”Bien peu d’informations ont été conservées sur la vie de ce saint ascète. Moine dans un monastère cénobitique de Carpathos, petite île de l’archipel des Sporades située entre la Crète et Rhodes, il devint ensuite évêque de l’île et participa au Sixième Concile Œcuméniques (680). Sa mémoire a été cependant conservée fidèlement dans la conscience des chrétiens du lieu qui peignirent son icône sur les murs de leurs églises. Il est surtout connu pour un traité ascétique, inséré dans la Philocalie : Les Chapitres de consolation adressés aux moines des Indes (Éthiopie) [Traduction française dans Philocalie des Pères Neptiques, tome 3, Abbaye de Belle-fontaine, 1981. On a récemment retrouvé une autre œuvre de lui : les Cent Chapitres Théologiques et Gnostiques.]. Rédigeant ce traité à l’intention de moines qui étaient tentés d’abandonner la vie monastique, le saint les exhorte à la persévérance et au repentir, à l’aide d’abondantes citations de l’Écriture et de magnifiques images empruntées à la nature.

À ceux qui, fléchissant sous le poids des tentations, étaient portés à envier la vie des laïques qui semblent échapper aux épreuves et jouir des biens de cette vie, il répondit : « Sache, bien-aimé, que Satan n’a que faire de tenter ceux qui se tentent eux-mêmes et sont toujours à ramper sur la terre dans les choses de cette vie. Sache encore que les récompenses et les couronnes sont réservées à ceux qu’éprouve la tentation, non à ceux qui ne se soucient pas de Dieu… Le grand Médecin de ceux qui souffrent est proche. Il a pris sur lui nos maladies. Il nous a guéris, et Il nous guérit par sa meurtrissure. Je le dis sans nul esprit de contradiction : les moines sont plus élevés que les rois qui portent des diadèmes sur leur tête, et ils sont plus lumineux et plus glorieux, car ils sont toujours auprès de Dieu » [Discours ascétique complétant la Centurie].

Ce sont ceux qui s’appliquent le plus fortement à la prière et au combat spirituel qui seront affligés des plus grandes épreuves et seront tentés de considérer que Dieu les abandonne [Centurie 38, 41] « Quand bien même il t’arriverait dix mille fois de tomber, dix mille fois refais ce geste : relève-toi. Jusqu’à ta mort » [Idem 83]. Les tentations, et même les chutes, sont un frein à la présomption [Idem 62]. Il est bon que le moine apprenne ainsi ce qu’est la faiblesse de notre nature et éprouve l’éloignement de Dieu, qui est la maladie du diable et de ses suppôts [Idem 75]. Il devra alors seulement se rappeler que c’est une grande chose d’être appelé chrétien et enfant de Dieu [Idem 44]. Et s’il persévère dans la supplication et l’espérance avec l’insouciance de l’araignée, vil insecte auquel la Providence procure pourtant tout ce dont il a besoin, il obtiendra non seulement la rémission de ses péchés mais aussi les grâces célestes, et il revêtira dès cette vie le vêtement incorruptible de l’impassibilité[Idem 42, 47].
À ceux qui se découragent devant l’impuissance de leurs efforts ascétiques pour vaincre les passions, il écrit : « Si les pensées qu’engendrent la faiblesse et la misère de votre nature vous chassent de la ville où règne le jeûne, fuyez vers l’autre (cf. Mat. 10, 23), c’est-à-dire vers la prière et l’action de grâce » [Idem 68].

Il les détourne aussi de la tentation des études profanes et témoigne de la conversion de la philosophie hellénique à la sagesse selon le Christ [Idem 13], que l’on obtient par le jeûne et la prière. La tâche du moine consiste donc à engager, avec humilité mais résolution, une lutte continuelle contre ses propres pensées, « en faisant violence à leur violence » [Idem 50], afin de purifier la partie inférieure de son âme et de restaurer son intellect (nouv) dans sa santé et sa beauté naturelles. Demeurant ainsi dans sa propre Jérusalem, et faisant brûler continuellement le feu des prières et des saintes méditations sur l’autel de son cœur, il sera alors disposé à recevoir un jour, de manière soudaine, l’Esprit Saint qui, le couvrant de sa force, lui fera contempler les réalités du Royaume éternel.