”Né à Smyrne de parents pieux, Marc avait pris un petit commerce à la Nouvelle Éphèse, après avoir séjourné à Chio, où il s’était marié. Pris en flagrant délit d’adultère avec une femme chrétienne, Marie, ils furent emmenés tous deux devant l’aga qui parvint à les faire apostasier. Marc entra au service de l’aga et il sut gagner sa faveur en montrant une grande dureté envers les chrétiens; mais au fond de lui-même le remord le tourmentait de manière croissante. Après neuf mois, n’en tenant plus, Marc alla finalement confesser, avec larmes, son péché à un prêtre. La femme fit de même et demanda au confesseur de trouver un moyen pour éviter la circoncision à l’enfant qu’elle avait eu de son précédent mariage. Grâce à la complicité d’un médecin, ils s’embarquèrent pour Smyrne, sous prétexte d’aller y soigner Marie d’une grave maladie. Mais peu après leur départ, l’aga se doutant qu’il avait été trompé, les fit poursuivre. Les fugitifs évitèrent Smyrne et parvinrent dans l’archipel de Venise, où ils furent réconciliés à la sainte Église par l’onction du saint Myron et leur mariage fut béni. [La Vie est peu claire sur ce point. La femme légitime du saint devait être morte entre temps, car ce n’était évidemment ni l’apostasie, ni la chrismation, qui le déliaient des liens du mariage.] Cette situation n’apaisa cependant pas la conscience de Marc et, passant de lieu en lieu, jusqu’en Russie, il ne trouvait nul part le repos et nourrissait la pensée de laver définitivement sa double faute dans le sang du martyre. De retour en terre ottomane, il confia son projet à divers hiérarques et pères spirituels, mais tous lui déconseillèrent de se livrer à la mort, disant que la voie du repentir était suffisante.

Toutefois le feu de l’amour du Christ, qui brûlait en son cœur, ne lui laissait aucun repos. Ayant pris la décision d’aller confesser sa conversion sur les lieux mêmes de sa faute, il retourna à la Nouvelle Éphèse, où il se rendit chez son premier confesseur. Celui-ci ne l’empêcha pas de s’offrir au martyre, mais le dissuada de se présenter à la Nouvelle Éphèse, car les Turcs se trouvaient en de si mauvaises dispositions à l’égard des chrétiens depuis le récent martyre de saint Georges (cf. 5 av.), et à cause des travaux de construction d’une nouvelle église, qu’ils risquaient de se livrer à de cruelles représailles sur la population. Marc retourna donc à Chio, désappointé. Deux clercs de ses amis tentèrent de le convaincre de ce que, sa tentative ayant échoué malgré lui, il ne serait pas privé de la couronne des martyrs « par l’intention », et qu’il serait désormais suffisant pour lui d’aller mener la vie ascétique au Mont Athos. Mais aucun de leurs arguments ne parvint à le persuader. Après avoir passé la nuit en prière et avoir reçu la sainte Communion, il se présenta au tribunal, dès l’ouverture. Jetant à terre son turban pour se coiffer d’un skoufos athonite et tenant une croix en main, il confessa sa conversion. Le juge lui demanda s’il n’avait pas perdu la raison ou s’il n’était pas ivre, mais Marc lui assura d’une voix claire qu’il avait tous ses sens, et qu’il était prêt à endurer tous les supplices et à verser son sang par amour du Christ. Jeté en prison et les pieds serrés dans un étau, il chantait joyeusement des hymnes et des psaumes. Le chef des gardes, excédé, se précipita dans son cachot et lui assena plus de trente coups de pieds sur toutes les parties du corps. Et il s’acharna sur lui avec une rage redoublée quand le saint eut dévoilé qu’il était un chrétien apostat. Crachant du sang, Marc ne cessait pas de rendre grâce à Dieu et il fut encouragé par l’apparition de trois nouveaux-martyrs qui l’invitaient à les rejoindre au plus vite. Traîné sous les coups de bâtons au tribunal pour un second interrogatoire, il y réitéra ses déclarations, et condamna avec force la religion musulmane. Les assistants se joignirent à ses tortionnaires pour le rouer de coups, mais lui leur disait : « Si vous saviez où je vais, vous laisseriez tomber ces gourdins pour me suivre ». Dès le début de ses combats, les chrétiens de Chio s’étaient mis à jeûner et se réunissaient dans les églises, afin de prier pour son affermissement, et, chaque jour, on lui faisait parvenir la sainte Communion. À l’issue de la troisième comparution, le 5 juin 1801, le juge ordonna de procéder à son exécution. Marc se rendit avec allégresse jusqu’au lieu du supplice, où s’était rassemblée une foule immense. S’étant agenouillé, il tendit la nuque et dit au bourreau : « Frappe bien ! » Celui-ci, ayant manqué son coup par maladresse, s’y reprit à six fois avant que la tête du saint martyr ne tombe. La foule se précipita alors pour recueillir des parcelles de ses vêtements imbibés de son sang, pendant que d’autres allaient dans les églises offrir des hymnes d’actions de grâces. Toutes ces reliques dégageaient un saint parfum, et elles accomplirent par la suite de nombreux miracles.