”Cette dénomination ne désigne pas son siège épiscopal, mais le lieu de vénération de ses reliques, car Ochrid ne deviendra un évêché que plus tard, sous le tsar Samuel (980-1014), qui en fit sa capitale. Lorsque la Bulgarie retomba sous domination byzantine, à partir de 1019, Ochrid passa sous la juridiction du Patriarcat de Constantinople, avec des archevêques grecs qui firent d’elle un centre de rayonnement de la civilisation byzantine. Elle perdit progressivement son caractère bulgare, surtout à partir de la fondation du patriarcat de Tirnovo (1186), et le reste de sa population slave passa finalement sous la juridiction de l’archevêché de Petch (1219). La ville fut prise par les Turcs en 1394. La Vie de S. Clément a été rédigée par S. Théophylacte d’Ochrid (cf. 31 déc.). Il est également commémoré le 22 nov., et des disciples des saints Cyrille et Méthode : GORAZD, NAHUM [Cf. sa notice au 23 déc. (ou 20 juin)], ANGÉLAIRE, SABAS [On les appelle aussi les « Cinq d’Ochrid » ou, lorsqu’on les compte avec leurs deux maîtres : les « Sept Apôtres des Slaves »].
Notre saint Père Clément était probablement d’origine slave [C’est-à-dire d’une des populations slaves installées sur le territoire byzantin et qui furent progressivement hellénisées], et naquit vers 840. Devenu très tôt disciple de saint Méthode (cf. 11 mai), il s’efforça, sa vie durant, d’imiter en toute chose son père spirituel, et il reçut de ce dernier et de son frère saint Constantin, l’amour des saintes Lettres et le désir ardent de transmettre aux peuples barbares la Bonne Nouvelle dans leur propre langue. À la mort de l’Apôtre des Slaves, saint Méthode (885), son ennemi juré, l’évêque Wiching, s’acharna sur ses disciples, car par leur enseignement c’était Méthode et l’Orthodoxie qui continuaient de pénétrer dans le peuple et qui l’encourageaient à se détourner de l’influence franque. Il les dénonça à Svatoplouk, en les accusant de conjuration. Traduits devant le prince, Clément et Gorazd lui expliquèrent qu’ils ne cherchaient pas à se révolter contre son autorité, mais à défendre le dogme orthodoxe de la Sainte Trinité, en luttant contre l’addition du Filioque. Le prince dépravé, restant insensible aux arguments théologiques, livra les saints missionnaires aux Allemands, qui traînèrent les uns dans les ronces et vendirent les autres en esclaves. Les chefs de la mission byzantine : Gorazd, Clément, Nahum, (Laurent), Sabas et Angélaire furent enchaînés en prison, avec interdiction formelle de communiquer avec leurs proches. Consolés toutefois par le Seigneur et raffermis dans cette épreuve par la prière, ils furent délivrés de leurs liens au moment où un tremblement de terre ébranlait l’endroit.
Au lieu de reconnaître là un signe de Dieu, Svatoplouk les fit charger de liens plus lourds et les soumis à de plus cruels traitements. Au bout de trois jours un miracle identique se produisit, mais le tyran insensible fit châtier les saints de plus belle, les laissant dans leur cachot, couverts de plaies et sans nourriture. Un détachement de soldats durs et grossiers les tira ensuite de prison pour les chasser du royaume de Moravie. Clément, Nahum, Angélaire et Sabas se dirigèrent vers le Danube, dans l’espoir d’atteindre la Bulgarie. Parvenus à un village, ils furent accueillis par un homme généreux, mais, à peine étaient-ils arrivés, que le fils de ce dernier vint à mourir. Les saints adressèrent une prière au Seigneur, et aussitôt l’enfant se releva, comme jadis Lazare l’Ami du Christ. Ayant traversé le Danube, ils parvinrent à Belgrade, où le gouverneur, informé de leur identité, les fit transférer sans plus tarder à la cour du tsar Boris qui avait justement alors un grand désir de recevoir de tels hommes de Dieu. [Cf. sa notice le 2 mai. Baptisé en 864, Boris s’employa à la conversion de tout son peuple, grâce à l’aide de missionnaires venus de Byzance. Au bout de quelque temps, le tsar se tourna vers Rome, dans l’espoir d’obtenir un archevêque et l’indépendance ecclésiastique de la Bulgarie, mais il fut vite amèrement déçu, et cherchait à se réconcilier avec Byzance lorsqu’arrivèrent S. Clément et les autres disciples de S. Méthode.]
Le saint prince leur manifesta les plus grandes marques d’honneurs et, remerciant Dieu d’avoir permis l’arrivée dans sa patrie de confesseurs de la foi, en tout point semblables aux Apôtres, il leur demanda de lui raconter en détail toutes leurs tribulations. Pendant leur séjour à la cour, les saints étaient souvent convoqués par le tsar pour l’instruire sur les dogmes de l’Église, sur la vie des saints et sur les devoirs du prince chrétien. Après quelque temps, il confia à Clément l’évangélisation de la région de Koutmitzevica, Ochrid et Glavinitsa (885) [Région couvrant approximativement la Macédoine occidentale et l’Albanie méridionale d’aujourd’hui]. Grâce au soutien des autorités locales, le saint put répandre rapidement la semence évangélique et il rassembla quelque trois mille cinq cents disciples.
En même temps que la Bonne Nouvelle, il leur enseignait aussi l’alphabet découvert par saint Cyrille, qu’il avait lui-même modifié [C’est en fait l’écriture inventée par S. Clément, en adaptant l’écriture glagolitique de S. Cyrille, qui reçut ensuite le nom d’Alphabet cyrillique] et dans lequel saint Clément traduisit de nombreuses œuvres venues de Byzance, afin que la nouvelle Église puisse être édifiée sur les fondements solides de la tradition apostolique. Il fit ordonner plus de trois cents d’entre ses disciples, qu’il laissait à demeure dans les paroisses, afin d’approfondir l’œuvre missionnaire et de travailler patiemment au déracinement des coutumes païennes et des superstitions.
À la mort de Boris, son fils Syméon (893-927) prit la succession et montra un zèle identique pour l’évangélisation de son peuple. [Son règne fut appelé l' »âge d’or » de la civilisation byzantine-bulgare.] Il tenait saint Clément en grande estime, le considérant comme son père spirituel, et le fit consacrer évêque de Velitsa (ou Drembitsa), avec juridiction sur la Macédoine occidentale. Premier hiérarque d’origine slave, saint Clément se montra digne successeur des Apôtres et redoubla ses efforts pour la prédication et l’instruction du peuple, œuvre qu’il considérait plus importante que le pain quotidien. Pendant ses temps libres, il continuait l’œuvre de traduction des saints Cyrille et Méthode [C’est pourquoi S. Clément est considéré comme un des fondateurs de la littérature slave], et passait toutes ses nuits en prière. Pour pallier au manque de prédicateurs, il rédigea en slave une série de sermons pour les principales fêtes de l’année, que les prêtres pouvaient lire au peuple, afin de les nourrir de la doctrine des saints Pères. Il traduisit et composa aussi des offices pour les fêtes des saints, et porta une grande attention à la digne célébration des offices de l’Église, ce qui contribuait plus que tout autre moyen à la conversion et à l’enseignement du peuple. Il fonda à Ochrid un monastère dédié à saint Pantéléimon et une église, où il aimait à se retirer. Un jour qu’il était venu dans cette cité pour une visite pastorale, deux paralytiques aveugles tombèrent à ses pieds pour lui demander secours. Après avoir vérifié si personne d’autre n’était présent, le saint leva les yeux vers le ciel et, aussitôt, les deux infirmes se relevèrent guéris.
Au bout de vingt années de travaux apostoliques, saint Clément, parvenu à un grand âge, demanda au tsar Syméon de lui accorder son congé pour lui permettre de consacrer ses derniers jours à la prière dans son monastère d’Ochrid. Le tsar, surpris, jura qu’il ne souffrirait pas de voir un autre que lui sur le trône archiépiscopal, et qu’il préférait abdiquer lui-même plutôt que de laisser le saint se retirer. Saint Clément dut se soumettre et promit de ne plus parler de démission. Mais, dès qu’il rentra à son monastère, il tomba malade. Après une vision des saints Cyrille et Méthode, qui lui annonçèrent son prochain départ, il mit en ordre ses affaires, rédigea son testament, puis remit en paix son âme au Seigneur, le 27 juillet 916. Il fut rapidement vénéré comme le saint Apôtre de la Bulgarie, laquelle lui devait non seulement son évangélisation et sa première organisation ecclésiastique, mais aussi les fondements d’une civilisation qu’elle allait bientôt transmettre à la Russie et aux autres peuples slaves.