”Saints Nicétas et Jean étaient frères selon la chair, nés dans l’île de Chio. Ils abandonnèrent de bonne heure la vanité de ce monde pour se retirer sur une montagne de l’île, nommée Probation, dans la première moitié du XIe siècle, et saint Joseph se joignit à eux quelque temps plus tard. Ne se préoccupant que de Dieu seul et de tout faire pour lui être agréables, ils purifiaient leurs âmes de tout souci pour le monde, ne mangeaient qu’une fois par semaine, ne dormaient que quelques instants, à même le sol, et consacraient tout le reste de leur temps en hymnes, prières et contemplations de la gloire de Dieu.

Pendant leurs vigiles nocturnes ils voyaient souvent une lumière briller dans un endroit de la forêt, en contre-bas, mais chaque fois qu’ils avaient essayé de s’y rendre la lumière disparaissait soudain. Ils décidèrent alors de mettre le feu à cette partie de la forêt, pour découvrir le lieu élu de Dieu. En effet, après avoir détruit une grande étendue de forêt impénétrable, les flammes s’éteignirent devant un myrte qu’elles laissèrent intact, comme jadis le buisson de Moïse (cf. Exode 3, 2), et ils découvrirent dans ses branches une icône de la Mère de Dieu. Ils ramenèrent avec piété l’icône dans leur grotte. Mais, à plusieurs reprises, celle-ci disparut et alla se replacer d’elle-même dans les branches du myrte, montrant par ce signe que la Toute-Sainte avait choisi cet endroit pour être sa demeure. Les saints ascètes se transformèrent alors en constructeurs et édifièrent en ce lieu une modeste église dédiée à la Mère de Dieu.
Quelque temps plus tard, ils reçurent du Seigneur la révélation que Constantin Monomaque, exilé à Mytilène depuis 1035, allait bientôt être libéré et élevé à la dignité impériale. Nicétas et Jean se rendirent alors à Mytilène pour faire part de cette prophétie à l’éminent sénateur. Constantin ne porta pas créance aux paroles des saints, mais il leur témoigna sa vive admiration et leur promit d’édifier un vaste et somptueux monastère à l’endroit où l’icône avait été découverte, s’il obtenait la couronne, et il leur donna son anneau comme gage de sa promesse.

Peu après la destitution de Michel V le Calfat, l’impératrice Zoé, qui partageait le pouvoir avec sa sœur Théodora, fit libérer Constantin et l’épousa (juin 1042). Couronné aussitôt empereur, sous le nom de Constantin IX, le Monomaque s’empressa d’accomplir sa promesse et envoya à Chio des architectes, des artistes et des marbres multicolores pour y construire l’église, qu’il voulait splendide, à la gloire de la Reine du Monde.

À la mort de Constantin, douze ans plus tard (1055), la construction fut interrompue, mais l’impératrice Théodora, qui pour peu de temps assura de nouveau la succession, ordonna d’achever l’édifice et procura au monastère tout ce qui était nécessaire à la vie des moines. Elle confirma par un chrysobulle que le monastère resterait à perpétuité sous la seule autorité de l’empereur, indépendant de toute autre autorité ecclésiastique ou civile, et elle fonda de plus un monastère féminin aux environs, jouissant des mêmes privilèges, et que les saints Pères dirigèrent en toute sagesse.
Cependant, sous l’instigation du diable, après la mort de l’impératrice (1056), les administrateurs laïcs placés par elle, accusèrent les saints d’avoir agi de manière anticanonique, ils obtinrent leur exil et annexèrent les deux monastères au village voisin. Sous le règne d’Isaac Comnène (1057- 1059), justice leur fut rendue et l’empereur accorda au monastère un nouveau chrysobulle, garantissant son indépendance et ses ressources sur les biens de l’État. Les saints purent rentrer à Néa-Moni, où ils finirent leurs jours en paix. Saint Nicétas trouva le premier le repos, suivi de peu par ses compagnons. Un jour, des pirates sarrasins qui avaient investi le monastère, ayant été empêchés d’entrer dans l’église par une force divine, ravagèrent les marbres du narthex et détruisirent les sarcophages dans lesquels avaient été déposées les précieuses reliques des trois saints; mais une flamme en jaillit soudain et brûla sur place les barbares. [Après être resté pendant des siècles le haut-lieu spirituel de Chio, le monastère de Néa-Moni, victime des ravages causés par les Turcs à la suite de la révolution de 1821, fut en partie détruit lors d’un tremblement de terre, en 1881, mais les vestiges subsistant témoignent encore de la magnificence de cet édifice.]