ANNEE 325

— Convocation du premier concile œcuménique à Nicée en Bithynie.
— Membres du concile ; leurs divers caractères.
— Allocution de saint Eustathe d’Antioche à l’empereur.
— Discours de Constantin.
— Les présidents du concile.
— Discussion touchant les erreurs d’Arius.
— Projet de symbole présenté par Osius.
— Contre-projet d’Eusèbe de Nicomédie.
— Il est rejeté.
— Projet intermédiaire d’Eusèbe de Cæsarée.
— La doctrine en est approuvée, mais le projet d’Osius est cependant adopté.
— Symbole de Nicée.
— Son caractère.
— Arius et scs principaux partisans exilés.
— Ariens hypocrites qui ne signent le symbole que par crainte.
— Question de la Pâque.
— La discussion sur cette question disciplinaire n’a pas le même caractère que celle sur la question de foi.
— Décret sur la Pâque ; il est universellement adopté.
— Question du schisme de Meletios.
— Le schisme est condamné.
— Lettre du concile à l’Eglise d’Alexandrie.
— Lettres de Constantin sur les décisions du concile.
— La loi du célibat proposée et rejetée sur les observations de l’évêque Paphinitius.
— Les vingt canons du concile.
— Les grandes Eglises ; origine des patriarchats.
— Conclusion du concile.
— Grande fête offerte aux évêques par l’empereur.
— Son discours d’adieu. Retour des évêques dans leurs Eglises respectives.

Constantin était fort affligé des discussions ariennes qui ne troublaient plus seulement l’Egypte, mais l’empire romain tout entier. Ces discussions s’étaient compli-

quées du schisme de Meletios et de la question paschale. Les Syriens, les Ciliciens et les Mésopotamiens célébraient cette fête le même jour que les Juifs et soutenaient leur usage avec opiniâtreté1. Les lettres que Constantin avait adressées pour apaiser les discussions ariennes n’ayant pas produit l’effet qu’il en attendait, il se décida à convoquer2 un concile général. Il adressa dans ce but des lettres très-respectueuses à tous les évêques pour les engager à se rendre le plus vite possible à Nicée en Bithynie. Il avait choisi cette ville, parce que sa situation, au centre de l’empire, rendait plus facile la réunion des évêques des diverses provinces. Il fournit en outre aux évêques et aux ecclésiastiques qui les accompagnèrent les moyens de transport appartenant à l’Etat. L’ordre impérial3 ayant été porté dans toutes les


1 Euseb., Hist. Constant., lib. III, c. c. 4, S, 6 ; s. Athan., De Synod., § 5 ; Epist. ad Afros, § 2.
2 Les pièces officielles que nous citerons ne laissent aucun doute sur la convocation du concile par Constantin. Les historiens sont unanimes sur ce point. Eusèbe dit positivement que Constantin convoqua le concile : σύνοδον οίκυ- μενικήν  » συνεκρότει…  » Hist. Const., lib. III, c. 6. Les autres anciens historiens l’affirment également. Théodoret dit :εες την Νικαεων « συνήγειρε » σύνοδον.
Socrate : σύνοοον οικουμενικήν « συνεκρότει, » τους πανταχοθεν επισκόπους διά γραμμάτων εις Νίκαιαν της Βιθυνίας άπανθήσαι παρακαλών.
Sozomène : « συνεκάλεσε » σύνοδον εις Νίκαιαν της Βιθυνίας, καί πανταχή τοίς προεστώσι των Εκκλησιών εγραιρεν, εις ρητήν ημέραν παρέίναι.
Gélase de Cyzique lui-même s’exprime ainsi ; lib. I, Proæm. : οΰ χαριν και την πολυάνθρωπον έχείνην επί την των Νικαεων πολιν ό πιστότατος βασιλεύς Κωνσταντίνος συνήγαγε σύνοδον
Κωνσταντίνου, τοϋ καί τήν σύνοδον των έπισκο’πων εν τη Νικαεων
συναιθροισθήναι προςτάξαντος πόλει·.
Dans les actes officiels què nous citerons, on verra que le concile lui-même reconnut qu’il avait été convoqué par Constantin. Gélase n’a pas pour nous une grande importance à cause des erreurs nombreuses et incontestables qu’il a commises. Mais, comme certaine école théologique, dans l’Eglise romaine, lui accorde quelque autorité, nous citerons son témoignage, lorsqu’il sera conforme à ceux des anciens historiens. Nous devons dire que, si des théologiens romains accordent trop d’autorité à Gélase de Cyzique sur plusieurs points, d’autres, dans la même Eglise, l’ont trop rabaissé. (Voy. le Dictionnaire historique du jésuite Feller.) La vérité, ici comme en mille autres circonstances, est au milieu des exagérations en sens contraire.
Des témoignages que nous venons de citer, il résulte que c’est l’empereur Constantin qui a convoqué le concile de Nicée. Ce fait n’étonnera pas ceux qui connaissent l’histoire et la constitution primitive de l’Eglise ; mais il ne cadre pas avec la théorie papale qui veut que tout concile, pour être légitime, soit convoqué par l’évêque de Rome.
3 Eusèbe se sert du mot παράγγελμα, qui signifie proprement un ordre, une ordonnance.

provinces, les évêques, fort joyeux, s’empressèrent de se rendre à la ville indiquée. L’espérance du bien qui pourrait résulter pour l’Eglise de leur réunion, le désir de rétablir la paix, le bonheur de voir un empereur si miraculeusement appelé à la religion, tels étaient les motifs qui les guidaient tous. La réunion de tant d’hommes qui ne se connaissaient, pas, qui étaient étrangers les uns aux autres, eut des résultats excellents ; ils formèrent, dit Eusèbe, une couronne sacerdotale composée des plus belles fleurs.
De toutes les Eglises qui remplissaient l’Europe, l’Afrique et l’Asie1, ceux qui tenaient le premier rang parmi les ministres de Dieu se réunirent dans une seule Eglise qui parut se dilater pour la circonstance. Les Syriens et les Ciliciens, les Phéniciens, les Arabes et les Palestiniens, les Egyptiens, les Thébains, les Mésopotamiens s’y trouvèrent réunis. Un évêque de Perse assista au concile, et on y remarqua un évêque scythe2. Le Pont, la Galatie, la Pamphylie et la Cappadoce, l’Asie et la Phrygie fournirent leurs évêques les plus distingués. Les Thraces, les Macédoniens, les Grecs, les Epirotes, malgré leur éloignement de Nicée, s’y rendirent pour le concile. De l’Espagne, l’évêque le plus illustre par son éloquence, Osius3, y prit séance avec les autres évêques de la même contrée. L’évêque de la ville-reine, c’est-à-dire de Rome, ne s’y rendit pas à cause de sa vieillesse, mais il y envoya deux prêtres pour tenir sa place, et donner leur assentiment à ce qui serait fait4.


1 Euseb., De Vit. Constant., lib. III, c. c. 7, 8.
2 Saint Athanase affirme que le concile représenta l’univers ; mais son expression notre univers peut ne signifier que l’empire romain. On peut croire que les lettres de Constantin furent communiquées aux évêques en dehors de l’empire, ce qui explique la présence d’un évêque persan et d’un évêque scythe. (Voy. S. Athan., Epist. ad Afros, § 1.)
3 Eusèbe ne le nomme pas, mais il ne peut y avoir de doute à ce sujet.
4 Euseb., De Hist. Constant., lib. III, c. 7 ; Socrat., Hist. Eccl·., lib. I, c. 8 ; Sozom., Hist. Eccl.., lib. 1, c. 17 ; Theod., Hist. Eccl., lib. 1, c. 6.
Dans tous les documents historiques dignes de foi, les prêtres Viton et Vincent sont seuls nommés comme délégués de l’évêque de Rome au concile de Nicée. On a voulu plus tard ajouter Osius de Cordoue, qui aurait présidé le concile au nom du pape. Osius ne présida pas le concile, comme on le verra plus bas, et il ne fut pas délégué de l’évêque de Rome. Ceux qui, par esprit de parti, l’ont prétendu, ont prouvé qu’ils n’avaient pas une connaissance suffisante de l’histoire et de la constitution de l’Eglise, au commencement du siècle. Un évêque ne représentait alors que son Eglise, et aucun évêque

Constantin, en convoquant ce concile qui était comme l’image du chœur apostolique, voulut faire hommage au Christ Sauveur d’une couronne dont les fleurs étaient attachées et tressées par le lien de la paix. Ce sont les expressions d’Eusèbe.
Du temps des apôtres, des fidèles de toutes les nations s’étaient réunis à Jérusalem ; mais, à Nicée, les membres du concile étaient tous des ministres de Dieu. On y vit plus de deux cent cinquante évêques, et l’on ne pourrait dire au juste le nombre de prêtres, de diacres, d’acolytes et autres clercs qui les accompagnèrent.
Parmi ces ministres de Dieul, les uns étaient distingués par leur sagesse, les autres par la gravité de leur vie et les souffrances qu’ils avaient supportées. Il y en avait qui se faisaient remarquer par leur modestie et la pureté de leurs mœurs. Quelques-uns étaient surtout honorés à cause de leur extrême vieillesse. D’autres étaient dans toute la vigueur juvénile de l’esprit et du corps, et n’avaient été revêtus du ministère que depuis peu de temps.
Pendant leur séjour à Nicée, Constantin leur fournit à tous les choses nécessaires.
Théodoret compte trois cent dix-huit évêques2. Il nomme parmi eux Jacques, évêque d’Antioche de Mygdonie, ville que les Syriens et les Assyriens nommaient Nisibe. Jacques était célèbre par ses miracles, et il avait, en particulier, ressuscité des morts. Paul, évêque de
y compris celui de Rome, ne croyait posséder une autorité qui devait être représentée. Les deux prêtres Viton et Vincent suffisaient bien pour représenter l’Eglise de Rome par délégation de l’évêque de cette ville. Aux témoignages des historiens qui ne nomment que Viton et Vincent comme délégués de Rome, il faut ajouter le successeur de Sylvestre, Jules Ier, évêque de Rome, qui ne mentionne que deux prêtres comme délégués de Rome au concile de Nicée. (Jul., Epist. ad Antioch., § 16.) Gélase de Cyzique est le premier qui ait prétendu qu’Osius avait été délégué de l’évêque de Rome.


1 Euseb., De Vit. Constant., lib. III, c. 9.
2 Theod., Hist. Ecct., lib. I, c. 6. Op peut croire avec Eusèbe qu’il y en eut 250 lors de l’ouverture du concile ; mais qu’à la fin, le nombre s’en était élevé à 318, comme ledit Théodoret ; Socrate, qui écrivait d’après Eusèbe, a adopté le même chiffre que Théodoret et a modifié le texte d’Eusèbe sur ce point. Saint Athanase, qui assista au concile, se sert quelquefois de l’expression : Trois cents environ ; il affirme en d’autres endroits que les évêques furent au nombre de trois cent dix-huit. (Voy. S. Athanas., Hist. Arian. ad Monachos, § 66 ; Apolog. contra Arian., §§ 23-23 ; De Decret., Niam. Synod.,
§ 3 ; Epist. ad Afros, § 26

Néocæsarée sur l’Euphrate, avait souffert le martyre sous Licinius ; on lui avait coupé les deux mains et brûlé les nerfs aux articulations. Les uns avaient l’œil droit arraché ; les autres avaient les paupières coupées. Parmi ces derniers était un Egyptien, nommé Paphnutius1, évêque dans la Thébaïde supérieure. Un évêque de Chypre, Spiridion, jouissait d’une grande renommée dans l’Eglise. Le concile était comme une assemblée de martyrs. On y voyait cependant plusieurs évêques qui pensaient comme Arius, mais qui dissimulaient leurs mauvais sentiments. Les plus célèbres étaient Eusèbe de Nicomédie, Theognis, évêque de Nicée, et Maris, évêque de Chalcédoine, en Bithynie.
Leur principal antagoniste fut Athanase, diacre de l’Eglise d’Alexandrie. Alexandre, évêque d’Alexandrie, l’avait en grand honneur, ce qui lui avait fait beaucoup de jaloux.
La convocation du concile de Nicée avait fait grand bruit dans tout l’empire. De nombreux philosophes se rendirent en Bithynie, et se mirent à discuter avec les évêques avant que les séances du concile ne fussent ouvertes2. Comme ils faisaient assaut de dialectique, un évêque, doué d’un jugement très-droit, leur adressa ces paroles : « Le Christ· et les apôtres ne nous ont enseigné ni la dialectique, ni des subtilités, mais une doctrine simple et claire que l’on croit et que l’on pratique en faisant le bien. »
Tous convinrent que cela était vrai, et qu’il fallait s’en tenir à la doctrine, en laissant de côté les subtilités de la dialectique. Le diacre Athanase s’était fait surtout remarquer dans ces discussions et avait attiré l’attention sur lui.
Avant les séances solennelles, l’empereur demanda aux évêques de lui remettre par écrit les reproches qu’ils auraient à s’adresser les uns aux autres, afin qu’il pût les examiner. Déjà il avait reçu auparavant quelques plaintes. Quand les pièces lui furent remises, il déclara


1 Socrat., Hist. Eccl., lib. I, c. 8.
2 Socrat., Ibid. ; Sozomen., Hist. Eccl., lib. I, c. 17.

aux évêques qu’il n’avait pas qualité pour être leur juge ; que Dieu seul l’était, et qu’il fallait renvoyer toutes les plaintes à son jugement. Il fit donc brûler les pièces en présence des évêques, et il leur dit : « Le Christ a ordonné de pardonner à son frère, si l’on veut soi-même obtenir le pardon. » Puis il engagea les évêques à conserver entre eux la paix et la concorde.
Les séances du concile eurent lieu dans le palais impérial, dans la salle du milieu qui était le local le plus vaste qu’il y eût à Nicée1. Des sièges étaient disposés des deux côtés de la salle, et chacun prit la place qui lui était assignée. Tous gardèrent d’abord un profond silence, en attendant l’empereur. Les grands officiers de la cour, qui étaient chrétiens et particulièrement affectionnés de Constantin, entrèrent d’abord dans la salle du concile et prirent place. On annonça l’empereur ; tous se levèrent aussitôt, et Constantin entra jusqu’au milieu de la salle, semblable, dit Eusèbe, a un ange de Dieu ; son manteau de pourpre, parsemé de pierreries et d’ornements en or, jetait comme des éclairs. Il s’avança avec une modestie qui rehaussait encore les grâces extérieures de sa personne. Après avoir salué l’assemblée, il s’avança jusqu’à l’extrémité des sièges, devant une chaise d’or très-basse, et ne s’assit qu’après en avoir obtenu la permission de l’assemblée.
Les évêques s’assirent après lui.
Alors celui des évêques qui occupait le premier siège de droite2 se levant, adressa à l’empereur une courte allocution dans laquelle il bénissait Dieu d’avoir placé un si grand souverain à la tête de l’empire. L’orateur


1 Euseb., De Vit. Constant., lib. III, c. 10.
2 Euseb., De Vit. Constant., lib. III, c. 11.
On a beaucoup disserté pour savoir qui était cet évêque. Eusèbe ne l’a pas nommé. Théodoret (Hist. Eccl., lib. I, c. 6), dit que ce fut le Grand Eustathe, élevé depuis peu sur la chaire de l’Eglise d’Antioche. Sozomène affirme (Hist. Eccl., lib. I, c. 10), que ce fut Eusèbe Pamphile lui-même, évêque de Cæsarée. Des modernes ont prétendu que c’était Osius qui aurait présidé le concile en qualité de légat du pape ! (sic). Ces doctes s’appuient, pour prouver qu’Osius était délégué de l’évêque de Rome, sur le témoignage de Gélase de Cyzique. Or Gélase est un écrivain qui s’est rendu coupable des erreurs les plus grossières ; ceux mêmes qui en appellent à son témoignage sont obligés d’en convenir. Dans le texte que les savants romanistes invoquent, Gélase a copié

s’étant assis, tous avaient les yeux fixés sur Constantin. Celui-ci, après avoir jeté un regard joyeux et doux sur toute l’assemblée, prononça ce discours :


Eusèbe du Cæsarée, en y intercalant des erreurs. Nous donnons les deux textes en parallèle :
Texte d’Eusèbe :
DE VIT. CONSTANTIN, lib. III, C. 7.
« Des Espagnes vint un évêque très-célèbre qui prit séance avec beaucoup d’autres.
« L’évêque de la ville impériale, à cause de sa vieillesse, était absent, mais ses prêtres étaient présents et le remplaçaient. »
Texte de Gélase de Cyzique :
HIST. CONC. NICOEN., lib. II. C. 5.
« Des Espagnes vint Osius très-célèbre qui tenait la place de l’évêque de la grande Rome, avec les prêtres Viton et Vincent, qui prit séance avec beaucoup d’autres.
« L’évêque de la ville impériale, nommé Métrophanes, était absent à cause de sa vieillesse, mais ses préires étaient présents et le remplaçaient. »
Il est clair que Gélase a voulu corriger Eusèbe et le compléter à sa manière. S’il s’était contenté de mettre le nom d’Osius dans le texte d’Eusèbe, et indiquer les noms des deux prêtres délégués de Rome, on n’aurait pas de reproche à lui faire. Mais comment l’excuser d’avoir entendu Constantinople et non pas Rome dans l’expression de ville impériale dont parle Eusèbe ? Constantinople n’était alors que Byzance, et n’était pas encore capitale de l’empire. Il suffit de rapprocher les deux textes ci-dessus pour apprécier le degré de confiance que mérite Gélase. Cet écrivain copie ordinairement Eusèbe, en y ajoutant des erreurs grossières. C’est sur le témoignage de Gélase de Cyzique que repose tout ce qui a été écrit sur Osius, légat du pape à Nicée, et à ce titre présidant le concile.
La vérité est que le concile eut plusieurs présidents qui étaient les évêques des plus grands sièges. Le premier de ces présidents fut très-probablement Eustathe d’Antioche, comme l’affirme Théodoret. Le siège d’Alexandrie fut regardé, depuis l’institution des patriarchats, comme supérieur à celui d’Antioche. Alors même qu’il en aurait été ainsi avant le concile de Nicée, on comprendrait que saint Alexandre eût cédé la première place à saint Eustathe d’Antioche, puisqu’il était partie dans l’affaire d’Arius qui devait être jugée ; on peut penser aussi que Constantin lui gardait un peu rancune d’avoir tenu peu de compte de la lettre qu’il lui avait adressée ainsi qu’à Arius.
Si l’on veut que le concile de Nicée n’ait eu qu’un président, la plus grande probabilité serait pour saint Eustathe d’Antioche.
Nous avons dit plus haut que le témoignage de Gélase de Cyzique est l’unique preuve que l’on puisse citer en faveur de cette thèse romaniste : Osius fut délégué de l’évêque de Rome au concile de Nicée. En effet, les témoignages postérieurs ne sont appuyés que sur le récit de Gélase. Fleury, dans son Histoire ecclésiastique, essaye de faire croire que le témoignage de cet écrivain est important, parce qu’il aurait écrit sur les mémoires des Grecs. (Fleury, liv. XI, § 5.) Il suffit de comparer le livre de Gélase avec la vie de Constantin, par Eusèbe de Cæsarée et les histoires de Ruffin et de Socrate, pour voir que l’écrivain du vme siècle n’a pas eu d’autres mémoires à sa disposition et qu’il s’est contenté d’y ajouter des détails de pure imagination. Sous l’influence des événements au milieu desquels il vécut, il crut pouvoir ajouter au récit d’Eusèbe et des autres ce qu’il jugeait convenable ou utile ; mais son imagination ou ses préjugés lui dictèrent ses additions. Tillemont impute simplement à Gélase une falsification du texte d’Eusèbe, à propos de la légation d’Osius, et il a parfaitement raison. (Tillemont, Mémoires pour servir à l’Histoire ecclésiastique, t. VI. Histoire du concile de Nicée, art. II.) Noël-Alexandre avoue la falsification, mais accepte le témoignage de Gélase, parce que d’autres postérieurs lui sont conformes. (Natalis Alexand., Hist. Eccl., Sæcul. IV., Dissert. XII, art. unic.) Quelle autorité peuvent apporter au témoignage de Gélase quelques mots qui n’ont d’autre appui que le témoignage de ce même Gélase ?
De nos jours, le docteur Héfelé n’a pas osé s’appuyer sur le témoignage de Gélase ; il en appelle seulement à quelques paroles prononcées dans le sixième concile œcuménique (au VIIe siècle), en essayant de leur donner plus d’im-

« Très-chers1, c’était le plus ardent de mes vœux de vous voir tous un jour rassemblés. Je rends grâce à Dieu, roi de toutes choses, de ce que ce vœu est accompli. Outre les biens innombrables dont il m’a comblé, il m’a accordé le plus grand de tous, celui de vous voir réunis avec les mêmes pensées et les mêmes sentiments. A l’avenir, que l’ennemi ne trouble plus nos succès ! La tyrannie de ceux qui avaient déclaré la guerre à Dieu étant détruite et anéantie, par le secours du Sauveur Dieu, que le démon n’ait plus aucun moyen de nuire à la religion par ses blasphèmes et ses calomnies ! Les divisions dans l’Eglise de Dieu me paraissent plus graves et plus périlleuses que la guerre et la rébellion ; et les choses extérieures ne m’émeuvent pas autant que les affaires religieuses. Depuis que, par la volonté et le secours de Dieu, j’ai remporté la victoire sur mes ennemis, il me semblait que je ne devais plus avoir d’autre soin que celui de remercier Dieu et de me réjouir avec ceux que Dieu m’avait donnés pour me seconder. Mais dès que j’ai appris la nouvelle de vos divisions, j’ai pensé


portance qu’elles n’en ont, parce qu’elles ont été prononcées dans ce concile. Celui qui les prononça parla d’après Gélase de Cyzique, et son témoignage ne peut pas avoir plus d’importance que celui de l’écrivain qui lui fournit ses expressions.
Le même écrivain rapporte que, selon Ruffin, Constantin convoqua le concile de Nicée, d’après l’avis des évêques ; il en conclut que celui de Rome dut être consulté, puisqu’il était le premier. Nous le voulons bien ; mais il y a loin, de cette consultation à l’autorité papale convoquant le concile, de concert avec l’empereur. (Hétèlé, Histoire des conciles, Introd.,§ 3, liv. II, ch. II, § 24.) L’abbé Darras, l’historien papiste par excellence, a affirmé simplement que Constantin indiqua le concile de concert avec le pape saint Sylvestre et qu’Osius remplit les fonctions de légat du pape. Il ne s’est pas abaissé jusqu’à fournir une seule preuve à l’appui de ces deux affirmations qui pour lui n’offraient sans doute aucune difficulté. (Voy. Histoire générale de L’Eglise, Pontificat de saint Sylvestre, ch. III, § 3.) Nous avons appelé l’abbé Darras l’historien papiste par excellence, parce qu’il divise l’histoire de l’Eglise en autant de pontificats qu’il compte de papes, à commencer par saint Pierre, bien entendu, lequel, à ses yeux, a été pape de la même manière que Pie IX actuellement régnant. Les savants s’étonneront sans doute que nous ayons nommé celte indigeste et inepte compilation. Notre excuse, c’est que notre ouvrage ne s’adresse pas seulement aux savants, mais aussi à des personnes qui pourraient avoir besoin de savoir que nous avons eu la patience de lire les historiens romanistes les plus modernes. C’est pour le même motif que nous avons relevé quelques-unes des innombrables bévues de cet écrivain, le dernier qui ait entrepris une compilation, intitulée : Histoire générale de l’Eglise. Rhorbacher l’avait précédé. Ces deux compilateurs sont dignes l’un de l’autre ; les rares savants que possède l’Eglise romaine rougissent de leurs œuvres, et avec raison.

1 Euseb., De Vit. Constant., lib. III, c. 12.

que c’était une affaire que je ne devais pas négliger. Je vous ai donc tous appelés1 pour remédier à un si grand mal. Je ressens une indicible joie en vous voyant réunis, mais je ne croirai avoir accompli mon œuvre que le jour où je vous verrai tous d’accord et unis, pratiquant cette bonne harmonie que votre consécration à Dieu vous oblige de prêcher et de persuader aux autres. Appliquez-vous donc, ô très-chers ministres de Dieu, serviteurs fidèles de notre commun maître et Sauveur, à détruire toute cause de dissension, et à aplanir au plus vite toutes difficultés, par vos lois ! Vous ferez ainsi une œuvre agréable au Dieu souverain de toutes choses, et vous me rendrez à moi, votre collègue dans le service de Dieu, un grand service. »
Constantin avait prononcé ce discours en latin. Un interprète le traduisit en grec. Ensuite il accorda la parole aux présidents du concile2. Une vive discussion s’engagea aussitôt. L’empereur écouta tout avec patience ; s’intéressa à toutes les questions qui étaient soulevées, et ne prit la parole que dans un but de conciliation. Dans ces discussions, il se servait de la langue grecque, beaucoup plus répandue que le latin ; il parlait avec douceur et montrait en même temps qu’il connaissait bien les questions agitées. Aux uns, il opposait des raisonnements ; aux autres des paroles de paix ; il félicitait ceux qui avaient bien parlé ; et il cherchait à amener tout le monde à la même manière de voir. Il atteignit son but, et tous, à la fin, tombèrent d’accord.


1 Constantin s’attribue donc à lui-même la convocation du concile.
2 Euseb., De Vit. Constant., lib. III, c. 15.
Il faut remarquer ces paroles d’Eusèbe : τοΐς της αυνοοου « προεοροις. » Elles prouvent que le concile eut à sa tête plusieurs présidents qui étaient, sans nul doute, les évêques des plus grands sièges.
Nous pensons que les délégués de Rome, étant de simples prêtres, ne purent prendre rang parmi les évêques.
Nous n’attachons aucune importance aux signatures qui ont été publiées dans les diverses collections des conciles. Elles ne sont pas authentiques. Du reste, les délégués de Rome auraient pu signer avant les autres évêques des grands sièges sans que l’on pût en conclure autre chose, sinon que l’évêque de Rome qu’ils représentaient était considéré comme le premier. Mais Osius et les deux prêtres Viton et Vincent étant en tête des signatures, il nous semble évident que ces signatures ont été arrangées d’après le récit de Gélase de Cyzique. à une époque postérieure.

La discussion portait sur deux points principaux : Le système d’Arius, qui résumait toutes les hérésies antérieures, et la question paschale1. On convint sur le premier point d’une profession de foi qui était l’exposition exacte de l’ancienne doctrine, et l’on fixa le jour où tous les chrétiens devraient célébrer la Pâque. Constantin, pour arriver à la conciliation, insistait principalement sur ce point2 : que la doctrine relative à la divinité était clairement exposée dans les livres évangéliques et apostoliques, et qu’il valait mieux s’en référer à leur témoignage que d’avoir recours aux finesses de la dialectique. Les évêques furent de cet avis et la grande majorité se déclara en faveur d’un symbole qui fut rédigé et proposé par Osius à l’assemblée3. Cependant plusieurs s’y opposèrent. Eusèbe de Nicomédie, Théodote de Laodicée, Paulinus de Tyr, Athanase d’Anazarbe, Grégoire de Byrouth, Aétius de Lidda ou Diospolis4 n’acceptèrent pas sincèrement le symbole, et ils rencontrèrent dans le concile de nouveaux adhérents au système arien : Ménophante d’Ephèse, Patrophile de Scythopolis, Theognis de Nicée, Maris de Chalcédoine, Narcisse de Neroniade ou Irenopolis. Théonas de Marmarique et Secundus de Ptolémaïde de Lybie, anciens partisans d’Arius, se prononcèrent aussi contre la saine doctrine. Les opposants présentèrent au concile une formule de foi, en opposition avec celle qu’Osius avait rédigée. Mais elle fut aussitôt rejetée comme contraire à la foi. Elle fut attaquée avec tant d’énergie et excita un tel tumulte que tous l’abandonnèrent, excepté Secundus et Théonas.
Le contre-projet de l’arianisme avait été rédigé par Eusèbe de Nicomédie5, de concert avec Menophante d’Ephèse ; Patrophile de Scythopolis ; Theognis de Nicée ;


1 Euseb., De Vit. Constant., lib. III, c. 14.
2 Theodoret, Hist. Eccl, lib. I, c. 6.
3 S. Athan., Hist. Arian. ad Monach·., § 42.
4 Theod., Hist. Eccl.,’lib. 1, c. 4 etc. 6 ; Socrat., Hist. Eccl., lib. I, c. 8.
5 Eustath., Antioch., ap Theod., Eist. Eccl., lib. I, c. 7 ; Ibid., c. 6 ; S. Athanas., Epist. ad Afros ; et ap Theod., Hist. Eccl., Loc. cit.
Sozomène (lib. I, c. 21) prétend qu’Eusèbe hésita avant, d’admettre le mot consubstantiel, mais, qu’après réflexion, il y adhéra. Il affirme que les amis d’Arius, Eusèbe de Nicomédie, Theognis, Maris, Patrophile signèrent le symbole. Il leur adjoint à tort Secundus de Ptolémaïde en Lybie.

Narcisse de Neroniade ; Théonas de Marmarique et Secundus de Ptolémaïde. Il s’était appliqué surtout à se servir d’expressions amphibologiques, afin de faire croire qu’il admettait la divinité du Fils qu’il rejetait réellement. Mais ses subterfuges ne purent tromper le concile. On lui opposa l’Ecriture et la tradition des Eglises qui enseignaient que le Fils était de la même substance que le Père, c’est-à-dire qu’il lui était consubstantiel (όμοουσίοζ).
Arius lui-même connaissait ce mot, comme on l’a vu dans sa lettre à saint Alexandre, et reprochait aux orthodoxes de s’en servir pour exprimer la vraie foi. C’était surtout sur ce mot, inséré par Osius dans son projet de symbole, que la discussion avait porté. La plupart des évêques y adhérèrent comme à l’expression de la vraie foi.
Saint Athanase, qui assista au concile et prit une large part aux discussions, nous a laissé sur ce sujet des renseignements qui complètent ceux des historiens. Ils méritent d’être recueillis avec soin :
La discussion s’étant ouverte sur la doctrine, les évêques demandèrent aux ariens avec beaucoup de douceur et de politesse d’exposer les raisons qui militaient en faveur de leur doctrine et de l’appuyer sur des preuves positives, c’est-à-dire théologiques, sans se perdre dans des divagations philosophiques. Ils osèrent à peine ouvrir la bouche, et tous les jugèrent dignes de condamnation. Ils se disputèrent entre eux ; et quand on leur eut opposé les preuves qui réfutaient leur système, ils gardèrent un silence qui était l’aveu de leurs erreurs. Les évêques rejetèrent donc les expressions amphibologiques dont ils les avaient enveloppées, et proclamèrent la vraie foi de l’Eghse1.
Arius exposa lui-même sa doctrine devant le concile.
Le Fils, dit-il2, ne participe pas plus à la substance divine que les autres créatures, car lui-même est une


1 S. Alhan., De Decret. Nicœn. Synod., § 3.
2 S. Athan., Epist. ad Episcop. Ægypt. et Lyb., § 12 et 13 ; Orat. I, Contra Arian., § 7.

œuvre de Dieu. Dieu ne nous a pas créés pour lui ; il l’a, au contraire, créé pour nous. Dieu était d’abord seul et le Verbe n’était pas avec lui ; mais lorsqu’il voulut nous créer, il le créa, lui donna les noms de Verbe, de Fils, de Sagesse, et le fit l’intermédiaire de notre création. Comme toutes les autres créatures, il fut créé par la volonté du Père, mais il n’est pas le produit propre et naturel du Père ; ce n’est que par grâce qu’il devint son Fils. Dieu, qui a toujours été, a voulu que le Fils existât, comme il a voulu l’existence de tous les autres êtres. Le Fils n’est donc qu’un produit créé qui ne peut connaître la substance non créée, éternelle ; qui ne peut même comprendre sa propre nature.
En entendant de tels blasphèmes, les Pères du concile se bouchaient les oreilles ; ils déclarèrent unanimement que celui qui les proférait était un hérétique digne de condamnation. C’est pourquoi ils le frappèrent d’anathème et déclarèrent que son système était opposé à la foi de l’Eglise. Ils rendirent leur jugement en toute liberté et sans avoir à subir la moindre pression. Ils jugèrent que l’arianisme conduisait droit au judaïsme et même au paganisme, et que ceux qui soutenaient de telles erreurs ne méritaient pas le titre de chrétien.
Pour échapper aux subterfuges des ariens, les Pères du concile jugèrent qu’ils devaient déclarer que le Fils était de la substance du Père ; qu’il lui était consubstantiel1. Ce mot était susceptible d’un sens erroné. Sabellius en avait abusé pour dire que si le Fils était de la même substance que le Père, il ne faisait qu’une même personne avec lui, qu’autrement la substance divine serait reconnue divisible. Du mot consubstantiel admis comme orthodoxe, il en induisait la négation de la Trinité.
Le mot se présenta avec ce sens dans les discussions du concile d’Antioche contre Paul de Samosate. Si le Fils et le Saint-Esprit sont consubstantiels au Père, disait Paul, il s’ensuit qu’en Dieu il y a trois êtres, un qui a. la priorité, deux qui en émanent ; il y a donc trois Dieux. Il


1 S. Athan., De Synod., § 45.

ajoutait : si l’on dit que le Fils fut un homme auquel on conféra le titre de Dieu, la substance de Dieu reste unique et intacte. Les évêques, afin d’éviter le piège que leur tendait Paul de Samosate, rejetèrent le mot consubstantiel dans le sens qu’il lui donnait, aussi bien que dans celui que soutenait Sabellius, et ils déclarèrent que le Christ était le Verbe de Dieu, préexistant à la création de la nature humaine à laquelle le Verbe fut uni hypo- statiquement.
Arius admettait, avec les Pères d’Antioche, que le Christ était le Verbe existant antérieurement à son union avec sa nature humaine, et même existant avant les temps ; mais il affirmait qu’il avait été créé avant les temps ; par conséquent qu’il n’était pas sorti de toute éternité de la substance du Père. Il s’autorisait, pour rejeter le mot consubstantiel, du sens que Sabellius avait donné à ce mot pour s’attaquer à la Trinité.
Les Pères de Nicée avaient à éviter un double écueil, afin de ne pas tomber dans le sabellianisme en condamnant l’arianisme. C’est ce qu’ils firent dans leur exposition de la foi, où ils affirmèrent le dogme d’une substance unique en Dieu, et celui de la Trinité des personnes. De cette manière, les deux hérésies étaient condamnées, et la doctrine catholique était mise en parfaite lumière.
Les partisans d’Arius proposaient de remplacer le mot consubstantiel par ceux-ci : qui vient de Dieu ; ils attachaient à ce mot de Dieu (ex Deo) un sens non orthodoxe ; les Pères du concile comprirent leurs ruses. Ils acceptèrent le mot ex Deo ; mais ils l’expliquèrent en disant que le Fils ne venait pas de Dieu de la même manière que les créatures ; qu’il était une véritable émanation de sa substance. On peut dire de toutes les créatures qu’elles viennent de Dieu, puisque c’est lui qui les a créées par son Verbe ; mais on ne peut dire que du Verbe qu’il vient du Père, ce qui veut dire, qu’il est de la substance du Père, expression qui ne convient à aucun être créé.
Les expressions : de la substance du Père, consubstantiel, n’étaient pas dans l’Ecriture ; mais elles exprimaient parfaitement la foi de l’Eglise ; c’est pourquoi les Pères

y eurent recours, forcés de les employer pour déjouer les subterfuges des ariens.
Ils n’inventèrent pas ces expressions, comme les ariens le leur reprochèrent plus tard, mais ils les empruntèrent aux anciens Pères1.
En se servant de ce mot, les Pères du concile ne se donnèrent pas comme revêtus d’une autorité personnelle pour juger de la foi2. Ils déclarèrent seulement « ce que croyait l’Eglise catholique. » Ils eurent soin d’expliquer qu’ils ne faisaient point un dogme nouveau ; qu’ils déclaraient seulement ce que les apôtres avaient enseigné, et ce que l’Eglise avait toujours cru.
C’est saint Athanase qui s’exprime ainsi.
Eusèbe de Cæsarée3 s’était d’abord prononcé contre le mot consubstantiel à cause du mauvais sens qu’y attachait Sabellius ; mais il savait aussi que les anciens Pères s’étaient servis de ce mot pour exposer la vraie doctrine. Dès qu’il connut que le concile de Nicée attachait à cette expression le même sens que les anciens Pères, il accepta franchement le symbole et écrivit de Nicée à son Eglise une lettre dans laquelle il s’exprimait ainsi4 :
« Vous avez sans doute connaissance, très-chers frères, des choses qui ont été traitées dans le grand concile de Nicée touchant la foi de l’Eglise ; car la renommée devance ordinairement la notification de l’avènement. Mais, dans la crainte que le récit qui vous en serait fait ne fût pas exact, nous avons jugé nécessaire de vous envoyer la formule de foi que nous avions d’abord proposée, et celle que les évêques, en ajoutant à la nôtre quelques éclaircissements, ont promulguée. Notre formule, lue en présence de l’empereur très-aimé de Dieu, parut à tous bonne et juste. Elle était ainsi conçue :
« Gomme nous l’avons reçu des évêques nos prédécesseurs, lorsque nous avons été initiés à la doctrine, et que nous avons été baptisés ; comme nous l’avons appris


1 S.Athan., Le Decret. Nicœ-ii. Synod., §§ 19, 25, 52.
2 S. Alhan., Le Synod., § 5 ; Epist. ad Afros, § 2.
3 S. Athan., De Decret. Nicœn. Synod., S 3.
4 Euseb., Epist. ad Caesarienses, int. op. t. II, p. 1536, édit. Migne ; Socrat., Hist. Eccl., lib. 1, c. 8.

des saintes Ecritures ; comme tous, soit évêques, soit prêtres, nous avons cru et enseigné, nous croyons maintenant et vous exposons ainsi notre foi :
« Nous croyons en Dieu un, Père Tout-Puissant, créateur des choses visibles et invisibles ;
Et en un Seigneur Jésus-Christ, Verbe de Dieu, Dieu de Dieu, lumière de lumière, vie de vie, Fils unique, premier-né de toute créature, engendré de « Dieu le Père avant tous les siècles, par lequel toutes choses ont été faites ; qui s’est incarné pour notre salut et a vécu parmi les hommes ; qui a souffert, est ressuscité le troisième jour ; est monté vers le Père, et viendra de nouveau avec gloire juger les vivants et les morts.
Nous croyons aussi en un Saint-Esprit.
Nous croyons que chacun d’eux est et subsiste : Le Père véritablement Père ; le Fils véritablement Fils ; le Saint-Esprit véritablement Saint-Esprit, selon cette parole prononcée par Notre Seigneur, lorsqu’il envoya ses disciples prêcher : Allez, instruisez toutes les « nations ; baptisez-les, au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit . Nous déclarons penser ainsi, avoir cette foi, l’avoir eue auparavant, et que nous la conserverons constamment, condamnant et anathématisant toute hérésie impie.
« Nous attestons que nous avons toujours pensé ainsi du fond du cœur, dès que nous avons pu connaître ces vérités ; que nous pensons encore ainsi aujourd’hui, et que nous parlons en toute sincérité en présence de Dieu Tout-Puissant, de Notre Seigneur Jésus-Christ, prêts à vous donner des preuves de notre croyance et vous convaincre que nous l’avons toujours eue et enseignée, comme aujourd’hui.
« Lorsque j’eus lu cette exposition de foi, personne n’y fit d’objection. L’empereur très-aimé de Dieu y donna le premier son assentiment ; déclara qu’il croyait ainsi et engagea tout le monde à admettre cette foi et à y souscrire, en ajoutant seulement le mot consubstantiel. Il expliqua lui-même ce mot, en exposant que l’on ne

devait pas l’entendre dans un sens matériel, comme si la substance divine était susceptible de division, de partage, ce qui répugne à une substance toute spirituelle, mais dans un sens divin et mystique. Lorsque l’empereur eut ainsi disserté, l’assemblée adopta le mot consubstantiel et la profession de foi suivante. »
Eusèbe donne ici le symbole, tel que nous le citerons un peu plus bas ; puis il ajoute :
« Lorsque cette formule de foi eut été présentée, nous n’avons pas laissé passer sans examen ce qui fut dit touchant les expressions : de la substance et consubstantiel. On proposa à ce sujet plusieurs questions, et l’on fit plusieurs réponses ; l’on discuta sérieusement sur le sens des expressions proposées. A propos des mots : de la substance, il fut entendu qu’ils signifiaient que le Fils venait du Père, mais non comme une partie du Père. L’expression nous parut juste dès qu’elle exprimait la saine doctrine qui consiste en ceci : que le Fils vient du Père, mais qu’il n’est pas une partie de sa substance ; c’est pourquoi nous y avons adhéré. Nous n’avons même pas rejeté le mot consubstantiel par amour de la paix et pour ne pas faillir à l’exacte intelligence de la doctrine. Par la même raison, nous avons approuvé les mots : engendré, non fait ; car on observait que le mot fait désigne l’action créatrice de Dieu qui fit toutes choses, par le Fils ; et qu’il ne pouvait convenir à ce Fils, auquel il ne fallait point attribuer une cause analogue à celle des êtres qui ont été faits par lui ; lequel avait une substance bien supérieure à celle des créatures, substance qu’il tenait du Père, selon les divins oracles, d’une manière mystérieuse, ineffable et incompréhensible pour l’homme. Lorsqu’on dit que le Fils était consubstantiel au Père, il fut donc bien entendu que,1a communication de la substance du Père n’avait aucune analogie avec celle des êtres animés, dont la substance est communiquée par division, partage, communication, tous actes qui ne peuvent convenir à la nature divine. Le mot consubstantiel signifie donc seulement que le Fils n’a aucune ressemblance avec les créatures qui ont été faites par lui,

mais qu’il est semblable au Père par lequel il a été engendré ; qu’il n’a ni une autre essence, ni une autre substance que celle qu’il a reçue du Père.
« Quand toutes ces explications eurent été données, nous avons pensé que l’on devait approuver le mot consubstantiel, d’autant plus que nous savions qu’il avait été employé par plusieurs des anciens Pères et des écrivains les plus illustres pour expliquer la divinité du Père et du Fils.
« J’ai cru devoir entrer dans ces explications touchant la foi qui a été promulguée à Nicée, à laquelle nous avons tous adhéré, non à la légère et sans réflexion, mais selon les explications qui furent données devant le très-pieux empereur lui-même, et pour les raisons exposées ci-dessus, qui furent approuvées de tous.
« Nous n’avons pas vu avec peine l’anathème qui suit la formule de foi, puisqu’on ne fait qu’y proscrire des expressions étrangères aux saintes Ecritures et qui avaient causé tous les troubles de l’Eglise. Dans aucun des livres inspirés, on ne trouve ces expressions : Des non existants ; il fut un temps où il n’était pas ; il n’y a donc aucune raison pour s’obstiner à vouloir s’en servir. C’est pourquoi nous avons adhéré au décret juste et utile qui les proscrivait, d’autant mieux que nous n’avions jamais accepté les expressions condamnées.
« Très-chers frères, j’ai cru devoir vous écrire ces choses, afin que vous connaissiez les motifs de nos hésitations et de nos adhésions ; vous convaincre que nous avons eu raison de résister tant que les expressions dont on se servait ne nous ont pas offert un sens parfaitement clair et juste ; mais que nous les avons admises franchement dès qu’il nous a été démontré que ces expressions avaient un sens conforme à la foi que nous avions toujours confessée. »
Cette belle lettre répond aux accusations élevées contre le docte évêque de Cæsarée, et explique très-bien la conduite qu’il avait tenue jusqu’alors. Il n’acceptait pas les formules d’Arius ; mais certaines expressions dont se servaient les orthodoxes pouvaient être enten-

dues d’une manière erronée. Dès que le sens de ces mots fut fixé et que l’orthodoxie fut sauvegardée, Eusèbe les accepta sans difficulté.
Saint Athanase a cité avec éloge la lettre de l’évêque de Cæsarée1. Elle méritait cet honneur.
D’après les documents cités, on proposa trois formules de foi au concile de Nicée. Celle d’Eusèbe de Nicomédie fut rejetée sans hésitation comme hérétique ; celle d’Eusèbe de Cæsarée fut approuvée, pourvu qu’on y insérât le mot consubstantiel. Osius présenta la formule qui fut adoptée, après que le sens du mot consubstantiel eût été fixé d’une manière orthodoxe, et mis à l’abri de toute fausse interprétation.
Telle est la formule ou profession de foi promulguée à Nicée2 :
« Nous croyons en Dieu un, Père Tout-Puissant, créateur de toutes choses visibles et invisibles :
« Et en un Seigneur Jésus-Christ, Fils de Dieu, seul engendré du Père, et étant de la substance du Père, Dieu de Dieu, lumière de lumière, vrai Dieu de vrai Dieu : engendré, non créé, consubstantiel au Père ; par lequel toutes choses ont été faites, celles qui sont au ciel, comme celles qui sont sur la terre : Pour nous hommes, et pour notre salut, il est venu, s’est incarné et s’est fait homme ; il a souffert, il est ressuscité le troisième jour, il est monté aux cieux, et reviendra juger les vivants et les morts.
« Nous croyons aussi au Saint-Esprit.
« Ceux qui disent : il fut un temps où il (le Fils) n’était pas, et il n’existait pas avant d’être engendré ; ou bien : il a été fait d’éléments non existants : Ceux qui disent que le Fils est d’une autre substance, d’une autre essence (que le Père) ; qu’il a été créé, qu’il est soumis à la mutation et au changement : la sainte Eglise catholique apostolique les anathématise. »
Telle fut la rédaction primitive du symbole de Nicée.


1 S. Athan., De Decret. Niccen. Synod., §3.
2 S. Athan., Epist. ad Jovian., § 3 ; Euseb., Epist. supracit. ; Socrat., Hist. Eccl., lib. I, c. 8. ; Ruffin, Hist. Eccl., lib. I, c. 6.

I1 était conforme aux anciens symboles que nous avons cités d’après les Pères antérieurs, et qui étaient en usage dans les Eglises particulières ; mais il fut le premier qui reçut le caractère d’universalité ; il était surtout dirigé, dans ses détails, contre les erreurs de l’arianisme. Par leur terminologie exacte et claire, les membres du concile, en confirmant la foi toujours admise, rendaient vaines toutes les subtilités de l’hérésie.
Arius refusa de signer cette formule de foi et fut déposé. Eusèbe de Nicomédie et Theognis de Nicée consentaient, du moins en apparence, à admettre la formule, mais refusaient de souscrire à la déposition d’Arius1. Constantin exila Arius et lui défendit de jamais rentrer à Alexandrie. Théonas de Marmarique et Secundus de Ptolémaïde furent également exilés. Eusèbe de Nicomédie et Theognis de Nicée ne furent exilés qu’après le concile, comme on le verra dans la suite du récit. Ces évêques, comme tous ceux qui avaient soutenu Arius, ne signèrent qu’hypocritement et par crainte de l’exil2. Dès qu’ils purent revenir sur leur signature et attaquer le concile de Nicée sans avoir de risques à courir, ils le firent avec une audace inouïe, comme on le verra dans la suite.
Après la condamnation de la doctrine d’Arius, le concile passa à la question paschale. La discussion eut un tout autre caractère. Lorsqu’il s’agissait de la foi, les Pères se contentaient de dire : Ainsi croit l’Eglise catholique. « Ils professèrent, ajoute saint Athanase3, ce qu’ils avaient toujours cru, et promulguèrent, non pas une doctrine nouvelle, mais une doctrine apostolique. Ce qu’ils donnèrent par écrit n’était pas de leur invention, mais ce que les apôtres avaient enseigné. »
Cette observation de saint Athanase détermine clairement la nature de l’autorité épiscopale dans les décisions de foi. Les évêques n’ont aucun droit sur la doctrine ; ils ne peuvent ériger en dogme une doctrine nouvelle ; leur devoir est de proclamer ce que les apôtres ont


1 Socrat., Hist. Eccl., lib. I. c. 8.
2 S. Athan., Apolog. contr. Arian., §. 23 ; De Décrit. Nicaen. Synod., §. 3 et 6
3 S. Athanas., De Synod., par. 5 ; Epist. ad Afros. §. 2.

enseigné, et ce que l’Eglise catholique a toujours cru.
La discussion touchant la fixation du jour de Pâques eut un tout autre caractère. Il s’agissait d’une question purement disciplinaire, ecclésiastique par sa nature, et pouvant être, par conséquent, tranchée avec autorité par les évêques, premiers pasteurs de l’Eglise, et investis d’une autorité divine pour la gouverner. Les Pères du concile de Nicée ne dirent donc pas, comme sur la question de foi : « C’est ainsi que croit l’Eglise catholique ; » mais ils usèrent de cette formule : « Ce qui suit a été décrété. »
Cette remarque est de saint Athanase.
Le décret du concile de Nicée touchant la Pâque ne nous a pas été conservé. On sait cependant1, qu’il y était prescrit de ne pas célébrer cette fête le même jour que les Juifs, mais seulement le dimanche qui suivait le quatorzième jour de la lune après l’équinoxe du printemps.
Pour déterminer ce jour, le concile décida que l’Eglise d’Alexandrie, connue depuis longtemps par sa science en astronomie, serait chargée de ce soin, et qu’elle communiquerait sa décision à l’Eglise de Rome. Cette dernière, placée dans la première capitale de l’empire, ayant des relations plus faciles avec les provinces les plus éloignées, fut chargée de leur faire connaître le jour indiqué par l’Eglise d’Alexandrie.
Le décret de Nicée ne trancha pas toutes les difficultés, car, à Rome, on calculait l’équinoxe autrement qu’à Alexandrie, et, quoique cette dernière Eglise eût été chargée du calcul, on refusa à Rome d’accepter ses décisions, ce qui entretint encore quelques divergences dans la célébration de la Pâque, entre l’Orient et l’Occident, quoique l’on fût d’accord sur la loi promulguée par le premier concile de Nicée2.


1 Voy. s. Leon., Epist. 121 ad Marcian. Imperat., édit. Ballerin. ; Ambros., Epist., 25, class. 1, ad Episcop.per Æmil. Constit. ; Epiph., Hœres., 30 et Hœres., 70, §§ 11 et 12.
2 Ces divergences cessèrent au VIme siècle, lorsque Denys-le-Petit eut fait adopter à Rome un cycle qui concordait avec celui de l’Eglise d’Alexandrie pour déterminer le jour de la Pâque. Les Eglises d’Orient et d’Occident

Le concile s’occupa aussi du schisme de Meletios. Les actes de la vénérable assemblée ne nous étant pas parvenus1, nous ne trouvons de renseignements sur cette question et sur celle de la Pâque que dans les lettres de notification qui furent adressées à toutes les Eglises. Ces précieux documents appartiennent à l’histoire et nous devons les enregistrer intégralement.
« A l’Eglise d’Alexandrie2, sainte et grande par la grâce de Dieu et aux frères bien-aimés qui habitent l’Egypte, la Lybie et la Pentapole, les évêques assemblés à Nicée et composant un grand et saint concile, salut dans le Seigneur.
« Par la grâce de Dieu, et sur la convocation de Constantin, prince chéri de Dieu3, assemblés des diverses provinces et des cités, et formant à Nicée un grand et saint concile, nous avons jugé nécessaire de vous adresser des lettres de la part de ce saint concile, afin que vous sachiez ce qui a été proposé et examiné, décrété et établi par lui.
« D’abord, sous les yeux de notre empereur Constantin, chéri de Dieu, on a discuté les doctrines impies et perverses d’Arius, et on a décidé, à l’unanimité, de les frapper d’anathème, ainsi que les blasphèmes et les sophismes auxquels il avait recours pour dire que le Fils de Dieu avait tiré son origine de choses non existantes auparavant ; qu’il n’était pas avant de naître ; qu’il fut un


restèrent en harmonie sur ce point jusqu’au XVIme siècle. Alors Grégoire XIII, évêque de Rome, réforma le calendrier julien qui continua à être suivi par l’Eglise d’Orient. De là de nouvelles divergences. Nous ne discuterons pas la valeur de la réforme grégorienne du calendrier, mais nous ferons observer que, d’après le comput romain, les Eglises occidentales célèbrent parfois la Pâque le même jour que les Juifs, ce qui est absolument contraire à l’esprit du décret de Nicée. En suivant l’ancien calendrier julien, les Eglises d’Orient ne tombent jamais dans cet inconvénient. Donc, en supposant que la réforme grégorienne soit juste, les Eglises qui l’ont adoptée devraient admettre, pour la fixation du jour de Pâques, un nouveau comput qui préviendrait l’inconvénient que nous avons signalé.

1 On a prétendu, à plusieurs reprises, donner au public ces actes, au moins en partie. Mais tout ce qui a été publié jusqu’ici n’offre aucun caractère d’authenticité. De nos jours, on parle de la découverte d’une partie des actes, mais ce que l’on a publié dans quelques recueils périodiques ne nous paraît pas appartenir au premier concile œcuménique et ressemble plutôt à l’œuvre d’un rhéteur postérieur.
2 Ap. Theod., Hist. Eccl, lib. I, c. 8 ; Socrat., Hist. Eccl., lib. 1, c. 9.
3 On doit remarquer que les Pères ne parlent que d’une convocation faite par l’empereur Constantin.

temps où il n’existait pas ; qu’il fut capable de bien et de mal selon l’usage qu’il ferait de son libre arbitre ; qu’il a été créature, et un être créé. Le saint concile a dit anathème à tous ces blasphèmes insensés qu’il pouvait, à grand peine, entendre prononcer. Quel a été pour Arius le résultat de ses erreurs ? Vous le savez sans doute déjà, ou vous l’apprendrez bientôt ; nous ne vous en parlons pas de peur de paraître insulter un homme qui a cependant reçu la digne récompense de son crime. Son impiété a eu tant d’influence sur Théonas de Marmarique et Secundus de Ptolémaïde qu’ils ont préféré souffrir la même peine plutôt que d’y renoncer. L’Egypte sera délivrée à l’avenir de ces hommes qui troublaient son peuple paisible par leurs opinions perverses et les désordres qui en étaient la suite.
« Reste ce qui regarde Meletios et ceux qu’il a ordonnés1. Nous vous notifions, très-chers frères, ce que le concile a statué. Quoique Meletios ne méritât aucune indulgence, le concile a voulu en user à son égard ; il a donc décidé qu’il resterait dans sa ville épiscopale sans pouvoir d’élire ou de donner les ordres, et qu’il ne pourrait non plus exercer ce pouvoir dans aucune autre ville ; qu’il ne jouirait que d’un titre purement honorifique. Quant à ceux qui ont été établis par lui, après avoir été confirmés par une ordination plus sainte, ils seront admis à la communion d’après ces règles : ils resteront dans leur honneur et leurs fonctions, mais au second rang seulement, dans les paroisses ou Eglises, où notre très-cher collègue Alexandre aurait établi des évêques antérieurement. Aucun d’eux ne pourra concourir aux élections ou faire aucune autre fonction épiscopale sans la volonté des évêques de l’Eglise catholique soumis à Alexandre.
« Ceux qui, par la grâce de Dieu et par vos prières, n’ont point participé au schisme, mais sont restés sans tache dans l’Eglise catholique et apostolique, ils jouiront du pouvoir d’élire, de désigner ceux qui seront dignes de


1 Vid. et. Sozom., Hist. Eccl., lib. I, c. 24.

l’ordination et de remplir toutes autres fonctions selon les lois et règlements ecclésiastiques. S’il arrive qu’un de ceux qui ont été réintégrés dans l’Eglise meure, on pourra lui donner pour successeur un autre de ces réintégrés, pourvu qu’il en soit’ digne, qu’il soit élu par le peuple et confirmé par l’évêque de l’Eglise catholique d’Alexandrie. Cette règle est générale ; cependant la personne de Meletios est exceptée à cause de son caractère brouillon et de son imprudence ; car il n’est pas utile de lui rendre un pouvoir et une autorité dont il pourrait encore abuser.
« Telles sont les questions qui regardent spécialement l’Egypte et la très-sainte Eglise d’Alexandrie. Si quelque autre décision était prise en présence du Seigneur et très-honoré frère et collègue Alexandre, il vous l’exposerait en toute exactitude, comme y ayant pris part.
« Nous vous annonçons aussi avec joie que nous avons été d’accord touchant la célébration de la fête de Pâques, et que, grâce à vos prières, l’œuvre de l’union est accomplie. Ainsi nos frères orientaux qui célébraient la fête avec les Juifs et étaient séparés de vous, des Romains et des autres Eglises depuis le commencement, la célébreront à l’avenir avec vous1.
« Réjouissez-vous donc pour ce qui a été si heureusement accompli, pour la paix et la bonne harmonie qui règnent ; pour l’extirpation des hérésies, et recevez avec les honneurs et l’amour qu’il mérite notre collègue, votre évêque Alexandre. Sa présence nous a procuré une grande joie, et malgré son grand âge, il a beaucoup travaillé pour vous faire jouir de la paix.
« Priez pour nous tous, afin que les choses qu’il nous a semblé bon d’établir, soient acceptées et ratifiées par Notre Seigneur Jésus-Christ, les jugeant bonnes et faites dans la volonté de Dieu et Père, dans le Saint-Esprit auquel soit gloire dans les siècles des siècles. Amen. »
La décision prise au sujet des Mélétiens fut géné-


1 Cette expression confirme ce que nous avons dit, d’après de bons documents, que l’Eglise d’Alexandrie devait indiquer le jour de la fête.

ralisée dans un des canons du concile, comme nous l’exposerons plus bas.
Pour compléter les renseignements donnés dans cette lettre synodale sur les actes du concile, il sera utile d’analyser les lettres que l’empereur Constantin adressa aux diverses Eglises.
Sa première lettre est adressée aux évêques qui n’avaient pu assister au concile ; il n’y fait mention que de la question paschale. « Ma préoccupation principale, dit-il1, est que l’Eglise catholique soit unie dans la foi et dans la charité. Mais je ne pouvais atteindre ce but, si tous les évêques n’étaient pas d’accord ; c’est pourquoi j’ai réuni le concile le plus nombreux qu’il a été possible, et j’y ai assisté comme un des vôtres ; car je dis avec joie que je suis votre collègue.
« En ce qui touche au très-saint jour de Pâques, on a été unanime à décider qu’il fallait célébrer la fête le même jour. Nous avons jugé qu’il était inconvenant de la célébrer le même jour que les Juifs qui souillèrent leurs mains du sang innocent. Acceptez tous cette décision avec docilité, car ce qui est décrété par les saints conciles des évêques doit être regardé comme l’expression de la volonté divine. »
L’application des décrets de Nicée relatifs aux Mélétiens ayant occasionné quelques troubles, Constantin écrivit aux Eglises d’Egypte pour confirmer les décrets du concile et exhorter les évêques à s’y soumettre2. Il écrivit en particulier à l’Eglise catholique d’Alexandrie pour lui notifier les décisions du concile contre Arius3. Il montrait tant de zèle contre cet hérétique qu’il ordonna, sous peine de mort, de brûler ses livres4, Arius,


1 Euseb., De Vit. Constant., lib. III, c. c. 17 et seq. ; Theod., Hist. Eccl. lib. I, c. 9 ; Socrat., Hist. Eccl., lib. I, c. 9.
2 Euseb., De Vit. Constant., lib. III, c. 25.
3 Socrat., Hist. Eccl., lib. 1, c. 9.
Dans cette lettre, il dit positivement : J’ai convoqué le concile à Nicée, et j’y ai assisté comme un évêque, car je me glorifie d’être collègue des évêques.
Il est évident qu’il ne s’attribuait pas l’ordre sacerdotal, mais qu’il se considérait comme le collègue des évêques en ce sens qu’il travaillait de concert avec eux au bien de l’Eglise. Il s’exprimait ainsi pour relever le titre d’évêque aux yeux des peuples.
4 Constantin, Epist. ad Episcop. et Pleb. ap Socrat., Hist. Eccl., lib. I, c. 9.

dit-il, est aussi coupable que Porphyre, auteur d’ouvrages infâmes contre la religion, ouvrages qui ont mérité le sort qu’ils méritaient et qui ont été détruits.
Constantin, pour établir une paix complète dans l’Eglise, aurait voulu mettre fin au schisme de Novatianus qui avait encore des adeptes. Leur évêque était un certain Acesius. Constantin l’ayant appelé au concile il s’y rendit1. Lorsque le symbole eut été promulgué, et que l’on eut arrêté le décret sur la célébration de la Pâque, Constantin demanda à Acesius, s’il n’acceptait pas l’un et l’autre. Certainement, je les accepte, répondit l’évêque schismatique, et ces décisions sont apostoliques. Alors, ajouta Constantin, pourquoi restez-vous séparé ? Acesius entra dans de longs détails sur les raisons de son schisme qui existait depuis le règne de Decius, et prétendit que tous les Tombés ne pouvaient attendre de l’Eglise un pardon qu’elle ne pouvait leur donner. « Vous voulez aller au ciel seul et sans secours, répondit Constantin. Eh bien, placez l’échelle et montez-y. »
Il n’attacha pas plus d’importance au chef d’une secte qui n’avait plus guère d’adhérents.
Après avoir terminé les questions de la foi et de l’unité de l’Eglise, le concile adopta des lois ou canons pour améliorer les mœurs2. Quelques évêques proposèrent d’obliger les évêques, les prêtres et les diacres à se séparer de leurs femmes après leur ordination, et de vivre dans le célibat. L’évêque Paphnutius s’éleva fortement contre cette proposition. Ce vénérable personnage, élevé dès son enfance dans un monastère, n’avait jamais été marié. Ses mérites l’avaient fait, choisir pour évêque d’une ville de la haute Thébaïde. Ses miracles l’avaient rendu célèbre. Il avait confessé Jésus-Christ pendant la persécution, et on lui avait crevé un œil. Constantin l’avait en particulière vénération ; il le faisait venir souvent au palais, et baisait respectueusement les cicatrices de ses glorieuses blessures.
La loi nouvelle du célibat ayant été proposée, et


1 Socrat., Hist. Eccl., lib. I, c. 10 ; Sozom. ; Hist. Eccl., lib. I, c. 22.
2 Sozom., Hist. Eccl., lib. I, c. 23 ; Social., Hist. Eccl., lib. I, c. 11.

chaque évêque ayant été consulté, Paphnuce se leva au milieu de l’assemblée, et élevant la voix, s’écria : « Vous ne devez pas imposer ce joug intolérable aux ecclésiastiques. Le mariage est honorable, et le lit nuptial est sans tache. Votre trop grande sévérité nuirait à l’Eglise, au lieu de lui être utile ; car tous ne pourront pas se soumettre à la discipline d’une continence absolue ; et il arrivera que leur chasteté et celle de leurs femmes sera violée. Les rapports de l’homme avec sa femme légitime sont chastes. Il suffit donc, selon la vieille tradition de l’Eglise, que ceux qui sont élevés à l’état ecclésiastique ne puissent plus se marier après leur ordination ; mais il ne faut séparer aucun ecclésiastique de la femme qu’il a épousée légitimement étant encore laïc. »
Les paroles de Paphnutius firent d’autant plus d’impression qu’il était universellement connu pour la pureté de ses mœurs. Le concile se rangea unanimement à son avis. On laissa la liberté à ceux qui, après leur ordination, voudraient se séparer de leurs femmes et vivre dans le célibat. Il n’était pas rare alors de voir des ecclésiastiques s’élever à cette perfection.
Selon la vieille tradition de l’Eglise, les évêques pouvaient donc vivre avec leurs femmes, aussi bien que les prêtres et les diacres ; mais ni les uns ni les autres ne pouvaient se marier après leur ordination, à moins de quitter le ministère1.
Les canons, adoptés par le concile de Nicée, sont au nombre de vingt2. Nous les donnons en les accompagnant de courtes explications.


1 Les Eglises orientales ont toujours maintenu cette ancienne discipline, excepté pour les évêques qui furent obligés au célibat pour le concile in Trullo, comme nous le verrons dans la suite.
Les Eglises occidentales admirent le célibat perpétuel pour les évêques, les prêtres, les diacres et les sous-diacres. L’histoire dira que saint Paphnutius avait bien prévu les inconvénients qui résulteraient d’une telle loi pour l’Eglise qui l’admettrait.
Lorsque l’Eglise anglicane se sépara de l’Eglise romaine, elle établit une discipline toute contraire, et décréta que les évêques, les prêtres et les diacres pourraient se marier, même après l’ordination, et même se marier plusieurs fois. Cette discipline est absolument contraire à celle qui a été suivie par l’Eglise apostolique, et qui a été maintenue par les Eglises orientales.
2 Theod., Hist. Eccl., lib. I, c. 7 ; Ruffin, Hist. Eccl, lib. I, c. 6. Cet historien latin a séparé en deux les 6n,e et 8me canons ; c’est pourquoi il en compte 22, quoiqu’il ne donne que les 20 reconnus par les Grecs.
V. il. Acl. Sext. Concil. Carthagin. Gelas. Cyz. Hist. Conc. Nicœn., lib. Il, c. 31 ; Balsam., Zonar. et toutes les collections des conciles.

1° Si quelqu’un a été fait eunuque par les médecins pendant une maladie, ou par les Barbares, qu’il reste dans le clergé ; mais celui qui se serait mutilé lui-même, étant en bonne santé, doit cesser son ministère, s’il fait partie du clergé. A l’avenir, on ne pourra élever aux ordres un tel homme. Gomme cette loi ne regarde que ceux qui se sont mutilés volontairement, on peut recevoir dans le clergé ceux qui auraient été faits eunuques par les Barbares ou par leurs maîtres.
Il y avait des fanatiques qui se portaient contre eux- mêmes aux attentats que condamne le concile ; ils formaient une secte qui faisait de la castration une loi. Les adeptes devaient mutiler leurs disciples et tous les hommes dont ils pouvaient s’emparer. On nommait ces fanatiques valésiens1. Peut-être le concile avait-il en vue ces sectaires dans le premier canon qu’il décréta. On peut croire aussi qu’il ne voulait pas qu’on s’autorisât de l’exemple des saints évêques qui avaient ordonné Origène ; et qu’il crut utile de mettre, par sa décision, un terme aux discussions qui avaient eu lieu à ce sujet.
2° Beaucoup de choses ont été faites contre la règle de l’Eglise, soit par nécessité, soit par importunité. Ainsi, des hommes qui n’avaient quitté l’idolâtrie que depuis peu de temps, qui n’avaient reçu qu’une instruction rapide, étaient conduits au bain spirituel et étaient élevés, aussitôt après le baptême, à la dignité d’évêque ou de prêtre. Il a paru juste qu’il n’en soit plus ainsi. Le catéchumène a besoin de temps pour s’instruire ; et, après le baptême, il doit être soumis à une longue épreuve. Le précepte apostolique est incontestable : « N’ordonne pas un néophyte, de peur que, enflé d’orgueil, il ne tombe en condamnation et dans le piège du démon. » Si quelqu’un est convaincu d’un péché grave commis avec intention2, par le témoignage de deux ou de trois témoins, qu’il ne soit point admis dans le clergé. Si quelqu’un agit autrement, il encourra le danger d’être


1 Epiph., Hœres., 58. Des sectes semblables ont été signalées en plusieurs pays, à diverses époques.
2 Le texte dit : un péché de l’esprit, ψυχικόν τι αμάρτημα.

déposé, comme coupable d’avoir agi contrairement à la décision du grand concile.
3° Le grand concile défend absolument à tout, évêque, prêtre, diacre, ou autre clerc d’avoir chez lui une femme non mariée avec lui, à moins que ce ne soit sa mère, sa sœur, sa tante, ou toute autre personne à l’abri du soupçon. Celui qui agira autrement sera en danger de perdre sa dignité.
4° Il faut que l’évêque soit établi par tous les autres évêques qui sont dans la même province. Si cela est difficile, soit à cause de quelque nécessité incontestable, soit à cause de la longueur du chemin, il faut toujours que trois évêques se réunissent en un même lieu pour faire l’imposition des mains, après avoir reçu le consentement écrit des évêques absents. La confirmation de tout ce qui est fait dans chaque province doit être donnée par l’évêque métropolitain.
Ce canon prouve que les divisions territoriales de l’empire furent, dès le concile de Nicée, appliquées à l’Eglise. Celle-ci fut divisée en provinces, comme l’était l’empire, et l’évêque de la ville capitale de la province ou métropole fut appelé métropolitain et investi d’une certaine juridiction sur les autres évêques de la province.
Les provinces furent elles-mêmes groupées autour des patriarchats, comme on le verra au canon sixième.
5° Les excommuniés, qu’ils appartiennent au clergé ou au corps des fidèles, lorsqu’ils le sont par les évêques d’une province, ne doivent pas être admis en communion par les évêques d’une autre province. On doit seulement examiner si l’excommunié aurait été condamné par un évêque ignorant, méchant ou injuste. Pour que cet examen soit fait d’une manière convenable, il nous a plu que deux fois par an des conciles soient assemblés dans chaque province, afin que, tous les évêques de la province étant réunis en un même lieu, toutes les questions analogues soient discutées, et que ceux qui auraient offensé ouvertement leur évêque soient considérés par tous les autres comme excommuniés, jusqu’à ce que le

concile ou le propre évêque juge à propos de prononcer une sentence plus douce. Les conciles seront réunis, le premier avant le carême, afin que tout sujet de contestation étant écarté, on puisse offrir à Dieu (le jour de Pâques) un sacrifice sans tache ; le second, pendant l’automne.
Le concile concentrait ainsi le gouvernement ecclésiastique de chaque province dans la province elle- même ; et ce gouvernement était conciliaire, comme celui de l’Eglise entière, dont le concile œcuménique était la seule représentation légitime.
6° Nous confirmons l’ancienne coutume qui existe en Egypte, en Lybie et dans la Pentapole, et d’après laquelle l’évêque d’Alexandrie a autorité dans tous ces pays, puisque, à Rome, une coutume analogue existe. De même, à Antioche et dans les autres éparchies, que chacun conserve l’honneur qui lui est dû. Cela est tout à fait évident que si quelqu’un a été fait évêque sans le consentement du métropolitain, le grand concile déclare qu’il ne doit pas être considéré comme évêque. Si deux ou trois s’obstinent à s’opposer au suffrage légal et légitime des autres, la majorité l’emportera1.
La dernière partie de ce canon prouve qu’il s’agissait particulièrement, dans la première, du droit d’ordination que d’anciennes coutumes avaient attribué aux évêques des plus grands sièges. Les Eglises, fondées à l’époque apostolique avaient été des centres d’évangélisation, et les évêques de ces Eglises avaient ordonné des évêques pour les pays nouvellement convertis à la foi, par eux ou par leurs délégués. L’Egypte, la Lybie et la Pentapole avaient toujours ainsi reçu des évêques d’Alexandrie d’où la foi leur était venue. Meletios avait nié le droit de l’Eglise d’Alexandrie ; mais le concile le reconnut et le consacra. Les Mélétiens objectaient sans


1 Dans quelques manuscrites latins, on lit en tête de ce sixième canon :« L’Eglise romaine a toujours eu la primauté. » Cette intercalation ne servirait pas beaucoup le système papal, alors même qu’elle ne serait pas une falsification. Elle est rejetée par les meilleurs érudits, même appartenant à l’Eglise romaine. Quand l’expression de primauté viendra d’une manière authentique dans l’histoire, il sera facile de comprendre cette expression dont on a tant abusé.

doute que c’était là un usage abusif, mais le concile répondit qu’il n’était pas un abus, puisque1 un usage analogue existait pour Rome, pour Antioche et pour d’autres éparchies. Comme l’évêque d’Alexandrie, celui de Rome avait le droit d’ordonner les évêques des villes appelées suburbicaires2. Ces villes formaient ce qu’on appelait le territoire romain, c’est-à-dire l’Italie méridionale avec les îles de Sicile, de Corse et de Sardaigne. D’après une ancienne coutume, analogue à celle qui existait en Egypte, les évêques de Rome ordonnaient les évêques de ce territoire qui avait reçu la foi de leur Eglise3. A Antioche régnait une coutume analogue.
Ces coutumes furent confirmées pour les sièges des trois grandes capitales de l’empire : Rome, Alexandrie et Antioche. Ce fut l’origine des patriarchats. Mais, à côté


1 Ainsi s’explique la fameuse expression puisque, έπ3ΐδή, à laquelle certains canonistes ont accordé une importance ridicule en faveur du système papal. Le sixième canon de Nicée est évidemment dirigé contre les Mélétiens qui rejetaient l’autorité que l’évêque d’Alexandrie tenait d’une ancienne coutume. Le concile s’appuie sur les coutumes analogues suivies à Rome, à Antioche et ailleurs pour légaliser celle d’Alexandrie. Comment trouver en ceci quelque chose qui favorise le système papal ?
2 Ruff., Hist. Eccl, lib. I, c. 6.
3 On a beaucoup disserté sur l’étendue du diocèse où l’évêque de Rome avait le droit d’ordonner les évêques. Cette question est fort peu importante. Le point essentiel c’est que le droit de l’évêque de Rome ne venait que de la coutume comme celui des évêques d’Alexandrie, d’Antioche et autres, et qu’il n’était pas universel.
Les théologiens et historiens romains prétendent que le concile, en comparant la coutume d’Alexandrie à celle de Rome, n’a point voulu contester les droits de l’évêque de Rome à l’autorité universelle de droit divin, autorité qui, d’après eux, serait basée sur des preuves indiscutables, antérieures au concile de Nicée. Nous n’avons trouvé aucune de ces prétendues preuves dans les monuments des trois premiers siècles ; nous avons, au contraire, cité des faits et des textes qui prouvent qu’elle n’existait pas. Il n’y avait, à l’époque du concile de Nicée, aucune différence entre l’autorité de l’évêque de Rome et celle de l’évêque d’Alexandrie dans les provinces sur lesquelles une ancienne coutume leur avait donné cette autorité. Nous verrons se développer le patriarcat de Rome, comme ceux d’Alexandrie et d’Antioche ; et nous verrons naître celui de Constantinople. Il est certain que si l’évêque de Rome avait joui de l’autorité qu’on lui a attribuée depuis dans l’Eglise romaine, il n’aurait pas pris la coutume romaine pour point de comparaison avec la coutume égyptienne, en les assimilant l’une à l’autre. Une coutume locale ne peut être assimilée à un droit divin universel. La distinction des divers titres de l’évêque de Rome, considéré comme métropolitain, patriarche et pape, ou chef universel de l’Eglise, n’a été inventée que pour échapper à des faits accablants qui, dans les premiers siècles, ruinent complètement le système papal. Malgré tous les subterfuges auxquels ont eu recours les érudits de l’Eglise romaine pour éluder le sixième canon de Nicée, et pour lui faire déclarer le contraire de ce qui y est contenu, tout homme de bonne foi, en le lisant, conviendra que le concile n’a pas considéré l’autorité de l’évêque de Rome sous un autre jour que celle de l’évêque d’Alexandrie ; et qu’il n’a donné pour base à l’une comme à l’autre qu’une simple coutume, un ancien usage, et non pas la parole de Dieu.

des grandes capitales existaient des capitales secondaires qui tenaient le milieu entre elles et les métropoles. Telles étaient les villes d’Ephèse, de Cæsarée en Cappadoce, d’Héraclée en Thrace, de Carthage dans l’Afrique occidentale.
Les évêques de ces capitales secondaires jouissaient d’une plus haute autorité que les simples métropolitains ; plusieurs d’entre eux reçurent le titre d’exarques. D’autres, comme celui de Salamine en Chypre, étaient premiers évêques d’Eglises autonomes, indépendantes des patriarchats et des exarchats, et qu’on appelait pour cela acéphales. Toutes les coutumes établies furent également respectées par le concile de Nicée, qui basa le régime gouvernemental dans l’Eglise sur le concile provincial. L’autorité des patriarches, des exarques et autres premiers évêques se bornait au droit de conférer l’ordination aux évêques des Eglises, filles de celle qu’ils administraient. Avec le temps, les patriarches et exarques obtinrent quelques autres prérogatives.
Le concile de Nicée n’entra pas dans le détail des droits et coutumes. Il déclara seulement que son canon sur l’organisation provinciale laissait intactes les coutumes consacrées par le temps. Il ne jeta que d’une manière générale les bases des patriarchats, lesquels furent explicitement constitués par les conciles œcuméniques suivants, qui développèrent son idée d’appliquer à l’organisation extérieure de l’Eglise la division territoriale de l’empire1.


1 Nous ne pouvons relever toutes les fausses interprétations et les falsifications dont le sixième canon de Nicée a été l’objet. Cependant, il est utile de signaler, de temps à autre, quelques-unes des falsifications des derniers écrivains romains. Voici donc comment M. l’abbé Darras traduit le sixième canon de Nicée, auquel il donne la première place, pour en mieux faire ressortir l’importance :
« L’Eglise romaine a toujours possédé la primauté. Que les anciennes coutumes soient donc maintenues en vigueur dans l’Egypte, la Lybie et la Pentapole, en sorte que tous y soient soumis à l’évêque d’Alexandrie, PARCE QUE TEL EST L’ORDRE DU PONTIFE ROMAIN. Qu’il en soit de même pour ce qui concerne l’évêque d’Antioche, etc. »
Le docteur Héfelé a eu la bonne foi de supprimer la première ligne qui est une altération du texte et de traduire les mots falsifiés ainsi par l’abbé Darras : Parce que tel est l’ordre du pontife romain, de cette manière : « Car il y a le même rapport que pour l’évêque de Rome. » Ceci revient au sens que

L’évêque de Jérusalem méritait une place spéciale dans la hiérarchie ecclésiastique, non à cause de l’importance de la ville qui avait perdu jusqu’à son nom, mais à cause des souvenirs qui s’y rattachaient. Le septième canon lui fut consacré.
7° Comme l’évêque d’Ælia1, d’après la coutume et l’antique tradition, est honoré d’une manière particulière, il continuera à jouir de ces honneurs, sans préjudice de la dignité du métropolitain.
Le métropolitain de Palestine était l’évêque de Cæsarée, capitale de la province. Le septième canon de Nicée peut être considéré comme l’origine du patriarchat de Jérusalem, en ce sens qu’il rendit légal l’honneur exceptionnel et l’indépendance dont il jouissait, d’après une coutume apostolique.
8° Si, parmi ceux que l’on appelle Purs (ou Cathares), quelques-uns reviennent à l’Eglise catholique et apostolique2, il a plu au grand et saint concile qu’ils restent dans le clergé, lorsqu’on leur aura imposé les mains3. Il faut que, préalablement, ils déclarent par écrit qu’ils observeront et suivront les doctrines de l’Eglise catholique et apostolique, c’est-à-dire qu’ils communiqueront avec ceux qui auront contracté un second mariage et avec ceux qui sont tombés pendant la persécution, et qui se sont soumis aux prescriptions de l’Eglise catholique pour la pénitence. Donc ceux d’entre eux qui, soit dans les villages, soit dans les villes, exercent le ministère ecclésiastique, y seront maintenus ; mais, pour ceux qui vont en des localités où se trouve un évêque ou un prêtre de l’Eglise catholique, il est évident que l’évêque


nous avons admis, avec tous les savants, dans notre traduction. Les mots grecs sont ceux-ci : επειδή και τω εν τή ‘Ρώμιτι έπιςκδπω τούτο σύνηθες έςτιν
On ne peut traduire de telles expressions, comme l’a fait l’abbé Darras, sans commettre la plus honteuse falsification. (Voy. Histoire générale de l’Eglise, par l’abbé J. E. Darras. t. IX, pag. 244 (édit. 1867). C’est avec de pareils procédés qu’on a trouvé la papauté dans les huit premiers siècles de l’Eglise.
1 Jérusalem était ainsi appelée depuis le règne d’Ælius Adrianus. Cet empereur avait restauré la ville et lui avait donné son nom.
2 Ces Purs ou Cathares étaient les Novatiens.
3 On a discuté sur cette imposition des mains. Les uns l’ont entendue d’une nouvelle ordination ; les autres d’un rite de réconciliation usité à l’égard des hérétiques.

de l’Eglise remplira le ministère épiscopal ; quant à celui que les Cathares appellent évêque, il n’aura, en ce lieu, que le titre de prêtre, à moins qu’il ne convienne à l’évêque de lui laisser le titre épiscopal. S’il ne lui convient pas d’en agir ainsi, il donnera à l’évêque cathare une place de chorévêque ou de prêtre, afin qu’il soit évident qu’il appartient au clergé, et qu’en même temps il n’y ait pas deux évêques dans une même ville.
Ce canon témoigne d’une grande douceur envers les Novatiens et donne à penser que si, dans l’Eglise, on blâmait, avec raison, leur excessive sévérité, on ne les confondait pas cependant avec les hérétiques qui cherchaient à dénaturer les doctrines de l’Eglise. Il est certain que, parmi les Novatiens, il y avait des personnages d’une grande sainteté, comme le moine Eutychianus1. Le concile crut qu’on leur devait des égards et qu’ils étaient dignes de faire partie de l’Eglise.
9° Si quelques-uns ont été élevés au sacerdoce sans enquête préalable, ou si, après avoir avoué leurs fautes, dans l’enquête, on leur a cependant imposé les mains contre la règle, leur ordination n’est pas canonique ; car l’Eglise catholique n’accepte rien qui soit irrégulier.
10° Ceux des Tombés qui seraient ordonnés, soit que leur chute fût ignorée, soit qu’elle fût connue de ceux qui ont donné l’ordination, seront soumis, à la loi de l’Eglise et déposés dès qu’ils seront découverts.
11° Ceux qui, sous la tyrannie de Licinius, ont prévariqué, sans y avoir été poussés ni par la nécessité, ni par la confiscation de leurs biens, ni par un danger ou autre motif analogue, le saint concile décide que, tout en les considérant comme indignes d’indulgence, on doit cependant agir à leur égard avec douceur. Ceux donc qui se repentent resteront pendant trois ans parmi les auditeurs, sept ans parmi les prosternés, après quoi ils pourront prier parmi les fidèles, mais sans prendre part à l’oblation pendant deux ans.


1 Socrat., Hist. Eccl, lib. 1, c. 13.

Ce canon du concile œcuménique confirme les règlements précédents sur les pénitences imposées aux Tombés. Il en est de même du suivant, où le concile continue à avoir pour but la punition des adhérents de Licinius.
12° Ceux qui, appelés par la grâce et animés d’un saint zèle, ont quitté le service militaire ; mais qui ensuite, semblables à des chiens qui veulent manger ce qu’ils ont vomi, ont cherché à rentrer au service, et même ont donné de l’argent ou des présents pour y être réintégrés, ils resteront pendant trois ans parmi les auditeurs et dix ans parmi les prosternés. Mais en tout cela, il faut tenir compte des bonnes résolutions et de la manière dont la pénitence est accomplie. En effet, il en est qui, par leur crainte religieuse, leurs larmes, leur persévérance, leurs bonnes œuvres, prouvent qu’ils changent de vie réellement et non pas seulement en apparence. Ceux-là, après avoir accompli le temps qu’ils devaient passer parmi les auditeurs, pourront passer parmi les priants. Il sera permis à l’évêque d’agir envers eux avec la plus grande douceur, dans ce nouvel état. Mais, quant à ceux qui s’imaginent qu’il leur suffit d’entrer à l’Eglise pour changer de vie, ils accompliront en entier le temps de pénitence qui sera fixé.
Les adoucissements dans l’accomplissement des pénitences étaient appelés indulgences1.
Ce canon prouve que des fidèles, engagés dans le service militaire, y avaient d’abord renoncé sous Licinius, lequel, depuis qu’il était en guerre avec Constantin, se donnait comme le défenseur du paganisme et exigeait des militaires une adhésion publique à l’idolâtrie. Plusieurs, qui avaient fait leur carrière de l’état militaire, avaient fini par faiblir et à rentrer dans les rangs de l’armée de Licinius. C’était un acte d’apostasie que le concile devait punir rigoureusement. Mais, le principe sauvegardé, il voulait qu’on usât d’une grande tolérance


1 Nous avons déjà fait remarquer qu’il n’y a aucune similitude entre ces indulgences primitives et ce qu’on a appelé de ce nom dans l’Eglise romaine moderne.

envers ceux qui avaient faibli, s’ils se montraient sincèrement repentants.
13° A l’égard des pénitents qui sont sur le point de quitter ce monde, il faut suivre la loi ancienne et canonique d’après laquelle le mourant ne doit pas être privé de la suprême et dernière communion. S’il revient à la santé, après avoir été admis à la communion, il continuera sa pénitence parmi les priants. L’évêque doit donner les dons, après enquête, à tout mourant qui les demande.
Le concile voulait qu’en présence de la mort tout obstacle à la réconciliation fût levé. L’Eglise n’a jamais fait de lois que pour le temps de la vie présente et n’a pas voulu usurper les droits de Dieu quant à la vie future1. Elle accordait donc remise des pénitences et la communion à tout excommunié mourant qui les demandait.
14° Le saint et grand concile décide que les catéchumènes, qui sont tombés pendant leur instruction, resteront pendant trois ans parmi les auditeurs avant d’être admis à prier avec les autres catéchumènes.
Il y avait plusieurs classes de catéchumènes : ceux qui assistaient seulement aux instructions sur la religion ; on les nommait auditeurs ; d’autres pouvaient assister à la liturgie dite des catéchumènes et qui se prolongeait jusqu’à l’hymne des chérubins qui commence la liturgie des fidèles dans le rite oriental, ou l’offertoire dans le rite latin. Avant d’être admis au baptême, les catéchumènes les plus instruits et jugés dignes recevaient des instructions spéciales, ce qui a donné lieu à certains auteurs de distinguer une troisième classe de catéchumènes. Les précautions que prenait l’Eglise avant d’admettre les catéchumènes dans son sein, furent un des principaux moyens pour maintenir le véritable esprit chrétien parmi les fidèles.
15° Dans certains pays, il y a eu des troubles et des


1 L’Eglise romaine s’est écartée de la doctrine primitive sur ce point comme sur beaucoup d’autres ; le pape prétend que son autorité peut s’exercer même sur ceux qui ont quitté la terre.

divisions, parce qu’on y a transgressé le canon d’après lequel un évêque, un prêtre ou un diacre ne doit pas quitter la ville où il a été ordonné pour aller exercer son ordre dans une autre. Cette mauvaise coutume est abolie et l’on devra suivre partout le canon qui défend, sous peine de nullité, la translation d’un évêque ou d’un prêtre, de l’Eglise pour laquelle il a été ordonné, à une autre.
Il est à regretter que cette règle apostolique ait été souvent violée dans toutes les Eglises. Sans doute, il ne s’agissait là que d’une loi disciplinaire qui peut toujours être modifiée par l’autorité de l’Eglise, et nous n’hésitons pas à reconnaître que de grands évêques ont été transférés, pour le bien de l’Eglise, sur des sièges plus éminents que ceux pour lesquels ils avaient été d’abord ordonnés. Mais, en elle-même, la loi apostolique, renouvelée à Nicée, était excellente et méritait d’être observée d’une manière plus rigoureuse.
16° Des prêtres, des diacres ou autres inscrites au catalogue ecclésiastique, oublient parfois la crainte de Dieu au point de mépriser les canons et d’abandonner l’Eglise pour laquelle ils ont été ordonnés. Ces ecclésiastiques ne doivent pas être reçus dans une autre Eglise, et on doit les obliger à retourner à celle qu’ils ont abandonnée. S’ils s’y refusent, il faut les excommunier. Si quelqu’un ose attirer un membre d’une autre Eglise et l’ordonner pour la sienne sans le consentement de l’évêque auquel il appartient, cette ordination sera nulle.
Le concile de Nicée semble avoir été préoccupé de l’idée de défendre l’intégrité de chaque Eglise, et de faire de chaque communauté chrétienne un centre fortement organisé. Cette pensée était excellente ; car la force de l’Eglise, en général, résulte principalement de la forte organisation des Eglises particulières. Les clercs et les fidèles, unis autour de leur évêque, forment un élément puissant pour la conservation de la foi et de la discipline ; de la réunion de tous ces éléments résulte une Eglise puissante qui se manifeste dans son universelle unité, dès qu’un de ses dogmes est en péril.

Le concile voulait aussi exclure toute ambition du clergé. Dans le canon suivant, il lui interdit tout profit usuraire.
17° Il y a des ecclésiastiques qui, par avarice, oublient l’Écriture, laquelle défend de prêter son argent à usure ; c’est pourquoi le saint et grand concile décide que si, après la loi qu’il promulgue, un clerc s’adonne à l’usure, demande des intérêts usuraires1, ou se livre à des spéculations quelconques pour réaliser des bénéfices, ce clerc soit déposé, et que son nom soit rayé du catalogue ecclésiastique.
Il arrivait très-souvent que l’on élisait pour évêques, prêtres ou clercs, dans une Eglise, des hommes engagés dans les affaires et qui continuaient, soit leur négoce, soit leur métier, tout en remplissant les fonctions sacrées. C’est ainsi qu’au concile même de Nicée, on voyait un saint évêque de Chypre, nommé Spiridion, qui était cultivateur et élevait des bestiaux. Il continua, après son élévation à l’épiscopat, les travaux auxquels il s’adonnait auparavant. Ceux qui faisaient le commerce pouvaient facilement se laisser aller à des spéculations plus lucratives qu’honnêtes. Le concile ne les permettait point, et ordonnait de chasser du clergé ceux qui se montraient avares et injustes dans leur commerce.
18° Le saint et grand concile a appris que, dans certains lieux, des diacres donnent l’eucharistie aux prêtres. Ni la loi, ni la coutume n’autorisent ceux qui n’ont pas le pouvoir d’offrir à donner le corps du Seigneur à ceux qui offrent. Il a appris aussi que quelques diacres reçoivent l’eucharistie avant les évêques. Que tout cela soit supprimé, et que les diacres restent dans leur ordre, sachant qu’ils sont les serviteurs des évêques, et qu’ils sont inférieurs aux prêtres ; qu’ils reçoivent l’eucharistie à leur rang, de la main de l’évêque ou de celle du prêtre. Qu’il ne soit pas permis au diacre de s’asseoir parmi les
1 Le taux de l’intérêt de l’empire romain était de 1 pour cent par mois, ce qui faisait 12 pour cent par an. Le Concile se sert d’un mot qui signifie un et demi pour désigner le taux usuraire ; ce qui faisait 18 pour cent.
Certains usuriers demandaient 2 et même 4 pour cent par mois, ce qui élevait l’intérêt à 24 et à 48 pour cent l’an.

prêtres ; l’usage contraire n’est conforme ni à l’ordre, ni à la loi. Si un diacre ne veut pas obéir à la présente loi, qu’il soit privé de son ordre.
La liturgie dans laquelle on consacrait l’eucharistie était célébrée à jours fixes, une fois seulement, par un prêtre ou par l’évêque. L’évêque et les autres prêtres y prenaient part et y communiaient. On voit par le canon de Nicée que des diacres, qui servaient à l’autel, communiaient d’abord, même avant l’évêque, lorsqu’il ne célébrait pas ; puis portaient l’eucharistie aux prêtres assistants. C’était un abus. D’après le concile, l’évêque d’abord, puis les prêtres devaient communier ; et le diacre ne devait communier que le dernier1.
On rencontre, dans les monuments de l’Eglise primitive, un grand nombre de faits qui attestent l’orgueil de certains diacres, surtout dans les villes. Par ses fonctions à l’Eglise, le diacre était en rapports continuels avec l’évêque, lorsqu’il célébrait ; de plus, il avait à remplir à l’extérieur des fonctions qui lui donnaient une grande influence sur les fidèles. Les diacres, dans les villes, se considéraient comme des personnages très-importants, et se regardaient comme supérieurs aux prêtres des villages. Même les prêtres de la ville, dont le ministère était tout spirituel, avaient moins d’influence que les diacres. Ainsi s’expliquent l’orgueil de quelques diacres et les abus que le concile de Nicée voulut supprimer.
19° Si quelques-uns reviennent de l’hérésie des paulianistes (de Paul de Samosate) à l’Eglise catholique, il est statué qu’ils devront être baptisés. S’ils ont appartenu au clergé hérétique, ils pourront recevoir les ordres de l’évêque de l’Eglise catholique, après avoir été rebaptisés, s’ils sont vertueux et de mœurs irréprochables. Mais, s’ils ne sont pas jugés aptes à remplir les fonctions du ministère, on les déposera. La même règle sera suivie


1 Ces antiques usages sur la célébration de la liturgie et sur la communion des prêtres assistants et des diacres, se sont conservés dans l’Eglise catholique orientale. On ne célèbre qu’une seule fois la liturgie sur le même autel, et à des jours fixes. Si des prêtres prennent part à la célébration de la liturgie, ils se communient eux-mêmes ; puis le diacre officiant reçoit l’Eucharistie soit du prêtre officiant, soit de l’assistant qui a communié le dernier.

à l’égard des diacres et autres clercs. Les diaconesses paulianistes, n’ayant pas reçu de véritable ordination, devront être regardées comme simples laïques.
Paul de Samosate, ne croyant pas à la divinité de Jésus-Christ et errant sur l’essence divine, n’administrait pas le baptême au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit ; c’est pourquoi son baptême est regardé comme invalide par le concile. Mais, comme on ne mentionne que les partisans de Paul de Samosate, on peut en conclure que le baptême des autres hérétiques, qui n’erraient pas sur la Trinité et qui baptisaient selon la formule instituée par Jésus-Christ, devait être, dans la pensée du concile, regardé comme valide.
20° Comme il en est qui font la génuflexion le dimanche et même pendant les jours de la Pentecôte, il a plu au saint concile d’établir une règle uniforme et de décider que, ces jours-là, il faut prier debout.
L’usage suivi généralement dans l’Eglise primitive était de prier debout. Une catégorie de pénitents seulement priaient étant prosternés. Cependant, la coutume s’était établie de faire des génuflexions, lorsqu’on récitait certaines prières. Le concile les interdit le dimanche et tous les jours depuis Pâques jusqu’à la Pentecôte, en signe de joie pour la résurrection du Seigneur l.
Le concile avait terminé ses travaux, lorsqu’arriva le vingtième anniversaire du règne de Constantin2. L’empereur invita à un festin tous les évêques qui, sans aucune exception, se rendirent à son invitation. Pour leur faire honneur, les soldats de la garde étaient placés en cercle dans le vestibule du palais, l’épée nue à la main. Les hommes de Dieu passaient paisiblement à travers ces soldats si redoutés naguère, et pénétraient jusque dans l’intérieur du palais. Les uns prirent place


1 Dans nos interprétations des canons du concile de Nicée, nous avons principalement suivi les commentaires de Zonare et de Balsamon qui devaient mieux les comprendre que les occidentaux.
2 Cet anniversaire tombait le 25 août 325. Cette date détermine parfaitement l’année où se tint le concile de Nicée. Voy. Euseb., De Vit. Constantin., lib. III, c. c. l5, 16 ; Sozomène, Hist. Eccl, lib. I, c. 25.

à la table même de l’empereur ; d’autres occupèrent des tables placées des deux côtés de la salle. Cette réunion semblait, dit Eusèbe, une image du règne du Christ, et plutôt un rêve qu’une réalité.
Après le repas, Constantin fit à tous les évêques des présents plus ou moins magnifiques, suivant leur dignité.
L’époque étant arrivée où le concile devait se séparer Constantin convoqua les Pères une dernière fois pour leur faire ses adieux. Dans le discours qu’il leur adressa, il les engagea surtout à conserver entre eux une parfaite harmonie ; à éviter les discussions irritantes ; à ne point porter envie à ceux des évêques qui se distingueraient par leur sagesse et leur éloquence. Chacun, ajouta-t-il, doit regarder comme un bien commun à toutes les vertus de chacun ; ceux qui sont plus élevés ne doivent pas se regarder comme supérieurs aux autres, car à Dieu seul il appartient de juger quel est le mérite réel de chacun. Il convient surtout à ceux qui sont plus élevés de traiter avec bonté et douceur leurs inférieurs ; il est bien difficile de trouver quelque chose de parfait ; donc on doit se pardonner mutuellement ses faiblesses, ses fragilités humaines, et s’appliquer à conserver la concorde. Les discussions qui s’élèveraient entre vous ne feraient que prêter à rire à ceux qui ne cherchent que l’occasion d’attaquer la divine loi. Notre principal soin doit consister à gagner nos adversaires en leur inspirant du respect et de l’admiration pour ce qui se passe parmi nous. Il n’est pas toujours bon de faire de longs discours pour expliquer ce qui est obscur. Les uns, en effet, ont besoin de beaucoup d’aliments pour vivre ; à d’autres il en faut peu ; il arrive souvent qu’avec de petits présents, vous inspirez le désir de se lier avec vous d’une amitié plus intime, tandis qu’à d’autres il suffit d’un bon accueil pour inspirer de l’attachement. Au fond, il y a peu de gens qui aiment les longs discours et qui recherchent la vérité. On doit, en conséquence, subor-


1 Euseb., De Vit. Constant., lib. III, c. 21.

donner ses actes au goût de ceux que l’on veut amener à la. saine doctrine.
En terminant, l’empereur demanda pour lui les prières des évêques ; puis il leur permit de retourner à leurs Eglises1. Tous les Pères furent remplis d’allégresse, et quittèrent Nicée, persuadés que l’union allait régner dans l’Eglise.
Nous avons cité plus haut les lettres que Constantin écrivit aux évêques et aux Eglises pour leur notifier plusieurs des décisions du concile. Ces décisions furent communiquées aux Eglises par les principaux évêques qui avaient fait partie de l’assemblée.
On ne peut douter qu’elles n’aient été portées en Occident par Osius, les deux prêtres que l’évêque de Rome avait envoyés à Nicée pour le représenter, et les autres évêques occidentaux.
On sait, par le témoignage d’Eusèbe cité précédemment, qu’Osius était accompagné d’autres évêques espagnols ; mais on ne connaît ni leurs noms, ni leurs sièges. Les historiens n’ont mentionné qu’un très-petit nombre de membres ; nous les avons nommés d’après eux. Par les actes, de plusieurs conciles postérieurs assemblés dans la cause de l’arianisme, et d’après quelques indications puisées dans les œuvres de saint Athanase, on pourrait joindre quelques noms à ceux que nous avons cités ; mais on n’arriverait toujours qu’à un chiffre très-restreint. Les évêques signèrent les actes du concile2 ; mais leurs signatures ne nous sont pas plus parvenues que les actes eux-mêmes.
Si nous en croyons Gélase de Cyzique3, les actes du concile de Nicée furent communiqués à Rome, à l’Italie, à l’Espagne et aux autres nations occidentales par Osius, évêque de Cordoue, et les deux prêtres romains, Viton et Vincent.
Alexandre d’Alexandrie les adressa à l’Egypte, à la Lybie, à la Pentapole et aux autres Eglises de la même région jusqu’aux Indes.


1 Euseb., De Vit. Constant., lib. III, c. 21.
2 Theodoret., Hist. Eccl, lib. I, c. 6.
3 Gelas. Cizyc., Hist. Conc. Niccen., lib. II, c. 36.

Macarius de Jérusalem et Eusèbe de Cæsarée les envoyèrent aux Eglises, de Palæstine, d’Arabie et de Phénicie.
Eustathe d’Antioche les adressa aux Eglises de Célésyrie, de Mésopotamie et de Cilicie.
Jean de Perse les communiqua aux Eglises de Perse et des grandes Indes ; Leontius de Cæsarée, aux Eglises de Cappadoce, de Galatie, du Pont, de la Paphlagonie et des Arménies ; Théonas de Cyzique, aux Eglises d’Asie, d’Hel- lespont, de Lydie, de Carie, au moyen des évêques suf- fragants Eutychius de Smyrne et Marinus de Troade ; Alexandre de Thessalonique, aux Eglises de Macédoine, de Grèce, de Scythie, d’Illyrie, de Thessalie, d’Achaïe et autres provinces européennes limitrophes ; Nunechius de Laodicée, aux Eglises de Phrygie ; Protogènes de Sardique, aux Eglises de Dacie, de Calabre, de Dardanie et autres provinces limitrophes ; Cæcilianus de Carthage, aux Eglises d’Afrique, de Numidie et de Mauritanie ; Pistos de Marcianopolis, aux Eglises de Mysie, de Galatie et autres provinces voisines1 ; Alexandre de Byzance, aux Eglises des îles Cyclades2.
Un fait certain, c’est que les actes du concile de Nicée furent acceptés par toutes les Eglises d’Orient et d’Occident, comme émanant d’un concile œcuménique. Très-peu de temps après le concile, saint Athanase constatait ce fait que le concile avait été reçu, non-seulement en Orient, mais en Gaule, en Espagne et à Rome3.


1 Gélase ajoute Athènes aux provinces de Mysie et de Galatie ; il y a là une erreur évidente résultant de ce qu’un autre Pistos, d’Athènes, assista au concile de Nicée, d’après les signatures, telles qu’on les possède aujourd’hui.
2 Gélase nomme Byzance Constantinople et prétend qu’Alexandre n’était alors que prêtre. On a vu, par la lettre que saint Alexandre d’Alexandrie, lui adressa qu’Alexandre de Byzance était évêque de cette ville avant le concile de Nicée. Ce fait ne pouvait cadrer avec le système de Gélase qui avait fait de la ville impériale désignée par Eusèbe, Constantinople, et qui avait prétendu que l’évêque de cette ville était Métrophanes, trop vieux pour assister au concile. La première erreur de Gélase lui en fit commettre une seconde.
3 S. Athan., Epist. ad Epictet., § 1 ; Epist. ad Afros, §§ 1 et 2.
Nous devons faire observer que le concile n’eut pas plus besoin de la promulgation que de la convocation et de la présidence de l’évêque de Rome. Le premier concile œcuménique fut convoqué par l’empereur Constantin ; fut présidé par les évêques des principaux sièges ; fut promulgué par les évêques des principaux sièges dans les provinces limitrophes. Ce sont là des faits absolument certains et contre lesquels les affirmations des papistes ne peuvent prévaloir.

Les évêques, partisans secrets de l’arianisme, avaient signé les actes du concile, excepté Théonas et Secundus. Mais ils n’avaient pas été sincères. Eusèbe de Nicomédie et Theognis de Nicée, tout en admettant le symbole catholique, du moins en apparence, blâmèrent l’excommunication par suite de laquelle Arius avait été condamné à l’exil. Ils n’osaient pas défendre les erreurs de l’hérétique, mais ils prenaient parti pour sa personne. C’était s’attaquer à l’empereur lui-même qui avait prononcé la sentence d’exil. Aussi furent-ils eux-mêmes exilés. On leur fit leur procès et on élut pour les remplacer Amphion à Nicomédie et Chrestus à Nicée1.


1 Socrat., Hist. Eccl., lib. I, c. 14.