”Saint Cosmas était natif d’un petit village d’Aitolie, Mega-Dendron, dans le diocèse d’Arta (vers 1714) [Patrie de S. Eugène, cf. 5 août]. Ses parents, des gens simples et pieux, l’éduquèrent dans la crainte de Dieu et l’amour des saintes Écritures. Vers l’âge de vingt ans, il se rendit sur la Sainte Montagne de l’Athos pour y étudier à l’Académie alors installée en dépendance du monastère de Vatopédi, où enseignait le célèbre Eugène Boulgaris. Mais les réactions provoquées par la fondation de cet établissement, qui transmettait l’esprit des Lumières au cœur de la citadelle de l’Orthodoxie, obligèrent bientôt Boulgaris et d’autres illustres professeurs à quitter l’Athos, et l’Académie tomba rapidement en déclin (1759). Ce fut pour le jeune Cosmas un signe de la Providence et, renonçant aux études, il s’engagea dans la vie monastique au monastère de Philothéou, où son zèle pour les combats ascétiques et sa piété le rendirent digne d’être ordonné prêtre peu après sa tonsure monastique. Depuis sa jeunesse, le bienheureux avait un grand désir de répandre la Parole de Dieu autour de lui, à tel point qu’il disait que le souci du salut de ses frères le dévorait comme le ver mange l’arbre de l’intérieur [Catéchèse I, 5-6]. En ces temps difficiles pour le peuple grec opprimé, l’ignorance des rudiments de la foi et de la culture chrétienne entraînait la négligence et la décadence des mœurs, de sorte que la prédication de l’Évangile s’imposait comme la tâche la plus urgente. Mais averti par l’enseignement des saints Pères, Cosmas ne voulait pas s’engager dans la vie apostolique de sa propre volonté. Désirant donc savoir si telle était la volonté de Dieu, il ouvrit un jour l’Écriture Sainte au hasard et tomba sur cette parole de l’Apôtre : « Que personne ne cherche son propre intérêt, mais celui d’autrui. » (I Cor. 10, 24). Ainsi éclairé par la Parole de Dieu et après avoir pris l’avis des pères spirituels de la Sainte Montagne, il se rendit à Constantinople pour y recevoir la permission du Patriarche Séraphim II (1757-1761) et prendre quelques leçons de rhétorique auprès de son frère, l’archimandrite Chrysanthos, qui devint ensuite directeur de l’Académie patriarcale puis de l’école de Naxos.
Le nouvel apôtre commença son œuvre de prédication dans les églises de la région de Constantinople, puis il poussa vers les régions occidentales de la Grèce : Naupacte, Brachori, Mesolongion et la Thessalie, et revint à Constantinople. Après s’être retiré quelque temps à l’Athos, il reçut du Patriarche Sophrone II (1774-1780) l’autorisation d’aller prêcher dans l’archipel des Cyclades, afin d’y consoler la population découragée par l’échec d’une tentative d’insurrection suscitée par la Russie (1775). De là il retourna faire une retraite dans les monastères, complétant ainsi dix-sept ans de séjour sur la Sainte Montagne. Mais son cœur, brûlant d’amour pour ses frères, ne le laissait pas en place. Il repartit donc pour Thessalonique, séjourna brièvement à Bérée et parcourut toute la Macédoine, rassemblant de grandes foules de fidèles qui l’écoutaient avec componction.
De Céphalonie, il se rendit dans l’île de Zakynthos puis à Corfou, et de là passa en Épire, où le christianisme se trouvait dans un état lamentable, afin de confirmer la foi orthodoxe dans le peuple et d’empêcher les conversions à l’Islam. Assisté par la grâce de Dieu, saint Cosmas fit des merveilles dans ces régions qui restent imprégnées jusqu’à nos jours des échos de sa prédication, et par ses exhortations il parvint à redresser les mœurs des chrétiens. Sa parole était simple, à la portée de tous, employant des images et des expressions empruntées à la vie quotidienne ; mais elle était aussi pleine de la douceur, de la paix et de la joie que seul le Saint- Esprit peut procurer. Elle avait la vertu de pénétrer d’emblée dans l’âme de ses auditeurs et d’être accueillie aussitôt avec enthousiasme comme l’expression de la volonté de Dieu. Comme aucune église ne pouvait contenir les foules qui se rassemblaient autour du nouvel apôtre, il prêchait en plein air, monté sur une estrade portable, auprès d’une grande croix qu’il avait fichée en terre et qui devenait, après son départ, une source de guérisons et de soulagement pour les maux corporels et spirituels. Il enseignait aux chrétiens à vivre selon les commandements du Christ et à observer le dimanche, jour du Seigneur, en laissant de côté leurs occupations pour se rendre à l’église et écouter la Parole de Dieu. Partout où il passait, il fondait des écoles — tâche qu’il considérait comme fondamentale — où l’on enseignait gratuitement le grec et les saintes Écritures [Comme il en témoigne lui-même dans une lettre à son frère, écrite quelques mois avant sa mort, il avait fondé 200 écoles primaires et dix écoles pour l’enseignement des lettres grecques].
Il persuadait les riches de consacrer leurs surplus à l’aumône, à la distribution de livres de piété, de croix et de chapelets, et les incitait aussi à offrir aux églises des baptistères pour le baptême des enfants.
Une foule de deux à trois mille fidèles le suivait partout, si bien que c’était une véritable armée du Christ qui se déplaçait dans toute l’Albanie à la suite du saint, qu’on regardait comme Énoch ou le Prophète Élie venu annoncer l’aurore d’un âge nouveau. Avant de commencer sa prédication, il célébrait les vêpres ou une paraclisis à la Mère de Dieu, puis, après avoir parlé, il laissait le soin aux quelques cinquante prêtres qui l’accompagnaient, de poursuivre son œuvre par la confession, la célébration de l’Office des saintes Huiles, la sainte Communion et la visite de chacun personnellement.
Bien que l’enseignement du saint n’eût aucune tendance polémique, mais se limitât à l’enseignement des vertus évangéliques, et qu’ayant comparu devant le pacha de Ioannina, il eût reçu de lui de grandes marques d’honneurs, certains Juifs, excités par la jalousie et furieux depuis que le saint avait fait déplacer le marché du dimanche au samedi, convainquirent le pacha de mettre fin à sa vie. Cosmas avait coutume, en arrivant dans un endroit où il désirait prêcher, d’aller d’abord demander personnellement la bénédiction de l’évêque du lieu, puis il envoyait quelques-uns de ses disciples solliciter l’autorisation des autorités civiles turques. Arrivé un jour près d’un village d’Albanie nommé Kolikontasi, il apprit que le pacha de la région, Kourt Pacha, séjournait non loin de là, à Bérati. Malgré les conseils de prudence de son entourage, le saint décida d’aller lui-même demander l’autorisation de prêcher au commissaire de la place qui lui apprit qu’il avait reçu l’ordre de le déférer devant Kourt Pacha. À ces mots saint Cosmas comprit que le moment était venu pour lui de couronner son œuvre par le martyre, et il rendit grâces au Christ de l’avoir jugé digne d’un tel honneur. Le lendemain, 24 août 1779, sept soldats l’escortèrent, sous prétexte de l’amener au pacha ; mais, après deux heures de route, ils s’arrêtèrent près du fleuve Paso et lui révélèrent que la sentence de son exécution avait déjà été prise.
Plein de joie et rendant grâces à Dieu, le saint bénit du signe de la Croix les quatre directions de l’espace et offrit une prière pour le salut de tous les chrétiens. Il refusa qu’on lui lie les mains, afin de les garder en croix, et c’est sans opposer la moindre résistance qu’il fut pendu à un arbre et qu’il remit glorieusement son âme à Dieu. Il était âgé de soixante-cinq ans.
Comme les chrétiens, qui s’étaient précipités pour recueillir dans leurs filets de pêche le corps du saint que ses bourreaux avaient jeté dans le fleuve, étaient restés bredouilles, trois jours après, un prêtre nommé Marc, s’étant armé de prière, découvrit la précieuse relique qui flottait sur les eaux, debout, comme si le saint était encore vivant. On le sortit de l’eau et, après l’avoir revêtu de ses vêtements monastiques, on l’enterra dignement. Et de très nombreux miracles s’accomplirent par la suite sur son tombeau et par l’intermédiaire de ses reliques. [Les reliques du saint ont échappé à la tourmente de l’athéisme en Albanie et se trouvent toujours dans l’église du monastère abandonné, comme germe de la résurrection de la foi dans ce pays.] En 1813, Ali Pacha de Ioannina, auquel saint Cosmas avait prédit son glorieux avenir, fit construire une église et un monastère auprès du tombeau et il offrit son crâne, dans un reliquaire en argent, à son épouse chrétienne, Basiliquie.
Saint Cosmas, dont la prédication a contribué de manière décisive au réveil de la foi fut aussitôt vénéré par le peuple comme nouvel apôtre et « prince des nouveaux-martyrs », mais son culte n’a été néanmoins officiellement reconnu qu’en 1961 par le Patriarcat Œcuménique.