”Malgré ses anachronismes, nous suivons ici la tradition athonite consignée par S. Nicodème. La Vie de S. Athanase l’Athonite et les documents d’archives témoignent néanmoins de l’existence de Paul de Xiropotamou à la
fin du Xe s. Il était un des moines les plus éminents de l’Athos quand, découvrant la véritable identité d’Athanase, lors de la synaxe de Noël 958, il prédit son brillant avenir et annonça qu’il deviendrait le « chef de cette Montagne et que tous lui seront soumis ». Par la suite (970), il apparaît à la tête des moines opposés aux constructions prestigieuses d’Athanase, qui avaient été envoyés en mission auprès de l’empereur Tsimiskis, et il signa le Typikon (Tragos) réglant l’organisation de la Sainte-Montagne. Après avoir fondé le monastère de Xiropotamou (avant 956), alors appelé Saint-Nicéphore, il se retira, sur un territoire dépendant de ce monastère, à l’emplacement actuel de Saint-Paul, et fonda un petit monastère, qui garda quelque temps le nom de Xiropotamou, et dont la succession revint, après sa mort (vers 996), à son disciple Paul II († 1018).
Notre Père Paul était, dit-on, fils de l’empereur Michel Ier Rangabé (811-813) et de l’admirable Procopie, fille de l’empereur Nicéphore Ier, et fut nommé Procope au saint Baptême. Lors de la déposition de Michel Ier; il fut réduit à l’état d’eunuque par ordre de l’usurpateur Léon l’Arménien. Il s’adonna, dès son plus jeune âge, à l’étude des saintes Écritures et à la composition d’hymnes sacrées, et acquit une telle réputation pour son savoir qu’on le surnommait « consul des philosophes ». Mais il nourrissait secrètement le désir d’abandonner les plaisirs du monde, la richesse et la gloire, pour suivre la voie tracée par les saints Pères. Ayant finalement pris sa décision, il changea ses riches vêtements pour ceux d’un mendiant et partit en secret de la capitale, pour courir, tel un cerf assoiffé, vers la Sainte Montagne de l’Athos. Il s’installa près du monastère appelé aujourd’hui Xiropotamou, qui avait été jadis fondé par l’impératrice Pulchérie (cf. 10 sept) mais avait été détruit par une incursion sarrasine. Il s’y construisit une petite cellule dans laquelle il passait ses jours et ses nuits dans la prière continuelle.
À proximité, vivait un saint ermite, Cosmas, qui lui conféra la tonsure monastique sous le nom de Paul. Il se livra dès lors, avec une ardeur redoublée à tous les combats de la vertu : il jeûnait et priait comme un ange incorporel, sa couche était la terre dure, son oreiller, une simple pierre, et en guise de travail manuel, il avait les larmes, l’amour envers tous et une humilité profonde. Il devint vite connu et admiré des Pères de l’Athos. Comme son parent, l’empereur Romain Lécapène (920-944), l’avait fait rechercher partout, il fut finalement découvert et poussé à se rendre à Constantinople pour revoir ses parents. Le pauvre moine, vêtu de haillons, fut reçu comme un ange terrestre par les grands et les princes. Il guérit l’empereur souffrant par sa prière et l’imposition des mains, et à la requête du souverain il resta quelque temps dans la capitale pour enseigner ses deux fils, sans toutefois modifier sa règle et le mode de vie qu’il avait dans le désert. Lorsque Paul jugea qu’il était temps pour lui de retourner sur la Sainte Montagne, l’empereur lui donna de l’or et des ouvriers en quantité pour rebâtir le monastère de Pulchérie, et quelque temps après, il envoya son fils Théophylacte, qui était alors Patriarche, pour procéder à la dédicace de l’église. À son départ, l’homme de Dieu reçut de l’empereur un important fragment de la Sainte Croix, pour être déposé en permanence dans le sanctuaire du monastère. [Cette précieuse relique de la Croix, la plus importante du monde, qui porte même la marque d’un des Clous, est encore vénérée à Xiropotamou.]
De nombreux moines n’ayant pas tardé à se réunir en ce monastère pour y pratiquer la vertu, saint Paul, désirant mener une vie plus hésychaste, se retira sur les contreforts de l’Athos, dans un endroit isolé dépendant du monastère. Mais là encore des disciples vinrent le rejoindre. Un nouveau monastère fut érigé, un peu en retrait de la côte, pour se protéger des fréquentes incursions des pirates, et fut dédié à Saint-Georges, mais on a coutume de l’appeler aujourd’hui du nom de son fondateur : Saint-Paul [La fête du monastère (« panégyrie ») reste cependant la fête de S. Georges].
Ayant été averti par Dieu du jour de sa mort, saint Paul réunit les frères de ses deux monastères, et
les exhorta à suivre son exemple et son enseignement, jusqu’au sang si cela était nécessaire. Puis, les yeux baignés de larmes, il demanda pardon à tous, se leva, revêtit son ample manteau monastique (mandya) et communia aux saints Mystères. Son visage devint alors brillant comme le soleil, si bien que tous les assistants tombèrent à terre, incapables de supporter un tel éclat. Après avoir prononcé la prière de saint Joannice, qu’il avait coutume de répéter : « Mon espérance c’est le Père, mon refuge le Fils, ma protection le Saint-Esprit. Trinité Sainte, gloire à Toi! » [Prière récitée notamment à la fin des Complies et de l’Office de Minuit], il étendit les mains et, les yeux tournés vers le ciel, il remit son âme à Dieu. Sa dépouille, embarquée pour être ensevelie, selon ses prescriptions, dans la presqu’île de Sithonia, fut miraculeusement transférée à Constantinople, où tout le peuple put la vénérer.