”Saint Philippe avait si bien rempli ses fonctions de diacre, puis celles de prêtre, qu’il avait été élu unanimement évêque par les fidèles de l’église d’Héraclée en Thrace. Lorsque Dioclétien publia ses premiers édits de persécutions (303), le saint évêque refusa de quitter la ville et exhorta ses fidèles à s’offrir de bon gré aux tourments, avec l’assurance que le Christ leur procurerait la patience et les couronnerait dans son Royaume. Il était en train d’haranguer ainsi la foule, quand le chef des gardes, Aristomaque, survint de la part du gouverneur, avec l’ordre de fermer l’église et d’y apposer les scellés. « Homme crédule, lui déclara le saint, tu t’imagines que le Dieu tout-puissant est circonscrit dans des murs de pierre alors qu’il habite dans le cœur des hommes. »

Quelque temps après, l’évêque et ses fidèles s’étant réunis pour célébrer le Jour du Seigneur, ils furent arrêtés et amenés devant le juge Bassus. Comme le magistrat leur rappelait avec menaces que l’empereur avait interdit aux chrétiens de tenir leurs réunions cultuelles et qu’il avait ordonné à tous ses sujets de sacrifier aux idoles, Philippe lui répondit : « S’il te plait de nous faire souffrir, prends ce corps infirme, déchire-le comme tu le voudras, mais tu ne pourras t’attribuer aucun pouvoir sur notre âme. » Bassus les livra à la torture, et fit jeter au feu les saintes Écritures et les vases sacrés. À cette nouvelle, Philippe, encore tout ensanglanté, réconforta les fidèles, et comparaissant de nouveau au tribunal, il tourna en dérision le culte des idoles. Le juge éclata de colère et le renvoya en prison. Pendant le trajet, le saint vieillard, maltraité par ses gardes et roulant souvent à terre sous les coups, ne manifestait ni douleur ni indignation, et chantait même des psaumes. Au bout de quelques jours, on relâcha saint Philippe et ses compagnons, qui furent reçu dans la demeure d’un certain Pancrace, où la foule accourait de toutes parts pour jouir de leur enseignement.

Mais quand un nouveau juge, Justin, succéda à Bassus, il convoqua Philippe et lui ordonna de sacrifier aux idoles. Comme le vieillard résistait, Justin le fit attacher par les pieds et traîner à travers la ville. Les confesseurs restèrent ensuite enfermés sept mois dans des cachots infects, jusqu’à ce que Justin commandât de les conduire à Andrinople. Présenté au gouverneur qui le somma de sacrifier, le saint réitéra sa confession de foi, en disant qu’il n’adorerait que le Dieu éternel. Le juge le fit alors dépouiller de ses vêtements et le livra à la fustigation. Les verges avaient profondément lacéré tous ses membres et ses entrailles étaient mises à nu, et cependant l’athlète du Christ restait calme et impassible.

Lors d’une nouvelle comparution, trois jours plus tard, le saint déclara qu’il tenait sa témérité de sa foi au Dieu qui jugera les vivants et les morts. Il ajouta qu’il ne se révoltait pas contre l’autorité de l’empereur, et qu’il était prêt à lui obéir en tout ce qui ne portait pas préjudice à la foi. Puis il conclut en disant : « Mais aujourd’hui, il est temps de renoncer aux caresses du monde et de ravir le ciel en dédaignant la terre. » Se tournant vers Hermès, Justin essaya de le persuader que c’était à cause de sa vieillesse que l’évêque méprisait ainsi la vie, mais il le trouva tout aussi ardent et ferme dans sa résolution. À bout d’arguments, il décida donc que Philippe et Hermès seraient brûlés vifs, pour servir d’exemple à ceux qui oseraient se rebeller contre les lois de l’Empire. Les deux saints martyrs accueillirent joyeusement cette nouvelle, tandis que Sévère, resté en prison, priait le Seigneur d’avoir part, lui aussi, à la gloire de ses compagnons. On l’exécuta le lendemain, peu avant Philippe et Hermès qui, incapables de marcher après tant de tortures, furent portés jusqu’à la fosse où ils devaient être brûlés. Les bourreaux recouvrirent leurs pieds de terre, jusqu’aux genoux, et élevèrent le bûcher. Ils étaient encore à l’ouvrage, quand Hermès héla un des frères qui se trouvait dans la foule et lui demanda d’aller porter ses dernières volontés à son fils. Les bourreaux lui lièrent alors les mains derrière le dos et mirent le feu au bûcher. Au milieu des flammes crépitantes, on pouvait entendre les martyrs chanter des cantiques ; et quand leurs forces furent épuisées, ils prononcèrent l’Amen, annonçant que tout était consommé et qu’ils étaient parvenus à la perfection de la vie chrétienne. On trouva le corps de saint Philippe, les bras étendus, comme s’il se trouvait encore en prière, quant au bienheureux Hermès, son visage était resté intact. Furieux de constater ces merveilles, Justin fit jeter dans l’Hébros leurs dépouilles, que les fidèles d’Andrinople recueillirent ensuite dans leurs filets. Ils cachèrent les saintes reliques dans une localité voisine d’Héraclée, où les miracles se multiplièrent, encourageant ainsi les chrétiens de cette région à endurer tous les tourments et à se tendre avec ardeur vers les biens incorruptibles du Royaume des Cieux.