périrent. Il en fut de même aux jours de Loth. On mangeait et on buvait, on achetait et on vendait, on plantait et on bâtissait ; mais, le jour où Loth sortit de Sodome, une pluie de feu et de soufre tomba du ciel, et tous les habitants périrent. Il en sera de même au jour de l’avènement du Fils de l’homme. En ce jour, celui qui sera sur son toit n’aura pas besoin de descendre pour enlever les meubles de sa maison, et celui qui sera au champ n’aura pas besoin de revenir. Souvenez-vous de ce qui arriva à l’épouse de Loth. Celui qui cherchera à sauver sa vie la perdra, et celui qui ne
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1 Luc, XVII; 12-19.
prendra pas ce souci la sauvera. Je vous le dis : en cette nuit, de deux personnes qui seront dans le même lit, l’une sera prise et l’autre sera laissée ; de deux personnes qui tourneront la meule ensemble, l’une sera prise et l’autre sera laissée ; de deux personnes qui seront dans un champ, l’une sera prise et l’autre sera laissée. « Maître, lui demanda-t-on, où cela se passera-t-il ? » Il répondit : « Les aigles se rassembleront où sera le corps. »
Gomme les oiseaux de proie savent trouver instinctivement leur pâture, de même les hommes se dirigeront d’eux-mêmes à l’endroit où sera le Fils de l’homme, pour aller de là au lieu de leur destination définitive.
Jésus donna ensuite plusieurs instructions sur la prière, en forme de parabole1.
La prière doit être continuelle. Une pauvre veuve obtint justice d’un juge inique, grâce à l’importunité de ses sollicitations. La prière doit être humble : Un pharisien qui priait avec orgueil et s’applaudissait de ses bonnes œuvres ne fut pas écouté de Dieu, tandis qu’un péager, priant avec humilité et se reconnaissant coupable, fut justifié.
Au moment où il parlait, on lui amena des enfants2 afin qu’il les touchât. Les Apôtres voulaient les repousser. « Laissez approcher ces enfants, leur dit-il, le royaume de Dieu est composé de ceux qui leur ressemblent ; je vous le dis : quiconque n’acceptera pas le royaume de Dieu avec la droiture de l’enfant n’en fera point partie. » Un certain prince lui dit alors : « Bon maître, que dois-je faire pour obtenir la vie éternelle? » Jésus lui répondit : « Pourquoi me dis-tu bon? personne n’est bon excepté Dieu. » Jésus provoquait ainsi une réponse que le prince ne put faire, car il ne croyait pas à la divinité de Celui qu’il interrogeait. Jésus continua donc : « Tu connais ces commandements : « Tu ne tueras point ; tu ne seras pas adul-
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1 Luc, XVIIl; 1-14
2 Ibid., 15-30
Tère ; tu ne voleras point ; tu ne donneras point de faux témoignages ; honore ton père et ta mère. » Le prince répondit : « J’ai observé ces commandements depuis ma jeunesse. » Jésus reprit : « Une chose te manque encore : vends tout ce que tu possèdes, et donnes-en le prix aux pauvres, tu auras ainsi un trésor dans le ciel ; puis, viens et suis-moi. » En entendant ces paroles, le prince devint triste, car il était très- riche. Jésus le voyant triste, dit : « Gomme ceux qui ont de l’argent entreront difficilement dans le royaume de Dieu ! » Il appelait ce riche, comme il avait appelé les Apôtres destinés à être les colonnes du royaume de Dieu, et l’amour de l’argent l’empêcha de répondre à cette vocation sublime. Jésus ajouta : « Il est plus facile à un chameau de passer par le chas d’une aiguille1, qu’au riche d’entrer dans le royaume de Dieu. »
Ceux qui entendirent ces paroles dirent : « Qui pourra donc être sauvé ? » Jésus répondit : « Ce qui est impossible aux hommes est possible à Dieu. »
Le salut est l’œuvre de Dieu. L’homme doit seulement user de son libre arbitre pour ne pas faire obstacle à l’action bienfaisante de la grâce divine qui le délivré de l’esclavage du péché, lui rend toute sa liberté pour le bien, le soutient dans la lutte contre le mal, et le couronne dans la vie éternelle. Pierre dit alors à Jésus : « Nous avons, nous, renoncé à tout pour te suivre. — En vérité, je vous le dis, répondit Jésus, quiconque a quitté sa maison, ses parents, ses frères, son épouse, ses enfants, en vue du royaume de Dieu, recevra en ce monde beaucoup plus qu’il n’a abandonné, et dans le monde futur, la vie éternelle. »
Jésus ne faisait pas, de l’abnégation complète de la famille et des biens, une obligation pour tous ceux qui devaient faire partie du royaume de Dieu, mais seu-
1 Des exégètes ont pensé que Jésus faisait allusion à une petite porte, appelée le Trou d’aiguille et par laquelle un chameau ne pouvait pas entrer: d’autres ont pensé qu’il ne s’agissait pas ici d’un chameau, mais d’un câble fait de poil de chameau et qu’on ne pouvait faire passer par le chas d’une aiguille Enfin, il en est qui entendent la comparaison littéralement.
lement pour ceux qui voudraient mener une vie plus sublime et exceptionnelle.
Jésus prit alors la route de Jérusalem1. Il était encore sur le territoire de Galilée, lorsqu’il prit à part les douze Apôtres et leur dit : « Voici que nous montons à Jérusalem où seront accomplies toutes les prophéties relatives au Fils de l’homme. Il sera livré aux gentils, moqué, flagellé, couvert de crachats. Quand on l’aura flagellé, on le fera mourir et il ressuscitera le troisième jour. »
Ils ne comprirent rien à de telles paroles. Le Saint- Esprit n’était pas encore venu leur découvrir le plan divin de la religion, et ils ne voulaient considérer le royaume de Dieu dont Jésus leur avait parlé si souvent, que comme la régénération du peuple d’Israël, abaissé alors sous le joug romain. Jésus descendit la vallée du Jourdain, qu’il quitta pour prendre la route qui allait à Jérusalem par Jéricho.
Lorsqu’il approchait de cette ville2, il guérit un aveugle ; lorsqu’il y entra3 il était entouré d’une si grande foule, qu’un péager nommé Zachée, fut obligé de monter sur un arbre pour le voir.
« Zachée, lui dit Jésus, descends vite, car je veux aujourd’hui loger chez toi. » Le péager, plein de joie, descendit en toute hâte. Les pharisiens murmuraient de ce que Jésus faisait cet honneur à un pécheur; mais Zachée fit voir qu’il en était digne : « Maître, dit-il, je donne aux pauvres la moitié de ma fortune ; et si j’ai fait tort à quelqu’un, je lui payerai quatre fois ce que je lui devrai.—Aujourd’hui, dit Jésus, le salut est entré dans cette maison, car Zachée est un véritable enfant d’Abraham ; le Fils de l’homme est venu chercher et sauver ce qui était perdu. »
A Jéricho, Jésus n’était pas très éloigné de Jérusalem ; il savait ce qu’il y souffrirait bientôt, et il entendait, dans la maison de Zachée, ses disciples qui émettaient
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1 Luc, XVIII; 31.
2 Luc, XYIII; 35-43.
3 Luc, XIX; 1-10.
défaussés théories touchant le royaume de Dieu1. C’est pourquoi il chercha à leur en donner une idée plus juste, en leur proposant une parabole dans laquelle il mit en scène un homme puissant, qui confia à plusieurs serviteurs ses intérêts, pendant qu’il allait conquérir un royaume. A. son retour, il demanda un compte rigoureux à ses serviteurs, et punit ses ennemis qui avaient refusé de reconnaître son autorité royale.
Ainsi, dans le royaume de Dieu, tous ceux qui en font partie, sont chargés d’une mission plus ou moins importante qu’ils doivent remplir avec activité ; et ceux qui refusent d’en faire partie, seront condamnés rigoureusement.
Jésus était dans les environs de Jéricho, lorsqu’il rencontra un envoyé que Marthe et Marie avaient chargé de lui dire : « Maître, celui que tu aimes est malade. » C’était de leur frère Lazare qu’elles parlaient2.
« Cette maladie, répondit Jésus, n’est pas mortelle ; elle a été envoyée pour la gloire de Dieu, afin que le Fils de Dieu soit glorifié par elle. » Il resta encore deux jours où il était, puis il dit à ses disciples : « Allons de nouveau en Judée. » Ses disciples lui répondirent : ce Maître, les Juifs cherchaient naguère à te lapider, et tu retournes sitôt chez eux? — Le jour n’a-t-il pas douze heures, reprit Jésus ; si quelqu’un marche pendant le jour, il ne se heurte point, parce qu’il voit la lumière de ce monde ; mais s’il marche pendant la nuit, il se heurte, parce qu’il n’y voit pas. » Il ajouta : « Lazare, notre ami, dort ; je vais le réveiller. — Maître, dirent les disciples, s’il dort, il guérira. » Mais Jésus parlait de la mort, et ses disciples comprenaient qu’il parlait du sommeil ; il leur dit alors ouvertement :
« Lazare est mort ; je me réjouis, à cause de vous, de n’avoir pas été là, afin que vous croyiez. Allons à lui. — Allons aussi, dit alors Thomas, surnommé Didymus, et mourons avec lui. »
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1 Luc, XIX; 11-22.
2 Jean, XI; 1-53.
Jésus n’arriva à Béthanie qu’après deux jours de marche. Lazare était mort depuis quatre jours.
Un grand nombre de Juifs étaient venus offrir à Marthe et à Marie leurs consolations sur la mort de leur frère. Dès que Marthe apprit que Jésus approchait, elle courut à sa rencontre, et Marie resta à la maison. « Maître, dit Marthe à Jésus, si tu eusses été ici, mon frère ne serait pas mort ; mais je sais que Dieu t’accordera tout ce que tu lui demanderas. —Ton frère ressuscitera, lui dit Jésus. — Je sais, répondit Marthe, qu’il ressuscitera à la résurrection du dernier jour. —Je suis, dit Jésus, la résurrection et la vie ; si quelqu’un croit en moi, il vivra, alors même qu’il serait mort ; et celui qui vit et croit en moi vivra toujours. Crois-tu cela? — Je crois, répondit Marthe, que tu es le Christ, Fils du Dieu vivant, venu en ce monde. »
Après avoir dit ces paroles, Marthe alla dire à Marie, à voix basse : « Le Maître est près d’ici ; il te demande. » Jésus était resté en dehors de la ville, à l’endroit où Marthe l’avait rencontré. Marie y courut. Les Juifs la voyant sortir la suivirent en disant : « Elle va sans doute au tombeau pour pleurer. » Marie, en arrivant auprès de Jésus, se jeta à ses pieds en disant : « Maître, si tu eusses été ici, mon frère ne serait pas mort ; » et elle pleurait, ainsi que ceux qui l’avaient accompagnée. Jésus en fut ému et troublé. « Où l’avez-vous mis ? demanda-t-il. » On lui répondit : « Maître, viens et vois. »
Et Jésus pleura.
Les Juifs disaient entre eux : « Comme il l’aimait ! » D’autres disaient : « Lui qui a ouvert les yeux d’un aveugle-né ne pouvait-il pas faire que Lazare ne mourût pas ? »
Jésus ressentit de nouveau une émotion profonde en arrivant au tombeau. C’était une grotte fermée avec une pierre. « Otez la pierre, dit Jésus. — Maître, répondit Marthe, il sent mauvais, car il est mort depuis quatre jours. —Ne t’ai-je pas dit, reprit Jésus, que, si tu crois, tu verras la gloire de Dieu? » On ôta donc la pierre. Alors, Jésus élevant les yeux au ciel, pria ainsi : « Père, je te rends grâce de ce que tu m’as
toujours écouté. Pour moi, je sais que tu m’écoutes toujours, mais je parle pour ce peuple qui m’entoure, afin qu’il croie que tu m’as envoyé. » Après ces mots, il dit d’une voix forte : « Lazare, viens dehors, » et aussitôt s’avança celui qui avait été mort, les pieds et les mains encore liés, et la tête couverte du suaire. « Déliez-le, dit Jésus, et laissez-le marcher en liberté. » Un grand nombre de Juifs qui se trouvaient chez Marthe et Marie, et qui virent ce que Jésus avait fait, crurent en lui. D’autres coururent avertir les pharisiens de ce qui venait d’arriver.
Les prêtres et les pharisiens s’assemblèrent aussitôt, et ils se demandaient : « Que faire de cet homme qui fait tant de merveilles ? Si nous le laissons libre, tous croiront en lui, et les Romains viendront, qui détruiront notre ville et la nation. Un d’entre eux nommé Caïphe, qui était pontife cette année, leur dit : « Vous êtes des ignorants, et vous ne comprenez pas qu’il vaut mieux qu’un homme meure pour le peuple que d’exposer toute la nation à périr. »
Il ne parlait pas ainsi de lui-même. Gomme il était pontife, Dieu lui faisait prophétiser que Jésus mourrait pour la nation d’Israël, et non-seulement pour cette nation, mais pour réunir tous les enfants de Dieu dispersés dans toutes les nations.
A dater de ce jour., les prêtres et les pharisiens ne songèrent plus qu’aux moyens de faire mourir Jésus. Mais l’heure de sa mort n’était pas encore arrivée ; pour se mettre à l’abri de là haine de ses ennemis, Jésus quitta Béthanie, sortit de Judée, et se retira à Ephrem, en Samarie, avec ses disciples1. C’est là qu’il attendit les fêtes de Pâques, pendant lesquelles il devait accomplir son sacrifice.
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1 Jean, XI; 54.