”Après le départ des Mages, un Ange apparut à nouveau à Saint Joseph. Il lui révéla que le roi Hérode allait bientôt envoyer ses soldats dans la contrée pour rechercher l’Enfant et le faire mourir, et il le pressa de prendre la fuite (Mat. 2, 13). [Cet épisode rapporté par S. Matthieu immédiatement après la Nativité et la visite des Mages a dû avoir lieu au moins quarante jours plus tard, après la Présentation de l’Enfant au temple, rapportée par s. Luc (Lc 2, 22-38).] Sans plus attendre Joseph rassembla leurs maigres bagages, installa Marie et l’Enfant sur un âne, et la Sainte Famille prit de nuit le chemin long et pénible qui menait vers l’Égypte, depuis longtemps lieu de refuge des Juifs persécutées. [Voir l’histoire de Joseph (Gen. 37 sv.). Jéroboam y trouva aussi refuge (I Rois 11, 40). À cette époque les Juifs étaient au nombre d’environ un million en Égypte.]

Certes, en tant que Dieu, le Sauveur ne redoutait ni les soldats d’Hérode, ni toute autre puissance de ce monde; mais ayant pris sur Lui par Son Incarnation notre nature humaine dans sa faiblesse et sa fragilité, Il voulait laisser cachée et comme en retrait sa souveraine puissance, se refusant à accomplir des miracles jusqu’au début de son ministère public (le jour de Son Baptême par Jean). Modèle d’humilité et de renoncement, Celui qui a créé le ciel et la terre, et qui est servi par toutes les armées célestes fuit aujourd’hui devant le danger, serré dans les bras de la Sainte Vierge et tourmenté par la chaleur et la fatigue de la route, pour montrer à tous qu’Il s’est fait homme en vérité et non en illusion, comme le pensent certains hérétiques. Dès le début de Sa vie terrestre, le Christ accepte de souffrir non seulement la faim, la soif, le froid et les autres infirmités de notre nature mortelle, mais Il endure aussi l’exil et la persécution, afin de servir de modèle à Ses futurs disciples, leur apprenant à affronter avec joie les tribulations qu’ils trouveront sur leur voie.

Il choisit en outre pour lieu de refuge l’Égypte, cette terre symbole des passions et du péché [Selon la commune interprétation patristique de l’Exode], cette patrie de Pharaon, l’image du démon, cette mère de toutes les superstitions et cultes idolâtres de manière à accomplir l’oracle prophétique qui annonçait: «D’Égypte j’ai appelé mon Fils» (Osée 11, 1), annonçant ainsi, de manière encore voilée, qu’Il est venu en ce monde pour mettre fin à l’idolâtrie et amener les hommes à la connaissance de la Vérité. D’après la légende [Évangile apocryphe du Pseudo-Matthieu], sur le chemin qui conduisait l’Enfant vers l’Égypte, la nature dépourvue de raison reconnut Celui que les hommes, aveuglés par leurs passions, étaient incapables de voir, et adora le Dieu caché sous l’apparence humaine. On raconte en effet que la Sainte Famille était escortée par des lions qui, devenus plus doux que des agneaux, gambadaient autour d’eux et jouaient avec les bêtes de somme et les animaux domestiques qu’ils avaient emmenés avec. eux, en réalisation de la prophétie: «Les loups paîtront avec les agneaux, le lion et le bœuf mangeront ensemble du fourrage» (Isaïe 55, 25). Un jour, l’Enfant Dieu donna l’ordre à un palmier de se pencher à terre pour offrir ses fruits à la Mère de Dieu, puis, après s’être redressé à la parole de Jésus, il laissa jaillir de ses racines des sources d’eau fraîche et limpide pour les désaltérer. Autour d’eux la création entière retrouvait donc l’état du Paradis terreste, comme après une nouvelle création.

Arrivés dans le territoire d’Hermopolis, dans une ville nommée Satine, Jésus et ses parents entrèrent dans un vaste temple païen contenant 365 idoles, une pour chaque jour de l’année. Dès l’apparition de la Vierge portant dans ses bras le Dieu qui est la Voie, la Vérité et la Vie, toutes les statues tombèrent et se fracassèrent à terre, réalisant la prophétie: «Voici que le Seigneur vient sur une nuée légère et entre en Égypte. Les idoles de l’Égypte tremblent en sa présence, et le cœur de l’Égypte se fend au-dedans d’elle» (Is. 19, 1).
Après un séjour de plusieurs mois en Égypte [Le séjour en Égypte aurait duré un peu moins de deux ans selon certains, et jusqu’à cinq ans selon d’autres], à la mort d’Hérode, de danger étant écarté, un Ange de Dieu apparut de nouveau à Joseph et lui prescrivit de rentrer en Palestine (Mat. 2, 19). Au lieu de s’installer à Bethléem, trop proche de Jérusalem, où Archélaüs, fils cruel et perfide d’Hérode, exerçait sa tyrannie, Joseph reçut l’ordre de reprendre la route de la Galilée et de s’établir dans le bourg modeste de Nazareth. C’est ainsi que s’accomplit cet autre oracle des Prophètes: «Il sera appelé Nazaréen» (Mat. 2, 23).