”Consacré à Dieu dès son enfance, saint Méthode devint un vase d’élection de la grâce et fut ordonné évêque de Patare — ou plutôt d’Olympe —, en Lycie. [Il est en effet plus connu sous le nom de Méthode d’Olympe. L’attribution au siège de Patare provient du fait que son dialogue Sur la Résurrection se situe dans cette ville. On constate d’ailleurs une grande confusion à son sujet chez les auteurs anciens : certains le présentant comme évêque de Myre, d’autres comme évêque de Sidè en Pamphylie ou de Philippes en Macédoine. S. Jérôme, dans son répertoire des hommes illustres, affirme qu’il devint ensuite évêque de Tyr, avant de souffrir le martyre, mais ce témoignage reste peu sûr. Les historiens mettent même en doute qu’il eût été évêque et pensent plutôt qu’il était un philosophe et prédicateur itinérant, un peu comme Origène.] Réputé pour sa vaste culture philosophique et son zèle à l’égard de la vérité évangélique, il se rendit de Milet à Patare pour y participer à une discussion sur le dogme de la résurrection.

De là, il visita les principales villes de Lycie et de Pamphylie, et voyagea même dans des régions plus lointaines, afin d’y défendre la vraie foi contre les philosophes païens. En réponse à Platon, qui faisait l’éloge de l’éros et prétendait l’élever de l’amour des corps à l’amour des réalités intelligibles, saint Méthode composa une admirable apologie de la virginité et de la vie vertueuse chrétienne : Le Banquet des Dix Vierges [Traduction française dans SC 95]. Il présente son œuvre, à la manière platonicienne, comme un entretien qui eut lieu dans le jardin de Dame Vertu, sœur de la Philosophie, qui se trouvait planté, comme le Paradis, à l’Orient, et au cours duquel dix vierges prirent à tour de rôle la parole pour faire l’éloge de la virginité. Marcelle, la première, célébra la virginité comme une vertu qui, exercée sur la terre, fait s’élever au ciel le char de l’âme de ceux qui l’adoptent, et les conduit à l’incorruptibilité et à la ressemblance avec Dieu par l’imitation du Christ, « le Vierge par excellence ». Elle révèle, ajouta-t-elle, le terme de la pédagogie que Dieu a employée pour mener progressivement l’humanité vers la perfection : permettant d’abord les unions incestueuses, puis la polygamie, pour faire place ensuite à la chasteté dans le mariage unique et enfin à la virginité. Théophilie intervint alors pour préciser que le mariage ne doit toutefois pas être méprisé, en disant : « Si le miel est plus doux que les autres aliments, cela ne signifie pas que ceux-ci soient amers. » L’Église est semblable à un jardin contenant des fleurs variées, et autres sont les fleurs de la virginité, autres celles de la procréation et autres celles de la chasteté. À l’issue de son discours toutes les vierges applaudirent, pour marquer leur approbation et leur estime du mariage. En troisième lieu, Thaléia émit l’avis que si l’union de l’homme et de la femme est le symbole de l’union du Christ et de son Église (cf. Éph. 5, 26), la virginité est un mariage spirituel qui accomplit véritablement ce Grand Mystère de l’union de l’âme avec son Époux; et elle ajouta que si le mariage a été accordé à l’humanité en concession, à cause du péché, la virginité, elle, est un don de Dieu.

Théopatra compléta ces propos en disant que rien ne concourt plus à la restauration de la vie paradisiaque, à la réconciliation avec Dieu et à l’incorruptibilité que la vie chaste. Puis Thalassia déclara que, pour être vraiment digne de ce nom, la vierge doit se garder pure, tout entière, par la consécration à Dieu de tous les mouvements du corps et de l’âme, et qu’à la chasteté corporelle elle doit ajouter celle de la bouche, des yeux, de l’ouïe, du toucher et surtout la chasteté du cœur qui, tout tendu vers le Seigneur, ne pense plus rien de mondain et ne se trouve pas sous l’emprise de la colère ou de la vanité. Agathe utilisa, quant à elle, la parabole des Dix Vierges (cf. Mat. 25, 1-13), pour montrer que la virginité doit être préservée avec précaution des assauts de la corruption. Puis la parole fut donnée à Procille qui, revenant à l’aspect théologique de la question, déclara que la chair du Christ est la première épouse, que le Verbe a assumée pour l’établir, comme reine, à la droite du Père, et que toutes les vierges deviennent ainsi ses suivantes. Elle loua même la virginité comme supérieure au martyre, car elle consiste, non pas à affronter l’épreuve pour un bref instant, mais à endurer les assauts de la concupiscence toute la vie. Vint alors le tour de Thècle, admirée des autres vierges pour sa connaissance de la philosophie, tant humaine que divine. Elle fit le plus long exposé et loua en particulier la virginité (parthénia) au moyen d’une déduction étymologique suggérant qu’elle se tient « aux côtés de Dieu » (para-Théon) et donne à l’âme des ailes pour mener sur la terre une vie semblable à celle des anges dans le ciel.

L’entretien s’étant achevé par les discours de Tysiane et de Domnine, qui développèrent l’une et l’autre des interprétations allégoriques de l’Ancien Testament, Dame Vertu prit la parole pour conclure, en disant que la virginité ne peut se limiter à la continence sexuelle mais qu’elle réside en une complète consécration à Dieu de tous les mouvements de l’âme et des sens; et elle décerna la couronne à Thècle. Celle-ci entonna alors une hymne vibrante en l’honneur de la virginité, auquel les autres vierges, ayant formé un chœur de danse, répondaient par ce refrain : « Je me garderai pure pour Toi, ô mon Époux, et c’est en tenant en main des flambeaux resplendissants que je vais à Ta rencontre. » Au cours de ses périples, saint Méthode s’opposa aux gnostiques et autres hérétiques, qui méprisaient le corps et la création sensible, en montrant que rien de mauvais n’a été créé par Dieu. Mais il fut surtout le premier à déceler les erreurs d’Origène et à combattre avec virulence sa doctrine sur la préexistence des âmes et leur chute dans le corps comme en une prison, conception qui avait pour conséquence de nier la résurrection des corps. [On lui attribue aussi des écrits concernant les derniers temps, mais qui sont apocryphes.] Après avoir beaucoup lutté pour la vérité, saint Méthode fut décapité à Chalcis (en Syrie), probablement lors de la persécution de Licinius (vers 311).