”Ce glorieux martyr était né dans le village de Zapanti, dans la région de Kalamata, dans le Péloponnèse. Nommé Théodore au saint baptême, il fut envoyé par ses parents comme apprenti tailleur à Constantinople. Constamment maltraité par son patron, il s’enfuit et, se trouvant en ville au milieu des réjouissances populaires organisées à l’occasion de la circoncision du fils du sultan, il renia le christianisme. Engagé dans le corps des enfants qui se préparaient à devenir janissaires au palais, il reçut pendant six années une éducation complète dans les lettres turques et arabes. Abordant les questions théologiques au cours de ces études, il commença à ressentir le remord brûler sa conscience, jusqu’au jour où, n’y tenant plus, il invoqua la Sainte Trinité et le Nom de la Mère de Dieu et prit la fuite. Il parcourut différents lieux à la recherche d’un homme qui pourrait lui indiquer le moyen de faire son salut et le trouva finalement en la personne du sage métropolite de Philadelphie, Gabriel, qui résidait à Venise. Ce dernier l’instruisit, le confirma dans la foi et le tonsura moine, sous le nom de Théophane, puis il lui montra que le moyen d’expier parfaitement son péché serait de se rendre sur les lieux de son apostasie pour y confesser publiquement sa conversion. Rempli d’un zèle divin, Théophane retourna sans tarder à Constantinople, où certains le reconnurent, mais il ne put trouver d’occasion favorable à une confession publique.

Passant à Athènes il se présenta devant le juge, après trois jours de prière baignée de larmes, et demanda qu’on lui fasse justice de la foi qu’il avait perdue par un égarement de jeunesse. Mais, à son grand désappointement, le juge le renvoya avec complaisance. Après être passé dans d’autres lieux, il alla se présenter au juge de Larissa, réputé pour sa cruauté et sa sévérité, mais celui-ci ordonna de le renvoyer après lui avoir infligé six cents coups de fouets. Le saint supporta le supplice avec action de grâces, mais il n’en était pas pour autant satisfait. Il se rendit au Mont Athos, où de saints moines l’encouragèrent dans son dessein, puis il repartit pour Constantinople, où il se montra en public, adressant ostensiblement la parole à ceux qu’il avait connus. Après avoir été éprouvé par son confesseur, Euthyme, il se prépara à l’ultime combat par la veille, la prière et la réception des saints Mystères, puis alla se présenter au tribunal du sultan, où se trouvaient un grand nombre de magistrats et employés de l’administration ottomane. D’une voix haute et claire, il loua d’abord le souverain puis confessa sa conversion et demanda qu’on lui rendît justice. Le juge, courroucé par son audace, lui fit assener sept cents coups de fouets et mettre en prison, où il subit de constants sévices de la part de ses geôliers. Comme ceux-ci lui demandaient, en se moquant, de faire pour eux un miracle, le saint se tint en prière pendant trois heures, telle une colonne immobile, et dès qu’il prononça l’Amen, un tremblement de terre ébranla les fondements de la prison, puis une lumière plus radieuse que le soleil vint percer les ténèbres, laissant apparaître le saint, délié de ses entraves, les mains tendues vers le ciel et le visage semblable à celui d’un ange. Remplis de terreur, ses gardes se prosternèrent devant lui, lui demandèrent pardon et même certains d’entre eux se convertirent. Cette nouvelle étant parvenue jusqu’aux hauts magistrats, le préfet le fit comparaître à nouveau, essayant de le vaincre par des promesses.

Mais Théophane repoussa ses arguments comme on déchire une toile d’araignée, et répliqua avec une ardeur inspirée de l’Esprit Saint; aussi fut-il condamné à mourir de « mort amère ». Aussitôt les bourreaux le saisirent, lui coupèrent deux lanières de peau en forme de croix, du dos à la poitrine, puis, l’ayant juché à l’envers sur un mulet, les mains clouées à la selle, ils l’exhibèrent dans les rues. Parvenus au lieu de l’exécution, ils le suspendirent nu à des crocs, pendant que la populace lui lançait des pierres et le frappait à coups de bâtons. Théophane restait cependant inébranlable et remerciait Dieu de l’avoir jugé digne de parvenir au but qu’il désirait; il lui demanda seulement comme faveur de se manifester par un miracle pour la conversion de ces impies. Dès qu’il eut achevé sa prière, un oiseau blanc comme une colombe vint se poser sur la tête du martyr et le remplit d’une joie divine qui chassa de lui toute douleur. Beaucoup d’assistants clamèrent alors : « Il est vraiment Dieu, ce Christ qu’il proclame ! » Au bout de trois heures, vers le soir, le saint cria : « J’ai soif ! » Un des hommes présents répondit : « Deviens comme nous, et je te donnerai à boire. » Mais Théophane reprit : « C’est de votre salut dont j’ai soif. Quant à moi, le Christ me rafraîchit par une eau éternelle. » Pendant la nuit, de terribles coups de tonnerre éclatèrent et une lumière céleste vint entourer le corps du martyr, remplissant d’effroi ses gardes. Nombreux furent alors ceux qui confessèrent le Christ, déclenchant
la haine d’autres Turcs qui, se précipitant au port et empoignant des instruments tranchants, vinrent en frapper le visage et le corps du saint, et quand ils lui arrachèrent les yeux saint Théophane rendit son âme au Christ (8 juin 1588). De pieux chrétiens rachetèrent son corps et recueillirent la terre imprégnée de son sang, lesquels accomplirent de nombreux miracles et guérisons. Quant à ses tortionnaires, certains devinrent aveugles, d’autres, pris de folie, se noyèrent en mer, d’autres eurent les mains desséchées, mais ceux qui se repentirent et qui invoquèrent le nom du saint obtinrent la guérison.