”Cadet d’une famille de sept enfants, saint Païssios fut consacré à Dieu par sa mère, à la suite de la vision d’un ange. Parvenu au seuil de l’âge adulte, il se rendit dans le désert de Nitrie, auprès d’abba Pambo (cf. 18 juil.) qui le revêtit de l’Habit monastique. Parfaitement obéissant à son père spirituel, comme à Dieu lui-même, il progressa rapidement dans la voie de l’ascèse. Comme Pambo, pour l’éprouver, lui avait donné l’ordre de se tenir la tête baissée, sans jamais regarder quelqu’un en face, Païssios passa trois ans, le regard cloué au sol et l’esprit tout entier plongé dans la prière, en ruminant les paroles de l’Écriture sainte, qui devenaient en sa gorge plus douces que le miel. Après la mort d’abba Pambo, il vécut avec saint Jean Colobos (cf. 9 nov.), dans la même cellule, partageant avec lui les mêmes dispositions spirituelles et le même mode de vie ascétique. Cependant, au bout de quelque temps, Païssios, tout tendu en avant vers une plus haute perfection, commença à jeûner toute la semaine, ne mangeant que du pain et du sel, le samedi; puis il étendit son jeûne à deux semaines de suite et fut saisi du désir impétueux de se retirer seul avec Dieu seul. Répondant à leur prière, pour savoir si ce désir venait réellement de Dieu, un ange leur apparut et ordonna à Jean de rester en cet endroit, pour guider dans la voie de la vertu ceux qui s’y présenteraient, et il prescrivit à Païssios de se retirer dans la partie occidentale du désert de Scété. Parvenu à l’endroit indiqué par l’ange, Païssios creusa une grotte dans un rocher et s’y consacra à la prière avec un tel zèle, que le Christ lui apparaissait fréquemment, afin de lui témoigner Sa faveur et de lui prédire que ce désert serait bientôt rempli d’ascètes venus imiter son genre de vie.
Et Il lui promit qu’Il prendrait soin de leurs besoins matériels et les protégerait des embûches des démons. Païssios résistait avec vaillance aux tentations et quand un riche Égyptien se présenta pour lui offrir une importante somme d’argent, ayant discerné qu’il s’agissait d’un piège dressé par le diable pour lui faire perdre la grâce de la pauvreté évangélique, il le repoussa sans hésitation. Lors d’une extase, au cours de laquelle il fut transporté au Paradis, au sein de l’Église des Premiersnés, il reçut la grâce de se dispenser définitivement de nourriture et de ne vivre que de la sainte Communion reçue le dimanche. Il passa ainsi soixante-dix années, jusqu’à la fin de ses jours, sans ressentir la faim, car la grâce divine venait le fortifier. Le rayonnement de sa sainteté se répandit au loin et, moines et laïcs, venaient en grand nombre lui demander de se joindre à lui, telles des abeilles se rassemblant dans une ruche, pour y jouir du miel spirituel de son enseignement. Avec une souveraine sagesse le saint laissait les uns embrasser aussitôt la vie érémitique, et il recommandait aux autres de vivre en communauté, dans la soumission et l’obéissance, chacun selon ses possibilités. À tous, il donnait néanmoins comme commandement absolu de ne jamais rien faire par volonté propre, mais d’agir en tout selon l’ordre de leur père spirituel. Ayant délivré son enseignement à ces premiers disciples, il se retira pendant trois ans dans une grotte du désert profond, et y noua sa longue chevelure à un piquet haut placé, de manière à se trouver contraint de rester debout. En réponse à cette nouvelle violence faite à la nature, le Christ lui apparut dans toute Sa gloire et lui promit d’accorder le pardon à tout pécheur pour lequel son serviteur intercéderait. C’est ainsi que, peu après, Païssios put tirer de l’enfer l’âme d’un moine négligent, pour lequel son père spirituel était venu solliciter la prière de l’homme de Dieu. Bien qu’il s’efforçât de se retirer toujours plus loin des hommes, Dieu lui ordonna de retourner dans le désert « extérieur » (Nitrie), pour instruire les frères, et lui promettant une double récompense, Il lui dit : « Celui qui pratique seul l’ascèse est Mon serviteur, tandis que celui qui se met au service des autres pour l’enseignement est mon fils et mon héritier. »
Lorsqu’ils apprirent la venue de Païssios, les moines de Nitrie accoururent en hâte pour l’accueillir. Parmi eux se trouvait saint Jean Colobos, son ancien compagnon, qui, frappant à la porte de sa cellule, entendit que Païssios s’entretenait avec un mystérieux personnage, et quelle ne fut pas sa surprise de découvrir, en entrant, que l’ancien était seul. Païssios lui révéla qu’il s’agissait de saint Constantin le Grand, qui avait été envoyé par Dieu auprès de lui afin de lui témoigner son admiration pour les moines et lui avouer qu’il n’avait pas acquis au ciel une telle gloire et une semblable familiarité avec Dieu. Et l’empereur avait ajouté qu’il regrettait de n’avoir pas abandonné la pourpre pour le rude vêtement des moines. Abba Poimen (cf. 27 août), alors encore jeune, vint aussi rendre visite à l’homme de Dieu, en compagnie de saint Paul (de Thèbes), qui était ami de Païssios; mais, saisi de crainte, il n’osa pas franchir le seuil. [Cf. 15 janv. La Vie grecque fait de S. Païssios le contemporain des tout premiers moines d’Égypte, alors que les sources orientales le situent, de manière plus vraisemblable, dans la troisième génération des moines de Scété.] Devinant qu’il était resté à l’extérieur, saint Païssios le fit entrer, l’embrassa tendrement et prédit qu’il allait devenir un luminaire du désert et cause de salut pour un grand nombre. Alors que saint Païssios vivait retiré, ses disciples avaient formé aux alentours une sorte de communauté d’ermites. Aguerri dans le combat spirituel, il corrigeait leurs illusions, les exhortait à la pénitence et les aidait à discerner entre les tentations venues des démons et les pensées mauvaises suggérées par leurs propres passions. Par sa prière, un jour, il lia même le démon et l’empêcha de tenter les frères qui étaient trop faibles pour livrer le combat contre lui. Une autre fois, sous la menace du saint, le Malin confessa qu’il ne s’attaquait pas aux débutants, car la grâce divine et leur zèle les protégeaient, mais qu’il guettait patiemment le temps où ils commenceraient à se livrer à la négligence, pour les faire alors tomber sans peine dans ses filets.
Comme on lui avait demandé quelle est la plus grande des vertus, l’Ancien répondit : « Celle qui est accomplie en secret. » Et à un autre frère qui lui avait posé la même question, il dit : « La plus grande des vertus, c’est de suivre le conseil d’un autre et non sa propre volonté ». Quant à lui, lorsqu’il se trouvait au milieu des frères, il ne laissait rien découvrir de son mode de vie; et si une de ses pratiques ascétiques venait à être connue, il l’abandonnait aussitôt pour éviter l’estime des hommes. Un jour, comme il priait dans sa cellule, le Christ lui apparut en compagnie de deux anges, et, imitant le Patriarche Abraham, saint Païssios lui lava les pieds. Le Seigneur le bénit alors et lui dit : « Paix à toi, mon serviteur choisi ! » Comme un de ses disciples avait refusé de boire l’eau qui avait servie à laver les pieds du Seigneur, le saint l’envoya sur les lieux de la sépulture de trois saints hommes qui avaient été dotés du don de prophétie, et l’un d’eux ressuscita pour l’exhorter à l’obéissance sans murmure. Le disciple se repentit alors amèrement de sa désobéissance qui l’avait privé d’une grande grâce. Parvenu à un âge avancé, Païssios se rendit chez abba Paul, et ils passèrent quelque temps ensemble. Tel un jeune débutant, il exhortait l’autre vieillard à rivaliser de zèle pour ajouter sans cesse de nouvelles ascensions dans la prière, tant que le Seigneur leur en donnerait la force. Puis, de retour dans son désert, il s’endormit dans la paix, précédant de peu saint Paul dans le séjour des bienheureux. On raconte qu’abba Isidore, ayant appris son décès, vint prendre la relique de l’homme de Dieu, pour la transférer en Pisidie. Quand le bateau sur lequel il l’avait chargée, parvint à proximité de la sépulture de saint Paul, il s’immobilisa. Un ermite clairvoyant expliqua que c’était là un signe de Dieu indiquant qu’ils devaient charger aussi le corps de Paul sur le navire. Ainsi réunis corporellement après la mort, les deux saints furent déposés dans un monastère de Pisidie, où ils accomplirent de nombreux miracles. [On ne connaît pas d’autres témoignages du culte de ces deux grands saints égyptiens en Pisidie.] [Nous résumons ici sa Vie grecque, attribuée à S. Jean Colobos (cf 9 nov.). D’après les sources coptes et arabes, S. Pshoï (ou Bishoï) était le chef d’un des groupements monastiques de Scété lors de la première dévastation des monastères par les Maziques, en 407408. Il alla se réfugier à Antinoé, où il finit ses jours. Un des quatre monastères coptes qui subsistent aujourd’hui au Waddi-Natroun, sur le site de Scété, lui est dédié.]