”Au temps de saint Constantin le Grand, alors que les moines commençaient à répandre jusqu’aux extrémités du monde la philosophie céleste de la vie au désert, régnait aux Indes un souverain puissant, Abenner, qui était endurci dans l’idolâtrie et portait les chrétiens en grande haine. [Le texte précise que les Indes étaient le nom donné alors à l’Éthiopie. Mais comme on connaît l’histoire de la conversion de ce royaume par S. Frumence (cf. 30 nov.), il vaut mieux garder à ce terme son imprécision.] Lorsqu’un de ses favoris devint moine, il entra dans une terrible fureur et fit persécuter sans merci tous les moines de son royaume. Étant resté de longues années sans progéniture, Dieu — qui ne fait pas acception des personnes — lui accorda un fils, qu’il nomma Joasaph, dont la beauté et l’intelligence surpassaient tous ce qu’on pouvait alors rencontrer. À l’occasion de cette naissance, le roi organisa un sacrifice solennel, auquel furent conviés les devins et astrologues de son royaume, pour prédire l’avenir du prince. Alors que tous se répandaient en flatteries, l’un d’eux annonça au roi que son fils était appelé à devenir le plus sage et le plus glorieux des souverains, et qu’il convertirait son royaume au christianisme. Voulant empêcher la réalisation de cette prédiction, le roi fit construire dans une région éloignée un palais somptueux, pourvu de tout le luxe imaginable, et il y fit élever son fils, entouré de beaux jeunes gens, qui avaient reçu l’ordre de ne jamais parler de pauvreté, de maladie et de tristesse.

Le roi voulait que son fils ne connût rien des malheurs de la nature humaine, et il lui assigna de savants précepteurs chargés de l’instruire dans toutes les sciences, mais avec l’interdiction formelle d’évoquer devant lui la religion des chrétiens. Toutes ces précautions ne purent cependant vaincre les bonnes dispositions naturelles du prince. Ayant grandi dans le luxe et les vains plaisirs, il commença à s’ennuyer et demandait à ses maîtres la raison de sa réclusion. Comme il pressait son père de le laisser sortir, le roi finit par consentir, mais il ordonna au préalable d’écarter de son passage tout spectacle pouvant rappeler les afflictions de cette vie. Ces sorties se renouvelant, le jeune prince vit un jour un infirme et un aveugle, qui avaient échappé à la vigilance des serviteurs. L’enfant commença aussitôt à interroger son précepteur sur la raison de ces maux. Quelques jours plus tard, il remarqua un vieillard décrépi, et surpris, il posa de nouvelles questions. Apprenant que la vieillesse et la mort sont le lot de tout homme, il se mit à gémir en disant : « Combien cette vie est-elle donc amère, pleine de peines et d’angoisses! Comment peut-on rester sans soucis en attendant la mort, dont la date est incertaine mais le décret inexorable? » Il fut dès lors saisi d’une grande tristesse et, se détournant de tous les plaisirs, il méditait sans cesse sur le mystère de la mort, qu’on avait vainement essayé de lui cacher.

Il se demandait s’il y avait une autre vie, au-delà de cette barrière redoutable et s’enquit, auprès de son tuteur, de l’existence d’un sage qui serait capable de l’instruire sur de tels mystères. Son maître lui répondit que les moines s’occupaient à philosopher continuellement sur ces questions, mais que persécutés par son père, ils avaient disparu du royaume. C’est alors que Dieu — qui veut que tout homme soit sauvé et parvienne à la connaissance de la Vérité — révéla à un saint ascète, nommé Barlaam, qui demeurait dans le lointain désert de Sénaar, de quitter sa retraite pour aller instruire le prince. Sous l’apparence d’un marchand, Barlaam arriva au palais et demanda à montrer à Joasaph une pierre précieuse qui avait le pouvoir d’accomplir des miracles. Introduit auprès du prince, il lui dit que pour être jugé digne de contempler son trésor, il faut être pur d’âme et de corps, et il lui promit que s’il suivait son enseignement, il deviendrait lumière dans l’éclat de cette pierre et qu’il produirait des fruits au centuple. Il lui exposa alors toute la doctrine chrétienne, en usant de paraboles attrayantes.

L’âme de Joasaph, qui était déjà préparée à recevoir la lumière de la vérité par ses dispositions naturelles et ses saines méditations, fut alors illuminée d’une divine assurance. Il reconnut que la pierre précieuse promise par l’Ancien était la foi en Notre Seigneur Jésus-Christ et se jetant en pleurs aux pieds de Barlaam, il lui demanda comment être sauvé et jouir de la félicité des élus, qu’il venait de lui décrire. Après lui avoir montré de nouveau la fausseté de l’idolâtrie, Barlaam lui donna des prescriptions pour échapper aux pièges des fables païennes. Ayant rejeté de tout son cœur l’idolâtrie et l’attachement aux vanités de cette vie, Joasaph confessa son désir de recevoir le saint Baptême et de vivre désormais comme un vrai serviteur de Dieu. L’Ancien l’instruisit alors sur la conduite que les chrétiens doivent mener pour garder la grâce et la faire fructifier. « Après le Baptême, dit-il, le sceau de la perfection c’est le « baptême du sang », que rien ne peut souiller. Les martyrs sont la gloire de l’Église, mais tous ceux qui s’efforcent de garder les commandements de Dieu et de progresser dans la pratique des vertus, par le renoncement et la retraite au désert, peuvent devenir de manière semblable « martyrs par l’intention », et sont appelés à rivaliser avec les anges par leurs veilles et leurs prières continuelles ». Comme Joasaph l’assaillait de nouvelles questions sur la vie des moines au désert, l’Ancien lui montra l’Habit monastique qu’il portait sous son déguisement et lui laissa voir sa chair desséchée par les mortifications et brûlée par le soleil.

Il lui révéla en outre qu’il était seul à mener ce genre de vie dans le désert lointain, à cause de la persécution menée par ordre de son père contre les moines. Mais, déjà transféré dans l’autre monde par sa disposition intérieure, il ne craignait ni les menaces ni la mort, c’est pourquoi il était venu sans crainte lui enseigner la Bonne Nouvelle. Rempli d’une sainte ardeur Joasaph s’écria : « Fais sortir de prison mon âme et emmène-moi avec toi là où, délivré de toutes les vanités de ce monde, je pourrai recevoir le divin Baptême et suivre sous ta direction cette merveilleuse philosophie. » L’Ancien lui répondit que s’il l’emmenait avec lui, il serait bientôt rattrapé par les envoyés du roi, qui massacreraient tous les habitants du désert. Il lui recommanda donc de rester dans son palais, en observant les commandements de Dieu, afin de devenir cause de salut pour ses proches. Après l’avoir convenablement préparé par un enseignement détaillé sur les saints dogmes, Barlaam baptisa Joasaph dans la piscine qui se trouvait au milieu du jardin du palais et, de retour dans sa chambre, il célébra la divine Liturgie. Puis, se préparant à prendre congé, l’Ancien, qui avait refusé tous les présents proposés par son disciple, lui prodigua ses ultimes conseils pour progresser vers la perfection : « Renouvelle-toi chaque jour dans la justice, la sainteté et la vérité. L’acquisition des vertus est aisée, même si cette voie semble étroite et resserrée pour le corps. Efforce-toi de présenter en permanence ton âme immaculée devant Dieu, en veillant sur toute pensée et en évitant d’acquérir des mauvaises habitudes qui, par la négligence dans les petites choses, insinueront en toi les passions. » Et après de touchants adieux, il retourna au désert, en laissant à Joasaph sa tunique de crin comme bénédiction et protection dans les épreuves qu’il allait affronter.

Zardan, le précepteur du prince, ayant remarqué les fréquentes allées et venues de Barlaam, avait cru qu’il était de son devoir d’en informer le roi. Dès qu’il apprit la conversion de son fils, Abenner, hors de lui, envoya son conseiller Arachès à la poursuite de Barlaam. Celui-ci parvint au désert de Sénaar et arrêta un groupe de dix-sept moines qu’il envoya au roi. Comme ces vaillants confesseurs condamnaient Abenner pour sa folie idolâtre et son iniquité envers ses sujets, ils furent livrés à la torture. On leur arracha la langue et les yeux, on leur trancha les mains et les pieds, et finalement ils reçurent la couronne du martyre sans avoir révélé où se trouvait Barlaam.
Ayant échoué, Arachès fit convoquer Nachor, un astrologue qui ressemblait fort à Barlaam. Le roi, qui avait vainement essayé de convaincre son fils de se soumettre à son autorité paternelle, organisa alors une grande réunion, en présence de Joasaph, au cours de laquelle le faux Barlaam avait reçu l’ordre de se laisser vaincre par les arguments des sages païens. Cependant le prince, averti par Dieu de la supercherie, menaça Nachor des pires supplices s’il était battu. Ne sachant donc à quel parti se rallier, ce dernier décida de confesser la foi chrétienne et, inspiré par la Grâce, il fit alors une si brillante apologie du christianisme que les sages et les rhéteurs en restèrent sans voix, incapables de lui opposer un quelconque argument. [Le discours qui est mis dans la bouche de Nachor est l’Apologie d’Aristide d’Athènes, écrivain du IIe s., qui n’a pas été autrement conservée.] À l’issue de la réunion, Joasaph prit Nachor à part, lui reprocha son imposture, mais le loua pour sa brillante défense de la foi, si bien que l’astrologue, convaincu par ses arguments, alla se faire baptiser par un moine au désert et embrassa ensuite une vie de repentir.

Entre temps, le roi furieux avait fait châtier ses rhéteurs et, commençant à douter de la puissance des faux dieux, il négligeait de se rendre aux fêtes et aux sacrifices organisés en leur honneur. Les prêtres des idoles, inquiets de voir le roi dans cet état, sollicitèrent l’aide d’un sorcier redoutable, qui demeurait dans une antre du désert, Théudas. Comme le roi lui racontait l’échec des rhéteurs, celui- ci lui promit de le faire triompher avec l’aide de ses pouvoirs magiques et des démons qu’il avait amenés à sa suite. Il proposa à Abenner de remplacer les serviteurs de Joasaph par de jolies jeunes filles qui déploieraient tous leurs charmes pour l’attirer dans les rets de la volupté, tandis qu’il ferait quant à lui des incantations. Violemment assailli par les tentations charnelles, le chaste Joasaph luttait avec acharnement : repoussant le feu de la concupiscence par celui du désir de Dieu, et mortifiant sa chair par le jeûne et la prière. Comme il se montrait inébranlable, Théudas lui envoya une princesse étrangère d’une grande beauté, qui était captive dans le royaume d’Abenner. Joasaph s’efforça de l’instruire sur la foi, et elle lui promit de se convertir à la condition qu’il accepte de passer une seule nuit avec elle. Pris à l’hameçon du désir, pernicieusement caché par le souci du salut de cette âme, le prince était prêt à chanceler ; mais il eut alors une vision lui montrant les tourments éternels des pécheurs et la béatitude des justes, et il put ainsi échapper à la tentation. Il tomba toutefois malade à la suite de cette épreuve et, assailli par les démons, il les repoussait par le signe de la Croix et l’invocation du Nom du Sauveur. Au roi qui était venu lui rendre visite, il dénonça l’iniquité de Théudas et déclara que rien ne pourrait le faire fléchir ni le faire retourner au culte des idoles, qui ne sont que les images idéalisées des passions humaines. Il confessa sa foi avec une telle véhémence que le magicien Théudas, convaincu d’impuissance, s’écria à haute voix devant le roi : « Oui, Majesté, c’est l’Esprit de Dieu qui habite en ton fils! » Et il se tourna vers Joasaph pour lui demander si le Christ accepterait de lui pardonner. Sur la recommandation du prince, il brûla ses livres de magie et fut baptisé.

Lors d’une nouvelle assemblée du sénat, Arachès conseilla au roi, puisque toutes les entreprises avaient échoué et que le christianisme risquait de se répandre, de céder à son fils la moitié de son royaume, dans l’espoir que les soucis du gouvernement le détourneraient de la piété. La proposition acceptée, on divisa en deux le royaume et Joasaph fut intronisé dans une grande ville. Il ordonna aussitôt de placer la croix sur tous les bâtiments publics et fit construire une église au centre de sa capitale. Loin de se laisser détourner de sa sainte résolution par l’ivresse du pouvoir et les vains plaisirs, il se montrait humble et doux, redoublait de piété et exhortait continuellement ses sujets à l’imiter. Il œuvra de telle manière qu’en peu de temps tout le royaume devint chrétien. Les prêtres, les moines et les évêques qui s’étaient cachés durant la persécution d’Abenner y furent accueillis avec des marques d’honneurs, et le royaume prospéra grandement. Ces succès contribuèrent à répandre au loin la réputation de Joasaph et nombreux étaient ceux qui quittaient le royaume d’Abenner pour s’installer dans celui de son fils. Abattu par ces défaites successives, Abenner écrivit finalement une lettre à Joasaph, dans laquelle il reconnaissait que son fils détenait la vérité, tandis que son âme était recouverte par la fumée de passions qui l’empêchait de reconnaître la vraie lumière. C’est pourquoi il lui demandait humblement de lui pardonner et de lui montrer la voie du salut. À la lecture de cette lettre, Joasaph glorifia Dieu et se rendit au palais de son père avec une brillante escorte. Enfin disposé à entendre l’enseignement de son fils, Abenner rejeta définitivement le culte des idoles et confessa le Christ comme seul Sauveur, et il vénéra la sainte croix en présence de toute sa cour qui s’écria : « Grand est le Dieu des chrétiens! ». Animé d’un zèle divin, il renversa les idoles qui se trouvaient dans le palais et fit ériger une église à la place du temple principal de sa capitale. L’évêque du royaume de Joasaph vint catéchiser le roi et le baptisa. À la suite de cette conversion du monarque le peuple embrassa aussi la foi et son royaume se couvrit d’églises.

Abenner ne ressentait plus aucun appétit pour le pouvoir et désirait mener une vie de repentir, c’est pourquoi il abdiqua au profit de son fils et, recouvrant sa tête de cendre et baignant son visage de larmes, il vécut dès lors seul, devant Dieu qui est partout présent. Son zèle était tel qu’il n’osait même pas prononcer le Nom de Dieu, jusqu’à ce que Joasaph le corrige sur ce point. Ayant ainsi mené une vie d’un extrême repentir pendant quatre ans, il remit son âme à Dieu, en Lui rendant grâce d’avoir fait de son fils son père selon l’esprit.
Joasaph resta sept jours en prière auprès de la tombe de son père, puis il distribua tous ses biens, afin de n’être pas empêché de poursuivre sa marche sur la voie étroite qui mène au Royaume de Dieu. Le quarantième jour, il convoqua une grande assemblée des notables des deux royaumes réunis, et leur annonça qu’après avoir accompli son devoir à leur égard en leur faisant connaître le Christ, il avait résolu de renoncer au pouvoir pour vivre dans l’hésychia auprès de son père spirituel. Comme le peuple protestait, en criant d’une seule voix de ne pas les laisser orphelins, Joasaph essaya de s’échapper de nuit ; mais dès que la nouvelle se fut répandue, à l’aube, tous partirent à sa recherche. On le découvrit dans un ravin, en train de réciter les prières de la sixième heure, et il se vit contraint de rentrer au palais. Il confirma cependant par serment sa décision et, se saisissant de son fidèle conseiller Barachias, qui avait déjà préalablement refusé de lui succéder, il plaça d’autorité la couronne sur sa tête. Ayant dûment enseigné son successeur sur les devoirs du souverain chrétien, Joasaph fit ses adieux au peuple et promit de lui rester uni dans la prière.

Fuyant comme le passereau délivré des filets de l’oiseleur, et se réjouissant comme s’il sortait d’un long exil, le saint fit don de ses riches brocarts à un pauvre homme, et c’est vêtu de la tunique de crin de son père spirituel qu’il gagna le désert de Sénaar, où il séjourna deux ans, en quête de Barlaam. Tout entier tendu en avant dans une divine sortie de lui-même, se nourrissant d’herbes sauvages et tourmenté par la soif, il menait un combat sans relâche contre les pensées suscitées par les démons, les souvenirs du monde, la crainte de l’ascèse et de la maladie, les apparitions monstrueuses. Mais animé de l’amour qui chasse la crainte, il se réjouissait de compléter en son corps ce qui manque aux souffrances du Christ (cf. Col. 1, 24). À l’issue de ces épreuves, il rencontra un ermite qui le mena enfin auprès de Barlaam. Après d’émouvantes retrouvailles, Joasaph lui raconta comment la grâce de Dieu avait œuvré pour la conversion de son père et de son royaume. Il passa ensuite plusieurs années en compagnie de l’Ancien, qui acheva de l’initier à la science spirituelle. Joasaph avait si vite et si bien soumis la chair à l’esprit, qu’il priait sans cesse et passait ses jours et ses nuits dans la contemplation, faisant l’admiration de Barlaam à qui soixante ans passés dans le désert avaient tout juste suffi pour atteindre une telle perfection.

Quand vint le temps pour l’Ancien de partir vers le Seigneur, il exhorta une dernière fois son cher disciple à persévérer jusqu’à la fin de ses jours en ce lieu, progressant de jour en jour dans la voie royale de l’ascèse menée avec science. Comme Joasaph déclarait qu’il ne supporterait pas la séparation et souhaitait mourir avec lui, Barlaam lui interdit de se révolter contre le dessein de Dieu et lui dit qu’il avait reçu la révélation qu’il convenait pour lui de supporter encore quelque temps le fardeau de la chair, avant d’entrer dans la joie de son Seigneur et de remporter une couronne d’autant plus brillante. Ayant célébré une dernière fois le sacrifice non-sanglant, Barlaam rendit avec joie son âme à Dieu. Il était âgé de presque cent ans, et avait passé près de soixante-quinze ans dans l’ascèse. Joasaph lava le corps de son père spirituel avec ses larmes et, l’ayant revêtu de la tunique de crin qu’il lui avait jadis offerte, il l’ensevelit près de la grotte. Après avoir beaucoup pleuré et prié, il fut pris d’un léger sommeil, et vit en songe une cité glorieuse réservée aux justes, au milieu de laquelle brillaient deux couronnes. Les anges qui le conduisaient lui expliquèrent que l’une d’elles lui était destinée, à cause du grand nombre d’âmes qu’il avait sauvées, et que l’autre, non moins resplendissante, avait été donnée à Abenner pour son ardente quoique brève pénitence. Comme il s’étonnait d’apprendre qu’en si peu de temps son père avait atteint la même mesure que lui, Barlaam lui apparut et lui révéla que Dieu nous jugera selon l’état dans lequel il nous trouvera lors de notre fin. C’est pourquoi il renouvela ses exhortations à la persévérance dans les combats de l’ascèse, jusqu’à ce que vienne pour lui le moment d’être rappelé auprès de l’Époux bien-aimé. Progressant ainsi dans toutes les vertus de la vie angélique, vivant dans le Christ ou le Christ vivant plutôt en lui, le bienheureux Joasaph passa en tout trente-cinq ans au désert.

Après avoir été l’apôtre de son peuple, il se faisait martyr par l’intention dans le secret du désert, avec les anges et les saints pour témoins de ses combats. Il contemplait les réalités futures comme déjà présentes, et c’est avec hâte qu’il acheva cette course terrestre pour retrouver le Christ dans la Terre des vivants. Son corps fut enseveli dans la même tombe que Barlaam par l’ascète qui lui avait jadis indiqué où se trouvait sa grotte. Sur l’ordre d’un ange, ce dernier alla ensuite informer le roi Barachias de la mort de Barlaam et de Joasaph. Le roi se rendit sans retard dans le lointain désert et, ayant fait ouvrir le tombeau, il découvrit les corps des deux ascètes incorrompus et dégageant un suave parfum. Ils furent transférés dans la cathédrale du royaume, où ils accomplirent quantité de miracles pour le peuple qui les vénérait avec ferveur.